Dossier d’œuvre architecture IA78001043 | Réalisé par
Philippe Emmanuelle (Rédacteur)
Philippe Emmanuelle

Conservateur du patrimoine, Région Île-de-France, service Patrimoines et Inventaire.

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Bussière Roselyne (Rédacteur)
Bussière Roselyne

Conservateur du patrimoine, Région Île-de-France, service Patrimoines et Inventaire.

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  • enquête thématique régionale
Lycée Jules-Ferry, ancien groupe scolaire
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Ile-de-France - Inventaire général du patrimoine culturel

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Ile-de-France
  • Commune Conflans-Sainte-Honorine
  • Adresse 7 rue Joseph Bouyssel
  • Cadastre 2020 AH 771
  • Dénominations
    lycée, groupe scolaire

La différence régionaliste : le lycée Jules-Ferry de Conflans-Sainte-Honorine, ancien groupe scolaire

HISTORIQUE ET PROGRAMME

 Un groupe scolaire pour le plateau

Alors qu’en 1906, Conflans-Sainte-Honorine, « petite bourgade tranquille »[1], ne comptait encore que 3559 habitants, elle connaît après la Première Guerre mondiale une vie économique prospère, grâce au développement de deux activités majeures, l’usine des L. T. T. (Lignes télégraphiques et téléphoniques) et la batellerie. La croissance qui en découle (10 283 habitants en 1936) incite la ville à se lancer à la conquête du plateau qui était resté presque entièrement voué à l’agriculture. « Cette « colonisation » est à la fois le fruit d’une politique désormais volontariste de la municipalité en ce qui concerne les bâtiments publics et de l’initiative privée pour les lotissements »[2].

C’est pour ces nouveaux Conflanais que des groupes scolaires sortent de terre, comme l’école Jules Ferry ou l’école Paul-Bert[3], « qui ont en commun leur large emprise au sol, leur caractère monumental et leur implantation en début de plateau »[4].

Une œuvre des architectes Joannon et Marandon

La réalisation du groupe scolaire Jules Ferry, qui ouvre ses portes à la rentrée de Pâques 1936, est confiée à deux architectes formés à l’Ecole des Beaux-Arts, Jacques Joannon (1896-1968) et Fernand Marandon (1894-1982), respectivement diplômés en 1927 et 1928. Très peu d’informations nous sont parvenues sur leur collaboration, qui semble démarrer au début des années 1930, lorsqu’ils fondent une agence au 53, rue de l’Hôtel de Ville à Pontoise. Ils y érigent en 1933 un immeuble d’habitation rue Carnot[5] puis signent en 1934 le groupe scolaire Vavasseur d’Auvers-sur-Oise, déjà dans un style régionaliste, caractérisé « par des recherches d’appareil et de contrastes colorés »[6]. Deux ans plus tard, ils remportent le concours lancé par la ville de Conflans-Sainte-Honorine pour un programme composite : une école primaire de filles et de garçons, complétée par des services communs et une école maternelle.

Un programme composite

Le projet de Joannon et Marandon s’inscrit dans le contexte de l’entre-deux-guerres, période durant laquelle le modèle de « l’école de Jules Ferry », relativement stable depuis le dernier quart du XIXe siècle, est revisité à l’aune de la pensée moderniste et hygiéniste.

Or, si la distribution des locaux du primaire change peu à cette époque – la séparation filles / garçons persiste, ainsi que le couloir rectiligne desservant les classes, l’éclairage latéral provenant de la cour et l’organisation traditionnelle des niveaux (préaux au rez-de-chaussée, classes aux premier et éventuellement second étage, puis logements de fonction au dernier) – ce sont surtout les autres éléments du programme qui donnent lieu à des variations architecturales comme la maternelle et les services généraux.

La première reste à inventer puisque la généralisation de l’enseignement des tout-petits est récente[7]. Quant aux seconds, on y note « une plus grande attention à l’enfant : le sérieux de la tâche éducative est désormais associé aux notions nouvelles d’accueil et de gaieté. L’école doit « donner l’envie d’apprendre ». Ces idées se traduisent par la recherche de la clarté, le travail sur la décoration intérieure et le traitement des entrées ».[8]

[1] BUSSIERE, Roselyne (dir.), Conflans-Sainte-Honorine, terre de confluences, Inventaire général du patrimoine culturel / Région Île-de-France, collection Images du Patrimoine n° 233, Paris, APPIF, 2005, p. 23.

