Dossier d’œuvre architecture IA75001059 | Réalisé par
Philippe Emmanuelle (Rédacteur)
Philippe Emmanuelle

Conservateur du patrimoine, Région Île-de-France, service Patrimoines et Inventaire.

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Mercier Marianne (Rédacteur)
Mercier Marianne

Chargée du recensement et de la protection au titre des Monuments historiques

Correspondante du label "Architecture contemporaine remarquable"

Conservation régionale des monuments historiques, DRAC Ile-de-France

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  • enquête thématique régionale
lycée Auguste-Rodin
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Stéphane Asseline, Région Ile-de-France

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Ile-de-France
  • Commune Paris
  • Adresse 19 rue Corvisart
  • Cadastre 2020 ER 1
  • Dénominations
    lycée
  • Parties constituantes non étudiées
    cour, cantine, préau

Un grand oiseau déployé au milieu du square : le lycée Auguste-Rodin

HISTORIQUE ET PROGRAMME

1/ Un nouveau lycée pour un quartier Croulebarbe en pleine reconversion

« Partagés entre attraction et répulsion, les lycées éprouvent à l’égard de la ville des sentiments ambivalents »[1]. À Paris, cette relation conflictuelle est exacerbée car on y trouve « réunis tous les problèmes que peuvent rencontrer les établissements scolaires dans leur environnement : difficultés liées aux choix de leurs emplacements ; pénibilité d’un voisinage subi mais non désiré, troubles produits par certaines entreprises ou certains commerces du quartier, ou par la voie publique… »[2]. Le ministère de l’Éducation nationale s’évertue donc à les maintenir à distance des dangers, des pollutions industrielles, ainsi que des nuisances sonores.

 Dès lors, comment comprendre, dès 1956, l’émergence d’un projet de lycée sur une propriété de plus de 13 000 m2, sise à l’angle de la rue des Cordelières[3] et de la rue Corvisart, déjà partiellement expropriée en 1911 par la Ville de Paris pour la couverture de la Bièvre[4], comportant « des bâtiments à usage de tannerie »[5], réputés pour leurs émanations pestilentielles ?

 L’explication réside dans la pression foncière relativement faible qui, dans les années 1950-1960, règne encore dans le treizième arrondissement de la capitale (il est alors l’un des moins bâtis de Paris, avec seulement 26 % de surfaces couvertes[6]), permettant d’y entreprendre des opérations de rénovation urbaine d’envergure.

C’est ainsi qu’en 1955, Adrien Brelet, fidèle disciple d’Auguste Perret, ayant travaillé à ses côtés à la reconstruction du Havre, est chargé de la reconversion du quartier Croulebarbe. Après l’édification par son maître du Mobilier national (1934-1936) et l’aménagement par Jean-Charles Moreux du jardin des Gobelins (renommé square René Le Gall après la Libération) sur l’ancienne « île aux singes » située entre deux bras de la Bièvre, il propose d’y ériger des I. G. H. (Immeubles de Grande Hauteur)[7].

 Dans le même temps, le conseil municipal de la Ville de Paris rencontre l’opportunité d’acquérir un terrain de forme trapézoïdale (128 x 118 x 85 x 108 m environ)[8] en contrehaut du jardin des Gobelins, qu’il destine, à l’origine, à son agrandissement. Mais l’Académie de Paris envisage de l’acheter à son tour, pour y bâtir le second lycée du treizième arrondissement (après le lycée Claude Monet – annexe du lycée de jeunes filles Fénelon - terminé en 1955). « Il y a là un espace vert bordé par un rideau de peupliers qui constituerait en cas d’acquisition du terrain par l’Éducation nationale, un avantage très appréciable : la possibilité d’avoir des ouvertures sur ce parc »[9]. Dès le 4 octobre 1955, le Conseil des Bâtiments de France remet un avis favorable à cette installation et en janvier 1956, l’architecte Jean Démaret est chargé d’y élever des préfabriqués provisoires afin de pouvoir, dès la rentrée de septembre 1956, accueillir deux à trois cents élèves[10]. Avant toute étude, il est vivement invité à consulter les instructions et les plans-types mis au point par le Ministère.

