Dossier d’œuvre architecture IA75000243 | Réalisé par
  • enquête thématique régionale, lieux de spectacle 1910-1940
Daunou (Paris, 2e arrondissement), théâtre
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Stéphane Asseline, Région Ile-de-France

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Ile-de-France - Paris
  • Commune Paris 2e arrondissement
  • Adresse 7 rue Daunou
  • Cadastre 2022 AB 55
  • Dénominations
    théâtre
  • Genre
    d'entrepreneur
  • Destinations
    salle de spectacle

« Ce qui satisfait le plus dans le théâtre Daunou, c’est la sensation d’accord, d’unité de pensée et de tendance entre l’architecte qui bâtit l’ossature, qui détermine les qualités primordiales de l’œuvre, ses volumes, et le décorateur chargé d’habiller, de muscler le squelette[1] ». Marcel Astruc témoigne ainsi en quelques mots de l’habile collaboration entre l’architecte Auguste Bluysen et le décorateur Armand Albert Rateau, pour les établissements Lanvin et Janssens, qui signent la réalisation d’une salle exceptionnelle à la décoration inédite mêlant inspiration persane[2] et réinterprétation du style Empire.

Jane Renouardt est dans les années 1920 une des grandes figures de la vie artistique parisienne. Comédienne, célèbre vedette du cinéma muet et collectionneuse éclairée d’art contemporain, elle parvient à faire financer par un généreux mécène, Jacques Wittouck[3], ce petit théâtre de 450 places. Le chantier est confié à Auguste Bluysen qui collabore avec les frères Perret pour élaborer la structure en béton armé et maçonnerie de briques. Bluysen est confronté à des difficultés qu’il retrouvera quelques années plus tard pour la construction de la salle de la Michodière : étroitesse de la rue, exiguïté de la parcelle et nécessité d’inclure le théâtre dans un immeuble existant. Le jeune architecte talentueux s’était déjà fait remarquer pour ses réalisations de style éclectique et notamment pour le Casino du Touquet-Paris-Plage.

La façade, remarquable, de style Empire revisité, est scandée par trois hautes baies centrales et deux baies latérales. Elle est dominée par une corniche à modillons dont la forte saillie est soutenue par des sphinx reposant sur des pilastres corinthiens. Ils ornent l’étage d’attique. Au-dessous des mascarons se détachent sur le nu du mur. À l’intérieur, Bluysen se tire admirablement des contraintes de la commande en dégageant le sous-sol pour l’aménagement de l’orchestre qu’il entoure sur les côtés de loges découvertes. Il agrémente le fond de l’espace par quelques loges fermées de claustra en bois qui protègent « contre les regards indiscrets[4] ». Un petit bar-fumoir vient compléter l’ensemble de ce premier niveau à l’atmosphère très intimiste. Le reste de l’élévation est composé de deux étages de balcons qui créent un écrin à la petite scène close d’un manteau d’Arlequin et d’un rideau bleu céleste. L’entrée, comme au théâtre de la Michodière, donne ainsi directement sur un vestibule étroit au niveau du premier balcon, offrant d’emblée au spectateur une vue plongeante sur la scène.

Mais le morceau de bravoure du théâtre Daunou est son programme décoratif sans équivalent confié à Jeanne Lanvin, amie personnelle de Jane Renouardt. La célèbre maison de haute couture a quelques années auparavant élargi son activité en créant Lanvin décoration. Armand-Albert Rateau, son très créatif directeur artistique, a déjà décoré l’hôtel particulier de Jeanne Lanvin ainsi que ses villas du Vésinet et de Deauville. Les deux artistes partagent un même univers décoratif où l’imaginaire, le goût pour l’Orient et les civilisations anciennes tiennent une place majeure[5]. Le décor du théâtre Daunou s’affranchit des tendances alors en vogue pour offrir un décor unique où le fameux bleu Lanvin, l’or et l’ivoire s’entremêlent pour rehausser des figures d’animaux exotiques et fantastiques. A.-A. Rateau et Paul Plumet, son collaborateur, offrent là un témoignage inspiré unique du mouvement Art déco et marquent une rupture sans précédent dans l’ornementation des salles de spectacles.

En 1971, un incendie ravage le théâtre. À la suite du sinistre, les décors détruits sont restitués pour l’essentiel à l’identique. Malgré des modifications substantielles et des pertes irrémédiables dont le magnifique manteau d’arlequin, l’établissement continue d’évoquer la splendeur des décors d’origine.

[1] ASTRUC, Marcel, Le théâtre Daunou par Lanvin décoration, extraits de la revue des Feuilles de l’Art. Paris, 1922.

[2] « Théâtre Daunou », op. cit. : « Par ses tons chauds et dorés, sa décoration rappellera les palais persans » ; ASTRUC, Marcel, op. cit., p. 237 : « Cela fait songer […], par le côté vivant, primesautier, [aux] miniatures persanes et [aux] étoffes coptes ».

[3] DELINI, Jules, « Au théâtre Daunou – Mlle. Jane Renouardt sera directrice », Comœdia, 4 janvier 1920.

[4] Auguste Bluysen aux Établissements Clémançon (maître d’œuvre), Lettre du 20 août 1921, in Bibliothèque Nationale de France, département Arts du Spectacle, fonds Clémançon, rubrique « Théâtre Daunou ».

[5] Voir GUÉNÉ, Hélène, « Lanvin-Décoration – Une association originale », Décoration et haute couture. Paris : Les Arts Décoratifs, 2006, p. 18-20.

