Dossier d’œuvre architecture IA75000245 | Réalisé par
  • enquête thématique régionale, lieux de spectacle 1910-1940
Michodière (Paris, 2e arrondissement), théâtre de la
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Stéphane Asseline, Région Ile-de-France

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Ile-de-France - Paris
  • Commune Paris 2e arrondissement
  • Adresse 4 bis rue de la Michodière
  • Cadastre 2022 AC 63
  • Dénominations
    théâtre
  • Genre
    d'entrepreneur
  • Destinations
    salle de spectacle

Le 22 octobre 1923, Gustave Quinson, important impresario de l’entre-deux-guerres, lance le chantier du nouveau théâtre de la Michodière[1]. Construit par Auguste Bluysen, il constitue une audace architecturale que son auteur réalise avec l’association « hardie, mais sûre[2] » des frères Perret. Leur collaboration n’est pas un coup d’essai. Les entrepreneurs et l’architecte se sont déjà illustrés quelques années plus tôt par la réalisation complexe et remarquée du théâtre Daunou (1921).

Comme pour ce précédent chantier, la difficulté de la commande tient à l’exiguïté de la parcelle et à l’obligation d’édifier au-dessus de la future salle, de 850 places, un immeuble d’habitation afin d’obéir à la nouvelle législation qui impose la sauvegarde des logements détruits lors des reprises de terrain. Pour créer le vide nécessaire à un tel projet, les caves, les boutiques et la cour principale sont détruites. La structure du bâtiment est confortée par la mise en place de deux poutres maîtresses parallèles en béton armé de 15 m chacune en remplacement de deux des murs porteurs supprimés. Ce confortement soutient le poids de la double coupole elliptique conçue par les frères Perret[3]. La scène et l’orchestre sont ainsi installés au niveau des anciennes caves tandis que le premier balcon du théâtre ouvre sur le hall d’entrée au rez-de-chaussée. L’accès aux immeubles en fond de parcelle par une cour recréée au deuxième niveau est ainsi préservé.

Coupe longitudinale (L'Architecture, 1927)Coupe longitudinale (L'Architecture, 1927)

Cet agencement particulier fait du théâtre de la Michodière un des rares établissements de Paris[4] où l’entrée débouche au niveau du premier balcon. Il pouvait en son temps surprendre le visiteur habitué à la succession des salons d’accueil des théâtres traditionnels. La façade relativement modeste et l’enchaînement des espaces (hall-billetterie puis foyer en angle desservant directement les escaliers) dissimulent l’ampleur de la salle.

À l’intérieur, le talent de Jacques-Émile Ruhlmann, auteur des décors du restaurant Le Drouant tout proche, répond toutefois aux présupposés décoratifs des théâtres à l’italienne. Les tonalités rouges et chaleureuses des murs offraient une atmosphère feutrée. Si, malheureusement, les arabesques florales dessinées par l’artiste ont depuis disparu, le cadre de scène à cannelures, autrefois couleur vieil or, magnifie toujours la salle. Investissant tous les espaces et malgré le souci d’économie lié à l’opération, Ruhlmann décline un vocabulaire décoratif de style Art déco, alternant motifs de vasques et fleurs stylisées.

Vue générale de la salle à l'italienne (L'Architecture, 1927)Vue générale de la salle à l'italienne (L'Architecture, 1927)

L’aménagement de l’éclairage se révèle ici « abondant et intelligemment combiné[5] » par le célèbre décorateur, qui s’attache les talents de créateurs de luminaires d’art renommés. L’entreprise Perzel produit appliques, plafonniers et autres installations d’éclairage indirect complétant les décors. Ruhlmann charge Henri Navarre du décor du front de scène. Membre de la Société des artistes décorateurs, formé à la sculpture sur bois, l’artiste était profondément attaché au travail artisanal. En témoigne ce bas-relief, inspiré de la Commedia dell’Arte, qui sonne comme un écho aux paroles qu’il aimait à répéter : « Tout part des mains[6] ».

