Dossier d’œuvre architecture IA75001076 | Réalisé par
Philippe Emmanuelle (Rédacteur)
Philippe Emmanuelle

Conservateur du patrimoine, Région Île-de-France, service Patrimoines et Inventaire.

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Mercier Marianne (Rédacteur)
Mercier Marianne

Chargée du recensement et de la protection au titre des Monuments historiques

Correspondante du label "Architecture contemporaine remarquable"

Conservation régionale des monuments historiques, DRAC Ile-de-France

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  • enquête thématique régionale
Lycée Camille-Sée
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Ile-de-France - Inventaire général du patrimoine culturel

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Ile-de-France
  • Commune Paris 15e arrondissement
  • Adresse 11 rue Léon Lhermitte
  • Cadastre 2020 BW 4
  • Dénominations
    lycée
  • Parties constituantes non étudiées
    cour, cantine, préau

"Le couvent rose" : Le lycée Camille-Sée

HISTORIQUE

Face au square

Le lycée Camille-Sée est implanté sur l’emplacement occupé autrefois par l’usine à gaz de Vaugirard, désaffectée en 1927. Ancien ilot industriel reconverti, le quartier Saint-Lambert devient alors l’objet d’un programme d’urbanisme représentatif de la politique municipale, dictée tant par les enjeux sociaux que par les grands principes hygiénistes des années 1930 : logements HBM, square et équipement scolaire de la maternelle au baccalauréat.

La ville de Paris offre une partie du terrain à l’État à la condition qu’un lycée pour 1500 à 1800 jeunes filles y soit construit, le reste étant réservé aux logements et au square Saint-Lambert[1], aménagé par l’architecte Georges Sébille et inauguré en 1933. Tirant parti de la proximité immédiate avec ce poumon vert, le « lycée de Vaugirard » intègre une composition harmonieuse où le square précède la façade antérieure du lycée, procurant ainsi un prospect avantageux. La cour, ouverte au sud sur la verdure, prend place en miroir dans un jeu de lignes géométriques. Á l’ouverture de l’établissement, un passage souterrain sous la rue Léon Lhermitte servait d’accès au bâtiment afin d’éviter les accidents pour les plus jeunes. Faisant ainsi office d’annexe pour les parents qui attendaient leurs enfants, le square était étroitement lié au lycée, palliant l’exiguïté de la parcelle qui lui fut dédiée[2].

Camille Sée (1847-1919), un défenseur de l’instruction des filles

Huitième lycée pour jeunes filles de Paris, Camille-Sée succède au lycée Jules-Ferry (1911-1914) et est mis en chantier durant l’entre-deux-guerres. Destiné à désengorger le lycée Victor Duruy, situé sur le boulevard des Invalides, il appartient à un programme d’équipement des quartiers périphériques de la capitale - le plan national Marquet – qui après lui, permettra la réalisation des lycées Hélène-Boucher (Paris 20e, 1937), La-Fontaine (Paris 16e, 1938) et Claude-Bernard (Paris 16e, 1938).

La construction en est confiée à François Le Cœur (1872-1934), dont les premiers projets datent de 1931. Les travaux commencent en 1932 et la première rentrée scolaire a lieu le 1er octobre 1934. Élève d’Anatole de Baudot (1834-1915) et adepte des théories rationalistes de ce dernier, François Le Cœur est d’abord architecte du ministère des Postes pour lequel il édifie les centraux téléphoniques du faubourg Poissonnière et de la rue du Temple à Paris, ou encore ceux de Puteaux et Clamart. Il construit également des bureaux de poste, dont celui de Reims, achevé en 1930, est le plus fameux. Sans doute inspiré par l’œuvre scolaire de son père, l’architecte Charles Le Cœur (1830-1906) [3], François applique au lycée Camille-Sée non seulement les incontournables prescriptions d’hygiène et de surveillance mais aussi les grands principes fonctionnalistes qui règnent en maître sur les bâtiments d’enseignement depuis la seconde moitié du XIXe siècle. Il meurt avant d’avoir eu le temps d’inaugurer le lycée, dernière construction de sa carrière, aussitôt baptisé Camille-Sée, en l’honneur du député de la Seine à l’initiative de la loi sur l’enseignement secondaire féminin promulguée le 21 décembre 1880.

[1] Inscrit au titre des monuments historiques, 10/04/1997.

[2] GILLE DELAFONS, S., « Le lycée Camille-Sée à Vaugirard », Le bâtiment illustré, janvier 1935, p. 27-32.

