Chargée du recensement et de la protection au titre des Monuments historiques
Correspondante du label "Architecture contemporaine remarquable"
Conservation régionale des monuments historiques, DRAC Ile-de-France
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Dossier non géolocalisé
Un lycée nouveau dans la ville nouvelle : le lycée des Sept-Mares de Maurepas
HISTORIQUE ET PROGRAMME
Un lycée pour le centre des Sept-Mares, premier quartier de la ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines
En 1965, le Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme de la Région Parisienne (SDAURP), rédigé sous l’autorité de Paul Delouvrier, fixe les grandes orientations du développement de la région parisienne. La création de villes nouvelles est alors envisagée par l’Etat comme une réponse à l’explosion démographique, à l’engorgement de la capitale et à l’insuffisance notoire des équipements en banlieue. A l’ouest de Paris, le choix se porte sur le site de Saint-Quentin, encore peu urbanisé à l’exception du secteur de Trappes. En 1970 est fondé l’Etablissement Public d’Aménagement de Saint-Quentin-en-Yvelines (EPASQY). Son directeur, Serge Goldberg, retient comme principe d’urbanisme, commun à d’autres agglomérations nouvelles, l’articulation de la future ville entre des « bourgades » autonomes de 20 à 30 000 habitants, reliées entre elles par des espaces verts et pourvues de logements et d’équipements de proximité et un centre structurant, proposant un éventail supérieur d’équipements publics. Il confie aux architectes urbanistes Henri Coulomb et Guy Lagneau la mission de concevoir ce cœur de ville, qu’ils travaillent à faire émerger à partir d’une ZAC (Zone d’Aménagement Concerté) instaurée par un arrêté du 16 juillet 1973, s’étendant sur 450 hectares de part et d’autre de la route nationale 10 et de la voie ferrée de Paris à Brest. Ce centre connaît une amorce de concrétisation avec la construction de la gare actuelle de Saint-Quentin-en-Yvelines, d’une grande surface Euromarché (démolie) et de l’Immeuble International érigé en 1975 par l’architecte Jean de Mailly en bordure des voies. Toutefois, la crise pétrolière et la remise en cause des modèles urbains découlant de la Charte d’Athènes (la circulaire prise par Olivier Guichard, ministre de l’Equipement et du Logement, le 21 mars 1973, met fin aux grands ensembles) interrompent le projet.
Les équipes de l’EPA décident alors, plutôt que de faire table rase du passé, d’accompagner les « coups partis », ces prémisses d’urbanisation ayant pris forme antérieurement aux opérations initiées dans le cadre de l’aménagement de la ville nouvelle. Or, à la fin des années 1960, le promoteur Jacques Riboud avait entrepris l’édification de lotissements mêlant immeubles collectifs et pavillons individuels à cheval sur les trois communes de Maurepas, Elancourt et La Verrière.
C’est sur le succès de ce morceau de ville que naît le projet du centre des Sept-Mares, considéré par les habitants comme le véritable centre fondateur de Saint-Quentin-en-Yvelines car il en regroupe toutes les fonctions : résidentielle, administrative, commerciale, culturelle et sociale. Tirant son nom des marécages qui existaient autrefois à son emplacement, l’opération est livrée en 1975 par l’architecte Philippe Deslandes. Sa conception répond à trois objectifs : offrir tous les équipements nécessaires à la vie d’un quartier prévu pour héberger à terme 45 000 habitants mais également destiné à desservir plus largement tout l’ouest de la ville nouvelle ; constituer, par la variété de ses activités, un lieu d’animations et d’échanges (« l’idée de base, aux Sept Mares, a été de tisser des réseaux de relations, des zones de « frottement » dans la ville » dira P. Deslandes) et enfin se présenter comme un ensemble fonctionnel et accueillant, dont seraient écartées les nuisances de la circulation automobile.
Son organisation s’appuie ainsi sur les principes de l’urbanisme de dalle : les véhicules sont rejetés à la périphérie de l’îlot, grâce à des parkings aménagés en sous-sol ou en bordure du centre, qui se déploie sur une dalle exclusivement piétonne d’environ 20 000 m2, dont la colonne vertébrale est formée par une rue encadrée de quatre immeubles d’habitations se faisant face avec des commerces en rez-de-chaussée. Ces immeubles, dont l’architecture évoque celle des paquebots, présentent, à chacune de leur extrémité, une entrée et une tour d’escalier, qui permettent de desservir les logements grâce à des coursives extérieures sculptées en forme de nuages. « Pour abriter la rue sans la clore et l’asphyxier comme dans les shoppings centers », dont elle revendique l’influence, « les encorbellements de coursives, par décalages successifs, créent un toit à cette artère, ainsi protégée de la pluie tout en restant à l’air libre ». L’accès à cet axe traversant se fait, au nord, par un souterrain représentant une grotte menant aux « Nouveaux horizons » et au sud, par une passerelle enjambant la route qui sépare les Sept-Mares d’un groupe de pavillons.