Depuis sa création, le théâtre de la Michodière a connu une succession de propriétaires et d’administrateurs qui ont œuvré à la sauvegarde de son cachet d’antan. Il s’affiche désormais comme une des salles parisiennes dont les éléments (hall, vestiaires, bars, etc.) sont les mieux conservés. En témoigne la loge de la célèbre comédienne Yvonne Printemps, mémoire de l’âge d’or du théâtre, qui constitue un bel hommage à l’ancienne directrice de l’établissement : petite pépite patrimoniale parfaitement préservée.

[1] VANZAY, J., « Un nouveau théâtre », La République française, 22 octobre 1923.

[2] COGNIAT, Raymond, « Théâtre de la Michodière par M. Bluysen », L’Architecture, juillet 1927, p. 219.

[3] Objet IFA/AN, 535 A.P. 18/05, pièce 23.5.20, in fonds Perret, Institut français d’Architecture.

[4] Avec les théâtres Édouard VII (1913, Sprague architecte), Daunou (1921, Bluysen architecte), des Nouveautés (1921, Thiers architecte) et le music-hall Le Palace (1921-1923, Oudin et Rabussier architectes).

[5] Voir NIVOIX, Paul, « Le théâtre de la Michodière ouvre ses portes demain », Comœdia, 15 novembre 1925.

[6] ALAIN, Entretien chez le sculpteur, Paris : Paul Hartmann, 1937.

Le porche de la façade, cette dernière d'une composition relativement modeste, ouvre sur un hall-billetterie. Cet espace décoré de reliefs ajourés Art déco au niveau des impostes des ouvertures est complètement ouvert du côté Nord sur le restaurant, conçu en même temps que le théâtre. Suit le foyer du rez-de-chaussée, disposé en angle, comprenant un plafond à caissons aux voussures agrémentées de denticules dorées. Les vestiaires encadrent l’escalier principal, au Sud-Est du bâtiment, qui permet l’accès au foyer de l’étage, dont les dispositions, comprenant des colonnes surmontées de luminaires en ronde-bosse, sont un peu plus majestueuses. Cependant, l’enchaînement de ces espaces au caractère plutôt intime dissimule l’ampleur de la salle. Son décor intérieur est l’œuvre de Jacques-Émile Ruhlmann. Les tonalités rouges et chaleureuses des murs maintenaient initialement une atmosphère feutrée. Ces décors ont disparu, mais le cadre de scène à cannelures, autrefois couleur vieil or, comprenant un bas-relief allégorique, est toujours présent.

  • Murs
    • béton pan de béton armé enduit
  • Toits
    béton en couverture
  • Plans
    plan régulier en L
  • Étages
    sous-sol, rez-de-chaussée, 3 étages carrés
  • Couvrements
    • fausse coupole
  • Élévations extérieures
    élévation à travées, élévation ordonnancée
  • Couvertures
    • terrasse
  • Escaliers
    • escalier dans-oeuvre : escalier tournant à retours sans jour cage ouverte
    • escalier dans-oeuvre : escalier droit en maçonnerie
  • Typologies
    salle à l'italienne (1ère moitié 20e siècle)
  • État de conservation
    bon état, remanié
  • Techniques
    • sculpture
    • décor stuqué
    • papier peint
  • Représentations
    • représentation figurative, sujet profane, représentation dont le sujet principal n'est pas l'homme, figure allégorique profane, élément symbole des arts,
    • ornement architectural, ordre colossal, pilastre
    • ornement géométrique, dent de scie, denticule, entrelacs, étoile, losange, volute
    • ornement végétal, feuillage, fleur
    • ornement figuré, femme, homme, musicien
    • ornement en forme d'objet, corbeille, instrument de musique, mandoline, miroir
    • ornement a chiffre, raison sociale
  • Précision représentations

    Façade arborant au premier étage un cartouche figurant le nom de l'établissement et des appliques pour luminaires.

    Billetterie ornée d'impostes combinant feuillages et vasques de fontaines.

