Dossier d’œuvre architecture IA75000466 | Réalisé par
Philippe Emmanuelle (Rédacteur)
Philippe Emmanuelle

Conservateur du patrimoine, Région Île-de-France, service Patrimoines et Inventaire.

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Mercier Marianne (Rédacteur)
Mercier Marianne

Chargée du recensement et de la protection au titre des Monuments historiques

Correspondante du label "Architecture contemporaine remarquable"

Conservation régionale des monuments historiques, DRAC Ile-de-France

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  • enquête thématique régionale
Lycée Galilée
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Philippe Ayrault, Région Ile-de-France

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Ile-de-France
  • Commune Paris 13e arrondissement
  • Adresse 28 rue de Patay
  • Cadastre 2020 CI 32, 33

HISTORIQUE ET PROGRAMME

Un LEP transféré et reconstruit sur les terrains des anciens entrepôts Singer

Dès le tout début des années 1960, et alors que le treizième était l’un des arrondissements les moins bâtis de la capitale (seulement 26 % de surfaces couvertes[1]), des opérations de rénovation urbaine d’envergure y sont lancées, notamment sur les îlots déclarés insalubres ou les anciennes emprises industrielles. Elles s’accompagnent logiquement de la construction de nouveaux établissements scolaires. Edifié à partir de 1984 sous la maîtrise d’ouvrage de la Ville de Paris dans une période de transition précédant de peu la décentralisation effective (1986) de la compétence des lycées à l’échelon régional, le lycée d’enseignement professionnel (LEP) de la rue de Patay (plus tard rebaptisé Galilée) bénéficie de deux subventions, l’une de la Région et la seconde, très importante, de l’Etat-Ministère de l’Education nationale (8, 5 millions de francs)[2].

Sa réalisation, monumentale, s’inscrit à contre-courant du mouvement général des années 1980, qui, « dans le panorama parisien des tours et des barres qui est celui de la rénovation urbaine », voit les équipements scolaires, réduits « à une échelle presque lilliputienne », devenir « le motif ornemental d’un paysage hors d’échelle »[3].

Son concepteur, l’architecte Jacques Kalisz, explique en effet avoir « déplacé le problème » en procédant « à l’analyse de la vie du quartier avant d’aborder les questions d’architecture »[4]. De cet examen approfondi est ressortie « la connaissance à la fois du morcellement des îlots, d’un tissu disparate dans ses fonctions et ses formes, une absence totale de lieu d’échange et de rencontre. Organiser un cœur de quartier devant permettre la rencontre et l’échange humain autour des équipements du programme nous a semblé être l’objectif prioritaire à poursuivre dans ce secteur »[5].

Percée en 1855 et menant de la commune d’Ivry à l’église Notre-Dame-de-la-Gare (1855-1864), la rue de Patay forme une longue artère faisant office de frontière, au milieu d’un no man’s land en pleine reconversion, coincé entre deux futures Zones d’Aménagement Concerté (ZAC), celle du Château des Rentiers, décrétée en 1987 et celle de Paris Rive Gauche, qui sera instaurée en 1991 autour de la gare d’Austerlitz. Il s’agit donc de restructurer cette zone profondément hétéroclite autour de services collectifs.

La décision d’y ériger un lycée professionnel intervient dans un double contexte :

-          D’une part, la nécessité de transférer les disciplines ayant fait la renommée du centre d’apprentissage de la rue Saint-Hippolyte (13e) dans un établissement neuf. Né après la Seconde Guerre mondiale dans le quartier des Gobelins, ce centre d’apprentissage, spécialisé dans le travail du bois (menuiserie-ébénisterie), la mécanique générale, l’électronique industrielle et la prothèse dentaire, était dans un état de vétusté revêtant « un caractère d’extrême urgence »[6]. Initialement prévu pour être déménagé rue Charles Moureu (13e) sur un terrain propriété de la Ville de Paris, la redéfinition, en 1981, de son programme pédagogique et de sa capacité d’accueil (désormais fixée à 288 élèves), rend cette première solution caduque, faute d’espace suffisant.