[3] Charles Le Cœur est l’auteur de plusieurs établissements qui ont marqué l’architecture scolaire de la Troisième République : il réalisa notamment le « petit lycée » Condorcet, les extensions des lycées Louis le Grand, Montaigne et Fénelon à Paris, ainsi que les lycées de Bayonne, Montluçon et Aix-en-Provence.

DESCRIPTION

À la verticale : le nouveau modèle du lycée urbain

D’une surface de 5800 m2, le terrain présente des dimensions bien inférieures aux recommandations de la commission des bâtiments des collèges et des lycées[1], d’où le parti de construire en hauteur autour d’une cour unique, centre d’une composition rigoureuse. Reclus sur lui-même, l’édifice offre sa silhouette symétrique, son gabarit monumental et son allure austère comme pour rappeler son incontestable parenté avec le type du lycée « Troisième République ».

Seule l’aile sud, plus basse, comporte un niveau unique où prend place l’administration du lycée, laissant pénétrer air et lumière et dégageant la vue sur le square. Trois niveaux de sous-sol abritent la chaufferie, les cuisines, les vestiaires, les buanderies et les chambres du personnel de service. Un décaissement de la cour jusqu’au premier niveau de sous-sol en permet l’éclairage naturel. Le réfectoire se trouve au rez-de-chaussée de l’aile nord. Un entresol accueille les logements puis se développent les cinq étages de classes. Les plus jeunes accédaient au premier et deuxième étages, se réservant la cour pour les récréations, tandis que les plus âgées montaient aux étages supérieurs dotés d’amphithéâtres, de laboratoires, d’une bibliothèque et de salles de collections. Le cinquième étage, de gabarit plus réduit, coiffe uniquement l’aile nord et abrite les salles de dessin, couvertes d’une toiture à deux versants. Les couvertures en terrasses des ailes est et ouest étaient destinées à la pratique sportive des grandes élèves.

Le type mis au point au lycée Camille-Sée renverse le schéma traditionnel, tout en conservant une référence à l’histoire de l’architecture scolaire : « François Le Cœur a imaginé, en quelque sorte, la synthèse verticale des plans des lycées antérieurs »[2]. Afin de desservir ce grand vaisseau haut et profond, deux grands escaliers ont été placés aux angles septentrionaux, soulignés en façade par un pan coupé et éclairés par une coupole en pavés de verre. Au niveau des paliers se trouvent des locaux de surveillance et de repos, ainsi que des installations sanitaires à tous les étages. Dans l’aile nord était installé un étonnant escalier mécanique Otis-Pifre facilitant les déplacements verticaux des élèves. Deux ascenseurs et escaliers secondaires pour les professeurs occupent les angles méridionaux. Enfin et avec audace, François Le Cœur substitue aux couloirs étroits et aux traditionnelles galeries couvertes du siècle précédent de vastes interclasses à chaque niveau. Il s’agit en réalité d’une surface qui double la largeur des classes, côté rue, faisant office de préaux pour la détente, évitant d’encombrer la cour principale.

Le hall d'entrée se démarque par son plan en rotonde. Il est cantonné de douze colonnes qui portent des nervures formant un réseau étoilé. En son centre, une large coupole en pavés de verre apporte un éclairage zénithal diffus. Partant du milieu d'un tapis de mosaïques qui reprend les lignes concentriques du lanterneau et le dessin étoilé du réseau des poutres, un escalier hélicoïdal rejoint le sous-sol et la cour.

Dans la bibliothèque se trouve une fresque d'Yves Alix (1890-1969), signée et datée de 1938. Elle représente une groupe de jeunes filles s'amusant au bord d'une rivière. A l'arrière-plan figurent la tour Eiffel et le lycée Camille-Sée lui-même, identifiable grâce à son plan en fer à cheval et sa couleur rosée. Alors que l’alignement des programmes du secondaire féminin sur ceux du secondaire masculin aboutit à un baccalauréat identique en 1924, l’historien Marc Le Coeur a émis l’hypothèse que s’ensuivait une concordance typologique des programmes architecturaux. L'académisme iconographique des décors des lycées de jeunes filles est peu à peu délaissé au profit d'une iconographie les inscrivant dans la vie contemporaine et célébrant leur aspiration aux loisirs et aux réjouissances. Ce thème est bien celui retenu par Alix, formé à l'Académie Ranson auprès de Maurice Denis et Pierre Bonnard. Bien qu'alors revenu à un certain classicisme dans les années trente, l'artiste s'était intéressé au cubisme, dont l'influence transparaît dans la géométrie rigoureuse des personnages. Alix avait travaillé aux décors du paquebot Normandie et produit des cartons pour la manufacture des Gobelins et celle d'Aubusson.