 2/ Les pesanteurs du centralisme parisien

 Car à Paris, davantage qu’en province, l’heure est plus que jamais au respect de normes strictes : la trame d’1, 75 m de côté, instaurée en 1952 ; l’industrialisation des processus de construction des lycées neufs pour faire baisser les coûts et l’encadrement de leurs projets pédagogiques et architecturaux par la puissante DESUS (Direction des Equipements Scolaires, Universitaires et Sportifs), créée en 1956 au sein du Ministère. Tout en suivant la même procédure « bureaucratique et financière », souvent « interminable » et « paralysante »[11], la réalisation des commandes s’opère par niveau scolaire et par académie.

 Or, à Paris, ces dernières prennent une tournure singulière. Les effectifs attendus dans les lycées y sont en effet, dès le milieu des années 1950, sans commune proportion avec ceux de la petite et de la grande couronne francilienne - et naturellement avec ceux du reste du pays. Car les lycées parisiens doivent aussi recueillir des élèves ne résidant pas dans la capitale : « les établissements scolaires de Paris sont surchargés mais ceux de la grande périphérie généralement le sont moins, car les « liaisons latérales » entre communes, par les transports en commun, sont moins pratiques que les « liaisons axiales ». La plupart des parents, travaillant intra-muros, préfèrent amener avec eux le matin leurs enfants dans un lycée parisien et les reprendre, le soir, à la sortie du bureau ou de l’atelier »[12]. De surcroît, par son statut administratif particulier et l’histoire de son Académie, Paris constitue une enclave territoriale à part. La ville n’est pas dotée d’une municipalité au sens où nous l’entendons aujourd’hui, mais gérée directement par le préfet de la Seine et jusqu’en 1920, le recteur de l’Académie de Paris n’est autre que le ministre de l’Instruction Publique en personne. Cette situation inédite transforme, de fait, la capitale en un vaste « champ de manœuvre direct de tous les grands désirs constructeurs de l’Etat »[13].

 Plus qu’ailleurs, les pesanteurs du centralisme s’y font donc sentir et loin des expérimentations menées en banlieue par Eugène Beaudouin (lycée d’Antony-Parc de Tourvoie, 1961) et Marcel Lods (lycée d’Ivry, 1963), les chantiers scolaires y sont monopolisés par d’ex-grands prix issus de l’École nationale supérieure des Beaux-Arts, devenus architectes en chef des Bâtiments civils et des Palais nationaux. En dépit de l’objectif fixé par la DESUS – que le lycée terminé, même standardisé, « présente chaque fois une personnalité propre »[14] - leur travail se borne la plupart du temps à agencer des modules et des plans-types, dont les uniques variables d’ajustement consistent à rajouter des travées ou des escaliers.

Dans cette production sérielle, certains maîtres d’œuvres réussissent toutefois à se démarquer par la qualité de leur dessin et le soin accordé aux matériaux, à l’image de Jean Démaret (1897-1967), auteur du lycée de la rue des Cordelières, rebaptisé Auguste Rodin en 1962.

 3/ Une annexe du lycée Montaigne prévue pour 1450 garçons

 Sur les neuf lycées d’enseignement général érigés à Paris entre 1950 et 1983[15], huit le sont en tant qu’annexes de lycées déjà existants, mais ils obtiennent rapidement leur indépendance administrative, « qui leur permet de s’inscrire de façon identitaire »[16] dans les quartiers qui sortent de terre.

 L’établissement, projeté dès 1955 par l’Éducation nationale, rue des Cordelières dans le 13e arrondissement, ne fait pas exception à cette règle : il s’agit, à l’origine, d’une annexe du lycée Montaigne (6e arrondissement)[17], prévue pour 1450 garçons dont 750 demi-pensionnaires[18].