-          Dans le même temps se libèrent les terrains des entrepôts de l’usine Singer, fermés en 1979 et situés à l’angle des rues Eugène Oudiné et de Patay. Ils représentent près de 8000 m2 laissés vacants. La Ville de Paris procède à leur expropriation en 1981 et lance l’année suivante un concours de concepteurs pour la requalification de cette vaste parcelle, avec le projet d’y réunir de nombreux équipements publics faisant défaut au quartier. Outre le lycée d’enseignement professionnel destiné à remplacer le centre d’apprentissage Saint-Hippolyte, devront y être implantés une école maternelle, un gymnase, un club de prévention sociale comportant des salles polyvalentes et une bibliothèque, ainsi qu’un bureau de poste[7]. L’équipe qui remportera le concours réalisera le LEP, tandis que les autres éléments du programme seront à la charge de la Régie Immobilière de la Ville de Paris, mais dans le respect du parti pris général inventé par les lauréats.

En août 1982, Jacques Kalisz et François Doucot établissent un plan-masse qui leur permet de recueillir tous les suffrages. Au lieu de ne se préoccuper que du front bâti de l’opération sur la rue de Patay, ils travaillent la parcelle dans sa profondeur, la densifiant jusqu’à ses limites et livrent une proposition qui « a le mérite de désenclaver les espaces libres de l’îlot »[8], en aménageant en son cœur une rue piétonne et un jardin public faisant le lien entre tous les équipements requis.

La pose de la première pierre du lycée a lieu le 12 novembre 1984, en présence de M. Duhamel, inspecteur de l’Académie[9]. A cette occasion, ce dernier dénonce le peu de débouchés qu’offre la section bois, déjà bien trop représentée dans Paris intra-muros. Il suggère que soient revus le contenu et la nature des filières projetées au sein du nouveau LEP de la rue de Patay. En lieu et place de la formation de BEP bois qui était dispensée au centre d’apprentissage Saint-Hippolyte ouvre donc un brevet de « technicien de maintenance des réseaux locaux d’entreprise »[10] pour lequel la demande est forte en Île-de-France. Cette modification du programme pédagogique, entérinée en 1985, impose aux architectes de nouveaux aménagements en rez-de-chaussée afin d’accueillir du matériel informatique. Néanmoins, le lycée est tout de même livré à la rentrée 1986.

L’expression d’une nouvelle orientation dans la carrière de l’architecte Jacques Kalisz

Né le 6 septembre 1926 à Minsk Mazowiecki (Pologne) et décédé en 2002, Jacques Kalisz émigre en France avec sa famille dans les années 1930. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, au cours de laquelle son père meurt en déportation en Allemagne, il entame sa formation d’architecte à l’Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris dans l’atelier de Remondet puis dans celui de Zavaroni, sans toutefois en sortir diplômé. Il passe une dizaine d’années (1950-1961) dans l’agence de Pierre Genuys puis intègre en 1963 l’AUA (Atelier d’Urbanisme et d’Architecture) fondé trois ans plus tôt par Jacques Allégret.

Cette structure collégiale, fonctionnant sous la forme d’une société civile coopérative, rassemble des architectes, ingénieurs, urbanistes, paysagistes et décorateurs désireux de renouveler la pratique du projet architectural en démontrant que l’acte de bâtir résulte d’une collaboration étroite entre tous ces techniciens. Ce mode de travail pluridisciplinaire est alors inédit et s’érige contre le système largement dominé par les Prix de Rome et les architectes des Bâtiments civils et des Palais nationaux, qui concentrent entre leurs mains toutes les commandes mais produisent et reproduisent une architecture de médiocre qualité, incarnée par la prolifération des grands ensembles.