Le lycée Camille-Sée fut « le plus commenté, le plus admiré de tous les lycées français. Ayant révélé l’obsolescence des règlements de construction officiels, il s’imposa comme le parangon des lycées urbains de l’avenir, et à ce titre, inspira jusqu’à la déclaration de guerre les plans de trois nouveaux établissements parisiens…dont l’un était destiné aux garçons (lycée Claude-Bernard, 1938). Ce saisissant retournement consacrait symboliquement la suprématie des formules adoptées dans les lycées de jeunes filles depuis 1880. »[3]. Le lycée Hélène-Boucher édifié quelques années plus tard cours de Vincennes par l'architecte Lucien Sallez en est une réplique et rend hommage à ses dispositions.

Le monolithe de béton : « la pureté du volume et la rectitude du nu »[4]

Le lycée repose sur un réseau de poutres et de dalles en béton armé qui permettent de répartir au sol l'ensemble des charges, la présence des anciennes cuves de gazomètres et de nombreuses galeries n'ayant pas permis le battage de pieux.

L’ossature et l’enveloppe du bâtiment sont donc intégralement en béton armé, laissé apparent en surface. L’épiderme des façades a été bouchardé après décoffrage, c’est-à-dire travaillé à l’aide d’un outil à pointes de diamant pour en briser l’aspect lisse et uniforme. Le soubassement et les deux grands panneaux aveugles, au sud, qui devaient à l’origine recevoir un décor allégorique, ont été frappés avec un rustique, marteau au tranchant dentelé qui produit des aspérités. Granit rose et marbre blanc de carrare concassés ont été noyés dans la masse pour obtenir cette teinte rosée si particulière. « Nous lui devons de nouveaux procédés de ravalement du béton. Cette matière froide et triste s’est animée sous sa volonté, il a repoussé les enduits, les accrochages précaires, les solutions de la paresse pour arriver à cette magnifique matière […] ce grain jusqu’alors réservé aux pierres des meilleures carrières.[5] »

Avec une modénature simplifiée à l’extrême, rejetant tout ornement, c’est bien de l’emploi de ce matériau brut, pour lui-même, que naît la modernité du lycée Camille-Sée, plus encore que de ses lignes orthogonales et ses volumes géométriques. Proche des recherches des frères Perret, cette architectonique épurée puise dans la tradition classique, exprimant un nouveau rationalisme au service de l’enseignement.

[1] SEE, Ch.-Ed, « Le lycée Camille Sée à Paris », La Construction moderne, n° 12, 23 décembre 1934, p. 266-282. La commission préconisait alors de mettre à disposition 20 000 mètres carrés de surface de terrain pour un établissement de 1800 élèves.

[2] Le CŒUR, Marc, « Persistances d’un programme architectural et solutions nouvelles », La Pierre d’angle, n° 14, mai 1994, p.44-46.

[3] LE CŒUR, Marc, « De Camille Sée à Camille-Sée…Ebauche d’une histoire matérielle des lycées de jeunes filles », Enseignement secondaire féminin et identité féminine enseignante. Hommage à Françoise Mayeur. Actes de la journée d’études organisée le 8 juin 2007 au centre IUFM de Troyes. Reims, CRDP de Champagne-Ardenne, 2009, p. 85-101.

[4] MICHAU, G. « L’œuvre de François Le Cœur », L’architecture d’aujourd’hui, n° 10, 1934, p.4.

[5] Ibid., p.7.

  • Murs
    • béton béton armé
  • Toits
    béton en couverture
  • Étages
    5 étages carrés
  • Couvrements
  • Élévations extérieures
    élévation ordonnancée
  • Couvertures
    • terrasse
  • Escaliers
    • escalier dans-oeuvre : escalier en vis
  • Énergies
  • Typologies
    ;
  • Statut de la propriété
    propriété de l'Etat
  • Intérêt de l'œuvre
    à signaler
  • Éléments remarquables
    lycée
  • Protections
    inscrit MH, 1995/01/12
  • Précisions sur la protection

    Lycée (cad. 15 : 01 BW 4) : inscription par arrêté du 12 janvier 1995.

Annexes

  • SOURCES
Date(s) d'enquête : 2016; Date(s) de rédaction : 2022
(c) Région Ile-de-France - Inventaire général du patrimoine culturel
Philippe Emmanuelle
Philippe Emmanuelle

Conservateur du patrimoine, Région Île-de-France, service Patrimoines et Inventaire.

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