En 1936, récemment nommé directeur adjoint des services d’architecture, parcs et jardins de l’Exposition universelle de 1937, Édouard Crevel[1] (1880-1969) aménage, en tant qu’architecte en chef adjoint de la ville de Paris, les jardins de l’ancienne usine à gaz de Saint-Mandé[2]. Accompagnant une opération d’habitations à bon marché (HBM), il divise en deux parcs les espaces disponibles : le plus important (12 300 m2) forme le square Sarah-Bernhardt, qui a conservé ses équipements d’origine.
Moins connu que l’obélisque du même square, l’auditorium offre pourtant un exemple abouti de l’esthétique de la fin des années 1930 particulièrement bien conservé. Il ne reprend pas le modèle des conques qui commençaient à se répandre au début de la décennie, mais rappelle davantage les anciens kiosques à musique caractéristiques de l’aménagement des jardins jusque dans la décennie 1920. Le mur de fond et deux piliers soutiennent un large auvent débordant, matérialisant la scène, ouverte sur une esplanade gravillonnée. La couverture dissimule des corniches cachant les appliques lumineuses et un plafond à voussures.
Si le bâtiment est paré de mignonnette aux teintes ocre-rose, l’espace de scène est agrémenté de mosaïques se mariant parfaitement avec la construction et le revêtement extérieur du sol. La tonalité ocre-jaune des marches se poursuit sur la surface de jeu, où une partition de musique ceint une allégorie suivant la même thématique, le tout sur des notes plus foncées que la mignonette de l’édifice. Ces teintes se retrouvent sur la mosaïque du mur de scène représentant de façon très stylisée Orphée jouant de la lyre.
Le parc, envisagé comme « un de ces lieux dont on peut dire que l’esprit […] y souffle[3] », avec des rues baptisées des noms d’acteurs et auteurs alors célèbres, contient ainsi un auditorium à la mesure des ambitions de rénovation de ce secteur de Paris. Inauguré le 9 mai 1936, il reste régulièrement utilisé.
[1] Formé à l’École des beaux-arts de Paris où il est élève d’Eugène Mourzelas, puis d’Edmond Paulin.
[2] LEVILLAIN, Maurice, « Compte rendu des débats – 6. Renvoi à la 4e Commission et à l’Administration de deux propositions de M. Levillain, tendant à la création d’un Centre d’éducation physique à l’école communale, 9, rue de la Plaine et à l’aménagement du terrain situé à l’angle des rues de la Plaine, de Buzenval et de Lagny, en terrain de jeux pour les enfants des écoles de la Ville de Paris », Bulletin municipal officiel de la ville de Paris, 23 mars 1939, p. 108.
[3] Anonyme [propos du conseiller municipal Levillain], « Sur l’emplacement d’une usine à gaz – Les squares Sarah Bernhardt et Réjane offrent leurs verdures », Le Petit Journal, 10 mai 1936.