La véritable « pépinière » que constitue l’AUA met en œuvre de très nombreux chantiers essentiellement en banlieue, dans la « ceinture rouge », qu’elle ambitionne de faire accéder au « droit à la ville »[11]. En 1969, Jacques Kalisz construit avec Jean Perrottet le centre nautique et les logements de la cité République à Aubervilliers, puis la bibliothèque Elsa Triolet de Pantin avec la collaboration de l’ingénieur Miroslav Kostanjevac en 1970. C’est avec ce dernier qu’il élabore en 1972 le projet de l’école d’architecture de Paris-La Défense à Nanterre, l’un de ses premiers bâtiments à vocation pédagogique qui, au recours à des techniques industrielles, allie une structure proliférante et combinatoire, autorisant des extensions ultérieures. La plus belle expression de son « architecture militante »[12] demeure, pour cette période, le centre administratif de la Ville de Pantin, qu’il érige en 1973 au bord du canal de l’Ourcq dans un style brutaliste, mettant en avant toutes les potentialités du béton et de ses effets de coffrage sophistiqués. 

Durant les années 1970 et alors qu’il quitte l’AUA en 1973, Jacques Kalisz s’investit tout particulièrement dans le domaine de la construction scolaire, où il questionne les plans-types et les modèles de l’Education nationale. Le groupe scolaire et collège « Les Allumettes » (aujourd’hui Jean Lolive) de Pantin (1970), tout comme le collège Jean Vilar de La Courneuve (1973) ou encore le lycée du Champy de Noisy-le-Grand (actuel lycée Flora Tristan – 1978), font office d’« unica » dans un contexte de production massive qui tend à standardiser et à figer les typologies. A contre-courant des trames, Kalisz propose des établissements souvent conçus à partir de modules géométriques regroupant plusieurs classes et s’articulant autour de patios plantés, avec, en leur centre, des espaces collectifs munis de gradins, servant à la fois de forum-agora et de préau couvert.

Le lycée de la rue de Patay est fidèle à cette formule, mais y apporte deux inflexions majeures : une réflexion plus poussée sur l’insertion de l’établissement dans la ville – à fortiori dans un tissu urbain parisien très dense – et une architecture high-tech – mouvement auquel Kalisz commence à se confronter dès la réalisation (1980) du centre administratif du quartier des Sept-Mares, en ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines.

[1] Paris et ses quartiers, état des lieux, éléments pour un diagnostic urbain, 13e arrondissement, Paris, APUR, 2001, p. 44.

[2] Archives de Paris, 1662 W 17, ZAC du LEP Galilée, aménagement des anciens entrepôts Singer à Paris 13e arrondissement, 1981-1984.

[3] LOYER, François, « Prélude, de l’architecture scolaire », « Paris à l’école, qui a eu cette idée folle… ? » sous la dir. d’Anne-Marie CHATELET, Paris, Picard-Pavillon de l’Arsenal, 1993, p. 18.

[4] Institut français d’architecture, 376 IFA, Fonds Kalisz, Jacques (1926-2002), Ville de Paris, Direction de l’Architecture, lycée d’enseignement professionnel LEP 288, rue de Patay, mémoire descriptif, explicatif et justificatif, 1982, p. 4.

[5] Ibid.  

[6] Archives de Paris, 3875 W 19, reconstruction du centre d’apprentissage Saint-Hippolyte, note à l’attention du Directeur des services académiques de l’Education nationale, le 21 septembre 1982, p. 1.

[7] Archives de Paris, 1662 W 17, ZAC du LEP Galilée, aménagement des anciens entrepôts Singer à Paris 13e arrondissement, 1981-1984. Compte-rendu de la réunion organisée par M. Camille Cabana, Préfet, secrétaire général de la Ville de Paris, en présence de M. Jacques Toubon, député maire du 13e arrondissement, le 10 mai 1984, à propos de l’aménagement des terrains Singer.

[8] Archives de Paris, 1662 W 17, ZAC du LEP Galilée, aménagement des anciens entrepôts Singer à Paris 13e arrondissement, 1981-1984. Note pour le Directeur de l’Aménagement urbain de la Ville de Paris, rédigée par l’architecte-voyer Alain Schmied, le 25 mai 1984, p. 2.

[9] Archives de Paris, 3875 W 19, reconstruction du centre d’apprentissage Saint-Hippolyte, note à l’attention du recteur de l’Académie de Paris, le 7 décembre 1984, p. 1.