 Une fois la vente du terrain à l’État signée[19], en avril 1956, l’architecte Jean Démaret se met rapidement à l’œuvre. Né en 1897 à Charleville-Mézières (Ardennes), diplômé de l’École Centrale des Arts et Manufactures (1924) puis de l’École des Beaux-Arts (1927), où il fréquente les ateliers de Gustave Umbdenstock et Paul Tournon, il est nommé architecte en chef des Bâtiments civils et des Palais nationaux en 1938. Dès 1945, il participe avec Roger Séassal (l’architecte du lycée Claude Monet) aux travaux de restructuration du lycée Molière et se spécialise dans le domaine de l’architecture scolaire, en particulier à Strasbourg (lycée Kléber – 1954-1961, puis Institut national des Sciences appliquées – 1958-1959 – réalisé en collaboration avec François Herrenschmidt). Il s’illustre par la suite dans de nombreuses commandes publiques, comme celle de l’Ambassade de France au Japon (1954-1959), conçue avec Joseph Belmont[20]. Il terminera sa carrière comme inspecteur des Bâtiments civils et des Palais nationaux (1962-1967).

 4/ Un plan simple et ramassé

 En septembre 1956, Démaret élabore un premier plan de masse caractérisé par sa simplicité et une concentration des locaux « qui sera source d’économie »[21] : il résulte de la combinaison d’un grand bâtiment incurvé de trois étages sur rez-de-chaussée, ouvert sur le square (au sud-est), qui reçoit l’externat et la demi-pension, tandis qu’une tour de huit étages sur rez-de-chaussée, du côté de l’entrée (nord-ouest), accueille les bureaux de l’administration et des logements[22]. C’est depuis son sommet que la figure d’un oiseau déployant ses ailes, souvent convoquée pour symboliser le lycée, prend tout son sens. Démaret utilise le léger dénivelé du terrain pour établir un rez-de-chaussée bas, donnant de plein pied sur la cour de récréation et un rez-de-chaussée haut, du côté de la rue Corvisart, réservé à l’entrée de l’établissement, maintenue « à une certaine distance du carrefour »[23] avec la rue des Cordelières et précédée d’un parking à vélos et à scooters.

 Très vite, l’importance de ce programme, que le Ministère de l’Éducation nationale envisage de rentabiliser pour le porter jusqu’à 1700 ou 1800 élèves[24], conduit à réduire la place des installations sportives : alors que Démaret prévoyait « un terrain de petits jeux », « un terrain de grands jeux » et une « piste d’athlétisme », il ne subsiste plus, dès 1957, au rez-de-chaussée bas, qu’une salle d’éducation physique, toutefois de cinq mètres de hauteur sous plafond[25].

 Face à ce manque, le conseil municipal de Paris accepte, par délibération du 7 juillet 1960, la concession au Ministère de l’Éducation nationale pour une durée de trente ans d’une parcelle de terrain d’une superficie d’un peu plus de 3000 m2, sise 21 à 25 rue des Reculettes, afin que les élèves puissent pratiquer leurs exercices[26]. Un gymnase indépendant verra le jour quelques années plus tard, à l’extrémité de l’aile est.

 Les travaux sont entrepris au début de l’année 1958. En octobre sont livrées les travées 0 à 12 (aile ouest) du bâtiment principal, depuis le rez-de-chaussée bas jusqu’au troisième étage[27], abritant :

-          au rez-de-chaussée bas, la cuisine et les réfectoires, les dépôts de matériel, la chaufferie, les caves, la salle d’éducation physique et les préaux ;

-          au rez-de-chaussée haut ainsi qu’aux premier, deuxième et troisième étages, dix classes d’enseignement général et une salle de permanence. 

 Afin d’éviter les coûts exorbitants de démontage des engins de levage (le chemin de grue) et des chantiers de préfabrication installés sur place, Démaret suggère d’entreprendre immédiatement la seconde tranche, correspondant à l’aile exactement symétrique, à l’est. Elle est destinée à recevoir, au rez-de-chaussée bas, des ateliers de travaux manuels et un service médico-social, et dans les étages, les classes spécialisées.

 Cette seconde tranche est finalement achevée en 1960, au moment où le lycée acquiert son autonomie.

« L’immeuble-tour » dans lequel sont projetés les appartements de fonction, est, quant à lui, déclaré habitable en juin 1959. 

 Le lycée est officiellement inauguré le 12 octobre 1961.

 Les derniers travaux sont réceptionnés en 1964.

