Dossier d’œuvre architecture IA78002344 | Réalisé par
Métais Marianne (Rédacteur)
Métais Marianne

Conservatrice au service Patrimoines et inventaire d'Ile-de-France

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  • patrimoine de la villégiature, villégiature en Île-de-France
  • enquête thématique régionale, ateliers d'artistes en Ile-de-France
Maison de villégiature dite maison Guibout, ou ancienne maison de Jean-Louis Forain
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Stéphane Asseline, Région Île-de-France

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton aire d'étude de la région Ile-de-France
  • Dénominations
    maison
  • Précision dénomination
    maison de villégiature, maison de plaisance
  • Appellations
    Maison Guibout, Maison de Jean-Louis Forain
  • Destinations
    maison
  • Parties constituantes non étudiées
    parc, dépendance, pavillon

Cette demeure, exceptionnelle par son architecture et la richesse de sa documentation, a été habitée par le peintre Jean-Louis Forain pendant vingt ans. Il y a laissé une empreinte toujours intacte.

L’histoire de la construction de cette maison est particulièrement bien documentée[1]. La succession de ses propriétaires et de ses transformations peut être retracée.

Une première maison, beaucoup plus petite que celle que nous connaissons, est attestée sur cette parcelle dans les années 1685[2]. La liste des propriétaires est donnée par un acte de vente de 1750[3]. La première est Marie Sanguin (1622-1647), épouse d’Antoine Ratabon, « conseiller du roi en ses constructions et surintendant des bâtiments de sa majesté »[4]. Sa fille, Marie-Marguerite Ratabon (1656-1736), comtesse de Crécy, châtelaine du Chesnay[5] en devient propriétaire à sa suite. C’est elle qui vend la terre à deux couples en 1676, peut-être deux sœurs, Jeanne et Claude Banaize, et leurs époux respectifs[6]. La construction de la première maison leur est-elle due ? Ils la vendent en 1713 à Marie Prieur (v. 1670-1732).

De celle-ci on sait qu’elle était servante lors de son premier mariage avec un charretier, Jacques Dumoutier[7], devenu plus tard marchand épicier[8]. Mais c’est avec son second mari, Claude Henry (v. 1669-1726), bourgeois de Versailles, carreleur des bâtiments du roi[9], que Marie Prieur achète la petite maison de campagne du Chesnay. A la suite du partage de leur succession, la maison échoit en 1747[10] à la cadette de Marie Prieur, Marie Anne Dumoutier, née de son premier mariage, et à son mari, Jean Toussaint Le Fachet. Trois ans plus tard, ils cèdent la maison à l’une des filles de Marie Anne Dumoutier, nées elles aussi d’un premier mariage, Marie Françoise Loison. Elle est mariée à Charles Gallien, bourgeois de Versailles, ancien officier de la Reine[11].

Cette vente[12] donne l’occasion de la première description du bâtiment. La maison est annoncée comme « consistante au rez de chaussée en une cuisine, une écurie, une petite grange, une petite serre à fruit, une cage d'escalier, une cave au dessous, trois chambres à cheminées au dessus […], une cour, deux petites portions de jardins plantées d'arbres fruitiers, un puit mitoyen, une grande porte et mur de cloture »[13]. Il s’agit donc d’une maison modeste, aux communs intégrés au logis, mais sur deux niveaux au-dessus d’une cave.

La vente suivante, en 1769[14], s’accompagne d’une nouvelle description. La maison que le prêtre du Chesnay, Jean Antoine Thomas, achète au couple Gallien, qui résidait à Versailles, diffère peu de ce qu’elle était en 1750. Un petit cabinet apparaît à côté de l’escalier et un grenier est désormais mentionné. Le jardin alentour semble avoir connu des améliorations. Les petites portions de jardin et l’unique « puit mitoyen » font place à deux jardins contigus, l’un planté d’arbres fruitiers et clos de murs, l’autre d’une haie vive, chacun pourvu d’un puits.

