Dossier thématique IA00141349 | Réalisé par
Philippe Emmanuelle (Rédacteur)
Philippe Emmanuelle

Conservateur du patrimoine, Région Île-de-France, service Patrimoines et Inventaire.

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Mercier Marianne (Rédacteur)
Mercier Marianne

Chargée du recensement et de la protection au titre des Monuments historiques

Correspondante du label "Architecture contemporaine remarquable"

Conservation régionale des monuments historiques, DRAC Ile-de-France

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Caroux Hélène (Rédacteur)
Caroux Hélène

Docteure en histoire de l'architecture de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne depuis 2004 et chercheuse au Bureau du Patrimoine contemporain du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis

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  • enquête thématique régionale, lycées du XXème siècle
Les lycées du XXe siècle en Île-de-France
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  • (c) Région Ile-de-France - Inventaire général du patrimoine culturel

Dossier non géolocalisé

PRESENTATION DE L'ENQUETE THEMATIQUE REGIONALE

La Direction régionale des affaires culturelles d’Île-de-France et la Région Île-de-France : un partenariat original pour un projet commun d'étude et de valorisation des lycées franciliens au titre du label Architecture contemporaine remarquable (2016-2020)

 Pourquoi étudier les lycées ?

En 2016, le Service patrimoines et inventaire, au sein de la direction de la culture de la Région Île-de-France et la Conservation régionale des monuments historiques (CRMH) de la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) d’Île-de-France se sont rapprochés, constatant une convergence d’intérêt pour l’architecture scolaire.

La nouvelle politique patrimoniale de la Région, réaffirmée lors des premières Assises franciliennes du patrimoine (2019), invitait à réorganiser la recherche d’Inventaire autour de grandes thématiques transversales permettant d’embrasser tout le territoire francilien, dont naturellement celle des lycées, en écho à la compétence transférée par les lois de décentralisation. Depuis 1986, la Région avait pris en charge la construction, l’équipement et le fonctionnement de 465 lycées, représentant plus de 2500 bâtiments et 6, 5 millions de mètres carrés. Il devenait primordial d’entreprendre un état des lieux afin de révéler la valeur patrimoniale, encore imperceptible ou mal comprise, de ces édifices familiers mais assez peu considérés.

Engagée depuis les années 2000 dans la reconnaissance de l’architecture du XXe siècle, la DRAC avait, de son côté, également choisi de travailler par campagnes thématiques, afin de mieux apprivoiser l’abondance des constructions de la période. Les ensembles de logements avait été étudiés (2007-2008), puis les édifices de culte (2010-2012), aboutissant respectivement à 40 et 75 labels « Patrimoine du XXe siècle ». Souhaitant poursuivre les investigations en portant l’accent sur les équipements publics structurants, la DRAC aspirait à valoriser des architectures perçues avant tout comme utilitaires. Le choix de distinguer des exemples d’architecture scolaire par le label Architecture contemporaine remarquable (ACR) s’inscrivait donc dans cette continuité. Scientifiquement, il s’agissait, en outre, de faire fructifier les travaux de repérages relatifs à l’architecture scolaire commandés en 1997 par la DRAC à l’historienne Anne-Marie Châtelet, dans le prolongement de la mémorable exposition qu’elle avait dirigée au Pavillon de l’Arsenal, à Paris (« Paris à l’école… qui a eu cette idée folle ? », 1993).

Annoncé comme prioritaire au titre du label ACR par la ministre de la Cuture Françoise Nyssen[1], ce thème a simultanément retenu l’attention de la Mission de l’Inventaire général du patrimoine culturel. Partant du constat qu’une dizaine de régions avait déjà fait du patrimoine des lycées – qu’il soit architectural, mobilier ou relevant du 1% artistique - un axe privilégié de leurs enquêtes d’inventaire, elle a proposé d’apporter son concours à la constitution d’un groupe interrégional et national de réflexion autour de ce sujet. Cette actualité a conforté le partenariat francilien, qui s’est ainsi imposé comme une évidence : conduire ensemble une campagne de labellisation ACR sur les lycées.

Pourquoi labelliser des lycées ?