 5/ Un lycée intégré à son environnement

 Si l’implantation des bâtiments est jugée « discutable » par l’Association des parents d’élèves du lycée Montaigne car elle « coupe le terrain en diagonale »[28], c’est à l’échelle de son proche environnement (le square René Le Gall) qu’elle s’apprécie pleinement. Jean Démaret reprend la formule inventée par Jean-Pierre Paquet quelques années plus tôt (1954) au lycée Honoré de Balzac (17e arrondissement) : celle de la barre courbe, repoussée aux limites du terrain et s’infléchissant ici en son milieu pour épouser les contours de la parcelle. Il optimise ainsi l’exiguïté de cette dernière, tout en permettant à toutes les classes de prendre leur jour au sud, du côté du parc. Celui-ci constitue le prolongement naturel de la cour de récréation – d’autant qu’à l’origine, aucune clôture ne fermait le fond du jardin et que les élèves pouvaient passer par le square pour pénétrer dans l’établissement. Cette disposition rappelle bien sûr celle du lycée Camille Sée (1934) (15e arrondissement), conçu en lien étroit avec le square Saint-Lambert.

 L’architecte fait aussi le choix de réunir en un unique bâtiment salles d’enseignement général et salles spécialisées, bien que leur position dans l’aile occidentale ou orientale en définisse la nature. Jacques Carlu adoptera ce parti pris pour le lycée Bergson (19e arrondissement), quelque peu ultérieur, mais cette fois-ci en utilisant les niveaux pour indiquer la vocation des classes.

 La tour d’habitation, placée au cœur du plan en boomerang[29], s’intègre, quant à elle, parfaitement au cœur d’un quartier marqué par la présence de nombreux I.G.H (Immeubles de Grande Hauteur).

 

 [1] LE CŒUR, Marc, « Les lycées dans ville : l’exemple parisien (1802-1914) », Histoire de l’Education, n° 90, 2001, p. 2.

[2] Ibid. 

[3] Le nom de cette rue a pour origine la fondation, en 1270, d’un couvent de Cordelières – ordre dérivé des Clarisses – le long de l’actuelle rue Pascal. Il en reste aujourd’hui quelques vestiges (baies en arc brisé, troncs de colonnes et chapiteaux) intégrés dans l’hôpital Broca.

[4] Archives nationales, 1977 1519/32, acte de vente par M. Lemoine à l’Etat français, par devant maître Joseph Lacourte, notaire à Paris, d’un terrain sis rue des Cordelières (n° 39 et 41) et rue Corvisart (n° 27 à 37), le 9 avril 1956.

[5] Archives nationales, 1994 0591 12, lycée de garçons, rue des Cordelières, Paris XIIIe, lettre du docteur Auregan, médecin inspecteur régional, à M. Le recteur de l’Académie de Paris, le 25 juillet 1955, p. 1.

[6] Paris et ses quartiers, état des lieux, éléments pour un diagnostic urbain, 13e arrondissement, Paris, APUR, 2001, p. 44.

[7] Le premier d’entre eux sera la tour Albert (1958-1960) élevée par l’architecte du même nom, Edouard Albert (ISMH 1994).

[8] Archives nationales, 1994 0591 12, lycée de garçons, rue des Cordelières, Paris XIIIe, lettre du docteur Auregan, médecin inspecteur régional, à M. Le recteur de l’Académie de Paris, le 25 juillet 1955, p. 2.

[9] Ibid.

[10] Archives nationales, 1994 0591 12, lycée de garçons, rue des Cordelières, Paris XIIIe, lettre du recteur de l’Académie de Paris au ministre de l’Education nationale, le 20 janvier 1956.

[11] PROST, Antoine, « Jalons pour une histoire de la construction des lycées et collèges de 1960 à 1985 », Lycées, Lycéens, lycéennes, deux siècles d’histoire, Paris, Institut national de la recherche pédagogique, 2005, p. 463.

[12] HUMBLEY, Francis, « Que ferez-vous de votre enfant ? », 1959, article reporté dans l'ouvrage Racontez-moi Paul-Valéry, Histoires et mémoire de la communauté scolaire, Paris, 2001, p. 14.

[13] VAYSSIERE, Bruno, « Sous l’empire des trames », Paris à l’école, « qui a eu cette idée folle… », sous la dir. d’Anne-Marie Châtelet, Paris, Éditions du Pavillon de l’Arsenal, Picard éditeur, 1993., p. 204.