La rue piétonne conduit, au sud-ouest, à une sorte d’agora, où sont regroupés les équipements majeurs du quartier (centre commercial, commissariat de police, centre de santé, centre de la petite enfance, foyer pour jeunes travailleurs , résidence de personnes âgées, salle omnisport, bibliothèque, centre œcuménique et Maison pour Tous) et à un parc, au milieu duquel est implantée la statue de la Main invisible (plus connue sous le nom de « l’Homme couché »), œuvre de l’artiste Klaus Schultze réalisée en briques de Vaugirard. Au nord, se déploient des bureaux et un vaste centre administratif surplombant un marché couvert.
Si Philippe Deslandes établit le plan-masse de cet ensemble, en fixant les contraintes de matériaux à employer et la hauteur des bâtiments à ne pas dépasser, chaque architecte peut apporter sa touche personnelle à la conception d’un équipement spécifique. Inauguré en 1978, le centre administratif, réalisé par les architectes Jacques Kalisz, Roger Salem et François Doucot, marque l’entrée du centre des Sept-Mares par sa monumentalité et ses piliers de béton blanc rompant l’horizontalité de ses bandeaux de fenêtres en verre fumé. Dessinée par Pierre Venencie, la Maison pour Tous (1974) rassemble sous un même toit une halte-garderie, des ateliers, un café-restaurant, une école de musique, un auditorium et une salle polyvalente hexagonale pourvue d’un système de gradins mobiles permettant de modifier sa capacité de 500 à 1500 spectateurs. Daniel Demonfaucon signe le centre de santé situé juste derrière la Maison pour Tous tandis que Philippe Fayeton et Werner Schtutz érigent le commissariat de police, dont le bloc de céramique rose tranche avec la brique de Vaugirard privilégiée par Philippe et Martine Deslandes qui prennent en charge le reste des équipements du quartier (foyer pour personnes âgées et jeunes travailleurs, centre de la petite enfance et centre œcuménique). A l’extrémité du parc, la salle omnisports, conçue par les architectes Roger Dhuit et Henri Meulien, est semi-enterrée pour ne pas rompre le rythme des espaces verts.
Un lycée-maison sociale, ouvert sur la ville comme sur la vie
Ouvert à la rentrée 1973, le lycée des Sept-Mares est le premier établissement de second degré bâti pour équiper une ville nouvelle – avant le lycée d’Evry-Parc des Loges (1975) et le lycée Kastler de Cergy-Pontoise (1978).
Dès la planification du centre des Sept-Mares, en 1969-1970, un terrain de plus de 18 000 m2 lui est réservé au cœur même du quartier. Mais sa mise en chantier est le fruit d’une longue concertation entre le Ministère de l’Education nationale, le Rectorat, la préfecture de Région et l’Etablissement public d’aménagement de Saint-Quentin-en-Yvelines, qui aboutit le 13 janvier 1972. A cette date, et alors que deux projets de lycées étaient en concurrence sur le territoire de Saint-Quentin-en-Yvelines, l’un à Trappes et l’autre à Elancourt-Maurepas, priorité est donné à ce dernier, avec une enveloppe financière contrainte. Le montant total de la somme allouée à sa construction est fixé à 7 800 000 francs (hors acquisition du terrain), dont une subvention de l’Etat de 6 801 500 francs inscrite au programme national des investissements de 1973 – le reliquat étant à la charge des collectivités locales. Le 21 avril 1972, le syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVOM) regroupant les communes incluses dans le périmètre de la future ville nouvelle accepte d’assurer la maîtrise d’ouvrage, qu’il délègue par convention à l’EPA. Il demeure néanmoins à l’origine du choix de l’architecte Guy Bisson. Ce mode de désignation, rendu possible grâce au cadre dérogatoire dont bénéficient les villes nouvelles, se distingue de la procédure des concours et des appels d’offres alors en vigueur pour la réalisation des lycées. Il s’inscrit également dans le contexte plus large des lendemains du mouvement de mai 1968, qui remet fortement en cause les modèles industrialisés imposés par l’Etat et se prononce en faveur d’une corrélation plus étroite entre architecture et travail pédagogique. Les établissements ne sont plus conçus comme une simple juxtaposition de salles de classes mais comme de véritables « micro-villes dans la macro-ville », destinés à s’ouvrir davantage sur l’extérieur.
