L’ancien théâtre de Fontainebleau de 1811, situé à l’angle des rues d’Avon et Marrier, était au tournant du 20e siècle vétuste et non conforme aux mesures de sécurité. Il ferme en 1904[1] et est détruit en janvier 1905. La mairie envisage alors la construction d’une autre salle près du château : soucieuse de satisfaire l’accès à la culture de la population locale tout en se préoccupant du développement économique de la ville, site de villégiature couru, elle choisit un parti hybride original[2]. Autrement dit, une salle de spectacle indépendante, en fonction toute la saison théâtrale, comprenant des annexes et extérieurs permettant des attractions estivales.
Les architectes parisiens Lucas et Marion remportent le concours lancé en 1905. Les études complémentaires demandées ont traîné en longueur et le chantier, long de deux ans, n’est achevé qu’en 1912. Une vaste terrasse surélevée ouverte sur le palais forme l’accès principal au théâtre et à la salle des fêtes, implantée en aile (en bordure de parcelle). Les façades d’ensemble en brique et en pierre, monumentales, reprennent tout un vocabulaire classique : pilastres ioniques, chutes de feuillages, cartouches, groupes sculptés en couronnement. Elles n’ont pourtant pas bénéficié de l’opulence du projet initial (vantaux de portes en ferronneries ; sculptures des tables et écoinçons[3]…). Les architectes ont cependant arboré sur le couronnement du théâtre les armes de la ville, afin de dissimuler la toiture aux passants[4].
Le vestibule articule ici le complexe : il comprend une large ouverture pouvant être fermée au besoin, séparant alors la salle des fêtes et le théâtre[5]. Seul le « buffet » (bar), initialement conçu comme un jardin d’hiver, est commun aux deux parties. Un escalier tournant à trois volées mène au foyer, à l’étage. La salle à l’italienne de 700 places déploie un décor stuqué néo-classique d’André Vermare, sculpteur reconnu pour ses monuments commémoratifs et son œuvre religieuse, assisté ici de la Société ouvrière de Paris. Ventilée naturellement par un lanterneau central, elle présente des balcons suspendus sans points d’appui : c’est une des premières à employer le béton armé[6]. Le rideau couleur « feuille morte[7] » a été réalisé par Léon Duvergée, également auteur de la machinerie et des décors initiaux de scène.
Vermare a aussi collaboré aux stucs élaborés de la salle des fêtes. L’extension du foyer la reliant au bar présente une œuvre offerte par Paul Tavernier, peintre et figure emblématique de la ville, Louis XV à la Chasse, exposée au Salon de la Société des artistes français en 1912.
Après avoir été rénové en 1950 et brièvement converti en cinéma, le théâtre, fermé en 1998 faute de répondre aux normes, a été restauré entre 2002 et 2005. Igor Hilbert et Claude Jeffroy ont repris suivant le projet de Lucas et Marion les loges et le parterre, tout en modernisant l’équipement de l'espace[8], l’un des rares exemplaires de salle à l’italienne hors de Paris. Cet établissement remarquable est inscrit aux monuments historiques depuis 1991.
[1] « Les Anciennes salles de théâtre de Fontainebleau », L’Abeille de Fontainebleau, 15 mars 1912.
[2] « Le nouveau théâtre », L’Abeille de Fontainebleau, 27 janvier 1905.
[3] Voir LEFEVRE, Charles, op. cit., pl. 74.
[4] « Au nouveau théâtre », L’Abeille de Fontainebleau, 19 janvier 1912.
[5] Condition stipulée lors du concours : « Le nouveau théâtre », op. cit.
[6] Concours : Théâtre municipal, rue Dénecourt, Fontainebleau (Seine-et-Marne), s.l., 1909 in Institut français d’Architecture, fonds des bétons Hennebique, cote 076 Ifa.
[7] « Au nouveau théâtre », L’Abeille de Fontainebleau, 15 février 1912.
[8] Voir « Fontainebleau – Fermé depuis 1998, pour des raisons de sécurité le théâtre municipal rouvrira en septembre prochain », Le Moniteur, 11 mars 2005, en ligne (consulté le 1er février 2021) : https://www.lemoniteur.fr/article/fontainebleau-ferme-depuis-1998-pour-des-raisons-de-securite-le-theatre-municipal-rouvrira-en-septembre-prochain.379874