Lorsqu’en 1773 Jean Antoine Thomas vend à son tour la maison, à Pierre Pommier, officier de la Chambre de Madame Sophie, celle-ci a connu d’importantes modifications[15]. En quatre ans, la carrière de l’ecclésiastique semble elle aussi avoir pris son envol. En 1773 il n’est plus curé du Chesnay mais « prêtre du diocèse de Paris […], prieur commandataire de Sainte Marie Madelaine, diocèse de Meaux, demeurant à Paris »[16]. La maison est transformée en conséquence et change de statut : désormais couverte en ardoise, elle est entièrement dédiée à l’habitation et les espaces utilitaires, écurie, grange, serre à fruits, sont relégués dans un ou plusieurs bâtiments indépendants, dans la cour. Au rez-de-chaussée, la cuisine et l’office ont maintenant « deux salles à côté », un salon et une salle à manger[17]. Il n’y a plus une cave mais deux, au premier étage les chambres ne sont plus au nombre de trois mais de quatre. La description du jardin reste conforme à celle de 1769.

Propriétaire de 1773 à 1785, Pierre Pommier n’entreprend pas de modification connue dans la maison[18] mais il augmente la propriété en obtenant de la Maison du Roi le droit d’enclore la « rigole du roi », large bande de terrain qui longe toute la partie sud du jardin. Cette rigole faisait partie du système d’adduction d’eau de Versailles. Un plan dressé ad hoc en 1785[19] montre la maison, le bâtiment des communs qui lui est perpendiculaire, les jardins, et la rigole désormais enclose, conservant à chaque extrémité une entrée pour les fontainiers et les chasseurs, comme prévu dans le mémoire qui entérine cette annexion[20].

Les grandes transformations surviennent après 1785, avec une nouvelle propriétaire, Marie Gacon - ou Gaçon (1744-1796). Elle est proche de Pierre Pommier. Lorsqu’il décède, en novembre 1785, il vit chez elle, à Versailles. Elle venait tout juste de lui acheter la nue-propriété de la maison du Chesnay, en juillet 1785[21]. Et lui, par testament, avait fait d’elle sa légataire universelle[22]. Marie Gacon se marie en 1794 avec le sculpteur Louis Jacques Pilon (1741-1813) et meurt deux ans plus tard, à 52 ans, après avoir dû revendre sa maison du Chesnay en 1795, par adjudication et en pleine dévaluation monétaire[23].

Les deux ventes de 1785 et 1795 permettent de mesurer les transformations entreprises par Marie Gacon. La maison achetée en 1785 était composée au rez-de-chaussée d’une « cuisine, office derrière, deux salles à côté, une cage d’escalier, quatre chambres au premier étage, grenier au dessus, caves au dessous »[24]. L’inventaire après décès de Pommier fournit quelques précisions : les deux pièces principales sont une « salle à manger », avec vue sur la cour et sur le jardin, et un « salon » à côté, dont les croisées donnent à la fois sur le jardin et sur la terrasse, au sud du bâtiment. Apparaît « une salle servant de bains ayant vue sur le jardin » pourvue d’une baignoire. On signale une petite pièce à côté de celle-ci, donnant également sur le jardin. Reste un passage conduisant de la salle à manger à la cuisine, et cette dernière, ouvrant sur la cour. C’est là la seule porte mentionnée. Rien n’est relevé dans la cage d’escalier, qu’on devine donc modeste.

Dix ans plus tard, en 1795, il apparaît que Marie Gacon a nettement agrandi sa maison. L’affiche annonçant la vente aux enchères est ainsi tournée :

« Jolie maison de campagne avec jardin de 4 arpens ½, clos de murs et un demi-arpent de terre labourable tenant au mur de clôture, situés commune du Chesnay […]. Ce bien, qui est patrimonial, est situé à un quart de lieu de Versailles, sur la route qui conduit à Marly-la-Machine, est bâti depuis 10 ans et consiste en une très jolie maison de maître, entre cour et jardin parfaitement distribuée, composée au rdc d’une cuisine, vestibule, salle à manger, sallon octogone éclairé sur le jardin, chambre à coucher, cabinet, cabinet de toilette, salle de bain, etc. Au premier étage deux appartements de maître, le second étage en mansarde formant grenier et chambre de domestique : le tout garni de papiers, boiseries, glaces, chambranles de marbre, cheminée garnie en fonte, croisées avec espagnolettes et persiennes peintes couleur d’acajou. Basse-cour ayant son entrée séparée sur la rue du Chenay et à laquelle on communique de la maison du Maître par un petit jardin de forme irrégulière et planté d’arbustes étrangères, écurie, remises, vacherie, poulailler, logement de jardinier, et greniers dessus tous les bâtimens. Les murs du jardin sont dans le meilleur état, garni de treillage et d’espalliers en plein rapport. »

