En 1931, confrontée à l’exiguïté et à la vétusté de la mairie, la municipalité de Puteaux lance un concours pour l’avenir : un hôtel de ville regroupant les services d’une cité d’alors 38 000 habitants, dont la population devait doubler[1]. Jean Niermans, grand prix de Rome (1929), encore pensionnaire à la villa Médicis, obtient le chantier pour lequel il s’associe avec son frère Édouard, alors jeune étudiant aux Beaux-Arts.
Les deux frères tirent habilement parti des contraintes de la commande, en installant les locaux administratifs côté rue, pour laisser aux salles d’apparat toute l’envergure de la façade donnant sur l’esplanade de la place du Marché. La salle des fêtes adopte ainsi une position éminente au sein du bâtiment. Les architectes soulignent sa présence d’une colonnade surélevée, au-dessus du rez-de-chaussée donnant accès à un magnifique vestibule d’honneur. Si certaines références sont empruntées à l’architecture classique, telles la monumentalité et la colonnade, d’autres, comme le jeu des volumes, les lignes horizontales puissantes, la présence des oculi, inscrivent résolument le bâtiment dans son époque (le mouvement moderne) : « Cette colonnade nous ramène aux temps classiques, à l’art grec dont elle a le rythme, mais ce n’est qu’apparence : le classicisme n’existe qu’en esprit, les moyens d’expression sont modernes[2] ». À l’intérieur, l’escalier d’honneur aboutit à une large galerie desservant la salle des fêtes, encadrée par la salle des mariages et la salle du conseil. Cependant, pour conserver une certaine flexibilité d’usage, l’espace ne dispose ni de scène ni de balcon aménagé. Mais l’enfilade traditionnelle de salons, les séquences successives d’accès confirment, comme en façade, sa place d’élément pivot comme lieu de rassemblement et de fête.
Les architectes confient les décors aux plus grands artistes de l’époque. Outre Raymond Subes pour les ferronneries, le peintre Louis Bouquet réalise la fresque de l’escalier d’honneur dédiée à l’histoire de Puteaux. Les parquets à mosaïques et motifs géométriques sont l’œuvre de la maison Noël, qui signe également le mobilier d’inspiration Art déco. Enfin, le sculpteur Alfred Janniot, grand prix de Rome en 1919, réalise les bas-reliefs allégoriques animant les façades de la rue de la République. L’ensemble forme une œuvre d’art totale emblématique de la décennie 1930 : « les architectes ont poussé l’étude jusqu’au moindre détail, jusqu’à la quincaillerie, aux meubles, aux mosaïques du sol, aux couleurs, aux inscriptions des portes de bureaux[3]. »
Témoin-clé d’une tendance contemporaine combinant formes classiques et intentions modernes, l’hôtel de ville de Puteaux, « mairie modèle[4] », et sa salle des fêtes portent en filigrane une nouvelle conception de l’espace, « point de mire majestueux dans la cité où un peuple assemblé peut constater sa force et ses prérogatives[5] ». Largement salué par la presse lors de son inauguration, l’édifice obtient en 1937 le prix Bailly d’architecture attribué tous les deux ans à la plus belle construction du département de la Seine et reste aujourd’hui exemplaire par ses qualités techniques, esthétiques et fonctionnelles. Il vaudra aux frères Niermans d’être choisis la même année pour édifier la vaste salle de théâtre du palais de Chaillot.
[1] Repris de l’énoncé du concours : « L’Hôtel de Ville comprendra les locaux suivants, devant répondre aux besoins d’une ville de 70 à 90 000 habitants ». Voir HOURLIER, J.-B. (rapporteur), « Les Concours Publics n° 2 - Concours de la Ville de Puteaux (Seine) pour la construction d’un nouvel hôtel de ville et de ses dépendances », La Construction moderne [supplément], 10 avril 1932, p. 459.
[2] BRUNET, Gaspard, « Hôtel de ville de Puteaux », Le Bâtiment illustré, septembre 1934 [repris par Les Chantiers nord-africains, octobre 1934, p. 767].
[3] VAGO, Pierre, in « L’hôtel de ville de Puteaux », L’Architecture d’aujourd’hui, n° 8, octobre 1934, p. 19.
[4] RAMBUSSON, Yvanhoé, « Nouvelle beauté – Aux portes de Paris vous pouvez admirer un chef-d’œuvre d’architecture », Comœdia, 11 juin 1934.
[5] ZAHAR, Marcel, op. cit.