Le philanthrope Ferdinand Boire, fondateur de l’association L’Avenir du prolétariat, impose dans les années 1900 sa structure de prévoyance comme une des plus importantes de la région parisienne[1]. Constatant l’absence d’un lieu de réunion pour les différentes associations mutualistes[2], il fait ériger au cœur de la capitale, sur un terrain de 3 000 m2, un vaste complexe de salles de réunion et de fêtes.
L’inauguration, le 21 décembre 1912, met en évidence son cadre exceptionnel. La direction souhaite en effet marquer le prestige de son association. Pour ce faire, elle a confié le chantier à Bernard-Gabriel Belesta, dont le projet de théâtre à Amiens de 1908 a été remarqué par la presse.
Une fois franchie la porte d'entrée en façade, un vaste vestibule conduit à une première grande salle, précédée de l’escalier d’honneur. Traité dans un registre néo-classique luxueux, il affiche les monogrammes de l’Avenir du prolétariat. L’étage noble abrite le point d’orgue de l’ensemble, une immense salle des fêtes de 13,5 par 32 mètres, ceinte de promenoirs, « réservée aux soirées dansantes, musicales, conférences ou séances de projection[3] ». La scène comprenant « décors, frises, herses, rampes, écran, etc., pour permettre d’y donner des représentations théâtrales, cinématographiques[4] » permet d’offrir des spectacles variés. Si les baies latérales donnant sur cour, auxquelles répondaient des miroirs, n’existent plus, les ouvertures zénithales, toujours présentes, garantissent une grande luminosité. Une décoration peinte par le décorateur Paul Hannotin (aujourd’hui disparue), représentant des treillages végétaux, complétait les ferronneries et les motifs en stuc du cadre de scène toujours en place. Se succédant en enfilade, d’autres salles complètent cet ensemble.
Après avoir accueilli de nombreux meetings politiques, spectacles et expositions, le lieu devient vers 1927-1928 un cinéma de deux salles, appelé Palais des Arts. Reconverti à plusieurs reprises, il est acquis par la maison de couture Jean-Paul Gaultier en 2004. Pour le chantier de rénovation elle mandate Alain Moatti et Henri Rivière[5], dont le projet concilie ancien et contemporain, redonnant à cette salle tout son faste, désormais magnifique écrin des défilés du célèbre couturier.
[1] Les chiffres concernant l’association sont donnés dans les articles de presse évoquant l’inauguration, comme dans « L’Avenir du Prolétariat », Le Journal, 16 décembre 1912 : la société « compte deux millions d’adhérents, répartis en 1 200 comités en France et dans les colonies, et qui a réuni un capital de vingt-huit millions [de francs] ».
[2] Voir par exemple HEBRARD, Jean, « Paris aura-t-il sa Maison de la Mutualité ? », Le Journal, 12 février 1911.
[3] LAFOLLYE, Paul, op. cit., p. 122.
[4] LAFOLLYE, Paul, op. cit., p. 123.
[5] Voir par exemple « Ni tout à fait la même. Maison de couture Jean-Paul Gaultier », Techniques et Architecture, décembre 2004-janvier 2005, p. 60-63 ou encore « Siège du groupe Jean-Paul Gaultier, Paris 3e », Le Moniteur architecture A.M.C., octobre 2004, p. 72-75.