[10] Archives de Paris, 3875 W 19, reconstruction du centre d’apprentissage Saint-Hippolyte, lettre de l’Inspecteur général de l’Education nationale à Madame le Directeur des Affaires scolaires, construction du LEP Oudiné-Patay, 31 décembre 1984, p. 1.

[11] POUVREAU, Benoît, « L’AUA à Pantin, une architecture militante, des bonnes œuvres aux acquis sociaux », Parcours d’architecture n° 10, Pantin – service Archives et Patrimoine, 2006, p. 3.

[12] Ibid.  

DESCRIPTION

Un LEP au cœur de son quartier

Le lycée est édifié sur un terrain de forme trapézoïdale, dont le plus petit côté se trouve à l’alignement de la rue de Patay et le plus grand est bordé par la rue Eugène Oudiné. A l’angle de ces voies subsistent deux immeubles, l’un, en brique, daté de l’entre-deux-guerres et l’autre, à la façade enduite, de style Louis-Philippe, élevé sur quatre étages et un étage de comble. Après avoir « procédé à l’analyse de cet environnement »[1], Jacques Kalisz et son assistant François Doucot soumettent à la Ville de Paris « un parti général d’aménagement axé sur la création d’une voie piétonne assumant la fonction de cœur de quartier et distribuant les différents équipements »[2].

 Il s’agit de l’actuelle rue Marc-Antoine Charpentier, qui longe le lycée et le relie aux autres éléments du programme – le bureau de poste ouvrant sur la rue de Patay, l’école maternelle, le gymnase Marcel Cerdan et le centre d’animation Eugène Oudiné.

Une maquette conservée à l’Institut Français d’Architecture[3] montre comment les deux architectes avait conçu cette voie piétonne structurante : librement accessible depuis la rue de Patay par un porche aménagé sous les logements de fonction de l’établissement, elle était d’une largeur modeste (7, 50 m) destinée à faire ressortir, par contraste, la majesté du lycée, dont les parties les plus hautes culminaient à près de neuf mètres au-dessus d’elle.

Kalisz et Doucot avaient travaillé sur son « ambiance »[4] - unifiée grâce à un traitement spécifique du sol, des lampadaires, des jardinières et du mobilier urbain - qui devait être renforcée par l’implantation d’un 1% artistique, en définitive non exécuté.  Aujourd’hui peu lisible, cette rue intérieure, close par une grille, n’est plus empruntable par le public et le profond remaniement de l’école maternelle, surélevée à une date récente, a rendu plus difficilement perceptible les effets d’échelle des bâtiments qui la bordaient et allaient décroissant à mesure que le piéton la parcourait.

 L’insertion du LEP dans ce nouveau morceau de ville est complétée par une approche originale de la mitoyenneté. Plutôt que d’ignorer les deux immeubles voisins, Kalisz les utilise pour mieux fondre l’établissement dans « un système urbain dense »[5]. Sur la rue de Patay, le corps de bâtiment abritant les logements de fonction du lycée adopte une hauteur similaire à celle de l’immeuble Louis-Philippe et en prolonge les travées et les bandeaux en se calquant sur leur rythme pour l’organisation de sa façade. De l’extérieur, rien ne vient ainsi distinguer le LEP : ni parvis, ni fronton mais au contraire, un front bâti continu et un mur aveugle surmonté de minces ouvertures en meurtrières éclairant les logements, que viennent simplement interrompre les deux pilotis en béton du porche qui conduit à la voie piétonne.  

 Une approche fonctionnaliste et des espaces intérieurs étroitement corrélés à la pédagogie

 Ce parti pris se double d’une approche fonctionnaliste, visant à « affirmer les différents éléments du programme dans leur singularité »[6]. Les logements et le LEP sont ainsi strictement séparés. Les premiers sont implantés sur la rue de Patay, où ils bénéficient d’une entrée indépendante, tandis que les locaux affectés à l’enseignement se déploient perpendiculairement, à l’arrière et le long de la rue Oudiné. Le contraste des matériaux renforce cette nette distinction : béton brut avec des effets de coffrage en « dominos » pour les logements et verre réfléchissant sur une structure porteuse en béton armé pour le LEP lui-même.