Un équipement intégré
Le programme du lycée des Sept-Mares, qui constitue le premier équipement intégré du quartier éponyme, reflète parfaitement cette utopie. Défini par un groupe de travail dirigé par l’Inspection académique des Yvelines, il découle de l’idée directrice ayant présidé à la création de cette unité urbaine fraîchement sortie de terre : favoriser les contacts et le brassage des différentes populations s’y côtoyant quotidiennement. Les fonctions élémentaires de chaque équipement destiné à desservir la dalle sont ainsi décomposées et éclatées, pour être rassemblées de manière novatrice, afin que leur usage soit mutualisé.
Le lycée doit permettre l’accueil de 924 élèves (600 en section classique et contemporaine et 324 en section commerciale) mais également héberger une maison sociale, un centre de formation professionnelle pour adultes, un centre d’information et d’orientation, des laboratoires de langues et un centre d’enseignement ménager ouverts à tous les habitants du quartier et au-delà de la ville nouvelle. En revanche, il n’est pas prévu que l’établissement comporte une cantine, celle-ci étant « délocalisée » dans la Maison pour Tous, afin d’y faire se rencontrer chaque midi les lycéens et les personnes âgées venues fréquenter le foyer – avant que, le soir venu, le restaurant ne se métamorphose en cafétéria accessible à tous. Les lycéens sont aussi invités à être des usagers réguliers de la bibliothèque des Sept-Mares, et notamment de son sous-sol, dévolu à un vaste studio audio-visuel, véritable centre de production télévisée local, équipé de caméras et magnétoscopes dernier cri.
L’architecte : Guy Bisson
Informé de sa sélection le 24 avril 1972, Guy Bisson s’attelle immédiatement à la tâche et son avant-projet est adopté le 8 septembre en CDOIA (Commission départementale des opérations immobilières et de l’architecture). Le chantier démarre officiellement le 24 décembre 1972. Il est prévu pour se découper en deux tranches : la première livrée pour la rentrée 1973, comportant les locaux d’enseignement général, les salles d’enseignement spécialisé (sciences naturelles, physique, chimie, histoire et géographie, dactylo-mécanographie) et une salle polyvalente, et la seconde livrée au début de l’année 1974, avec le reste des locaux d’enseignement, l’administration, les logements et la partie à vocation de « Maison sociale ».
Né en Algérie en 1932, formé à l’école régionale des Beaux-Arts d’Alger puis à l’Ecole des Beaux-arts de Paris dans l’atelier de Pierre Vivien, diplômé en 1958, Guy Bisson débute sa carrière sur sa terre natale auprès de deux représentants du courant corbuséen en Algérie, Georges Bize et Jacques Ducollet, avant de s’installer définitivement en France en 1961, au moment où sa famille quitte l’Algérie. Il réalise alors un grand nombre d’équipements publics, principalement dans le domaine scolaire (en particulier dans les villes nouvelles) et dans celui de la santé (hôpital et maison de retraite de Sablé-sur-Sarthe, 1966-1968). C’est son projet de CES pour 1200 élèves, réalisé en 1972 dans le quartier des Touleuses à Cergy-Pontoise, qui lui vaut d’être remarqué par le Syndicat intercommunal et choisi comme maître d’œuvre du lycée d’Elancourt-Maurepas. Egalement marqué par l’emploi de la brique de Montmorency, dont Bisson utilise toutes les potentialités de nuances rouges et ocres, et par l’imbrication de figures géométriques simples, ce CES des Touleuses présente une parenté évidente avec le lycée des Sept-Mares.
DESCRIPTION
Implantation sur parcelle
D’une superficie de plus de 18 000 m2, le terrain se situe au sud-est de la dalle des Sept-Mares, à la fois au cœur même du quartier et à proximité immédiate d’une zone boisée. Il est bordé à l’ouest et au nord par des immeubles d’habitation et un square, à l’est par un chemin piéton qui longe le parc de l’Homme couché pour rejoindre la salle omnisports et la Maison pour Tous et au sud par la route d’accès et un parking de 300 places. C’est la présence, à l’ouest, d’une masse boisée contiguë à l’établissement se prolongeant par le square qui a conduit l’architecte à répartir les bâtiments dans la partie basse de la parcelle, si bien qu’ils apparaissent aujourd’hui noyés dans la verdure, leurs toitures émergeant à peine des haies de buissons venues clôturer le périmètre du lycée – alors que sa cour et ses abords s’ouvraient à l’origine directement sur le parc, se confondant avec l’espace public.
