• enquête thématique régionale, Architectures du sport en Ile-de-France
Ensemble parking, patinoire, centre commercial
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Stéphane Asseline, Région Île-de-France

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Ile-de-France
  • Commune Saint-Ouen-sur-Seine
  • Adresse 4 rue Docteur-Bauer
  • Cadastre T 194Informations d'accès en transport en commun : Métro 13, 14 - Mairie de Saint-Ouen / Bus 166, Audonienne - Rue de l'Union / Bus 85, 137, 173, 237, 274, Audonienne - Mairie de Saint-Ouen - République

Machine architecturale en plein centre-ville, la patinoire de Saint-Ouen a fait couler beaucoup d’encre depuis son inauguration en 1979. Déjà à cette époque, cet équipement à l’esthétique incongrue est un élément structurant de la ville, issu d’une réflexion menée par le maire communiste Fernand Lefort et l’architecte Paul Chemetov, les deux hommes ayant noué des liens étroits depuis le début des années 1960. En effet, Chemetov, tenant de l’architecture sociale et engagée, travaillait déjà depuis 1968 sur l’étude urbaine du centre-ville de Saint-Ouen. Il se voit alors chargé de nombreuses opérations de logements dans la commune. Le maire souhaite remodeler le centre-ville en lien avec l’arrivée du métro (ligne 13) à côté de la mairie : le quartier doit devenir un nouveau pôle majeur de l’agglomération parisienne. Parmi les nouveaux aménagements prévus, les ingénieurs des Ponts et Chaussées conçoivent un projet de circulation souterraine au niveau de l’avenue du Docteur-Bauer. Les terrains en question sont expropriés, les maisons rasées et une plateforme est créée en surface. Cependant, le sens de circulation prévu est erroné (nord-sud au lieu d’est-ouest) et le projet abandonné. Paul Chemetov réfléchit ainsi à l’utilisation de cette parcelle et propose d’y édifier une patinoire, à la faveur de l’engouement populaire pour les sports de glace après les Jeux Olympiques d’hiver de 1968 à Grenoble. Séduite par cette idée, la municipalité édicte ainsi le programme d’aménagement du terrain : trois niveaux de parking en sous-sol (pour une capacité de 778 places) en liaison directe avec le métro et desservis par la rue du Docteur-Bauer, et en surface une patinoire comprenant un bar-restaurant. Cette patinoire doit permettre les entraînements de hockey sur glace des clubs locaux, mais également recevoir des manifestations sportives comptant 600 spectateurs, permettre l’initiation des scolaires et le patinage « de plaisance » des amateurs. En 1972, Paul Chemetov lance ainsi les études de ce programme complexe, en collaboration avec l’ingénieur Miroslav Kostanjévac. La construction démarre en 1975 mais le chantier est ralenti par de nombreuses interruptions en raison de difficultés financières et d’atermoiements quant à la gestion de la patinoire. L’édifice est enfin inauguré en octobre 1980, l’année même où l’architecte est lauréat du Grand prix national de l’architecture.

La difficulté majeure de la conception de la patinoire réside dans l’exiguïté du terrain, ne permettant pas d’y loger une patinoire olympique. Chemetov contourne cet obstacle en construisant un édifice à deux niveaux. Le niveau sur rue est dédié aux circulations : rampe d’accès au parking souterrain et vaste espace libre, en continuité avec la voirie. Rapidement, cet espace a été occupé par un restaurant puis par des supermarchés successifs. Le niveau supérieur, édifié sur un plancher en porte-à-faux partiel sur les rues adjacentes, accueille la patinoire, débordant ainsi sur l’espace public et couvrant le trottoir. Ce volume supérieur de 36 000 m3 abrite les vestiaires, les sanitaires, le dépôt de patins, le restaurant, le bar, la patinoire de 56 x 26 m et la tribune de 600 places. L’ensemble est bâti en béton armé sur une impressionnante charpente métallique. En effet, les charpentes supérieures et latérales inclinées à 45° visibles à l’extérieur et conférant au bâtiment sa silhouette trapézoïdale, sont portées par deux énormes poutres métalliques formant des caissons de 90 m de long (70 m de portée), dans lesquelles un homme peut circuler et permettant de stocker du matériel technique au-dessus de la patinoire (notamment l’éclairage). Préfabriquées en usine, ces poutres ont été installées par des moyens de levage exceptionnels en quelques heures. Enfin, les poutres sont supportées par quatre piliers abritant les circulations verticales. A l’intérieur, la patinoire reçoit un éclairage naturel grâce à une paroi inclinée en pan de verre et par des baies verticales donnant sur un balcon.

La patinoire de Saint-Ouen constitue un geste architectural fort et un élément structurant du centre-ville, dont la rupture avec l’environnement urbain est revendiquée par Chemetov. Pensé comme une machinerie, proche du hangar ou d’une station de métro aérien qui sont autant de marqueurs du paysage de la banlieue parisienne, la patinoire est un travail sur le contraste architectural et la banalité de la technique, que l’architecte qualifie de « Beaubourg du peuple, fait avec des bouts d’acier du commerce ». Toujours en lien avec le caractère social de l’architecture, Paul Chemetov écrit à propos de son œuvre : « C’est un travail qui montre la difficulté des choses, la difficulté de la soudure, la rugosité. Il est très pénible de travailler sur un chantier, il est très pénible de construire et toute cette violence, toute cette brutalité, on les perçoit au travers des bâtiments qui tente de témoigner aussi de cela ».

  • Statut de la propriété
    propriété publique

Sélection label ACR 2023 ; 1 ; 2 ; 3 ; 4 ; 5 ; 6

Date(s) d'enquête : 2023; Date(s) de rédaction : 2024
(c) La Manufacture du Patrimoine
(c) Région Ile-de-France - Inventaire général du patrimoine culturel