Jusqu'aux débuts des années 1960 [1], les chevaux trotteurs qui s'affrontent à Vincennes stationnent dans des écuries à proximité de l'hippodrome, comme à Joinville-le-Pont (94) (voir la notice MERIMEE IA00050835). Attelés, ils s'y rendent alors quotidiennement en traversant le bois et en empruntant des routes ouvertes à la circulation automobile, ce qui constitue un danger pour eux. Mais les terrains proches de l'hippodrome sont progressivement lotis et les entraîneurs contraints de quitter leurs établissements. La pression constante des projets immobiliers en banlieue et l'augmentation du trafic conduisent donc la SEECF (Société d'Encouragement à l'Elevage du Cheval Français) à envisager la création d'un centre d'entraînement aux portes de la capitale.
Le 29 juillet 1960, la princesse Elisabeth de La Tour d'Auvergne, propriétaire du domaine de Grosbois, décède. Ses héritiers décident de vendre. En décembre 1960, un promoteur immobilier, Robert de Balkany, propose de bâtir 4400 logements sur les 134 hectares qui vont être coupés du reste du domaine par le passage de la future autoroute interurbaine de Seine-et-Oise (l'ARISO - projet qui sera finalement abandonné en 1982). Mais la municipalité de Boissy-Saint-Léger et le Comité d'aménagement de la région parisienne émettent de fortes réserves à l'encontre des dispositions prévues par le groupe Balkany et jugent la densité des habitats incompatible avec le site. Le 7 février 1962, le préfet de Seine-et-Oise approuve la division du domaine de Grosbois : avec l'emprise de la future autoroute, le terrain détaché de l'ensemble couvre 141 hectares, tandis qu'un peu plus de 412 hectares restent autour du château.
Les 141 hectares du parc de Grosbois sont finalement achetés en 1974 par l'Agence foncière et technique de la région parisienne pour être aménagés en espaces verts ouverts au public. La gestion de ce vaste espace boisé est laissé aux soins de l'Office national des Forêts (ONF), qui l'inaugure en avril 1977.
Le 26 juillet 1962, la SEECF (Société d'Encouragement à l'Elevage du Cheval Français) acquiert les 412 hectares entourant le château et ce dernier pour y implanter un centre d'entraînement pour les trotteurs [2]. Avec la fermeture de l'hippodrome du Tremblay en 1965, les sites d'entraînement de Saint-Maurice (94) disparaissent, rendant sa réalisation encore plus légitime.
La SEECF est l'héritière de l'Association pour l'amélioration du cheval français de demi-sang, fondé en 1864 à Caen pour organiser les courses de trot. En 1879, elle obtient de la Ville de Paris une concession pour exploiter l'hippodrome de Vincennes. Transformée en société civile en 1897, elle gère aussi les hippodromes de Caen, Cabourg, Deauville, du Pin et de Neuilly-Levallois. En 1949, elle prend le nom de SEECF (Société d'Encouragement à l'Elevage du Cheval Français).
René Ballière, président de la SEECF entre 1935 et 1970, est à l'origine de l'acquisition du domaine de Grosbois. Il confie à son frère, Henri Ballière, vice-président, la supervision des travaux qui s'engagent. Les sols du domaine sont assainis et les allées du parc défrichées. En 1963, une piste d'entraînement en sable rose de 1500 m de circonférence sur 15 mètres de large voit le jour. La ferme du château, qui a cessé toute activité en novembre 1962, est aménagée pour accueillir des chevaux. En 1964, un permis de construire est déposé pour édifier cinquante établissements comportant 250 chambres de lads ainsi que des garages et des boxes pour 1500 chevaux. L'idée des frères Ballière est en effet de concevoir des établissements privatifs, permettant d'abriter les chevaux et l'ensemble du personnel - entraîneurs et salariés pouvant ainsi être logés à proximité immédiate des trotteurs, au cœur de l'activité.
Le permis est accordé en février-mars 1964. La construction d'une première tranche de vingt établissements démarre en mai 1965, en bordure nord-est du domaine, sur le territoire de la commune de Marolles-en-Brie. Il est prévu 120 chambres de lads, 60 garages et 600 boxes pour chevaux, ainsi que des installations communes : un centre social, une piscine, une maison des jeunes et deux pavillons de gardiens pour veiller à la grille flanquée de deux statues de cerfs surveillant l'entrée du domaine de Grosbois depuis la route de Marolles.
Chaque établissement privatif abrite trente chevaux, des garages à vans, une sellerie, des greniers à foins, une cuisine pour la préparation de la nourriture des chevaux, les logements de l'entraîneur et du premier garçon, ainsi que 5 chambres de lads. Les constructions, nécessairement basses dans le périmètre d'un château classé depuis 1948, adoptent un parti simple : des pavillons de plan rectangulaire régulier, en briques recouvertes de crépi, coiffés de toits à longs pans et égouts retroussés, en tuiles brunes, percés de lucarnes. Ils sont regroupés autour d'une cour carrée, accessible par une large porte charretière.
En 1965 et 1971, deux nouvelles pistes en mâchefer de 1000 mètres sont aménagées. Le centre d'entraînement comporte ainsi trois anneaux de vitesse où peuvent courir les chevaux, ainsi que plus de 40 km de pistes cavalières qui sillonnent le parc.
En 1969, une clinique vétérinaire est aménagée dans divers bâtiments près du Tournebride et dans l'ancien potager sont édifiés un manège en bois de 77 mètres de long et 23 de large et une piste couverte de 400 m de long sur huit de large, afin de permettre l'entraînement par tous les temps.
La seconde partie du centre d'entraînement (allée de Boissy) comportant seize établissements et 228 boxes est érigée en 1974 ; d'autres installations complémentaires sortent de terre en 1988.
La période de grande activité du centre d'entraînement démarre en novembre, avec l'entrée dans le meeting d'hiver à l'hippodrome de Vincennes ; elle culmine le dernier dimanche de janvier avec la tenue du Grand Prix d'Amérique.
[1] Ces informations sont en grande partie extraites du site internet du domaine de Grosbois : https://www.domainedegrosbois.com/centre-d-entrainement
[2] GUILLEMARD, Roger. Grosbois. Société d'Encouragement à l'Elevage du Cheval français / Maury imprimeur, Manchecourt, 1993, p. 148-167.
Conservateur du patrimoine, Région Île-de-France, service Patrimoines et Inventaire.