Dossier d’œuvre architecture IA92000587 | Réalisé par
Philippe Emmanuelle (Rédacteur)
Philippe Emmanuelle

Conservateur du patrimoine, Région Île-de-France, service Patrimoines et Inventaire.

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Mercier Marianne (Rédacteur)
Mercier Marianne

Chargée du recensement et de la protection au titre des Monuments historiques

Correspondante du label "Architecture contemporaine remarquable"

Conservation régionale des monuments historiques, DRAC Ile-de-France

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  • enquête thématique régionale
Lycée François-Rabelais
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Stéphane Asseline, Région Ile-de-France

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Ile-de-France
  • Commune Meudon
  • Adresse 6 rue Georges Langrognet
  • Cadastre 2020 AO 4
  • Dénominations
    lycée
  • Parties constituantes non étudiées
    cour, cantine, préau

Un lycée-belvédère : le lycée François-Rabelais de Meudon

Historique et programme

 À l'origine baptisé «lycée du parc de Chalais», du nom de l'étang situé à proximité, dans la grande perspective traversant la forêt de Meudon jusqu'à Clamart, l'établissement prend place sur un terrain de l'ancien domaine royal de Meudon. Devenu propriété nationale pendant la période révolutionnaire, le domaine est divisé en différents terrains, vendus ou utilisés à des fins scientifiques. Napoléon Ier en rachète une partie pour reconstituer le domaine, occupé ensuite par intermittence. En 1877, l'ensemble du domaine est remis provisoirement au ministère de la Guerre. Dédié aux recherches scientifiques et techniques à des fins militaires (observatoire astronomique, Établissement central de l'aérostation militaire), le site abritera à partir de 1946 le fameux ONERA (office national d'études et de recherches aérospatiales). Les terrains ayant été attribués au fil du temps à différents ministères (ministère de la Culture, ministère de l'Agriculture, ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche, ministère de la Défense), une parcelle située à l'extrémité orientale a été réservée pour la construction du lycée.

 Peu documenté, l'historique du lycée du parc de Chalais demeure difficile à reconstituer précisément. Annexe du lycée Hoche à Versailles, mixte et d'une capacité de 2500 élèves, il est projeté dès la fin des années 1950. Il est prévu pour dispenser un enseignement allant de la sixième à la terminale, Meudon ne possédant pas d'autre lycée ni collège, à l'exception d'un collège d'enseignement général (CEG) délivrant des formations pratiques en cycle court. Les premières esquisses d'Eugène Beaudouin attestant de sa réflexion architecturale datent d'avril 1960[1]. Des baraquements provisoires ont été installés en attendant la première rentrée de tous les élèves dans les nouveaux bâtiments achevés, livrés en 1969. Dès son ouverture, le lycée Rabelais accueille la mixité au sein même des classes.

  À défaut de connaître les conditions précises de sa commande, que l'on présuppose par voie de concours[2], le contexte général de construction massive éclaire quelque peu la genèse de l'établissement, liée à l'explosion démographique et urbaine de la petite couronne. Le nouveau quartier de Meudon-la-Forêt, situé de l'autre côté du domaine, entraîne un afflux de population et un besoin important en équipements scolaires. Les rares documents consultés comportent la mention de la Direction de l'équipement scolaire universitaire et sportif (DESUS), créée en 1956, sous la houlette de Charles Brunold, directeur de l'enseignement du second degré qui succède à Gustave Monod. Il s'agit d'une administration clé pour l'État, véritable cheville ouvrière au service de la planification centralisée en faveur de l'équipement scolaire, chargée de faire appliquer la circulaire interministérielle du 1er septembre 1952. C'est cette dernière qui établit un schéma-type fondé sur la trame de 1,75 m.

 Le choix d'un maître d'œuvre comme Eugène Beaudouin suit la logique de la DESUS, qui confie les chantiers au cercle des architectes en chef des Bâtiments Civils et des Palais Nationaux (BCPN), en général membres également du conseil général des bâtiments de France auquel sont soumis les grands projets de constructions scolaires.