 L’analyse du plan du lycée démontre à la fois l’importance des espaces intérieurs dans le travail de Jacques Kalisz – « l’architecture est le seul art dans lequel le corps pénètre et subit des sensations d’autant plus fortes »[7] se plaisait-il à rappeler – et leur étroite corrélation avec les disciplines enseignées et la pédagogie.

 Le rez-de-chaussée de l’établissement s’articule autour d’un vaste hall, abondamment éclairé par une verrière zénithale. Selon un procédé utilisé par Kalisz dans l’une de ses réalisations contemporaines (la maison de cure pour personnes âgées de la rue de la Collégiale, Paris 5e), la partie centrale de son sol est en pleine terre - ce qui permet d’y planter un arbre, qui accueille les visiteurs et s’élève jusqu’au premier étage. De part et d’autre de cet atrium, un ascenseur et un escalier rampe sur rampe en béton brut de décoffrage conduisent aux coursives qui desservent les différents niveaux.

 L’organisation de chacun d’entre eux est rationnelle et tripartite :

-          Du côté de la rue intérieure se trouvent les services communs (parc à vélos, bureaux de l’administration et logement du gardien au rez-de-chaussée, réfectoire au second étage) ainsi qu’une série de salles (dessin industriel, laboratoires de sciences, enseignements généraux) à l’éclairage diffus procuré par des bandeaux de fenêtres orientés nord / nord-est qui s’apparentent à ceux des sheds.

-          En partie médiane sont regroupés des locaux utilitaires : réserves de matériel, salle de reprographie, sanitaires, vestiaires, magasins, lingerie, etc.

-          Du côté de la rue Eugène Oudiné, abondamment éclairés par une façade entièrement vitrée et par un système de lanterneaux / pyramidions, sont disposés les ateliers : salles de cours et laboratoires du BTMRLE (Brevet de Technicien de Maintenance des Réseaux Locaux d’Entreprise – aujourd’hui converti en Baccalauréat des Systèmes Numériques) au rez-de-chaussée, ateliers de prothèse dentaire et d’électronique au premier étage.

La structure porteuse – constituée de massifs piliers de béton armé à chapiteaux cruciformes - y est implantée selon une trame large de 7, 50 m afin d’ouvrir au maximum les espaces.

Ceux-ci sont ainsi librement configurables selon les disciplines : alors qu’ils demeurent vierges de toute cloison au rez-de-chaussée (où le matériel informatique appelle une disposition de type « open space »), ils sont divisés en petites unités au premier étage, où la fabrication des prothèses dentaires et le test des circuits électriques s’opèrent étape par étape. Un patio végétalisé en forme de losange « apporte une note de luminosité dans cet ensemble de lieux de travail »[8].

 « Au deuxième étage est situé le réfectoire, prolongé par une cour en partie abritée et orientée au sud »[9], qui se déploie en réalité sur le toit-terrasse du premier niveau et offre de belles perspectives sur le tissu urbain environnant – et en particulier sur la Cité du Refuge voisine[10]. Plusieurs escaliers extérieurs en béton brut de décoffrage conduisent au troisième étage, entièrement évidé et réservé à des terrains de sport, puis au quatrième, où « isolée des bruits et de la circulation de l’établissement », se découpe, légèrement en retrait, la « boîte » du CDI, juchée sur de hauts pilotis et entièrement habillée de verre réfléchissant. 

 Le projet de Kalisz et Doucot se démarque ainsi par sa flexibilité pédagogique et la recherche d’une échelle à la mesure de l’élève. Selon la discipline suivie, ce dernier circule en effet entre des ateliers très ouverts, mais ménageant des alcôves pour s’isoler ou travailler en petits groupes et des unités plus modestes pour les enseignements généraux et spécialisés.

Dans la disposition réitérée de ces modules, qui s’étendent en nappes comme des cellules, se retrouvent deux concepts chers à Kalisz et déjà mis en œuvre à l’école d’architecture de Paris-La Défense : la métaphore organique (le bâtiment est un corps vivant) et la « liberté de prolifération » (il est évolutif et peut accepter des extensions, ainsi que le démontre à différents niveaux la présence des terrasses, qui constituent autant d’invitation à l’imaginer comme une construction en devenir).

