Dossier d’œuvre architecture IA93000673 | Réalisé par
Caroux Hélène (Rédacteur)
Caroux Hélène

Docteure en histoire de l'architecture de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne depuis 2004 et chercheuse au Bureau du Patrimoine contemporain du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis

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Philippe Emmanuelle (Rédacteur)
Philippe Emmanuelle

Conservateur du patrimoine, Région Île-de-France, service Patrimoines et Inventaire.

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  • enquête thématique régionale
Lycée Jacques-Brel
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Stéphane Asseline, Région Ile-de-France

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Ile-de-France
  • Commune La Courneuve
  • Adresse 4 rue Dulcie September
  • Cadastre 2020 R 6, 7, 72, 73, 78, 79, 84, 85, 87, 90 à 93, 96 à 107, 117 à 120, 179 à 183
  • Dénominations
    lycée
  • Parties constituantes non étudiées
    cour, cantine, préau

Un lycée en "Meccano": le lycée Jacques-Brel

Historique et programme

 Ce lycée polyvalent est l’aboutissement d’une démarche intercommunale réunissant les communes du Bourget, de Dugny et de La Courneuve et remplace les locaux provisoires construits en 1971 rue Anatole France. Commanditée par le syndicat intercommunal avec la Direction départementale de l’équipement pour mandataire, la conception de cet établissement scolaire est confiée en 1981 à l’architecte René Dottelonde, qui a élaboré quelques années auparavant avec l’entreprise Joubert le système constructif D.J.. Associé à la Société Auxiliaire d’Entreprise de la Région Parisienne (SAEP), avec laquelle il le met en œuvre, le cabinet Dottelonde dresse l’avant-projet sommaire et les plans à la fin de l’année 1981, puis les modifie à deux reprises en mai 1982 et au début de l’année 1983. En effet, le permis de construire accordé le 24 juin 1982 est complété par un permis modificatif en juin 1983. Celui-ci porte sur les façades (calepinage des panneaux et recomposition de l’ordonnancement des pleins et des vides dans les travées). Ce permis modificatif vient couronner les compléments précédemment apportés pour enrichir le système constructif qui visaient notamment à apporter des propositions complémentaires (variantes) permettant d'élargir les possibilités architecturales et la capacité d'adaptation aux sites du système de base du procédé élaboré en 1980 pour leur modèle de collège 600.

 Le lycée ouvre ses portes à la rentrée 1983 ou 1984. Le programme comprend la construction d’un lycée dit de 2e catégorie (701 à 1500 personnes) et de trois logements de fonction. Il vient compléter l’offre scolaire de ce secteur central de La Courneuve, déjà marqué par la présence du collège Georges Politzer construit au début des années 1970, mais également sportive avec l’aménagement du stade Nelson Mandela en complément du complexe sportif Jean Guimier déjà en place. En 2019, il accueille 1000 élèves et prépare aux diplômes du baccalauréat général et technologique ainsi qu’aux BTS Comptabilité-Gestion et Communication.

 Vers 1992, un marché négocié est passé avec Alain Béraud, qui avait été trois ans plus tôt désigné comme architecte de maintenance du lycée (délibération n°89-95 du 18/04/1989). Ce marché porte sur l’aménagement de locaux pédagogiques à l’emplacement de l’ancien garage à vélos et la construction d'un foyer à proximité du réfectoire. Celui-ci prendra la forme d'un petit bâtiment triangulaire en bois, côté cour et d’une surface hors d'œuvre de 316,87m² qui tout, en s’insérant dans le site, se distingue du lycée par ses matériaux. La cantine a quant a elle été restructurée en 2013-2015 par le cabinet d’architectes Daudre-Vignier.

L'architecte

L’auteur du lycée Jacques Brel est René Dottelonde (1934-), architecte reconnu, spécialiste de l’architecture scolaire et universitaire, assisté d’Alain Béraud. Diplômé de l’école des Beaux-Arts en 1963, Dottelonde est aussi un actif militant pour des réformes de l’enseignement en mai 1968. Il est l’auteur de l’une des deux universités expérimentales initiées par Edgar Faure en 1968, celle de Lyon-Bron, avec ses structures métalliques qu’il réalise avec Jean Prouvé et Léon Pétroff. Il réitère, mais cette fois seul, avec le centre de recherches de Royalieu, partie-prenante de l’université de Technologie de Compiègne (1974-1976), où il recourt cette fois au béton. De ces expériences basées sur la flexibilité du programme et de la capacité des procédés constructifs à y répondre, il se met à son tour à développer son propre système de construction par éléments de béton, fait de poutre à caisson et organisés selon des trames souvent diagonales. L’objectif est de proposer une expression architecturale diversifiée capable de s’adapter à l’évolution des besoins tout en offrant une construction industrialisée économique. C’est ainsi qu’il met au point avec l’entreprise Joubert le procédé D.J. (Dottelonde/Joubert) et le met en œuvre pour plusieurs établissements scolaires (collège Lis Isclo d’Or de Pierrelatte, collège Tibor Revesz Long à Crest (Drôme) (1976), lycée Raymond-Queneau de Villeneuve d’Ascq (Nord) (1977)). Le catalogue des modèles de CES industrialisés en 1977-1978 acceptés par le ministère de l’Éducation nationale en rend compte. Les additifs au système constructif et les modifications apportées au permis de construire laissent penser que R. Dottelonde fut particulièrement soucieux, pour le lycée de La Courneuve, d'améliorer et d'enrichir son procédé.

