Comme l'a montré Sophie Cueille [1], la genèse des courses hippiques en France et spécifiquement en Île-de-France reste floue et la grande période de construction des hippodromes dans le pourtour immédiat de Paris s'amorce durant la seconde moitié du XIXe siècle. Dotés de bâtiments pérennes (tribunes, pavillons divers, écuries, manège, etc.), ils s'implantent à Longchamp (1857), Vincennes (1863), Auteuil (1873) et Saint-Cloud (1898-1902). En petite et grande couronnes, ils trouvent une terre d'élection dans les stations de villégiature, comme Maisons-Laffitte, Le Vésinet ou Enghien-les-Bains.
L'hippodrome de Vincennes, également appelé hippodrome du plateau de Gravelle, est inauguré le 29 mars 1863. Premier hippodrome de la société des Steeple-chases, constituée sous la présidence du prince Joachim Murat, il est implanté sur un terrain concédé par la Ville de Paris, en bordure du bois de Vincennes, lieu de promenade apprécié des Parisiens. Les pistes, qui sont liées, forment deux ellipses ; la plus petite mesure 2400 m et la seconde 3500 m. Elles sont recouvertes "d'un gazon très élastique" [2] et surplombées par deux grandes tribunes, "élégantes et spacieuses" [3], qui ont chacune plus de 100 m de long et un soubassement de 4 m. Elles peuvent alors accueillir entre 3500 et 4000 personnes. Ces premières constructions sont parfois attribuées à Alphand, mais elles sont plus vraisemblablement l'œuvre d'un certain Saint-Germain, également auteur des tribunes de fer et bois de l'hippodrome de Deauville-la Touques (Calvados).
Très abimé par la guerre franco-prussienne (au cours de laquelle il sert de champ de tir et de terrain de manœuvres pour l'armée) et trop éloigné des lieux d'entraînement, l'hippodrome de Vincennes, dont le bail est désormais accordé à la Société d'encouragement pour l'amélioration du cheval français de demi-sang, est délaissé au profit de celui d'Auteuil ; il est toutefois reconstruit en 1879 avec un tout nouveau tracé. Il devient progressivement le seul hippodrome parisien dédié au trot. Avec la création du prix d'Amérique (1920), l'épreuve reine de Vincennes instaurée pour couronner le meilleur trotteur, l'hippodrome reprend vie et en 1925, un nouvel hippodrome est construit par Léon Berthault, l'architecte des tribunes de l'hippodrome de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine) en 1902. En 1925, il accueille 68 courses à l'année. Les courses d'obstacles y sont définitivement abandonnées en 1934. Le nombre de paris ne cessant d'augmenter, une nouvelle piste voit le jour en 1952 à l'initiative de René Ballière pour les courses nocturnes.
Mais l'image du "temple du trot" est définitivement conférée à l'hippodrome de Vincennes par le bâtiment qui fait l'objet d'un permis de construire déposé en 1976. Le chantier est un travail ambitieux car il doit se dérouler en site occupé, en maintenant effectives les installations où se tiennent près de 140 réunions hippiques par an.
Le programme de reconstruction comporte plusieurs volets : l'édification d'une tribune couverte de 25 000 places (206 m de long), un restaurant panoramique de plus de 1200 couverts, une salle des pas perdus de 120 m de long avec deux niveaux de mezzanines, des installations de pesage modernisées, des locaux pour la régie des courses, un aménagement paysager intégrant un parking semi-enterré de 2300 places [4]. Les architectes Philippe Monnin et Thierry Mostini, assistés de l'ingénieur Thémis Constantinidis, répondent à ces contraintes par une proposition combinant haute technicité et jeux de transparence.
L'hippodrome de Vincennes comporte aujourd'hui deux pistes : la grande - recouverte de mâchefer, résidu issu de la combustion du charbon, qui permet d'éviter tous les aléas de climat car il absorbe bien l'eau en cas de pluie, peut être arrosé pour que le taux d'humidité reste stable ou salé en cas de gel, tout en apportant un confort aux chevaux- longue de 1975 m ; et la petite piste, longue de 1325 m, qui présente un revêtement similaire.
[1] CUEILLE, Sophie, "Le cheval de course en Île-de-France, une présence architecturale et paysagère", In Situ [en ligne], 18 / 2012.
[2] "Le nouvel hippodrome de Vincennes", Le Constitutionnel, 24 mars 1863.
[3] Idem.
[4] GAILLARD, Marc. Architecture des sports, 107 réalisations exemplaires. Paris : Édition du Moniteur, 1982, p. 160-162.
Conservateur du patrimoine, Région Île-de-France, service Patrimoines et Inventaire.