 Une esthétique high-tech

 Avec sa silhouette-pont s’avançant comme la proue d’un navire et ses murs rideaux miroirs, le lycée professionnel de la rue de Patay détonne dans la production de Jacques Kalisz. S’inscrivant dans la continuité du centre administratif des Sept-Mares, réalisé quatre ans auparavant en ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines, il adopte une esthétique high-tech qui n’est pas sans évoquer celle des immeubles de bureaux.

 Ses façades, où sont ostensiblement disposés, comme dans un jeu de mécano géant, escaliers et passerelles, fenêtres-hublots en forme de gaines d’aération tubulaires et pilotis de béton apparents formant consoles, rappellent celles, encore plus spectaculaires, du centre Georges Pompidou, dont tous les éléments constructifs, pareillement rejetés à l’extérieur, sont mis en scène et glorifiés. Tout l’effet de cet équipement réside ainsi dans un paradoxe : alors que sa structure porteuse est mise à nu et magnifiée, rien ne laisse malgré tout deviner sa vocation pédagogique – à la manière de l’école Saint-Merri (Paris, 4e arrondissement, livrée en 1974) dont il se rapproche singulièrement.

 

[1] Institut français d’architecture, 376 IFA, Fonds Kalisz, Jacques (1926-2002), Ville de Paris, Direction de l’Architecture, lycée d’enseignement professionnel LEP 288, rue de Patay, mémoire descriptif, explicatif et justificatif, 1982, p. 1.

[2] Ibid.

[3] Institut français d’architecture, 376 IFA, Fonds Kalisz, Jacques (1926-2002), lycée professionnel, 18-28 rue de Patay, rue Oudiné – Paris 13e : maquette d’ensemble, n. d. (doc 376-IFA-106).

[4] Institut français d’architecture, 376 IFA, Fonds Kalisz, Jacques (1926-2002), Ville de Paris, Direction de l’Architecture, lycée d’enseignement professionnel LEP 288, rue de Patay, mémoire descriptif, explicatif et justificatif, 1982, p. 4.

[5] Ibid.  

[6] Institut français d’architecture, 376 IFA, Fonds Kalisz, Jacques (1926-2002), Ville de Paris, Direction de l’Architecture, lycée d’enseignement professionnel LEP 288, rue de Patay, mémoire descriptif, explicatif et justificatif, 1982, p. 4.

[7] « Jacques Kalisz et les espaces intérieurs », La Construction moderne, n° 48, décembre 1986, pp. 2-6.

[8] Institut français d’architecture, 376 IFA, Fonds Kalisz, Jacques (1926-2002), Ville de Paris, Direction de l’Architecture, lycée d’enseignement professionnel LEP 288, rue de Patay, mémoire descriptif, explicatif et justificatif, 1982, p. 5.

[9] Ibid.

[10] Située rue Cantagrel, elle est conçue en 1933 par Le Corbusier pour l’Armée du Salut.

  • Murs
    • béton béton armé
    • brique
  • Toits
    béton en couverture, verre en couverture
  • Étages
    4 étages carrés
  • Couvrements
  • Couvertures
    • terrasse
  • Énergies
  • Typologies
    ;
  • Statut de la propriété
    propriété de la commune, Propriété de la Ville de Paris.
  • Intérêt de l'œuvre
    à signaler
  • Protections

  • Précisions sur la protection

    Label Architecture contemporaine remarquable (ACR) décerné en 2020.

Annexes

  • SOURCES
Date(s) d'enquête : 2020; Date(s) de rédaction : 2022
(c) Région Ile-de-France - Inventaire général du patrimoine culturel
Philippe Emmanuelle
Philippe Emmanuelle

Conservateur du patrimoine, Région Île-de-France, service Patrimoines et Inventaire.

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Mercier Marianne
Mercier Marianne

Chargée du recensement et de la protection au titre des Monuments historiques

Correspondante du label "Architecture contemporaine remarquable"

Conservation régionale des monuments historiques, DRAC Ile-de-France

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