    Foyers comprenant un décor simulant des cannelures, combiné avec les appliques, les miroirs et les plafonds à caissons à denticules. Luminaires du foyer de l'étage formant des représentations de bouquets de fleurs en ronde-bosse.

    Fronton du cadre de scène de la salle par Henri Navarre figurant la Commedia dell'Arte.

  • Mesures
    • nombre de places : 850 personnes ((jauge initiale))
  • Intérêt de l'œuvre
    à signaler
  • Éléments remarquables
    théâtre, élévation intérieure, escalier, lambris, vestibule
  • Sites de protection
    site inscrit
  • Protections
    PLU (Protection Ville de Paris), 2006
  • Précisions sur la protection

    Inscrit dans le PLU de la capitale comme Protection Ville de Paris.

Documents d'archives

  • Objet IFA/AN, 535 A.P. 18/05, pièce 23.5.20, in fonds Perret, Institut français d’Architecture

    Institut français d'architecture, Paris : IFA/AN, 535 A.P. 18/05, pièce 23.5.20

Bibliographie

  • « Théâtre de la Michodière, Paris, 1923-1924 », in CULOT, Maurice; PEYCERE, David; RAGOT, Gilles (directeurs), Les frères Perret. L'œuvre complète, Les archives d'Auguste Perret (1874-1954) et Gustave Perret (1876-1952). Paris : Institut Français d'Architecture/NORMA, 2000, p.460

    Cité de l'architecture et du patrimoine, Paris
  • PROUVE, Jean, Le métal. Paris : Charles Moreau, 1929, pl. 50

    Bibliothèque des arts décoratifs, Paris
  • VIRETTE, Jean, Sculptures et détails d’architecture moderne. Paris : Alexis Sinjon, 1928, pl. 32

    Bibliothèque des arts décoratifs, Paris
  • Midant, Jean-Paul, "Paris est une fête". Défense et illustration de l'architecture du spectacle. Paris : Direction régionale des affaires culturelles, 1990.

    Direction régionale des affaires culturelles d'Ile-de-France, conservation régionale des monuments historiques, Paris
  • « Théâtre de la Michodière. 1923-1925 », in ABE, Kuniko (FOUCART, Bruno, directeur de thèse). L’architecture théâtrale et son décor en France, 1910-1940. Du rêve antique à la modernité lumineuse. Paris : Université Paris IV Sorbonne, 2007, tome 2, p. 33-37 et tome 3, fig. 71-82

    « Bluysen. Théâtre de la Michodière », in CAPLAIN, Robert. Salles de spectacle. Paris : Librairie de la Construction moderne, pl. 10-16

    « Théâtre de la Michodière », in LATOUR, Geneviève et CLAVAL, Florence. Les théâtres de Paris. Paris : Action artistique de la ville de Paris, 1991, p. 218-221

    « Théâtre de la Michodière », in MIDANT, Jean-Paul. « Paris est une fête ». Défense et illustration de l’architecture du spectacle. Paris : Direction régionale des Affaires culturelles d’Ile-de-France, 1990, p. 51

    « Théâtre de la Michodière », in RAOULT, ?. Annuaire du théâtre. 1944-1945. Paris : Annuaires néo-techniques, 1945, p. 244-245

Périodiques

  • ANTOINE, André, « Courrier théâtral – Un théâtre de chez nous », Le Journal, 19 novembre 1925

    Bibliothèque nationale de France, Paris
  • VANZAY, J., « Un nouveau théâtre », La République française, 22 octobre 1923

    Bibliothèque nationale de France, Paris
  • COGNIAT, Raymond, "Théâtres nouveaux - Théâtre de la Michodière par M. Bluysen", L'Architecture. Paris, juillet 1927, n°7, p. 219-224

    Cité de l'architecture et du patrimoine, Paris
  • NIVOIX, Paul, « Le théâtre de la Michodière ouvre ses portes demain », Comoedia. Paris, 15 novembre 1925

Date(s) d'enquête : 2016; Date(s) de rédaction : 2017
(c) Région Ile-de-France - Inventaire général du patrimoine culturel