Cette description est riche de plusieurs informations. Tout d’abord la maison est annoncée comme à peu près neuve, « bâtie depuis 10 ans », et comme une « maison de maître », « patrimoniale ». Si ces dix ans sont exagérés, puisque la maison a été achetée fin 1785, on comprend que Marie Gacon a conduit d’importants travaux et qu’avec elle le bien a acquis le statut de maison bourgeoise. Elle a d’ailleurs augmenté son terrain en 1789[25] et s’est installée dans sa maison en 1790, avec quatre domestiques, en plus d’un jardinier[26]. On constate par ailleurs l’apparition de deux nouvelles pièces au rez-de-chaussée : une véritable entrée, avec le vestibule, et une chambre à coucher, assortie d’un cabinet de toilette. Une simple modification de l’aménagement ne permettrait pas l’intégration de ces deux nouveaux espaces, la maison a donc été agrandie en conséquence. Le « sallon octogone » qui donne sur le jardin correspond à l’extension sud, et doit déjà dessiner un pan coupé sur l’extérieur pour former ledit octogone[27]. La chambre peut se trouver dans l’autre angle, sud-est. Au premier étage les « deux appartements de maître » se déploient dans le noyau initial de la maison et l’extension sud. Les intérieurs sont décrits comme décorés de cheminées, boiseries, glaces. Enfin on apprend que le second étage est dit « en mansarde ». Or à la fin du XVIIIe s. la mansarde désigne déjà un comble brisé[28]. La toiture de 1795 n’aurait donc pas encore cette silhouette presque plate que nous lui connaissons.

Lors de la vente de 1795 onze créanciers viennent réclamer leur dû[29]. Parmi eux, on trouve un maître couvreur, un marchand tapissier et deux architectes, Charles Olivier François (1755-1816), versaillais dont on ne sait rien, et Antoine Thomas Vaudoyer (1756-1846), ce dernier associé à un avocat, Richomme. On regrette de ne pouvoir connaître les montants dus à chacun par les Pilon[30] mais ces deux architectes ont donc été appelés à conduire leurs travaux, bien qu’on ignore dans quelle mesure. Jean-Michel Leniaud, pour qui Vaudoyer devait être en relation avec Pilon, indique que l’architecte, dans le catalogue de ses travaux dressé en 1811, mentionne « avoir bâti et restauré plusieurs maisons de campagne à Saint-Germain-en-Laye, à Versailles et ailleurs »[31]. On ne connaît pas lesdites maisons et sa biographie, dans ces années-là, est surtout orientée vers l’étude et l’enseignement. On est frappé de retrouver si bien exprimée au Chesnay la volonté de l’architecte de se tourner vers une architecture aux lignes pures, débarrassée d’ornements superflus[32]. Cette conviction nourrit l’hypothèse d’une attribution complète de la maison à Vaudoyer[33].

Entre 1795 et 1806, le propriétaire de la maison est un négociant parisien nommé Christophe Flachat (1759-1843), qui en fait sa villégiature. Peu scrupuleux, il est en fuite lorsque sa maison est vendue aux enchères après association de ses créanciers[34]. On ne sait quels travaux ont été menés dans la maison pendant ces années, l’acte de vente de 1806 n’apportant d’autre précision sur la distribution que la présence de douze chambres de domestiques sous comble. Ce nombre conséquent induit-il un nouvel agrandissement ? Six petites chambres de part et d’autre du couloir pourraient cependant tenir sans l’extension nord. Comme en 1795, les intérieurs sont décrits comme ornés de « cheminées de marbre, boiseries, peintures et papiers, persiennes au dehors »[35]. Flachat a beaucoup œuvré dans le parc en faisant construire des fabriques : un « pavillon circulaire servant de laiterie », croqué plus tard par Théodore Géricault[36], est aujourd’hui disparu, de même qu’un « bâtiment en forme de fabrique construit en brique et servant de cuisine, office et autres pièces ». Mais le « pavillon carré formant belvéder et servant de salle de bains d’hiver et d’été et de bibliothèque »[37] se dresse toujours à l’entrée du site. La période Flachat est donc marquante au minimum pour les extérieurs. Dans l’acte de vente de 1806, le parc se décline sur plus de 2 hectares de « jardin anglais, d’agrément et potager ».