Le label ACR répond à double un objectif, à la fois scientifique et pédagogique. La distinction qu’il offre appelle à construire une « collection » de références et de modèles en matière de qualité architecturale, tant pour faire progresser la connaissance de ce domaine peu documenté que pour accompagner les travaux de rénovation de cette architecture en constante évolution.

S'appuyant sur une grille de critères précis, l'attribution du label peut concerner tous les édifices et ensembles de moins de 100 ans, non protégés au titre des monuments historiques. Contrairement à la protection au titre des monuments historiques, ce label n’a pas d’incidence réglementaire, juridique ou financière. Il ne créé pas de servitude. Le propriétaire de l’édifice concerné doit uniquement signifier « son intention de réaliser des travaux susceptibles de le modifier » au préfet de région, lequel peut formuler « des observations ou des recommandations »[2].

Partant du constat du faible nombre de lycées protégés au titre des monuments historiques en Île-de-France[3], cette campagne s'est révélée un moyen de progresser dans la prise de conscience de la valeur patrimoniale de l'architecture pour l'enseignement. S’agissant davantage d’un signalement, son ambition ne consiste pas à figer une architecture mais au contraire à favoriser sa mutation respectueuse au fil du temps. D’une part, le label se veut un support aux décisions dans les cas d’opérations de restructuration à venir, favorisant la généralisation de pratiques vertueuses. D’autre part et c’est là un résultat inattendu mais novateur de cette étude, il peut mettre en lumière des projets d’extensions ou de réaménagement déjà achevés et considérés comme une réussite d’intégration à l’existant. Parallèlement à la création de nouveaux lycées, l’effort de la Région porte aujourd’hui principalement sur la réhabilitation des établissements, dont un tiers est jugé vétuste, pour les adapter à de nouveaux usages pédagogiques. Dans ce contexte, la labellisation constitue aussi une incitation à intégrer la dimension patrimoniale dans les interventions envisagées.  

Recenser, étudier, faire connaître : une méthodologie inspirée de l’inventaire général

Le corpus étudié

Les lycées répondent au statut administratif d'EPLE (établissements publics locaux d'enseignement), qui comprend les lycées d'enseignements général, technique et professionnel, ainsi que des lycées polyvalents. Un lycée d'État (Jean Zay à Paris 16e) et deux lycées internationaux (Saint-Germain-en-Laye et Noisy-le-Grand) s'ajoutent à cet ensemble. Le corpus compte au départ près de 400 lycées construits au XXe siècle, sur les 465 que gère la Région depuis 1986.  Les bâtiments conçus à l’origine pour un autre usage que scolaire ont été en revanche exclus de l’enquête.

Les contours géographiques et chronologiques

Avec un champ territorial couvrant toute l'Île-de-France, la sélection a veillé à l’équilibre de la représentativité géographique. Si le poids des réalisations parisiennes ne constitue pas une surprise, les départements de grande couronne ainsi que la Seine-Saint-Denis, habituels parents pauvres des études, sont bien représentés au sein des résultats obtenus.

Plus délicates à définir, les bornes chronologiques l’ont été en raison de leur sens historique : le lycée parisien Victor Hugo, premier édifice public en béton armé qui inaugure toute une génération d'établissements d'enseignement secondaire (1895), n’a pu être retenu comme jalon chronologique de départ en raison de sa date de construction trop ancienne pour le label ACR. L'histoire de la construction des lycées et la nouvelle condition d'attribution du label aux édifices de moins de 100 ans ont conduit à examiner les ensembles d'après-guerre, majoritairement sortis de terre dans le courant des années 1930[4]. Enfin, la borne finale de l'étude se situe autour de l'an 2000, période où émergent les clauses environnementales dans les cahiers des charges du maître d'ouvrage. Ces dernières, toujours très prégnantes, donnent lieu à une vague de constructions qui nécessitent un temps de recul suffisant pour l'analyse. L'étude s'achève donc avec l'apparition de cette donnée dans les programmes.

Enfin, les établissements privés n'ont pas été intégrés au corpus. Outre les difficultés d'accès rencontrées, ces derniers présentent souvent la particularité de concentrer sur un même site enseignement primaire et secondaire. Adjoignant à un noyau de bâtiments historiques des extensions d'époques diverses, il est apparu difficile de relier ces cités scolaires aux lycées publics du XXe siècle.