 

Description

 Implantation sur parcelle et plan

 Située au centre de la Commune, la parcelle qui a été attribuée d'une surface de 16 273 m² est enclavée dans une zone d’activités partiellement requalifiée pour l’occasion. Elle est ainsi délimitée par une rue piétonne (sente de l’Esseau), deux rues routières (rues Dulcie September et G. Politzer) et par l’autoroute faisant la liaison entre l’A86 et l’A1. Ne représentant que la moitié de la surface de la parcelle et afin de le protéger des nuisances autoroutières, le lycée a été volontairement implanté à l’opposé de cette voie rapide, la cour de jeux et le stade Nelson Mandela jouant le rôle de tampon. Cette implantation à l’extrémité ouest de la parcelle permet également de le rapprocher du collège G. Politzer, situé en face et séparé de lui par une allée piétonne nouvellement créée (sente de l’Esseau). Alors que l‘entrée des élèves est sécurisée par cette voie sans voiture, les logements situés à l’arrière du lycée ont quant à eux leur propre accès (depuis la rue G. Politzer). Enfin, une station de pompage géothermique, placée à proximité de l’autoroute, alimente en chauffage l’ensemble, et depuis la fin années 1990, un talus végétalisé isole le lycée des nuisances autoroutières.

  Alors que le collège Politzer se caractérise par des bâtiments orthogonaux conçus selon une logique fonctionnaliste (une fonction, un bâtiment), le lycée J. Brel est au contraire constitué de bâtiments articulés entre eux formant un ensemble original et dynamique. Précédé d’une petite placette, le bâtiment d’accueil (R+2), situé dans l’angle de la parcelle dessert deux ailes en équerre à 45° implantées parallèlement aux rues D. September et sente de l’Esseau et la troisième, placée cette fois à l’arrière du bâtiment d’accueil. Alors que cette troisième aile (auditorium), vient former une « boucle » en se raccrochant à l’aile de la rue Dulcie September (cuisine, réfectoire à RDC, salles de classes à l’étage), le bâtiment longeant la sente de l’Esseau, qui abrite les salles de classe, se prolonge quant à lui pour former un U vers l’intérieur de la parcelle. Ce dispositif permet de créer deux cours, l’une petite et fermée aménagée en théâtre de plein air et placée à l’intérieur de la boucle, l’autre plus grande et arborée située à l’intérieur du bâtiment en U. Enfin, une allée couverte relie le bâtiment en U et l’aile en diagonale, donnant à l’ensemble une forme de rectangle irrégulier.

Mode constructif

L’originalité de ce collège vient de l’utilisation d’un système constructif élaboré par son propre architecte, R. Dottelonde, associé à l’entrepreneur Joubert. Utilisé précédemment pour d’autres établissements scolaires, il semble avoir été adapté et enrichi de variantes, et à ce titre, nous laisse penser qu’il s’agit de son projet scolaire le plus abouti. Le procédé qu’il met en œuvre se caractérise par une ossature composée de poteaux cruciformes (ou octogonaux à l’intérieur) avec consoles en béton armé, à partir d’une trame de 7,20 x 7,20 m ou d’une sous-trame de 3,60 m pour les panneaux de façades et planchers. Les panneaux de façade préfabriqués et non porteurs reposent sur les poutres de rive et peuvent, pour des raisons d’économie ou d’environnement, être en béton (brut ou agrégats apparents brossés ou lavés), en matériaux légers, ou comme ici revêtues de plaquettes de terre cuite. Le plancher, fait de caissons accolés, rend possible par suppression d’un ou de plusieurs poteaux, la création de trémies et de volumes à double hauteur (hall, auditorium). Les coffrages particulièrement soignés des éléments d’ossature, des planchers ou encore des portiques offrent non seulement une lecture didactique du bâtiment mais aussi une qualité d’exécution des plus intéressantes et que le temps ne semble pas avoir altéré. 