Suite à la vente aux enchères de 1806, Pierre Ignace Rolet, résidant à Paris, achète la maison et la conserve jusqu’en 1812[38]. On ignore s’il a vécu au Chesnay, ni même s’il l’a fréquenté. En 1811, la famille Guibout semble y résider, du moins Madame Guibout et sa fille[39]. La présence des Guibout a dû être suffisamment marquante pour que l’employé du cadastre commence par inscrire leur nom dans les matrices avant de le rayer au profit de Rollet.

La maison fait l'objet d'une nouvelle extension, vers le nord. L'acte de vente de 1812 indique une maison composée de « six pièces par bas, six appartements de maître au-dessus". La vente de 1795 indiquait deux appartements de maître (celle de 1806 n'en dit rien). La maison s’est donc bel et bien agrandie entre 1795 et 1812, et peut-être entre 1806 et 1812. Les façades ont dû être unifiées avec la dernière extension, de même que la toiture, traitée à l’italienne. La cave creusée au nord arbore les mêmes pans coupés que l’extérieur, témoignant de l’homogénéité de cette extension. Les fabriques construites par Flachat ont été en partie modifiées. En 1812 les dépendances sont désignées comme « trois corps de logis détachés, logement de jardinier, pavillons des bains, buanderie, sa cour, son lavoir et réservoir de belle eau vive qui se distribue dans tous lesdits batiment ». Ils sont dessinés sur le cadastre de 1811. Sont aussi représentés la maison, avec ses quatre pans coupés, la laiterie circulaire, la pièce d’eau, et un commun le long de la clôture sud qui comprend deux bâtiments, dont un hangar, séparés par une cour. La carte d’état-major dressée quelques années plus tard offre en plus un très beau dessin du jardin, organisé autour d’une allée circulaire et serpentine.

La maison est achetée pour 100 000 livres en 1812[40] par la famille Caruel de Saint-Martin, très implantée au Chesnay[41], qui lui adjoint la petite ferme contigüe, au nord[42]. Il est remarquable de constater que dans son testament, faisant don de la maison à son plus jeune fils, Jean-Baptiste Caruel la désigne comme « petit château ». C’est que, tant ses dimensions, son allure, sa distribution et ses décors, que ses aménagements extérieurs ont fini par transformer cette maison des champs en petit château. Jusqu’en 1897 la demeure reste dans la même famille avant d’être vendue à Maurice Charlot qui la loue au moins à partir de 1909 au peintre Jean-Louis Forain (1852-1931). Jeanne et Jean-Louis Forain l’acquièrent en 1923 et la distribution est depuis restée conforme à la description de l’acte de vente[43]. La maison est toujours possédée par les descendants Forain.

 

 

 

[1] Cette notice doit énormément à l’étude conduite par Victorien Leman et Lucie Jeanneret en 2014, qui rassemble toutes les archives essentielles à la compréhension de la maison ainsi qu’une étude du bâti et un relevé des façades : Victorien Leman et Lucie Jeanneret, Le Chesnay (Yvelines), 10-12 avenue Dutartre, rapport d’étude documentaire et d’expertise archéologique, Université Rennes 1, 2014, document dactylographié et aux recherches de Jean-Michel Leniaud,10, avenue Dutartre, au Chesnay. Un chef-d’œuvre d’architecture dans lequel l’histoire s’est donné rendez-vous, 2024, document dactylographié.

[2] Leman, op. cit. La maison est représentée sur la Carte d’arpentage des avenues et pépinières de Saint-Antoine, dressée avant 1710 mais « conforme à l’état du 17 juin 1685 », AD78, A 252.

[3] Le 5 janvier 1713, AD78, 3E 47, n°74, 3 juin 1750, folio 5, verso.

[4] Archives de Paris, Registre de catholicité de l'archevêché, Relevé des baptêmes, mariages, sépultures de la paroisse Saint-Eustache (1530-1792) en 154 volumes reliés, vol. 131, p. 153/221.

[5] Denis MICHEL-DANSAC, « Une demeure chesnaysienne bénie des artistes », Revue de l’histoire de Versailles et des Yvelines, Académie des sciences morales, des lettres et des arts de Versailles et d’Île-de-France, tome 104, 2022, pp. 6 à 21, p. 8.

[6] AD78, 3E 47, n°74, folio 5, verso.

[7] AD78, 5Mi 149 bis, p. 235/258.

[8] Acte de mariage de leur fils, AD78, 5Mi 160 p. 15/58.