[14] PROST, Antoine, « Jalons pour une histoire de la construction des lycées et collèges de 1960 à 1985 », Lycées, Lycéens, lycéennes, deux siècles d’histoire, Paris, Institut national de la recherche pédagogique, 2005, p. 461.

[15] Et faisant l’objet du mémoire de recherche en Master 2 Histoire de l’Architecture d’Anaïs CARRE : Renouveler l’architecture scolaire : l’exemple des lycées parisiens construits entre 1950 et 1983, sous la dir. d’Eléonore MARANTZ-JAEN, Paris, Université Paris I-Panthéon Sorbonne, 2015-2016, 2 vol.

[16] CARRE, Anaïs, Renouveler l’architecture scolaire : l’exemple des lycées parisiens construits entre 1950 et 1983, Mémoire de recherche en Master 2 Histoire de l’Architecture, sous la dir. d’Eléonore MARANTZ-JAEN, Paris, Université Paris I-Panthéon Sorbonne, 2015-2016, vol. 1, p. 25.

[17] Lui-même construit comme « Petit Lycée » du lycée Louis-le-Grand (1885).

[18] Archives nationales, 1994 0591 12, lycée de garçons, rue des Cordelières, Paris XIIIe, Conseil général des Bâtiments de France, section spéciale des bâtiments d’enseignement, procès-verbal de la séance du 18 septembre 1956.

[19] Archives nationales, 1977 1519/32, acte de vente par M. Lemoine à l’Etat français, par devant maître Joseph Lacourte, notaire à Paris, d’un terrain sis rue des Cordelières (n° 39 et 41) et rue Corvisart (n° 27 à 37), le 9 avril 1956.

[20] « Ambassade de France à Tokyo, au Japon – Jean Demaret et Joseph Belmont architectes », L’Architecture d’aujourd’hui, n° 76, février 1958, pp. 80-83.

[21] Archives nationales, 1994 0591 12, lycée de garçons, rue des Cordelières, Paris XIIIe, Conseil général des Bâtiments de France, section spéciale des bâtiments d’enseignement, procès-verbal de la séance du 18 septembre 1956.

[22] Ibid.

[23] Archives nationales, 1994 0591 12, lycée de garçons, rue des Cordelières, Paris XIIIe, lettre de l’architecte Jean Démaret au Ministre de l’Education nationale, le 26 décembre 1956.

[24] Archives nationales, 1994 0591 12, lycée de garçons, rue des Cordelières, Paris XIIIe, avant-projet (17 janvier 1957).

[25] Archives nationales, 1994 0591 12, lycée de garçons, rue des Cordelières, Paris XIIIe, lettre de l’architecte Jean Démaret au Ministre de l’Education nationale, le 26 décembre 1956.

[26] Archives nationales, 1980 0382 365, lycée des Cordelières, Paris XIIIe, rue des Reculettes, aménagement d’un plateau d’éducation sportive (1960).

[27] Archives nationales, 1994 0591 12, lycée de garçons, rue des Cordelières, Paris XIIIe, lettre de l’architecte Jean Démaret au Ministre de l’Education nationale, le 30 septembre 1958. 

[28] Archives nationales, 1994 0591 12, lycée de garçons, rue des Cordelières, Paris XIIIe, lettre de l’Association des parents d’élèves du lycée Montaigne au recteur de l’Académie de Paris, le 23 février 1959.

[29] Lapierre Éric, « Lycée Rodin », notice n°616, Guide d'architecture, Paris 1900-2008, Pavillon de l'Arsenal, novembre 2008, 960 p.

DESCRIPTION

Implantation sur la parcelle et plan

 Le lycée Rodin est implanté sur une parcelle de forme trapézoïdale, limitée, au sud-est, par le square René Le Gall, au nord, par la rue des Cordelières et à l’ouest, par la rue Corvisart.

Le plan de l’établissement, en U avec un appendice à l’arrière, est constitué de plusieurs bâtiments imbriqués les uns dans les autres.

