Dossier d’œuvre architecture IA92002321 | Réalisé par
Philippe Emmanuelle (Rédacteur)
Philippe Emmanuelle

Conservateur du patrimoine, Région Île-de-France, service Patrimoines et Inventaire.

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Mercier Marianne (Rédacteur)
Mercier Marianne

Chargée du recensement et de la protection au titre des Monuments historiques

Correspondante du label "Architecture contemporaine remarquable"

Conservation régionale des monuments historiques, DRAC Ile-de-France

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  • enquête thématique régionale
Lycée Marie-Curie
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Région Ile-de-France - Inventaire général du patrimoine culturel

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Ile-de-France
  • Commune Sceaux
  • Adresse 1 rue Constant Pilate
  • Cadastre 2020 K 50
  • Dénominations
    lycée
  • Parties constituantes non étudiées
    cour, cantine, préau

Cloître ou château ? : le lycée Marie-Curie de Sceaux

HISTORIQUE : Un « gyné Sée » pour la banlieue sud

Si la féminisation de l’enseignement secondaire donne lieu, dès la fin du XIXe siècle, à quelques belles réalisations dans la capitale, baptisées ironiquement « gyné Sées »[1], il n’en est rien en banlieue. Au début des années trente, la périphérie de Paris ne comporte que trois lycées publics de jeunes filles : celui de Saint-Germain-en-Laye, une petite annexe du lycée Hoche à Saint-Cloud et le lycée d’application de l’Ecole normale supérieure de Sèvres[2], tous à l’étroit dans des locaux anciens et saturés. Les élèves féminines de la banlieue sud n’ont alors d’autre choix que de se rendre au lycée Fénelon (Paris, 6e) ou au cours secondaire de Bourg-la-Reine, créé en 1897. Aussi la presse salue-t-elle, en 1936, l’ouverture très attendue d’un lycée de jeunes filles à Sceaux : « Jeunes filles qui aurez la bonne fortune d’[y] venir, vous n’y serez pas, comme oiseaux en cage, serrées, étouffées, mais vous pourrez y déployer vos ailes, vos cerveaux s’y épanouiront dans la lumière, l’air vivifiant et pur, pour le travail joyeux »[3].

Le 8 juillet 1930, le conseil municipal de Sceaux vote l’acquisition d’un « terrain admirablement situé »[4] : une propriété de plus de 18 000 m2 ayant appartenu au mathématicien Augustin Louis Cauchy. Vaste quadrilatère encadré par quatre rues, elle présente la particularité d’être à la fois au cœur de la cité et de constituer, à flanc de coteau, un promontoire tourné vers le sud et le parc du château de Sceaux. Séduit par cet écrin de verdure, l’Etat accepte, en contrepartie de la cession du terrain par la commune, de prendre à sa charge les frais de construction et d’entretien du futur lycée. Dès 1932, le chantier débute sous la conduite de l’architecte des Monuments historiques Emile Brunet (1872-1952), qui est chargé de concevoir un équipement pour 1200 élèves, du jardin d’enfants à la classe de terminale, sans internat mais avec un réfectoire de 300 couverts et un gymnase convertible en salle des fêtes.

Prévu pour être livré en 1933, il est finalement inauguré le 19 juin 1937 par Jean Zay, ministre de l’Education nationale sous le Front populaire, en présence d’Irène Joliot-Curie. En hommage à sa mère, scéenne et scientifique de renommée internationale décédée trois ans plus tôt, dont le buste en marbre gris poli par le sculpteur Louis Albert Chartier est installé dans le vestibule, le lycée est baptisé Marie Curie en 1938 – devenant ainsi le premier en Île-de-France à recevoir le nom d’une femme.

Dirigé jusqu’en 1954 par Mademoiselle Suzanne Forfer, son succès ne cesse de se démentir, jusqu’à dépasser les 2852 élèves en 1962, avant que l’introduction de la mixité, en 1971, n’accroisse encore ses effectifs et que les lois de décentralisation de 1982 ne le transforment en cité scolaire mixte départementale. En 2000, une démarche de protection patrimoniale engagée par le proviseur Jacques Durin aboutit à l’inscription de l’édifice en totalité, ainsi que les façades, les toitures et l’escalier intérieur de la maison Cauchy[5].

[1] En référence au député de la Seine Camille Sée, à l’origine de la loi sur l’enseignement secondaire des jeunes filles promulguée le 21 décembre 1880. LE CŒUR, Marc, « De Camille Sée à Camille-Sée…Ebauche d’une histoire matérielle des lycées de jeunes filles », Enseignement secondaire féminin et identité féminine enseignante. Hommage à Françoise Mayeur. Actes de la journée d’études organisée le 8 juin 2007 au centre IUFM de Troyes. Reims, CRDP de Champagne-Ardenne, 2009, p. 86.

[2] AN, AJ 16 8561.

[3] « Le lycée de jeunes filles », Chroniques locales, la rive gauche - canton de Sceaux, 6 juin 1936.

[4] AN, AJ 16 8561.

[5] Datée du XVIIe siècle, cette maison fut annexée à l’établissement pour y aménager des logements.

DESCRIPTION

Un contrepoint féminin au lycée Lakanal ? 

L’exception de ce « palais scolaire » tient au parfait équilibre qu’il concrétise entre la vision rationaliste de l’architecte Emile Brunet, pétri de références médiévales et classiques, l’intégration unique de ses bâtiments dans le site et la modernité de leur mise en œuvre, combinant les prouesses du béton armé aux effets décoratifs de la brique.