L’enjeu de l’étude

À partir d’un panorama systématique des lycées franciliens, le défi réside en la sélection d’un groupe de lycées emblématiques sur les plans architectural, décoratif et historique. Privilégiant une démarche fondée sur l'analyse par la comparaison et une approche par le terrain, constitutives de la méthodologie de l’Inventaire, l'évolution historique du programme architectural du lycée a pu être retracée. Néanmoins, étudier l'architecture scolaire et distinguer des exemples remarquables relèvent de la gageure : l’essor de la normalisation qui réglemente la construction impose la généralisation de principes architecturaux. Dès lors, comment faire émerger des solutions originales, innovantes voire expérimentales ?

Les résultats ont amené quelques questionnements. La difficulté fut d’autant plus grande que la doctrine nationale en matière de patrimonialisation de l’architecture récente est seulement en cours de construction. Aussi l’apport d’un groupe de travail pluridisciplinaire, réunissant experts et acteurs de terrain, a-t-il été indispensable pour guider la réflexion.

Du panorama systématique aux typologies

Un travail préliminaire de repérages et de tri a abouti à une liste réduite d’un peu plus de 200 lycées. Selon un principe de hiérarchisation, appuyé par l’élaboration d’outils cartographiques et statistiques, un classement en cinq familles chrono-typologiques de lycées a pu être proposé :

-       Les lycées des années 30

-       Les lycées de l’immédiat après-guerre, autour de 1950

-       Les lycées de l’hyper normalisation, la période des trames (1955-1975)

-       Les recherches alternatives en villes nouvelles dans les années 1970

-       Les lycées d’après la décentralisation de la compétence à la Région (à partir de 1986-années 2000)

Les trois groupes thématiques suivants ont également été identifiés et examinés :

-       Les grandes opérations de restructuration réalisées autour de 2000

-       Les lycées d’enseignement pratique et technique, liés au monde professionnel  

-       Les groupes scolaires reconvertis en lycées.

 

La confrontation des enquêtes de terrain et de la documentation

Un premier état des lieux des ressources documentaires, le plus exhaustif possible[5], a été conduit pour faire émerger les exemples les plus significatifs. Constatant la faiblesse historiographique du sujet, fait surprenant pour une région où ont émergé des modèles pérennes, l’approche par le terrain a été déterminante. La DRAC et la Région ont procédé ensemble aux visites d’une centaine d’établissements repérés. Des campagnes photographiques ont également été menées pour la majorité d’entre eux par les photographes de l’inventaire régional. C’est à l’issue de ce colossal tour d’horizon qu’une présélection a pu être proposée à l’examen du groupe de travail.

La sélection définitive

À l’aide d’une grille d’analyse, quatorze critères ont été formalisés, parmi lesquels la traduction spatiale de la convergence entre architecture et pédagogie s’est imposée comme fil conducteur. Outre les réalisations franciliennes d’architectes notoires, la relation à l’environnement voisin, le déploiement de techniques de construction innovantes, les solutions retenues pour rendre les édifices fonctionnels, l’adaptation des lycées à différents types d’enseignement en perpétuelle mutation sont autant de filtres qui ont permis de faire émerger des modèles et quelques unica, faisant date par leur rareté. Une quarantaine d’ensembles jugés les plus remarquables a été désignée, avec un souci de cohérence générale de la liste.

Après le label, la valorisation

Clôturée par la présentation commune – État et Région - des conclusions de l’étude devant la commission régionale du patrimoine et de l'architecture (CRPA), cette campagne s’achève avec l’approbation du préfet de région qui signe les décisions de labellisation ad hoc, en accord avec les propriétaires des lycées : pour moitié environ la Région, mais aussi des établissements relevant encore de l’État - ministère de l’Éducation nationale, de communes comme la Ville de Paris ou de quelques communautés d’agglomération.

Grâce à une large diffusion de cet ouvrage auprès des centres de documentation et d’information des établissements et des propriétaires, mais aussi grâce à des dispositifs de médiation sur mesure[6], la Région et la DRAC souhaitent sensibiliser les lycéens à l’architecture en leur rendant accessibles les critères de labellisation de l’établissement dans lequel ils évoluent au quotidien. Cette ambition partagée d’appropriation des lieux de vie et d’éducation que sont les lycées sera la meilleure conclusion à cette collaboration réussie entre nos institutions.

