Dossier d’œuvre architecture IA75000311 | Réalisé par
  • enquête thématique régionale, lieux de spectacle 1910-1940
Folies-Bergère (Paris, 9e arrondissement)
Œuvre monographiée
Auteur
Copyright
  • (c) Stéphane Asseline, Région Ile-de-France

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Ile-de-France - Paris
  • Commune Paris 9e arrondissement
  • Adresse 32 rue Richer
  • Cadastre 2022 AX 135
  • Dénominations
    salle de spectacle
  • Genre
    d'entrepreneur
  • Destinations
    salle de spectacle

« Une fois de plus les Folies-Bergère ont changé de robe, c’est-à-dire d’architecture. La nouvelle salle très au goût du jour parait elle aussi, comme il convient, plus nue qu’autrefois[1] ». C’est en ces termes que Le Journal salue en 1928 la fin des rénovations entreprises par Paul Derval, comédien et directeur des Folies-Bergère, cabaret parisien le plus emblématique des Années folles.

Deux ans plus tôt, Derval a lancé un véritable défi à l’architecte Georges Piollenc[2] et à l’entrepreneur Gabriel Morice, chargés du projet, en décidant de maintenir sa programmation artistique pendant les travaux. Et pour cause, la « perle noire », Joséphine Baker, y fait alors un triomphe avec L’Hyper revue - Un vent de Folie. La célèbre artiste met le feu aux planches et attire le Tout-Paris, rendant inenvisageable d’interrompre le spectacle pendant le chantier.

Le pari est risqué, il s’agit de transformer radicalement le célèbre music-hall édifié en 1869[3]. Certes, les Folies n’en sont pas à leur premier réaménagement. En 1875, Léon Sari, alors directeur, leur a adjoint un large promenoir et un hall grandiose qui marquent définitivement la physionomie des lieux. La façade, quant à elle, a connu un premier remaniement en 1905 lorsque Édouard-Jean Niermans, architecte qui s’illustre alors dans la réalisation de lieux de loisirs, l’a modernisée dans le style Art nouveau en vogue à l’époque. Mais en 1926, les objectifs de Derval sont d’une autre envergure, il projette de bouleverser l’aspect des Folies-Bergère : confortation des fondations, réfection des murs, des plafonds, création d’un deuxième balcon… et réalisation d’un nouveau programme décoratif qui fera date !

Pour satisfaire aux contraintes du chantier, les éléments d’architecture nécessaires sont préfabriqués en atelier selon un procédé facilitant à la fois leur montage sur place et le remplacement rapide des éléments anciens. « Tout de la construction de béton est bâti en dehors, on apporte chaque jour des pans gigantesques de mur, les colonnes, demi-colonne par demi-colonne, les parties des coupoles, etc.[4] ». Un échafaudage monumental de bois et toiles dissimule aux yeux des spectateurs les travaux, auxquels s’affairent nuit et jour les ouvriers en dehors des représentations. Le célèbre music-hall doit, en un temps record, passer d’une capacité de 930 places à 1 750. Au sous-sol une petite salle de 300 places ainsi que des toilettes sont prévues.

Pour l’extérieur, la mise en œuvre inédite des architectes permet de substituer, sans nuisances, l’ancienne façade, qui supporte la toiture et le plancher de la galerie du hall, à la nouvelle. L’intérieur de l’établissement cachait alors un mur de soutènement provisoire afin de remplacer la façade ancienne par une autre. L’audace du chantier et les prouesses techniques mises en œuvre permettent miraculeusement de tenir les délais et sont unanimement saluées.

Quant aux décors, ils sont confiés à Maurice Picaud, dit Pico. Le jeune artiste décorateur, qui collabore déjà avec J.-E. Ruhlmann[5] depuis plusieurs années, renouvelle l’esprit des lieux et magnifie la nouvelle architecture épurée. Dans le vaste hall à galeries, scandé par des colonnes de béton brut, il imagine, pour le plafond de 672 mètres carrés, une œuvre monumentale aux motifs originaux inspirés d’un Orient imaginaire. Pico décline le gris-argent en une infinité de variations qui renvoient la lumière indirecte diffusée des corniches. Le programme décoratif se déploie dans le reste des espaces de circulations et d’apparat dans une cohérence et une harmonie des tonalités et des sujets. Le fleuron de ce programme est sans aucun doute le bas-relief qui vient orner la façade et qui demeure, aujourd’hui, un des derniers vestiges de ces décors remarquables[6]. L’artiste représente la danseuse Lila Nicolska[7], motif qu’il reprend pour le médaillon de la coupole de la salle, dans une composition et un design aujourd’hui iconiques de l’Art déco.

[1] PAWLOWSKI (de), Gaston, « “La grande Folie” aux Folies-Bergère », Le Journal, 18 février 1928.

[2] Cet architecte français, qui a commencé sa carrière en Suisse, en collaboration avec un architecte belge connu, Michel Polak, a réalisé deux salles emblématiques de Tunis : le Coliseum (détruit) et le Colisée.

[3] La salle est inaugurée le 2 mai 1869. Les travaux sont dirigés par M. Plumeret, architecte et inspecteur des bâtiments de la Couronne.

[4] VERNE, op. cit.

[5] Maurice Picaud dessine, pour la desserte dite Meuble au char réalisée par Ruhlmann en 1919, le motif central du meuble représentant une femme conduisant un char.

[6] Le programme décoratif du hall a été modifié par des adjonctions d’Erté dans les années 1930, puis totalement détruit par un nouvel habillage des murs et plafonds dans les années 1970.