 L'architecte[3]

 Elève d'Emmanuel Pontremoli à l'École des beaux-arts de Paris, Eugène-Élie Beaudouin (1898-1983) devient architecte DPLG et premier grand prix de Rome en 1928. Directeur de l'École d'architecture de l'université de Genève à partir de 1925 puis architecte en chef des bâtiments civils et palais nationaux de 1933 à 1968 et professeur à l'ÉNSBA de 1946 à 1968, il est agréé par le ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme pour la région de Toulouse.

Travaillant à l'agence de son oncle Albert Beaudouin jusque vers 1928, il s'associe avec Marcel Lods dès 1923. Les logements sociaux qu'ils construisent dans le 15e arrondissement de Paris et en banlieue, ainsi que la relation de confiance qu'ils établissent avec Henri Sellier, leur valent d'importantes commandes à partir de 1930 : cité du Champ-des-Oiseaux à Bagneux (1930-1939), cité de La Muette à Drancy (1931-1934, présentée à l'exposition du MOMA à New York en 1939).

Pionnière dans le domaine de la préfabrication, l'agence construit, avec la collaboration d'ingénieurs et de constructeurs comme Bodiansky et Prouvé, des bâtiments qui font longtemps référence : école de plein air de Suresnes (1934-1935), Maison du peuple et marché couvert de Clichy (1935-1939), aéroclub de Buc, maison démontable BLPS (1938). Leur collaboration dure jusqu'en 1940. Après la rupture avec Marcel Lods, au début de la guerre, Eugène Beaudouin continue à s'intéresser à l'ergonomie de la construction et poursuit des recherches sur la préfabrication intégrale et le plan-type (il est lauréat du concours pour la cité Rotterdam, Strasbourg, 1951).

 Dans les années 1960, il contrôle des opérations urbaines de grande envergure (Les Minguettes à Vénissieux, quartier Maine-Montparnasse à Paris). Il réalise par ailleurs de nombreuses commandes publiques aussi bien en France qu'à l'étranger : ambassades, lycées, groupements résidentiels ou HLM, résidences universitaires et bâtiments civils.

 

[1]Centre d'archives d'architecture du XXe siècle, IFA 265 AA 62

[2]Un dossier d'appel d'offres daté de 1966 et signé d'Eugène Beaudouin, a été retrouvé dans le fonds d'Émile Aillaud, Centre d'archives d'architecture du XXe siècle, IFA 078 1392-1

[3]source : cité de l'architecture, https://expositionsvirtuelles.citedelarchitecture.fr/portraits_architectes/biographie_BEAUDOUIN.html

Description

Implantation dans le tissu urbain  

 Implanté en belvédère, le lycée Rabelais s'insère dans un écrin paysager de qualité, en lisière de la forêt domaniale de Meudon, à la limite des communes de Clamart et de Meudon. Les bâtiments s'adaptent à la déclivité du terrain et ont été disposés de manière à favoriser l'exposition à la lumière, en ouvrant des perspectives sur le paysage environnant, en particulier vers la terrasse de l'observatoire et en surplomb de la soufflerie de Meudon. Le programme du lycée s'inscrit librement avec pour seules contraintes de projet, la pente et le boisement. Aujourd'hui pourvu de clôtures, l'établissement était, au moment de sa construction, complètement ouvert sur son environnement.

 Le plan

   L'architecture s'exprime d'abord par la mise au point du plan masse que l'architecte Beaudouin a voulu comme une réponse parfaite au programme et aux ambitions pédagogiques de l'Éducation nationale : hygiénisme, recherche d'ensoleillement maximum, larges espaces extérieurs propices à l'éducation physique.

 La composition, à mi pente de la colline, se distingue par l'éclatement du plan masse en plusieurs unités fonctionnelles. Ce parti pris, relativement courant, contribue à réduire l'impression de gigantisme et de grande collectivité que procurerait un ensemble monolithique de dimensions nécessairement monumentales. Sa lisibilité est assurée dès l'entrée, à partir de la cour principale, point central pour les entrées et sorties depuis la rue descendante de Meudon, entre ville et forêt. Les bâtiments sont tous accessibles depuis cette entrée qui distribue chaque entité fonctionnelle.