N.B : Cette étude thématique a également été possible grâce à la collaboration d'Hélène Caroux, chargée d'inventaire du patrimoine au Service du patrimoine culturel du Département de la Seine-Saint-Denis. Elle est intervenue dans le cadre d'une convention de partenariat pour l'inventaire et la valorisation du patrimoine culturel de la Seine-Saint-Denis passée en 2019 entre la Région Île-de-France et le Département de la Seine-Saint-Denis.

Ont également contribué à cette enquête, dans le cadre de leurs stages respectifs à la Région et à la DRAC : Grégoire Enézian, Anaïs Mekki, Alma Smoluch et Sarah Tommasini. Qu'ils en soient chaleureusement remerciés.

LES PHOTOS QUI ACCOMPAGNENT CE DOSSIER MONTRENT QUELQUES-UNES DES DERNIERES REALISATIONS DE LA REGION ILE-DE-FRANCE EN MATIERE DE LYCEES. SORTIS DE TERRE APRES L'AN 2000, ILS N'ONT PAS ETE PRIS EN COMPTE DANS LA CAMPAGNE DE LABELLISATION ACR.

[1] Intervention de Françoise Nyssen à l’occasion du lancement des Journées nationales de l’architecture, à Orléans, le 13 octobre 2017.

[2] Art. R 650-6 du décret no 2017-433 du 28 mars 2017 relatif au label « Architecture contemporaine remarquable » pris en application de l’article L. 650-1 du code du patrimoine.

[3] 15 lycées franciliens sont protégés au titre des monuments historiques, dont 8 seulement sont des bâtiments conçus pour l’usage scolaire du second degré.

[4] Certains d’entre eux bénéficiant déjà d’une protection au titre des monuments historiques ont été pris pour référence mais exclus du corpus labellisable.

[5] États des sources, bibliographies, dépouillement des revues d’architecture du XXe siècle, balayage des contenus disponibles en ligne, consultation des bases de données, fonds d'archives, recherches iconographiques (cartes postales, photos anciennes, plans) etc.

[6]  Depuis 2018, la Région Île-de-France propose aux lycéens de découvrir le patrimoine de leur lycée grâce à l’appel à projets « Il était une fois mon bahut ». Lancé dans le cadre du dispositif d’aide à l’éducation artistique et culturelle, il invite les structures culturelles franciliennes à créer des actions de médiation autour de l’histoire, de l’architecture et de la mémoire de ces établissements. C’est dans ce contexte qu’un partenariat a été monté entre l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture Paris-Malaquais (ENSAPM) et la Région, impulsé à la fois par le service Education Artistique et Culturelle (EAC) et le service Patrimoines et Inventaire. En lien avec la campagne de labellisation « Architecture contemporaine remarquable », il repose sur un dialogue étroit entre lycéens et étudiants en architecture, visant à faire émerger des regards neufs et croisés sur ces lieux de vie et d’éducation. Cette collaboration peut se traduire par des ateliers de photographie, d'écriture, d'initiation à l'architecture, la réalisation de courts-métrages, la collecte et la mise en scène de témoignages...

  • Période(s)
    • Principale : 20e siècle

Annexes

  • BIBLIOGRAPHIE ET SOURCES CONSULTEES
  • LISTE DES LYCEES LABELLISES ACR A L'ISSUE DE L'ETUDE
Date(s) d'enquête : 2016; Date(s) de rédaction : 2022
(c) Région Ile-de-France - Inventaire général du patrimoine culturel
Philippe Emmanuelle
Philippe Emmanuelle

Conservateur du patrimoine, Région Île-de-France, service Patrimoines et Inventaire.

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Mercier Marianne
Mercier Marianne

Chargée du recensement et de la protection au titre des Monuments historiques

Correspondante du label "Architecture contemporaine remarquable"

Conservation régionale des monuments historiques, DRAC Ile-de-France

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Caroux Hélène
Caroux Hélène

Docteure en histoire de l'architecture de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne depuis 2004 et chercheuse au Bureau du Patrimoine contemporain du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis

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