En 1923, l’état de délabrement de la mairie du 5e arrondissement indigne les édiles locaux [1], et ne laisse pas d’autre choix qu’une restructuration complète. Pour maintenir l’harmonie de la place du Panthéon, une rénovation ambitieuse est lancée (1923-1932), commençant par les extensions sur rues, et se terminant par la façade sur la place, seule partie de l’édifice originel conservé dans le projet.
Malgré des retards de chantier, les travaux sont une réussite remarquée par la critique. « La plus luxueuse “maison du peuple” de la capitale [2] » dispose d’un escalier d’honneur monumental semi-circulaire qui mène à la galerie desservant la salle des fêtes. L’architecte Patouillard-Demoriane, grand prix de Rome, dessine une vaste salle architecturée prenant jour des deux côtés et bordée par une grande tribune longitudinale. Il fait appel aux meilleurs artistes du temps pour la décoration, vers 1930. Le peintre Gustave-Louis Jaulmes, qui travaille alors aussi à la salle des fêtes de la mairie d’Arras, réalise les décorations murales. Le fond de scène rend « hommage à la pensée française [3] » : « deux panneaux latéraux réunissent autour des statues de l’art et de la science des groupes […] lisant et étudiant dans des bosquets d’arrangements classiques [4] ». Au centre, une allégorie des lettres, des sciences et du droit, représentés par des figures féminines, véritable ode à la jeunesse, est surmontée d’une petite tribune d’orchestre. Jaulmes agrémente également la voûte d’arabesques dorées. Jacques-Émile Ruhlmann, qui s’est déjà distingué dans le théâtre de la Michodière et la salle des fêtes de l’hôtel Potocki, complète cet ensemble avec les staffs de la salle et le mobilier [5]. Raymond Subes accorde ses ferronneries, symboliques, entourées de motifs végétaux stylisés, à l’ensemble. La salle des fêtes n’est séparée que par une porte vitrée de la salle des mariages, et « form[e] avec elle un très bel ensemble de réception [6] » flexible, les tribunes en surplomb créant une loggia permettent de placer « un petit orchestre pour les bals [7] ».
L’architecte a reçu pour cette œuvre le prix Bailly de l’Académie des beaux-arts en 1933. L’ensemble, remarquable, a conservé les attraits de son état d’origine.
[1] L’ÉCHEVIN [pseudonyme], « À l’hôtel de ville – On va enfin reconstruire la Mairie du Panthéon », Le Siècle, 23 septembre 1923.
[2] « Bloc-notes – Rajeunissement », Excelsior. Paris, 25 octobre 1926.
[3] DARRAS, Pierre-Adrien et MARTELOFF [direction des services d’architecture et des promenades], Sans titre [correspondance], Paris, 1er avril 1930, in Archives départementales de Paris, fonds de la direction des Beaux-Arts et de l’Architecture, cote VR 561.
[4] Ibid.
[5] Ibid. Voir l’article « Décors spectaculaires et théâtralité des espaces : Ruhlmann, un maître de la mise en scène », p. X de cet ouvrage.
[6] LOUVET, Albert, « La reconstruction de la mairie du 5e arrondissement », L’Architecture, octobre 1935, p. 366.
[7] Ibid.
Pensionnaire de l’Académie de France à Rome entre 1896 et 1900, René Patouillard-Demoriane est architecte de la Ville de Paris et inspecteur général des bâtiments civils et palais nationaux. Architecte de l'Institut national agronomique (Paris, 5e) il prolonge en 1910 l'aile sur la rue Claude-Bernard d'un corps de bâtiment formant retour sur le jardin ; en 1925-1929, il construit un grand bâtiment sur la rue de l'Arbalète, et en 1934 projette deux nouvelles constructions qui sont terminées par son successeur. Il participe à la reconstruction des régions dévastées au lendemain de la Première Guerre mondiale.