[2] Ibid., p. 27.

[3] Le groupe scolaire Paul Bert, Gaston Roussel et du Confluent, sis rue Paul-Bert et prévu dès 1934. A son sujet, voir sa notice architecturale sur la base Mérimée [en ligne], consultée le 29 mai 2020. URL : https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/IA78001042

[4] BUSSIERE, Roselyne (dir.), Conflans-Sainte-Honorine, terre de confluences, Inventaire général du patrimoine culturel / Région Île-de-France, collection Images du Patrimoine n° 233, Paris, APPIF, 2005, p. 27.

[5] Au sujet de ce projet, voir la base Archiwebture [en ligne], consultée le 29 mai 2020. URL : https://archiwebture.citedelarchitecture.fr/fonds/FRAPN02_BAH21/inventaire/objet-46416

[6] SOMERS, Agnès, CRNOKRAK Catherine, La Vallée du Sausseron, Auvers-sur-Oise : Val d’Oise / Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France, Service régional de l’Île-de-France, collection Images du Patrimoine n° 107, Paris, APPIF-Conseil général du Val-d’Oise, 1992, p. 25.

[7] Elle s’opère grâce à l’action de Pauline Kergomard, que Jules Ferry nomme inspectrice des écoles maternelles en 1881 – poste qu’elle occupera jusqu’en 1917. Elle s’y attelle à la transformation des salles d’asile, à vocation essentiellement sociale, en écoles maternelles formant la base du système scolaire.

[8] RUBIO, Marian, « L’élan brisé d’une nouvelle architecture scolaire », « Paris à l’école, qui a eu cette idée folle… ? » sous la dir. d’Anne-Marie CHATELET, Paris, Picard-Pavillon de l’Arsenal, 1993, p. 142.

DESCRIPTION

« le double té et le fer à cheval »

Pour répondre à ces impératifs, Joannon et Marandon disposent d’une ample parcelle (plus de 15 000 m2) où ils peuvent « étaler avec prodigalité »[1] les bâtiments selon « un plan tenant à la fois du double té et du fer à cheval »[2].

Sa partie la plus intéressante ne réside pas dans les deux ailes parfaitement symétriques de l’école primaire (garçons à l’ouest et filles à l’est), assez banales, mais dans « le haut du fer à cheval »[3] (au nord) qui abrite les services communs à ces deux groupes et dans l’école maternelle, au sud, qui se développe sur le même axe principal et vient à la fois délimiter deux cours distinctes et clore la composition.

La haute bâtisse centrale de la maternelle, de plan rectangulaire régulier, s’élève sur un rez-de-chaussée, percé de baies cintrées et deux étages, couronnés par une toiture à croupe recouverte de tuiles plates. L’accès se fait par deux vestibules situés de part et d’autre d’un escalier éclairé par une verrière montant de fond. Le perron est orné d’un carrelage en faïence avec les nombres un à dix et un abécédaire en lettres minuscules et majuscules.  Il est également décoré d’une mosaïque circulaire représentant une fillette en robe rose, entourée de ses jouets (un ours en peluche et un cheval à bascule). Au-dessus de chaque entrée, des bas-reliefs en ciment moulé (à l’ouest, un garçon en buste avec son ours, à l’est une petite fille avec sa poupée) indiquent la destination des vestibules.

Ceux-ci débouchent sur de longues galeries perpendiculaires et un vaste dégagement, qui conduit à gauche, à une grande salle de jeux et à droite, à une salle de repos avec des espaces de propreté. La maternelle ne comporte que trois classes qui sont reportées à l’arrière du bâtiment, dans des volumes cubiques qui paraissent presque annexes. Au-dessus se distribuent quatre logements de fonction (trois d’adjoints et l’un de directeur). Ceux du premier étage jouissent d’une loggia latérale, tandis que ceux du second présentent des baies jumelées dotées de jardinières.