Depuis la cour d’honneur sise du côté de la rue Corvisart, les élèves pénètrent d’abord dans un bâtiment bas, accessible par quelques marches et élevé d’un étage carré, qui abrite la loge du concierge et l’entrée de l’établissement, signalée par un auvent et un ensemble de portes battantes en chêne. Ils rejoignent ensuite un hall comportant une nouvelle volée de marches et peuvent alors accéder sur leur gauche, à l’administration (salle des professeurs, bureaux de la direction et intendance) et sur leur droite, aux classes d’enseignement général (au nombre de dix) suivies d’une salle de permanence et des classes de physique-chimie.

Trois grands escaliers (l’un situé au niveau de la courbure du bâtiment principal et les deux autres placés aux extrémités de chaque aile) permettent aux élèves de se rendre au rez-de-chaussée bas ou dans les étages supérieurs. Au premier étage, dans la partie ouest de l’établissement, se déploient dix salles de classes d’enseignement général et une salle de permanence, tandis qu’à l’est sont disposées les classes de sciences naturelles. Au second étage, le parti pris demeure le même, sauf que les classes dites « d’activités diverses » de la partie orientale sont ici dévolues à l’histoire-géographie (avec un dépôt de cartes), aux langues vivantes et à une petite bibliothèque précédée d’un bureau. Le troisième étage reproduit la même organisation, avec, toujours à l’est, dans la partie spécialisée, les salles de dessin et de musique.

Le rez-de-chaussée bas est de plein pied avec la cour de récréation (au sud). S’y développent, du côté de la rue Corvisart, les réfectoires, en liaison directe avec les cuisines, qui bénéficient également d’une cour de service, à l’ouest. Du côté de la rue des Cordelières se trouve un petit préau, que prolongeaient à l’origine des ateliers de travaux manuels (aujourd’hui reconvertis en salles de technologie) et un service médico-social (actuels foyer des élèves et infirmerie). C’est à ce niveau qu’a été ajoutée, à une date inconnue, une salle de théâtre baptisée Gérard Philippe, qui a fait l’objet d’une complète réfection en 2012-2013. La présence de cet équipement, dont l’usage n’est pas réservé qu’au lycée, est signalée, sur la rue Corvisart par une grille, sur laquelle est représenté le visage de l’acteur.

 La tour d’habitation centrale, sous laquelle sont placés la chaufferie et les silos à charbon, présente huit étages. Le rez-de-chaussée et le premier étage sont en réalité occupés par l’administration. Par conséquent, ce n’est qu’au deuxième étage que commencent à se déployer les appartements. Les trois derniers niveaux accueillent ceux du proviseur du lycée, du censeur et de l’intendant.

 Traitement des façades et mode constructif

 La construction, d’une grande sobriété, est en ossature de béton armé. Les façades, qui respectent la trame d’1,75 m prescrite par le Ministère de l’Éducation nationale, sont réalisées à partir de panneaux préfabriqués sur place comprenant l’encadrement des baies, les trumeaux et les allèges. Elles sont doublées de briques creuses et revêtues de béton lisse. Les toits en terrasse de béton sont recouverts d’une étanchéité multicouches et de gravillon enrobé de bitume. Les menuiseries extérieures sont en chêne ou en niangon (bois exotique clair).

 La fonctionnalité de l’établissement se lit au travers de ses façades que l’architecte ne traite pas de la même manière sur rue et sur cour. En effet, sur rue, sont majoritairement disposés les couloirs qui ceignent les salles de classes et les isolent du bruit extérieur. Ils sont éclairés par des bandeaux de fenêtres séparés par d’épais pilastres.

 Seules quelques rares salles de classes présentent une double exposition, sur la rue des Cordelières et sur la cour. Il s’agit essentiellement de celles d’histoire-géographie.

 Sur cour, la façade se compose d’étroites travées pourvues de baies légèrement renfoncées. Celles-ci viennent scander la trame que l’architecte rend ainsi visible. Contrairement à la façade sur rue, celle sur la cour, orientée au sud, est tout entière tournée vers la lumière. Les élèves, qui sont invités par le plan en boomerang à se rendre dans la cour, reçoivent une nouvelle fois cette invitation par les fenêtres qui leur donnent un aperçu des frondaisons du square. Cette clarté, pénétrant à flot dans l’édifice, offre au lycée une ambiance de travail de qualité. Toutefois, en cas de fortes chaleurs, un système de stores permet de l’occulter. Ceux-ci sont aujourd’hui souvent relevés puisque cassés et des rideaux sont venus compléter le besoin d’opacité.