 Une tour abritant les logements et un bâtiment à niveau unique pour l'administration, accueillent le visiteur. Puis les deux barres principales disposées perpendiculairement reçoivent les classes. Jouxtant l'une des barres et en surplomb des terrains de sport, un vaste bâtiment accueille le gymnase et le réfectoire. Ce dernier se distingue par sa terrasse à portiques, à l'origine accessible aux élèves. Il s'agit d'un des rares exemples de la période où l'on observe ce type d'espace conçu pour la convivialité.

 La composition générale en croix, à partir du motif de la barre, ainsi que les décalages de niveaux, entraînent un travail soigné des liaisons entre les différents points d'accès aux bâtiments, regroupés au centre de la parcelle. Laissant place à un espace naturel conséquent, libre de construction, ce parti pris est aussi une façon de garder en mémoire l'histoire du parc historique. Les cheminements dessinent des allées et offrent une promenade paysagère autour des bâtiments et en lisière du domaine forestier.

 Au cours de cette période peu propice à la créativité mais cherchant à proposer des alternatives aux grandes barres uniformes, Eugène Beaudouin s'est illustré avec deux autres exemples originaux, témoignant d'une grande proximité typologique avec le lycée Rabelais : le lycée mixte d’Antony-Parc de Tourvoie (aujourd'hui René Descartes), annexe de Lakanal achevée en 1961 et le lycée mixte d’Ivry (aujourd'hui Romain Rolland), avec Marcel Lods et Michel Sarrazin achevé en 1967, tous deux hélas très dénaturés.

 Répartition des espaces

 S'agissant d'une répartition fonctionnelle, par bâtiment, le lycée, mais aussi le collège, l'administration, les logements, le réfectoire et le gymnase représentent chacun des volumes indépendants. Donnant sur la cour d'accès, l'accueil et les logements se situent à droite de la grille d'entrée, l'administration longe la cour et en face, le collège, en première façade dans le sens de la pente et parallèle à la rue. Le bâtiment du lycée suit l'axe principal, dans le prolongement de la cour. Le réfectoire et le gymnase, façades du grand stade sportif, sont en contrebas, à droite de la cour. Les installations et équipements dédiés à la pratique sportive présentent des surfaces inhabituellement importantes : une grande salle de gymnase, un stade en plein air, des terrains de jeux collectifs et des aires et promenades doivent favoriser les activités physiques.

La distribution intérieure des classes telle qu'elle a été conçue à l'origine n'est pas connue. Elle s'effectue à partir d'un couloir central. Un éclairage naturel abondant est assuré par la façade très ouverte.

Mode constructif

 À la nécessité de construire rapidement et à bas coût, l'État répond d'abord par la généralisation de principes architecturaux poussés jusqu'à la normalisation (du moins en théorie). L'État impose le principe de la trame de 1,75 m, duquel découlent des modes constructifs fondés sur la standardisation et la préfabrication, autorisant ainsi une mise en œuvre simplifiée des chantiers et des délais raccourcis. Appliquée dans les deux sens orthogonaux, cette trame permet de combiner tous les espaces nécessaires à la vie collective, en superposant ou juxtaposant les locaux et en contractant surfaces et volumes. Les architectes sont invités à composer les bâtiments scolaires comme dans un jeu de meccano, à partir de la répétition d'éléments prédéterminés et assemblables à l’infini. On retrouve donc quasi systématiquement la typologie de la barre, plus ou moins longue, ce qui amène à cet effet de répétition dans les constructions de la période.

 On constate ici, à la lecture des plans d'exécution côtés[1], que la norme est généralisée, régulant la géométrie du projet. La trame forme la base de tout dimensionnement à l'intérieur des bâtiments, tant dans la conception des volumes, des plans de salles que des escaliers. Elle intervient également dans le dessin détaillé des façades pour la répartition des ouvertures, incluses dans les dimensions des panneaux préfabriqués, chaque partie étant un multiple de 1,75 m. Par exemple, la salle de cours a pour dimensions 6 x 1,75 m de longueur par 4 x 1,75 m de largeur.

