En 1921, Léon Volterra, célèbre directeur de salles et producteur de spectacle, charge Marcel Oudin, architecte du Casino de Paris, de transformer l’Empire, cinéma de quartier installé depuis 1913 dans un immeuble ancien, en music-hall de 1 500 places. Mais l’affaire ne tient pas ses objectifs. Au bout de deux ans, Volterra cède l’établissement à deux rois de la nuit parisienne des Années folles : Oscar Dufrenne et Henri Varna. Déjà à la tête de plusieurs établissements parisiens comme Le Concert Mayol, L’Empire, Le Moncey Music-hall et Les Bouffes du Nord, les nouveaux propriétaires rebaptisent l’établissement « Le Palace » et entreprennent un réaménagement intégral des espaces.
Les travaux sont confiés à Paul Rabussier, architecte peu connu, qui revoit la décoration et propose en décor principal une longue frise sur toile marouflée courant le long de la salle sur le thème de la danse. Cette allégorie, cortège de danseuses et d’enfants rappelant l’iconographie des bacchanales, offre une synthèse réussie entre les styles Art nouveau et Art déco. L’unique balcon, aux formes baroques et chantournées, renforce l’originalité du site et lui confère une identité tout à fait particulière.
La scène du Palace devient un music-hall couru du Tout-Paris où se produisent les artistes les plus en vue et les plus populaires, tels que Maurice Chevalier ou la môme Moineau. Alternant revues et opérettes, les succès s’enchaînent et mêlent productions françaises et américaines. Le public, bigarré, apprécie le large promenoir, lieu de rencontres pour les amours fugaces, qui contribue également à la renommée des lieux. Cependant la concurrence du cinéma pèse lourd tout au long de la décennie 1920 sur le spectacle vivant. Oscar Dufrenne fait donc le choix en 1931 de transformer le Palace en salle obscure. Mais l’embellie est de courte durée. Un drame frappe la direction et fait les gros titres de la presse à scandale. En 1933 Dufrenne est retrouvé assassiné dans son bureau. Sa mort ne sera jamais élucidée et constituera un mystère dont les chansonniers de l’époque se feront l’écho.
Henri Varna reprend seul les rênes de l’établissement en lui redonnant sa vocation initiale de music-hall. Commence alors une longue période chaotique marquée par de nombreuses expériences artistiques, toutes censées redonner leur faste au lieu. Ces tentatives s’accompagnent de rénovations et aménagements qui bouleversent la physionomie de la salle et la dénaturent en partie.
Nouveau coup de théâtre dans les années 1970 : la salle est entièrement rénovée, révélant son décor d’origine exceptionnel, ce qui lui vaut d’être protégée au titre des monuments historiques en 1976 comme « témoin de l’art décoratif des années vingt » pour « son parti architectural, son décor figuré et ses rampes d’escalier[1] ». Transformée ensuite en boîte de nuit, elle devient pendant trente ans le haut lieu des nuits parisiennes et voit défiler les stars du monde entier. Mais cette activité cesse brutalement en 1996. Le Palace s’endort alors pendant dix ans. La salle, trop dégradée, est laissée à l’abandon jusqu’à l’arrivée des frères Vardar, déjà propriétaires de plusieurs salles en France et en Belgique, qui confient à l’architecte François Préchac la restauration du site. Un chantier lourd et minutieux s’engage alors, qui permet de retrouver la structure d’origine du théâtre (parterre en pente douce et balcon à gradins), de restituer les décors et de lui redonner tout son lustre !
[1] Diehl METERTING, « Une salle Arts déco restaurée à l’identique », in Cahiers techniques du bâtiment, 1er avril 2009. URL : https://www.cahiers-techniques-batiment.fr/article/une-salle-arts-deco-restauree-a-l-identique.24199