[9] AD78, 5Mi 165, p. 89/92.

[10] AD78, 3E 47, n°74, folio 4, recto. Le partage des biens entre héritiers Dumoutier et Henry avait été acté 1738 (AN, MC/ET/XCI/1062, folio 2, recto).

[11] AD78, 5Mi 169 BIS, p. 24/49

[12] 3 juin 1750, AD78, 3E47, n°74.

[13] Ibidem, folio 3, verso

[14] Le 6 mars 1769, AN, MC/ET/XCI/1062.

[15] Vente du 1er octobre 1773. AD78, 3E44, n°164.

[16] Ibidem, folio 1, recto.

[17] Ces précisions apparaissent dans l’inventaire après décès de Pommier, AD78, 3E 46, n°87.

[18] L’acte de vente laisse entendre qu’il a construit dans la cour : « écurie, remise, fosse de cabinet d’aisance… », AD78, 3E 44, n°181 folio 1, recto.

[19] AN, Maison du Roi, O1 1251.

[20] Ibidem, n°177.

[21] 25 juillet 1785. AD78, 3E 44, n°181.

[22] AD78, 3E 46, n°87.

[23] AD78, 3E44 206.

[24] Vente Pommier/Gacon 25 juillet 1785, AD78, 3E44, n°181.

[25] Au nord de la parcelle, en achetant une partie des terres qui avaient été séparées en 1747. Leman, op. cit., p. 49. 

[26] Recensement de population de Bailly, 1792, AD78, 1L 446, p. 312. Un jardinier et sa femme habitent la maison depuis 1788 mais c’était déjà le cas du vivant de Pommier, AD78, 3E46, n°87.

[27] Plusieurs hypothèses sont avancées sur la construction de la maison. Leman démontre la construction en trois phases mais considère que Marie Gacon a commencé par déplacer la maison de quelques mètres vers le nord. La maison originelle, avec ses murs plus épais, apparaît cependant sur les plans, avec une cave sous le petit salon. Jean-Michel Leniaud (op. cit.) considère que la maison a été agrandie en une seule phase, entre 1794 et 1795, juste avant la vente de la maison. Cependant la confrontation des actes de vente de 1795, 1806 puis de 1812 montre qu’en 1795 la maison n’a pas encore atteint sa taille maximale.

[28] Dictionnaire de Féraud, 1787, mais un siècle plus tôt le dictionnaire de Furetière donne déjà la même définition.

[29] La vente est adjugée à 104 000 livres. Onze oppositions sont insérées dans le procès-verbal d’enchère du 6 germinal an III. AD 78, 3E 44, n°206.

[30] Les hypothèques n’ont été conservées qu’à partir de l’an VII.

[31] Leniaud, op. cit., p. 16. Pour Jean-Michel Leniaud, Vaudoyer a donné à la maison son aspect extérieur.

[32] Barry Bergdoll, « Antoine Laurent Thomas Vaudoyer », Dictionnaire critique des historiens de l’art actifs en France de la Révolution à la Première Guerre mondiale, dictionnaire de l’INHA en ligne.

[33] Voir note 31.

[34] Union des créanciers de M. Flachat, 7 juillet 1806, AN, MC/ET/CXVII/1014.

[35] MC/ET/CXVII/1014, in Leman, p. 150.

[36] Ces dessins de Géricault, neveu de Caruel, le propriétaire suivant, sont conservés à L’Art Institute of Chicago et visibles en ligne sur le site du musée. Denis MICHEL-DANSAC, « Quand Géricault dessinait Le Chesnay », Revue de l’histoire de Versailles et des Yvelines, Académie des sciences morales, des lettres et des arts de Versailles et d’Île-de-France, tome 100, 2018, pp. 136-143.

[37] MC/ET/CXVII/1014, folio 3, recto.

[38] Leman, op. cit., p. 37.

[39] André Guibout est à cette époque secrétaire de Caroline Murat à Naples. Sa femme et sa fille sont installées au Chesnay.

[40] Acte du 26 septembre 1812, MC/RE/XXXVIII/14.

[41] Jean-Baptiste Caruel de Saint-Martin est maire du Chesnay, propriétaire de nombreuses terres et du grand château depuis 1802.

[42] AD78, 3P3 1099, p. 51/500.

[43] Leman, op. cit., p. 43.