Tout un système de gradins, d’escaliers et de murets agrémentés de boules en ciment mène aux deux cours basses réservées aux filles et aux garçons. A chaque extrémité du dégagement du rez-de-chaussée partent aussi des galeries couvertes, qui permettent de circuler entre l’école maternelle et les locaux de l’école primaire. Celle de l’ouest a été détruite, tandis que celle de l’est, côté filles, a été conservée mais cloisonnée.   

La disposition des deux ailes (garçons à l’ouest / filles à l’est) de l’école primaire, classique, est rigoureusement identique. Elles comprennent en about une entrée en forme de niche, devancée par un perron décoré d’une mosaïque circulaire aux insignes de la République (la devise « Liberté, égalité, fraternité », le sigle RF, les trois couleurs bleu / blanc/ rouge et les faisceaux coiffés du bonnet phrygien). Les portes sont surmontées de bas-reliefs en ciment moulé signalant à nouveau leur vocation (d’un côté, deux garçons avec des colombes et un rameau, de l’autre, deux fillettes tenant des bouquets de roses, également accompagnées de colombes). Une fois celles-ci franchies, on pénètre dans un hall « avec deux petites pièces de surveillance »[4]. Tout le rez-de-chaussée est occupé par un immense préau (trente mètres de long sur dix de large) qui sert aussi bien aux récréations qu’aux exercices physiques. Au premier étage, se trouvent six classes – qui peuvent chacune accueillir quarante-huit élèves. A l’une de ses extrémités prennent place un bureau de directeur/directrice, une salle d’attente, un cabinet d’archives et un escalier principal et à l’autre, un cabinet médical et un second escalier principal. Le deuxième étage est dévolu aux appartements d’adjoints et de directeurs. Les élévations sont rythmées par de larges ouvertures filantes et par des médaillons sculptés figurant la Mer, le Monde, la Terre, les Arts, les Sciences et les Sports.

Le bâtiment sis en fond de cour est en rez-de-chaussée et en forme de double té. Il abrite, au centre, un grand réfectoire avec cuisine et office, deux groupes de douches et de chaque côté, à l’est, une salle de couture et une salle de ménage pour les filles, et à l’ouest, deux salles de travaux manuels destinées aux garçons.

Traitement des façades et modes constructifs : le choix du régionalisme

Comme la plupart des groupes scolaires des années trente, celui de Conflans-Sainte-Honorine adopte le système constructif de l’ossature en béton armé avec remplissage – ici exécuté par la Société anonyme des entreprises M. Albaric, ingénieurs-constructeurs établis à Malakoff[5] - car la limitation des contraintes à des « points » porteurs aux sections réduites et l’augmentation de la portée des poutres libèrent le sol et facilitent l’aménagement intérieur[6] (par exemple celui des préaux, très développés). Les façades sont en moellons de calcaire rustiques appareillés et en briques enduites (dernier niveau).

Les hautes toitures débordantes à forte pente, le clocheton garni d’une horloge, les loggias et pergolas et les effets soignés de polychromie  (mosaïque, pavement) montrent que Joannon et Marandon font ici, à Conflans-Sainte-Honorine, le choix d’une architecture régionaliste – alors que triomphent, à la même époque, les volumes épurés et les lignes géométriques des nombreux groupes scolaires de type paquebot qui sont érigés en proche banlieue parisienne (les groupes scolaires Octobre à Alfortville, Karl Marx à Villejuif, Marius Jacotot à Puteaux, Jules Ferry à Maisons-Alfort, etc.[7]).

Cet aspect « à contre-courant », s’il peut apparaître passéiste, ne retire rien à la qualité de l’ensemble, qui s’inscrit davantage, par sa recherche d’air pur, de clarté et d’ensoleillement, dans la filiation des écoles de plein air (et notamment celle bâtie en 1932-1933 par Florent Nanquette à Pantin, très proche stylistiquement[8]).

La transformation en lycée

En 1957, face à la demande de places en second degré, le groupe scolaire Jules Ferry se transforme en collège d’enseignement général (CEG). Mais ce n’est qu’en 1983 qu’est envisagée sa reconversion en lycée polyvalent. Elle est votée le 24 octobre 1989 par le Conseil régional d’Île-de-France[9].