 Décor et œuvres d’art

 En 1963, il est envisagé, pour la décoration du lycée désormais baptisé Rodin (depuis 1962), « une œuvre en intaille sur la presque totalité du mur en pierre de taille, séparant la cour d’honneur du lycée du garage à bicyclettes et à scooters »[1]. Ce projet est destiné à améliorer l’écran devant lequel sera placée la statue de l’Homme marchant d’Auguste Rodin.

Il ne sera, en définitive, pas réalisé et la sculpture de Rodin qui prendra place dans la cour d’honneur sera une réplique en bronze de l’Âge d’airain. Première œuvre importante de l’artiste, exécutée en 1877, elle est choisie car « pleinement accessible aux jeunes dont elle peut symboliser le timide éveil aux plus hautes valeurs humaines »[2] . Le Musée Rodin accepte de la fondre pour dix-mille nouveaux francs et de renoncer à percevoir sur elle des droits d’auteur. Elle est installée pour l’inauguration officielle de l’établissement, le 12 octobre 1961. Pour la valoriser, il est finalement gravé sur le mur une phrase de Cicéron : « Que les jeunes soient les officiants de la Beauté ».

 En 1962, une autre œuvre remarquable fait son entrée au lycée par le biais d’une donation : un buste en bronze de Rodin, réalisé par l’un de ses élèves, Antoine Bourdelle. Cette sculpture est offerte par la fille de l’artiste.

 Cet ensemble est complété par une frise en mosaïque de verre réalisée au titre du 1% artistique en 1959 par le peintre Rocher. D’une surface totale d’environ 15 m2, elle représente « les Grandes Heures de l’Histoire de France » et accueille les élèves dans le hall d’entrée. 

 Modifications ultérieures

 L’établissement est assez proche de son état d’origine.

 À partir de mars 1966, comme pour les lycées Gabriel Fauré, Claude Monet et Paul-Valéry, il est toutefois décidé de lui adjoindre un collège d'enseignement secondaire (CES). Ce changement administratif implique quelques modifications quant à l'emploi de certains espaces. Pour exemple, si les lycéens entrent dans l'établissement par la cour d'honneur, les collégiens accèdent au bâtiment par la porte située rue Cordelières.

 Aujourd'hui encore, la cité scolaire Rodin accueille près de 1600 élèves du collège aux classes préparatoires aux grandes Écoles - parmi lesquels des collégiens et lycéens sourds et malentendants.

  

[1] Archives nationales, 19880466/138, Seine, Paris, lycée Rodin, rue des Cordelières, travaux d’art à réaliser au titre du 1% artistique, Conseil général des Bâtiments de France, procès-verbal de la séance du 8 janvier 1963, p. 1.

[2] Archives nationales, 1994 0591 12, lycée de garçons, rue des Cordelières, Paris XIIIe, lettre du proviseur du lycée au Ministre de l’Education nationale, le 5 mai 1961.

  • Murs
    • béton béton armé
  • Toits
    béton en couverture
  • Étages
    3 étages carrés
  • Couvrements
  • Couvertures
    • terrasse
  • Énergies
  • Typologies
    ;
  • Techniques
    • mosaïque
    • sculpture
  • Statut de la propriété
    propriété de la région, Propriété du Conseil régional d'Île-de-France.
  • Intérêt de l'œuvre
    à signaler
  • Protections

  • Précisions sur la protection

    Label Architecture contemporaine remarquable (ACR) décerné en 2020.

Annexes

  • SOURCES
Date(s) d'enquête : 2020; Date(s) de rédaction : 2022
(c) Région Ile-de-France - Inventaire général du patrimoine culturel
Philippe Emmanuelle
Philippe Emmanuelle

Conservateur du patrimoine, Région Île-de-France, service Patrimoines et Inventaire.

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Mercier Marianne
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Chargée du recensement et de la protection au titre des Monuments historiques

Correspondante du label "Architecture contemporaine remarquable"

Conservation régionale des monuments historiques, DRAC Ile-de-France

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