La maison, de plan barlong, sur deux niveaux d’élévation et étage de comble, coiffée d’une toiture à longs pans et croupe polygonale, presque invisible, était constituée à l’origine d’un noyau correspondant aux quatre travées centrales. Deux corps latéraux postérieurs prolongent le bâtiment en longueur par ses deux extrémités nord et sud. Alignées sur la façade, ces extensions à pans coupés créent une forme géométrique rare qui tient d’une architecture savante. La pureté de ces lignes, accentuée par la sobriété des façades traitées sans ornement ni moulure, est à peine contredite par plusieurs irrégularités dues à une construction en plusieurs phases. La forme rectangulaire tire par exemple sur le trapèze : les deux façades principales ne sont pas parallèles et tendent à converger au nord. Le noyau initial du logis ne devait pas être tout à fait droit et sa prolongation a accentué cette irrégularité.

Le décor se réduit, sur les quatre façades, à de faux bossages continus. Une corniche court le long des deux extensions, un peu plus développée au nord, et s'interrompt sur la partie centrale. Le côté nord, qui n’a jamais abrité que la cuisine et la salle commune, est cependant le premier visible en pénétrant dans la cour, ce qui pourrait justifier cette mise en exergue. Cette façade est aussi la plus tardive, construite entre 1795 et 1812, à une époque où la maison continue de croître en prestige, avec l’adjonction de plusieurs fabriques, telles que la laiterie de forme circulaire (disparue), ou le pavillon des bains.

La façade est, sur rue, où se trouve l’entrée principale avec accès au vestibule, est travaillée dans un esprit d'équilibre. Le corps central se distingue nettement. Pour créer une symétrie, la fenêtre en pendant de la porte a reçu la même corniche. Les deux corps latéraux sont percés au rez-de-chaussée de baies cintrées. Au premier étage les fenêtres rectangulaires, nettement plus petites, sont identiques sur toute la longueur, à l’exception de celle du nord, beaucoup plus grande et alignée sur les autres fenêtres du premier étage de l’extension nord.

Côté jardin, la façade est composée de six travées légèrement irrégulières dans leur ordonnancement ; les fenêtres rectangulaires du premier étage sont d'ailleurs de dimensions variables. Les grandes fenêtres du rez-de-chaussée sont cependant toutes en plein cintre et identiques à celles des extensions nord et sud.

Les côtés, qui portent les pans coupés, sont conçus de la même façon que les façades : fenêtres hautes cintrées au rez-de-chaussée, rectangulaires au premier, assez grandes côté nord, plus petites au sud. L’extension sud a reçu un traitement particulier avec un large bandeau vertical qui coupe la façade en deux. Le premier niveau est percée d'une grande niche conçue pour recevoir une sculpture en pied, copie de l’Arès Borghèse, alors identifié comme une représentation d'Achille[1]. La niche est surmontée d’un grand trumeau curieusement plat et nu.

On voit que, lorsque le bâtiment a été agrandi, on a cherché à harmoniser les façades et travaillé à une impression de symétrie. On n’a pas hésité cependant à s’adapter ; la recherche de lumière côté nord peut expliquer les fenêtres plus hautes.

Intérieurement, les trois parties du bâtiments se distinguent. L'extrémité sud est occupée par deux salons largement éclairés. Son pendant nord contient la salle commune et une petite cuisine. Les murs de la partie centrale, plus ancienne, sont beaucoup plus épais, y compris le mur de refend qui coupe ce noyau dans sa longueur. Côté jardin se tiennent un salon et une salle à manger, côté rue un office, qui devait être l'ancienne cuisine, avec un petit escalier en colimaçon, et enfin le vestibule avec l'escalier d'honneur. Au premier étage ce mur de refend central est percé d'arcades prolongées au nord par un couloir desservant les chambres à coucher, de part et d'autre. Le sud est occupé par une grande chambre, qui était peut-être doublée d'une autre donnant sur la rue, aujourd'hui divisée.

Les salons du rez-de-chaussée sont restés inchangés depuis l'occupation par Jeanne et Jean-Louis Forain. Un article paru dans L'Illustration de 1931 montre en effet le peintre chez lui.