 Le mode de construction privilégié ici est issu de la préfabrication industrielle semi lourde, reposant sur un système de poteaux-poutres[2]. Construite en béton banché et vibré, la structure porteuse comporte une travée centrale taillant en continuité et constituée par une série de portiques transversaux à étages, liaisonnés par des poutres longitudinales assurant le contreventement des bâtiments. Les planchers de sept mètres de portée reposent d'une part en appui et d'autre part sur l'ossature de façade composée de poutres et poteaux coulés à la pose des planchers. En profondeur, la distance entre les façades intérieures est de sept mètres, soit 4 x 1,75m. Les poteaux de l'ossature, les poutres, les bandeaux, les soubassements et corniches sont en béton vibré, coulé sur un coffrage soigné, permettant le décoffrage brut sans reprise ni ragréage.

 Une partie de l'ossature structurelle a été reportée à l'extérieur, en légère avancée par rapport à la façade et soutenant les corniches, ce qui a eu pour avantage de protéger cette dernière. Le remplissage des façades principales est constitué par des panneaux industrialisés légers, à cadre métallique en aluminium, fixés entre poutres et rives, liaisonnés latéralement par des couvre-joints. Chaque panneau préfabriqué est constitué d'une baie et d'un panneau simple en allège, colorée en bleu turquoise. Les façades ne participent pas à la stabilité générale de l'édifice.

 Traitement des façades

 Les façades, dont l'allure est dictée par l'emploi de la fameuse trame de 1,75 m, se développent sur trois niveaux de façon très régulière. Pour les bâtiments des classes, l'entraxe de 5,25 m, résultat de 3 x 1,75 m entre chaque poteau porteur, procure un rythme. Pour le bâtiment du gymnase et du réfectoire, l'entraxe porteur est de 5 x 1,75 m donc 8,75 m.

La perception de l'architecture est de très bonne qualité grâce à la profondeur donnée par les trois plans successifs décelables en façade : celui du cadre que forme la corniche protectrice de toute la façade, celui des poteaux porteurs aux profils affinés saillants et celui du panneau de remplissage. Chaque travée verticale est ainsi affirmée, l'ensemble de la façade rythmé. L'ombre portée sur les plans décalés et les jeux de lumière sur le bleu lisse contribuent à animer les façades.

Le bâtiment en longueur, plus bas que celui qui lui est perpendiculaire, a conservé ses préaux ouverts sur pilotis, fait suffisamment rare pour être signalé.

 Modifications

 Seule une extension abritant une salle de théâtre a été ajoutée plus tardivement, à la jonction des deux bras de la croix.

 

[1]Ensemble de plans conservés par l'établissement.

[2]Le procédé est détaillé dans le cahier des prescriptions techniques particulières du dossier d'appel d'offres de l'architecte, IFA 078 1392-1 (fonds Aillaud ).

  • Murs
    • béton béton armé
  • Toits
    béton en couverture
  • Plans
    plan rectangulaire régulier
  • Étages
    2 étages carrés, 3 étages carrés
  • Couvrements
  • Couvertures
    • terrasse
  • Escaliers
    • escalier dans-oeuvre : escalier tournant à retours avec jour en maçonnerie
  • Énergies
  • Typologies
    ;
  • Techniques
    • céramique
  • Représentations
  • Statut de la propriété
    propriété de la région, Propriété du Conseil régional d'Île-de-France.
  • Intérêt de l'œuvre
    à signaler
  • Protections

  • Précisions sur la protection

    Label Architecture contemporaine remarquable (ACR) décerné en 2020.

Annexes

  • SOURCES
Date(s) d'enquête : 2020; Date(s) de rédaction : 2022
(c) Région Ile-de-France - Inventaire général du patrimoine culturel
Philippe Emmanuelle
Philippe Emmanuelle

Conservateur du patrimoine, Région Île-de-France, service Patrimoines et Inventaire.

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Mercier Marianne
Mercier Marianne

Chargée du recensement et de la protection au titre des Monuments historiques

Correspondante du label "Architecture contemporaine remarquable"

Conservation régionale des monuments historiques, DRAC Ile-de-France

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