Formé par Anatole de Baudot, auteur du lycée de garçons Lakanal (1885) sis à l’autre extrémité du parc, Brunet s’inspire de son plan en peigne et de la distribution claire et fonctionnelle de ses espaces. Mais là où son modèle se repliait sur un ensemble de cours intérieures et de jardins, tournant ainsi le dos au domaine, Brunet profite de l’implantation qui lui est proposée pour ménager de larges perspectives sur le paysage, grâce à une cascade de balcons, de jardinières et de terrasses, qu’il scande par des encorbellements pour en rompre la monotonie[1]. Exploitant l’ensoleillement maximal offert par l’orientation, il construit une éblouissante séquence visuelle qui, depuis la galerie d’entrée abondamment percée de baies cintrées, conduit le regard vers les parterres du jardin régulier, puis à la cour inférieure, réservée à la détente et aux pratiques sportives, où s’ouvrent les préaux contenus dans le soubassement des terrasses, jusqu’aux frondaisons des arbres séculaires et au ciel[2].

Multipliant les clins d’œil historiques, les élévations évoquent tour à tour la sécurité d’une place forte – avec sa façade-rempart, longue de 137 mètres côté ville, hérissée de tours carrées aux toits en pavillon entre lesquelles court une sorte de chemin de ronde – le recueillement d’un cloître – organisé autour d’une cour centrale où chante une fontaine octogonale – ou l’élégance d’un château (corps de bâtiments en fer à cheval, degrés d’accès, volume et mise en scène des escaliers[3]). Malgré une structure en béton armé, notamment employé pour les planchers, les terrasses, les linteaux à grande portée et l’allègement de certaines piles, ce sont les matériaux traditionnels – pierre, brique ocre de Montereau et tuiles plates de Bourgogne d’un ton chaud – qui dominent cette majestueuse composition. La brique apparente se retrouve aussi à l’intérieur, comme dans le parloir, dont les murs sont revêtus d’un damier de briques de Caen.

Un second œuvre raffiné

Une très grande attention est portée au second œuvre, pour l’exécution duquel Emile Brunet s’entoure de l’équipe qui avait œuvré à ses côtés à l’église Saint-Léon (Paris, 15e, 1924-1934) : le ferronnier Raymond Subes - qui réalise la grande porte d’entrée à double battant et les rampes d’escalier en fer forgé et en cuivre, finement ciselées ; le maître verrier Louis Barillet, qui conçoit les étonnants vitraux abstraits des cages d’escalier et le mosaïste Auguste Labouret, qui signe les dalles de verre de la porte d’entrée, les carrelages et les sols, ainsi que les mosaïques de la galerie d’honneur. Grâce à leur contribution, et au choix judicieux d’une gamme chromatique d’ensemble (beige, doré, safran et brun), qui s’accorde à la blondeur des parements extérieurs, le lycée présente une homogénéité saisissante.

« Lumière, gaieté. Telle est bien l’impression générale qu’on ressent à la visite de ce lieu […] M. Emile Brunet a pensé […] qu’un lycée moderne de jeunes filles ne doit pas offrir l’aspect rébarbatif d’une caserne ou d’une prison. A fortiori quand ce lycée s’élève à Sceaux, non loin du parc fameux qui mérita jadis d’être appelé « le royaume des enchantements », et où flotte encore, dans l’air bleuissant des nuits, l’âme légère de la duchesse de Maine »[4].

C’est bien par la relation qu’il tisse avec cet environnement privilégié, à l’opposé du système introverti des établissements du XIXe siècle, que le lycée Marie-Curie s’impose comme une étape majeure dans l’instauration d’un nouveau dialogue entre le lycée et la ville.  

 

 [1] PITIOT, Serge, avis sur le dossier d’inscription du lycée Marie Curie de Sceaux présenté en CRPS, note du 29 novembre 2000.

[2] BRUNON GUARDIA, G., « Le lycée de jeunes filles à Sceaux, par M. Emile Brunet, Architecte en chef du Gouvernement », La Construction moderne, 52e année, n° 19, 1937, pp. 386-393.

[3] HERVIER, Dominique, avis sur le dossier d’inscription du lycée Marie Curie de Sceaux présenté en CRPS, note du 8 juin 2000.

[4] LADOUE, Pierre, « Le lycée Marie Curie de Sceaux – E. Brunet architecte », L’Architecture, n° 5, 15 mai 1937, p. 146.

  • Murs
    • béton béton armé
    • brique
    • pierre
  • Toits
    tuile plate, béton en couverture
  • Plans
    plan régulier en U
  • Étages
    étage de soubassement, 3 étages carrés
  • Couvrements
  • Élévations extérieures
    élévation à travées
  • Couvertures
    • terrasse toit en pavillon
  • Escaliers
    • escalier intérieur : escalier tournant à retours avec jour en maçonnerie
  • Énergies
  • Typologies
    ;
  • Techniques
    • sculpture
    • ferronnerie
    • vitrail
    • mosaïque
  • Statut de la propriété
    propriété de l'Etat
  • Protections
    inscrit MH, 2001/03/30
  • Précisions sur la protection

    Le lycée en totalité ; les façades, les toitures et l'escalier intérieur de l'ancienne maison Cauchy (cad. K 50) : inscription par arrêté du 30 mars 2001.

Annexes

  • SOURCES
Date(s) d'enquête : 2020; Date(s) de rédaction : 2022
(c) Région Ile-de-France - Inventaire général du patrimoine culturel
Philippe Emmanuelle
Philippe Emmanuelle

Conservateur du patrimoine, Région Île-de-France, service Patrimoines et Inventaire.

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Mercier Marianne
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Chargée du recensement et de la protection au titre des Monuments historiques

Correspondante du label "Architecture contemporaine remarquable"

Conservation régionale des monuments historiques, DRAC Ile-de-France

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