Des fabriques, construites ou modifiées à l’époque de Flachat, demeure le pavillon des bains, placé le long de la rue Dutartre, au nord-est de la propriété. Il longe la ferme dont les Caruel font l’acquisition après 1812. Il est décrit dès 1806 comme « formant belvédère, et servant de salle de bains d'hiver et d'été et de bibliothèque »[2]. De plan carré, couvert en pavillon, il est composé de deux niveaux à travée unique. Les quatre faces sont à peu près identiques, percées de deux ouvertures : une porte en plein cintre au rez-de-chaussée (remplacée par une petite fenêtre cintrée sur la rue) et une grande fenêtre rectangulaire à corniche au premier étage. Les deux niveaux sont séparés par un bandeau en larmier surmonté d’une table rentrante qui contraste avec les joints creux du faux appareil qui orne les façades. Des pilastres aux angles encadrent ce sobre décor. Le rez-de-chaussée abrite une salle des bains circulaire à voûte plate et décor rocaillé d’une simple et élégante rusticité. On accède au premier étage, dévolu à la bibliothèque, par la porte ouest, à la salle de bains par la porte sud. Une troisième porte, percée dans le mur nord, du côté des communs, mène au réservoir installé sur la conduite souterraine du Chesnay. Les trois espaces sont donc indépendants[3].

 [1] L'original a été acquis par Napoléon en 1807 de Camille Borghèse. Il a été exposé au Louvre au moins à partir de 1817 (Jean-Luc Martinez, Les Antiques du musée Napoléon : édition illustrée et commentée des volumes V et VI de l’inventaire du Louvre de 1810, Paris, musée du Louvre, 2004). L'oeuvre était cependant déjà bien connue par la gravure et le château de Chantilly en possédait une copie, disparue (Leniaud, op. cit., p. 10).

[2] Procès-verbal d’enchère du 26 août 1806, AN, MC/ET/CXVII/1014 in Leman, op. cit.

[3] Leman, op. cit., p. 77

  • Murs
    • enduit d'imitation
  • Toits
    ardoise
  • Étages
    sous-sol, rez-de-chaussée, 1 étage carré, étage de comble
  • Élévations extérieures
    élévation ordonnancée
  • Couvertures
    • toit à longs pans croupe polygonale
  • Escaliers
    • escalier dans-oeuvre : escalier tournant à retours avec jour cage ouverte
  • Typologies
    Maison à pans coupés (1er quart 19e siècle)
  • État de conservation
    bon état
  • Techniques
    • papier peint
  • Représentations
    • sujet profane
    • sujet mythologique, déesse
  • Précision représentations

    Papier peint sur les monuments de Paris, manufacture Joseph Dufour, 1812.

    Papier peint sur l'Histoire de Psyché, manufacture Joseph Dufour, 1815.

  • Statut de la propriété
    propriété privée
  • Intérêt de l'œuvre
    à signaler, maison d'homme célèbre
  • Éléments remarquables
    salle de bain
  • Sites de protection
    abords d'un monument historique

Cette œuvre unique dans le domaine domestique est tout à fait remarquable par son architecture et par la richesse des sources qui la documentent. Construite en plusieurs phases, elle arbore cependant une homogénéité obtenue par la pureté de ses lignes, qui tient d'une architecture savante, et de son décor.

  • Jean-Michel Leniaud, 10 avenue Dutartre, au Chesnay. Un chef d’œuvre d'architecture dans lequel l'histoire s'est donné rendez-vous, 2024, document dactylographié.

  • Victorien Leman, Lucie Jeanneret, Le Chesnay (Yvelines), 10-12 avenue Dutartre. Rapport d'étude documentaire et d'expertise archéologique, UMR 6566 CReAAH - Université Rennes 1, 2014, document dactylographié. Archives privées.

Documents d'archives

  • Mémoire accompagnant le plan de la maison de Pierre Pommier, 30 novembre 1785, sous-série o(1), Maison du Roi, O(1) 1251, n° 176 et 177.

    Archives nationales, Paris : O(1) 1251, n° 176 et 177
  • Feuille d'extraits concernant la succession du sieur Pommier. 12 octobre 1790, MC/ET/LIX/360

    Archives nationales, Pierrefitte-sur-Seine : MC/ET/LIX/360
  • Vente de Jean Toussaint Le Fachet à Charles Gallien, 3 juin 1750. Archives départementales, 3E47 n°74

    Archives départementales des Yvelines, Montigny-le-Bretonneux : 3E47 n°74
  • Archives de Paris, Registre de catholicité de l'archevêché, Relevé des baptêmes, mariages, sépultures de la paroisse Saint-Eustache (1530-1792) en 154 volumes reliés, vol. 131, p. 153/221.