 Traitement des façades

 Le système constructif, par son expressivité, participe pleinement à animer les façades. Les poteaux cruciformes en béton armé lorsqu’ils ne portent pas de plancher, sont visibles sur les façades extérieures et forment un contrepoint avec les panneaux préfabriqués recouverts de brique. D’autre part, un traitement différencié a été souhaité en fonction des espaces et pour une plus grande clarté d’expression. C’est ainsi que le bâtiment d’accueil en retrait se distingue par son traitement horizontal souligné par son bandeau et sa corniche en béton. Largement vitré, il est également marqué par l’axe de symétrie matérialisé par la toiture de l’escalier en saillie à l’arrière du bâtiment et par le balcon placé à l’avant. Les deux ailes qui l’encadrent, jouent du contraste, tant par le matériau utilisé (brique) que par les poteaux saillants qui soulignent les verticales. Cette brique de parement est organisée selon un calepinage soigné où s’ordonnent des pleins et des vides dans les travées. Pleines à RDC, elles sont pour partie vides aux étages au niveau des allèges et des appuis, et la brique remplacée par du carrelage en grès cérame. Les menuiseries en aluminium volontairement de couleur sombre s’effacent devant celle de la brique et la blancheur du béton. Si le béton est également de mise sur l'aile abritant l'auditorium, on retrouve dans le dessin des encadrements des portes des similitudes avec celui des encadrements des fenêtres des salles de classe. Cette distinction dans les matériaux a été précisée par R. Dottelonde dans le permis modificatif afin d'avoir «une lecture plus aisée et plus cohérente du bâtiment dont l’unité est assurée par ce que nous appellerons l’ordre principal : celui de la travée d’enseignement général qui domine largement, puisqu’elle correspond à la plus grande partie des locaux » (Notice descriptive, demande de permis modificatif, 4 mai 1983, Arch. Mun.  209W19).

 Espaces intérieurs et extérieurs

Visible en façade, le système constructif l'est également dans les espaces intérieurs. Les poteaux orthogonaux rythment les couloirs, les planchers caissons décorent les plafonds et le dallage au sol   du hall d'accueil reprend la trame du système porteur. La géométrie de la structure devient élément décoratif à l'intérieur, mais aussi à l'extérieur, comme le montre le portique qui orne la place à l'intersection de la sente de l'Esseau et de la rue Dulcie September ou le dessin de la cour de jeux. La brique, matériau dominant, se retrouve également dans le mobilier fixe à l’intérieur comme à l’extérieur du lycée, sous forme de bancs, de cloisons ou de murets. Lieu de vie, le hall d’accueil est généreusement éclairé, mais aussi traité avec soin (dallage, poteaux orthogonaux revêtus de grès émaillé) et donne accès à l’ascenseur, support du 1% artistique et à un vaste escalier en saillie, côté cour. Enfin, arbres et haies qualifient et structurent les espaces extérieurs en fonction des essences utilisées. Les platanes rythment le mail, les bouleaux sont au plus près des logements et du parking, et les tilleuls habillent la cour.

Décor au titre du 1% artistique

 Original par son implantation, comme par son thème, le 1% artistique du lycée J. Brel est  à l’image de la démarche de cohérence et de résonance qui semble avoir guidée R. Dottelonde. D’une superficie de 72m², et intitulée « Traces d’architecture », l’œuvre de céramiques en grès représente en filigrane le plan du lycée. Placée dans le hall d’accueil et entourant la cage d’ascenseur sur deux niveaux, elle permet de valoriser un espace traditionnellement laissé pour compte et s'intègre parfaitement dans la construction. L’artiste Jacques Buchholtz (1943-1998) a une solide formation. Après être passé par l‘École des arts appliqués, puis dans l’atelier Met de Penninghen et Jacques d’Andon, il intègre l’École nationale supérieure des métiers d’art. En 1972, il installe son atelier de céramique et de sculpture dans le Tarn-et-Garonne, et devient membre de l’Académie internationale de la céramique. Sa production jugée « originale, contemporaine et élégante » s’organise autour de trois groupes, les tapis (ensembles de carreaux), les pirogues (vastes installations), et enfin les villages miniatures comme le bas-relief Village perché, ou Le village qui traduit son goût pour l’architecture et la matière. Son œuvre est ponctuée de créations où l’architecture tient une place importante, par les traces laissées dans la matière ou plus explicite encore, par l’objet représenté. Décédé accidentellement en 1998 à l’âge de 55 ans, il laisse une œuvre inachevée.

 

 

 

 

  • Murs
    • béton béton armé
    • brique
  • Toits
    béton en couverture
  • Étages
    1 étage carré
  • Couvrements
  • Couvertures
    • terrasse
  • Énergies
  • Typologies
    ;
  • Statut de la propriété
    propriété de la commune
  • Intérêt de l'œuvre
    à signaler
  • Protections

  • Précisions sur la protection

    Label Architecture contemporaine remarquable (ACR) décerné en 2020.

Annexes

  • SOURCES
Date(s) d'enquête : 2020; Date(s) de rédaction : 2021
(c) Région Ile-de-France - Inventaire général du patrimoine culturel
Caroux Hélène
Caroux Hélène

Docteure en histoire de l'architecture de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne depuis 2004 et chercheuse au Bureau du Patrimoine contemporain du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis

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Philippe Emmanuelle
Philippe Emmanuelle

Conservateur du patrimoine, Région Île-de-France, service Patrimoines et Inventaire.

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