Trois phases successives de travaux sont prévues, afin de permettre, à terme, l’accueil de 1500 élèves : - le réaménagement des locaux anciens (1988)

-la création d’une première extension de 3500 m2 correspondant à un spacieux hall d’accueil, un CDI, un foyer socio-éducatif et des salles spécialisées (laboratoires de langues, d’informatique et de physique-chimie) (pour la rentrée 1989)

- l’édification d’une seconde extension (1991-1993) (nouveau réfectoire + divers locaux).

La maîtrise d’œuvre des deux premières tranches a été conduite par l’agence d’architecture BRAUN[10].

Quoique d’une relative pauvreté architecturale, ces deux extensions présentent l’avantage de se situer à l’arrière du groupe scolaire, depuis lequel elles demeurent invisibles car bâties dans l’axe de l’école maternelle, plus haute, qui en dissimule les volumes.

 

 [1] BUSSIERE, Roselyne (dir.), Conflans-Sainte-Honorine, terre de confluences, Inventaire général du patrimoine culturel / Région Île-de-France, collection Images du Patrimoine n° 233, Paris, APPIF, 2005, p. 77.

[2] « Groupe scolaire de Conflans-Sainte-Honorine, par MM. Joannon et Marandon, architectes S.A.D.G. », La Construction moderne, 55e année, n° 8, 5 décembre 1937, p. 141.

[3] Ibid.

[4] « Groupe scolaire de Conflans-Sainte-Honorine, par MM. Joannon et Marandon, architectes S.A.D.G. », La Construction moderne, 55e année, n° 8, 5 décembre 1937, p. 146.

[5] « Groupe scolaire de Conflans-Sainte-Honorine, MM. Jouannon (sic) et Marandon architectes, Société anonyme des entreprises M. Albaric, ingénieurs-constructeurs, béton armé, constructions industrielles et ouvrages d’art, rue Etienne Dolet, à Malakoff », L’Architecture française, n° 13, novembre 1941, p. 6.

[6] RUBIO, Marian, « L’élan brisé d’une nouvelle architecture scolaire », « Paris à l’école, qui a eu cette idée folle… ? » sous la dir. d’Anne-Marie CHATELET, Paris, Picard-Pavillon de l’Arsenal, 1993, p. 144.

[7] BRADEL, Vincent, « La modernité s’affiche en banlieue », « Paris à l’école, qui a eu cette idée folle… ? » sous la dir. d’Anne-Marie CHATELET, Paris, Picard-Pavillon de l’Arsenal, 1993, pp. 154-163. 

[8] Inscrite au titre des Monuments historiques en 1997. Voir à son sujet, la notice de l’Atlas du patrimoine et de l’Architecture de la Seine-Saint-Denis, [en ligne], consultée le 1er juin 2020. URL : https://patrimoine.seinesaintdenis.fr/Ecole-de-plein-air

[9] Archives régionales, 1152 W 6, Yvelines, Conflans-Sainte-Honorine, lycée Jules Ferry, lettre du président du Conseil régional, Pierre-Charles Krieg au Premier Ministre et maire de Conflans-Sainte-Honorine, Michel Rocard, le 4 avril 1990.

[10] Archives régionales, 1152 W 6, Yvelines, Conflans-Sainte-Honorine, lycée Jules Ferry, visite de l’établissement, coupure de presse s.d. (1989 ?).

 

  • Murs
    • béton
    • calcaire moellon
  • Toits
    tuile plate
  • Étages
    2 étages carrés, étage de comble
  • Couvrements
  • Élévations extérieures
    élévation à travées
  • Couvertures
    • toit à longs pans croupe
  • Techniques
    • mosaïque
    • sculpture
  • Statut de la propriété
    propriété de la région
  • Intérêt de l'œuvre
    à signaler
  • Précisions sur la protection

    Label "Architecture contemporaine remarquable" (ACR) décerné en 2020.

Annexes

  • SOURCES
Date(s) d'enquête : 2020; Date(s) de rédaction : 2022
(c) Région Ile-de-France - Inventaire général du patrimoine culturel
Philippe Emmanuelle
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