Plan
Le plan du lycée est complexe : pour rentabiliser une surface relativement restreinte, il adopte l’aspect d’une nappe proliférante agglomérant de petites cellules de formes géométriques diverses et s’étirant en accordéon le long d’une diagonale. Celle-ci n’est autre que la matérialisation d’un grand couloir principal traversant de part en part l’établissement pour relier ses différents pôles et invitant à la déambulation. Cette « rue intérieure » était empruntée, à l’origine, aussi bien par les élèves que par les habitants, qui pouvaient l’utiliser pour se rendre de la dalle et ses équipements vers leurs logements, rendant ainsi plus concrète la complète imbrication des uns et des autres.
Du sud au nord de la diagonale, les volumes s’organisent librement selon les zones de travail, identifiées par une signalétique en lettres minuscules noires. L’enseignement (salles d’enseignements spécialisés et salles d’enseignement général) et les services techniques sont rejetés à l’arrière de la diagonale, sous la forme d’unités rectangulaires juxtaposées, simplement interrompues, côté ouest, par deux redents (abritant chacun un module de trois classes) donnant sur une aire de jeux.
A l’avant de la diagonale, côté parc et dalle, se déploie la silhouette immédiatement reconnaissable du pôle socio-culturel. Elle se distingue par deux volumes semi-cylindriques emboîtés, véritable proue du bâtiment, qui abrite, au premier niveau, une salle de dessin et une salle de musique, et surplombe, au rez-de-chaussée, un préau, une salle polyvalente, des salles de réunion et une bibliothèque. Toutes les circulations de cette partie ouverte au public sont ponctuées de généreux puits de lumière et de patios végétalisés, qui cassent les perspectives longilignes et créent des effets de surprise. Les bureaux de l’administration et le centre médico-social, qui forment un trapèze accolé à un cercle, sont masqués par l’avancée du pôle socio-culturel et dotés d’une discrète entrée de service, au nord. Au sud de la diagonale prennent place, volontairement à l’écart, les logements du personnel. Ils sont disposés en duplex, faisant bénéficier chaque famille d’un jardinet devant le séjour.
Traitement des façades et mode constructif
L’établissement se compose d’un groupe de bâtiments bas, élevés d’un étage, dont les volumes extérieurs expriment la localisation des différentes activités. Les deux pôles de la maison sociale et du centre médico-social, véritables « éléments dynamiques » du lycée, se démarquent ainsi par leurs formes « organiques », rompant avec les arêtes vives et découpées du reste de l’édifice.
Afin de souligner la parfaite intégration du lycée à la dalle des Sept-Mares, l’architecte Guy Bisson en reprend les matériaux dominants : le béton nu et la brique de Montmorency - cette dernière étant laissée apparente, à la fois pour exploiter le potentiel décoratif de ses nuances rouges et ocres, mais également pour gagner du temps (absence de peinture donc de délais de séchage).
L’ossature de l’établissement est ainsi composée d’une structure poteau-poutre en béton armé établie sur une trame de 7, 20 m (dérogeant à la trame d’1,75 m imposée par le Ministère de l’Education nationale) et de panneaux de remplissage en briques pleines appareillées en panneresse, formant des cloisons pourvoyeuses d’une bonne isolation phonique, pouvant même être ultérieurement déplacées afin de s’adapter à de futures évolutions pédagogiques. Le double éclairage, latéral et zénithal, de la plupart des salles répond à la même injonction : rompre avec un éclairage latéral unique, à l’origine d’une disposition préétablie et définitive des locaux.
Les toitures terrasses et les bandeaux de fenêtres soulignent l’expansion horizontale du bâtiment tout entier orienté vers le quartier. Le 1% artistique, confié au sculpteur et céramiste Charles Gianferrari, venait encore renforcer ce tropisme. Aujourd’hui partiellement détruit et enfoui sous le goudron, il était constitué d’un cheminement piéton en pavés de brique de Vaugirard bleus et rouges conduisant du lycée au centre des Sept-Mares, entre des aires aménagées en pelouses et des présentoirs en matière plastique permettant l’exposition des travaux des élèves.
Modifications ultérieures
Hormis le remplacement de certaines huisseries et l’adjonction d’escaliers métalliques de secours, ainsi que de minimes adaptations intérieures (pose de faux-plafonds, changement de revêtement des sols), le lycée des Sept-Mares a subi peu de modifications. La plus importante réside en la construction, en 1995, à l’ouest de l’établissement, d’un nouveau bâtiment pour accueillir des salles de classes complémentaires, d’une autre salle polyvalente et d’un service de demi-pension internalisé. Clair et fonctionnel, il s’intègre parfaitement à son environnement.
Label Architecture contemporaine remarquable (ACR) décerné en 2020.
Conservateur du patrimoine, Région Île-de-France, service Patrimoines et Inventaire.
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