    Archives de Paris : non côté
  • Acte de mariage Marie Prieur et Jacques François Dumoutier, AD 78, 5Mi 149 bis, p. 15/58

    Archives départementales des Yvelines, Montigny-le-Bretonneux : 5Mi 149 bis
  • Acte de mariage François Etienne Dumoutier et Marie Marthe Pinson 31 janvier 1723, AD 78, 5Mi 160n p. 15/58

    Archives départementales des Yvelines, Montigny-le-Bretonneux : 5Mi 160
  • Acte de décès de Claude Henry 24 décembre 1726, AD 78, 5Mi 165, p. 89/92

    Archives départementales des Yvelines, Montigny-le-Bretonneux : 5Mi 165
  • Vente entre Charles Gallien et Jean Antoine Thomas, 6 mars 1769, MC/ET/XCI/1062

    Archives nationales, Pierrefitte-sur-Seine : MC/ET/ XCI/1062
  • Acte de mariage Marie Françoise Loison et Charles Gallien 13 juin 1742, AD78, 5Mi 169 bis, p. 24/49

    Archives départementales des Yvelines, Montigny-le-Bretonneux : 5Mi 169 bis
  • Vente de Jean Antoine Thomas à Pierre Pommier, 1er octobre 1773, AD 78, 3E 44 n°164

    Archives départementales des Yvelines, Montigny-le-Bretonneux : 3E 44 n°164
  • Testament olographe de Pierre Pommier, 5 novembre 1785, et inventaire après décès de Pierre Pommier, 11 novembre 1785, AD 78, 3E 46, n°87

    Archives départementales des Yvelines, Montigny-le-Bretonneux : 3E 46, n°87
  • Acte de vente entre Pierre Pommier et Marie Gaçon, 25 juillet 1785, AD 78, 3E 44, n°181

    Archives départementales des Yvelines, Montigny-le-Bretonneux : 3E 44, n°181
  • Procès verbal d'enchère du 6 germinal an III (26 mars 1795), AD 78, 3E 44, n°206

    Archives départementales des Yvelines, Montigny-le-Bretonneux : 3E 44, n°206
  • Recensement de population de Bailly, 1792, AD78, 1L 446, p. 312.

    Archives départementales des Yvelines, Montigny-le-Bretonneux
  • Union des créanciers de M. Flachat, 7 juillet 1806, MC/ET/CXVII/1014

    Archives nationales, Pierrefitte-sur-Seine : MC/ET/CXVII/1014
  • Minute de la vente Flachat Rollet, minutes du notaire Louveau, acte n°667 du 26 septembre 1812, MC/RE/XXXVIII/14

    Archives nationales, Pierrefitte-sur-Seine : MC/RE/XXXVIII/14
  • Matrice cadastrale, AD78, 3P3 1099, p. 51/500.

    Archives départementales des Yvelines, Montigny-le-Bretonneux : 3P3 1099

Bibliographie

  • Jean-Luc Martinez (dir.), Les Antiques du musée Napoléon. Édition illustrée et commentée des volumes V et VI de l'inventaire du Louvre de 1810, Paris, Réunion des musées nationaux, 2004, 863 p.

    Bibliothèque de l'Institut national d'histoire de l'art, Paris : AM48.P37 L68.G8 2004

Périodiques

  • Denis MICHEL-DANSAC, "Quand Géricault dessinait Le Chesnay", Revue de l'histoire de Versailles et des Yvelines, Académie des sciences morales et des lettres et des arts de Versailles et d'Île-de-France, tome 100, 2018, pp. 136-145.

  • Denis Michel-Dansac, "Une demeure chesnaysienne bénie des artistes", Revue de l'histoire de Versailles et des Yvelines, Académie des sciences morales et des lettres et des arts de Versailles et d'Île-de-France, tome 104, 2022, pp. 6-21.

Documents multimédia

  • Barry Bergdoll, « Antoine Laurent Thomas Vaudoyer », Dictionnaire critique des historiens de l’art actifs en France de la Révolution à la Première Guerre mondiale, dictionnaire de l’INHA en ligne

Date(s) d'enquête : 2024; Date(s) de rédaction : 2025
(c) Région Ile-de-France - Inventaire général du patrimoine culturel
Métais Marianne
Métais Marianne

Conservatrice au service Patrimoines et inventaire d'Ile-de-France

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