HISTORIQUE ET PROGRAMME
Entreprise avant la Seconde Guerre mondiale, la construction d'un lycée de jeunes filles, annexe du lycée Fénelon, dans le 13e arrondissement, alors l'un des moins bâtis de la capitale (avec seulement 26% de surfaces couvertes [1]), se poursuit après le conflit. En 1939, la Ville de Paris avait fait don à l'Etat, pour ce projet, d'un terrain de plus 11 000 m2 situé rue de Tolbiac.
Il s'agissait d'une partie de l'ancien terrain - d'une contenance de plus de 7,5 ha - de l'usine à gaz d'Ivry, installée dans le quartier au milieu du XIXe siècle et désaffectée en 1935. Il était prévu d'édifier à son emplacement un établissement d'enseignement secondaire (sous l'égide du ministère de l'Education nationale), un institut dentaire et d'y aménager un vaste parc urbain (ces deux dernières opérations étant menées sous la maîtrise d'ouvrage de la municipalité). Roger Lardat et Edouard Crevel, tous deux architectes de la Ville, dessinent respectivement le parc, équipé de plusieurs édicules (kiosque, sanitaires, théâtre de verdure) et l'institut dentaire Georges-Eastman (ISMH 2019), qui prend le nom de l'industriel américain inventeur de la pellicule photographique et fondateur de la maison Kodak à l'origine de sa création philanthropique [2].
Le travail sur le lycée de jeunes filles est, quant à lui, confié à l'architecte Roger Séassal (1895-1967). Né à Nice, ce dernier se forme à l'Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts, où il est admis en 1905 et poursuit ses études dans l'atelier de Gabriel Héraud (auteur du lycée La-Fontaine, Paris 16e arrondissement). En 1913, il est lauréat du Grand Prix de Rome. il réalise alors un court séjour à la villa Médicis entre février et août 1914, avant d'être mobilisé. Par la suite nommé architecte des Bâtiments publics et des Palais nationaux, il se voit commander un grand nombre de bâtiments publics jusque dans les années 1960 et participe au chantier de la Faculté des sciences de Paris (1957-1964) aux côtés de Louis Madeline et Urbain Cassan.
interrompu par la guerre, le chantier reprend en 1947. Après l'érection, dans le cadre du plan national Marquet (1935), de trois lycées de jeunes filles dans Paris (Camille-Sée, Hélène-Boucher et La-Fontaine), le futur établissement, 11e lycée de jeunes filles de Paris, prévu pour accueillir 1600 élèves, est lui aussi destiné à désengorger les lycées existants qui ne permettent plus de satisfaire la demande des familles, alors que le baccalauréat est ouvert aux filles depuis 1924 et que l'enseignement secondaire est gratuit depuis 1930. Il doit aussi desservir le sud-est de l'agglomération parisienne.
Le permis de construire, plusieurs fois modifié, est finalement accordé au ministère de l'Education nationale par la Préfecture du département de la Seine le 1er octobre 1949 [3]. Le lycée est implanté à l'angle de trois voies, la rue de Tolbiac, la rue Charles Moureu et la rue du docteur Magnan. Le projet de Séassal est agréé car il présente des avantages incontestables, "tant par sa situation en bordure d'espace libre et de terrains d'éducation physique que dans l'utilisation du sol et dans l'orientation et la distribution des locaux" [4]. Le lycée est en effet tourné vers le parc de Choisy, tout en tirant parti d'une parcelle triangulaire ingrate, sorte de trapèze délimité par trois voies et une place sur laquelle s'ouvre son entrée. Cette forme urbaine, comme à La-Fontaine, impose le principe du lycée-îlot. Elle détermine le plan mais entraîne aussi un gabarit monumental par sa hauteur - la Ville de Paris autorise toutefois ce dépassement, eu égard à la fonction et à la qualité de l'ensemble - qui fait du lycée un repère symbolique de l'instruction républicaine dans la ville.
Le lycée développe ses deux ailes à l'alignement des deux côtés du triangle, le dernier étant fermé par un mur de clôture avec une grille. Cette disposition, conforme au modèle adopté par les lycées de l'entre-deux-guerres (La-Fontaine, Claude-Bernard, Hélène-Boucher), permet de dégager en son centre une vaste cour autour de laquelle s'organise la vie scolaire. Les classes sont toutes orientées vers celle-ci, au sud et isolées du bruit de la rue par de longues et vastes galeries faisant office de préaux couverts.
Aujourd'hui, Claude-Monet est une cité scolaire abritant un collège et un lycée.
[1] Paris et ses quartiers, état des lieux, éléments pour un diagnostic urbain, 13e arrondissement, Paris, APUR, 2001, p. 44.
[2] Le 13e arrondissement, itinéraires d'histoire et d'architecture, Action artistique de la Ville de Paris, Paris, 2000, p. 87.
[3] Archives de Paris, VO13 298.
[4] Idem.
Conservateur du patrimoine, Région Île-de-France, service Patrimoines et Inventaire.