[7] Voir DAIX, Didier, « La vie du théâtre – Nouvelles Folies-Bergère », L’Intransigeant. Paris, 15 janvier 1928 ; BEAUDU, Édouard, « Aux “Folies-Bergère” », Le Petit Journal. Paris, 18 février 1928 ; LASSERRE, Jean, « La promenade au music-hall », Gringoire, 23 novembre 1928, p. 2.

L'ancienne salle des Folies Bergère d'Edouard-Jean Niermans a été reprise à la demande de Paul Derval dans un style résolument Art Déco, magnifiée par l’œuvre iconique de Maurice Picaud (dit Pico). Cette métamorphose s'étend au grand hall-promenoir de 25 mètres de long pour 12 de large, orné par l'artiste d'un plafond à motifs floraux aux tonalités gris-blanc et argent (malheureusement disparu). Outre le plafond, le hall arborait de nombreux motifs sculpltés, rehaussés d'argent patiné, qui agrémentaient également les ouvertures des vestiaires, du bar et les vitrines dédiées à la vente de produits. L'escalier d'honneur, entouré d'imposantes colonnes monumentales, mène aux galeries, également accessibles par des escaliers secondaires. La grande salle de spectacle, ceinte de deux grands balcons dépourvues de loges, conserve fort heureusement des éléments de décors de Pico, ainsi que quelques éléments mobiliers. Un médaillon ajouré reprenant le motif de danseuse en façade couronne la coupole de la salle.

  • Murs
    • béton pan de béton armé enduit
    • métal pan de fer
  • Toits
    zinc en couverture
  • Plans
    plan rectangulaire régulier
  • Étages
    sous-sol, rez-de-chaussée, entresol, 2 étages carrés, 2 étages de comble
  • Couvrements
    • fausse voûte en berceau brisé
    • fausse coupole
  • Élévations extérieures
    élévation ordonnancée
  • Escaliers
    • escalier dans-oeuvre : escalier de type complexe cage ouverte
  • Typologies
    salle à l'anglo-saxonne (1ère moitié 20e siècle)
  • État de conservation
    remanié
  • Techniques
    • sculpture
    • décor stuqué
  • Représentations
    • représentation figurative, sujet profane, personnage profane symbole des arts,
    • représentation figurative, sujet profane, représentation dont le sujet principal n'est pas l'homme, scène profane, scène de genre, scène orientale
    • ornement architectural, ordre antique, ordre colossal, colonne
    • ornement géométrique, arabesque, carré, cercle, chevron, denticule, enroulement, entrelacs, volute
    • ornement végétal, feuillage, fleur
    • ornement figuré, femme, homme
    • ornement animal, gazelle, oiseau
    • ornement en forme d'objet, bouteille, masque, masque de théâtre
    • ornement a chiffre, raison sociale
  • Précision représentations

    Façade dominée par le bas-relief de Pico représentant la danseuse Lila Nicolska, lui-même surmonté par le cartouche de l'établissement, et encadré au niveau des travées latérales de reliefs illustrant le théâtre et la fête.

    Hall à galeries présentant un ordre colossal, initialement couronné d'un plafond orientalisant en gris-argent décliné en dégradés (aujourd'hui disparu).

    Médaillon de la coupole de la salle figurant à nouveau Lila Nicolska, avec une gazelle en arrière-plan, toujours par Pico.

  • Mesures
    • nombre de places : 1 750 personnes ((jauge initiale))
  • Précision dimensions

    A la grande salle de spectacle s'ajoute une autre en sous-sol de 300 places.

  • Statut de la propriété
    propriété d'une société privée
  • Intérêt de l'œuvre
    à signaler
  • Éléments remarquables
    élévation, salle de spectacle, escalier, balcon, plafond
  • Sites de protection
    site inscrit
  • Protections
    inscrit partiellement
  • Précisions sur la protection

    Façade sur rue ; salle et promenoir : inscription le 7 novembre 1990.

  • Référence MH

Promenoir fortement remanié dans les années 1970.

Bibliographie

  • DERVAL, Paul, Folies Bergère : souvenirs de leur Directeur. Paris : Editions de Paris, 1954

    Bibliothèque nationale de France, Paris
  • « Les Folies-Bergère (1875-1928) », in MIDANT, Jean-Paul. « Paris est une fête ». Défense et illustration de l’architecture du spectacle. Paris : Direction régionale des Affaires culturelles d’Ile-de-France, 1990, p. 178-186

    « Folies Bergère (théâtre des) », in RAOULT, ?. Annuaire du théâtre. 1944-1945. Paris : Annuaires néo-techniques, 1945, p. 208-209

    « Folies Bergère », in SALLEE, André et CHAUVEAU, Philippe. Music-hall et café-concert. Paris : Bordas, 1985, p. 154-157

Périodiques

  • BEAUDU, Edouard, « Aux « Folies Bergère » », Le Petit Journal. Paris, 18 février 1928

    Bibliothèque nationale de France, Paris
  • JOLY, Léon, « La restauration des « Folies Bergère ». La Décoration, œuvre de Pico », La Construction Moderne. Paris, 17 novembre 1929, p. 98-104 ; pl. 25-26

    Cité de l'architecture et du patrimoine, Paris
  • PATIN, Jacques, « Les premières - Une soirée de gala aux Folies Bergère », Le Figaro. Paris, 11 février 1928

    Bibliothèque nationale de France, Paris
  • VERNE, Maurice, « Le Journal de Maurice Verne : Les Mystères de Paris - L'anachorète des Folies Bergère », Paris Soir. Paris, 23 janvier 1928

    Bibliothèque nationale de France, Paris
Date(s) d'enquête : 2017; Date(s) de rédaction : 2021
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