L'édifice, dont la structure est en béton armé et la maçonnerie en brique, présente une façade de dix mètres de large, organisée autour de trois grandes baies au centre de la composition. Des griffons ou sphinx soutiennent au quatrième étage une corniche formant balcon. Le théâtre proprement dit n'occupent que le sous-sol et les deux premiers niveaux, le reste de la construction étant occupée par des bureaux. Un petit vestibule offre l'accès aux escaliers et à la porte d'accès vers le premier balcon. Ces espaces de circulation, comme le foyer, sont relativement peu décorés, même si les angles des murs disposent de fines colonnettes engagées dorées figurant une végétation exotique (palmettes, lotus), qui annoncent le décor de la salle à l'italienne. Cette dernière présente en effet toute une flore sculptée stylisée sous les balcons dissimulant entre autres les luminaires, créant une atmosphère feutrée et irréelle, et de panneaux disposés latéralement sur le mur de scène. Un bestiaire sauvage, souvent exotique (comprenant singes, gazelles...), agrémentent ces tables ornées de rinceaux végétaux luxuriants. Elles rappellent la munificence du manteau d'Arlequin disparu, qui comprenaient deux odalisques stylisées monumentales.

  • Murs
    • béton béton armé enduit
  • Toits
    zinc en couverture
  • Plans
    plan rectangulaire symétrique
  • Étages
    sous-sol, rez-de-chaussée, 4 étages carrés, 3 étages de comble
  • Couvrements
    • fausse coupole
  • Élévations extérieures
    élévation ordonnancée
  • Couvertures
    • extrados de voûte toit à longs pans
  • Escaliers
    • escalier dans-oeuvre : escalier tournant à retours sans jour en maçonnerie
  • Typologies
    salle à l'italienne (2e moitié 20e siècle)
  • État de conservation
    bon état, restauré
  • Techniques
    • sculpture
  • Représentations
    • représentation figurative, sujet profane, scène profane, scène de genre symbole des arts,
    • représentation figurative, sujet mythologique, griffon
    • ornement architectural, ordre antique, ordre colossal, ordre corinthien, colonne
    • ornement géométrique, arabesque, carré, cercle, enroulement, entrelacs, losange, perle, pointe de diamant
    • ornement végétal, feuillage, fleur, fruit
    • ornement figuré, figure engainée symbole des arts,
    • ornement animal, écureuil, gazelle, lion, oiseau, singe, griffon, licorne
    • ornement en forme d'objet, corbeille
    • ornement mixte, rinceau peuplé
  • Précision représentations

    Griffons soutenant le balcon proéminent dominant la composition de façade.

    Salle habillée de tissu bleu. Face inférieure des balcons agrémentée de motifs floraux et d’appliques intégrées à l’ensemble du décor, d’inspiration exotique.

    Tables ornementales latérales par rapport à la scène arborant des animaux tropicaux au sein d’entrelacs végétaux.

    Ancien manteau d’Arlequin (aujourd’hui disparu) portant des odalisques stylisées, compris dans un décor végétal et animal exubérant.

  • Mesures
    • nombre de places : 500 personnes ((jauge initiale))
  • Statut de la propriété
    propriété d'une société privée
  • Intérêt de l'œuvre
    à signaler
  • Éléments remarquables
    élévation, théâtre, élévation intérieure, lambris
  • Sites de protection
    site inscrit
  • Protections
    inscrit MH partiellement, 1992/01/20
  • Précisions sur la protection

    Façade et salle de spectacle : inscription le 20 janvier 1992.

  • Référence MH

Décor restauré, excepté le manteau d'Arlequin, non reconstitué.

Documents d'archives

  • Paris. Direction régionale des affaires culturelles. Paris 2. Théâtre Daunou, 7 rue Daunou. Paris, s.d.

    Direction régionale des affaires culturelles d'Ile-de-France, conservation régionale des monuments historiques, Paris

Bibliographie

  • GUENE, Hélène, « Le théâtre Daunou », in Décoration et Haute-Couture, Armand Albert Rateau pour Jeanne Lanvin, un autre Art Déco. Paris : Les Arts Décoratifs, 2006, p.36-55

    Bibliothèque des arts décoratifs, Paris
  • « Théâtre Daunou. 1921 », in ABE, Kuniko (FOUCART, Bruno, directeur de thèse). L’architecture théâtrale et son décor en France, 1910-1940. Du rêve antique à la modernité lumineuse. Paris : Université Paris IV Sorbonne, 2007, tome 2, p. 14-17 et tome 3, fig. 43-51

    « Bluysen. Théâtre Daunou », in CAPLAIN, Robert. Salles de spectacle. Paris : Librairie de la Construction moderne, pl. 17-19

    « Théâtre Daunou », in LATOUR, Geneviève et CLAVAL, Florence. Les théâtres de Paris. Paris : Action artistique de la ville de Paris, 1991, p. 215

    « Théâtre Daunou (1920) », in MIDANT, Jean-Paul. « Paris est une fête ». Défense et illustration de l’architecture du spectacle. Paris : Direction régionale des Affaires culturelles d’Ile-de-France, 1990, p. 132-137

    « Théâtre Daunou », in RAOULT, ?. Annuaire du théâtre. 1944-1945. Paris : Annuaires néo-techniques, 1945, p. 188-189

Périodiques

  • FREYDEFONT, M., « Histoire des Théâtres et Théâtres Historiques, regain, cendre et braise », Monumental. Paris, 1995, n° 9, p.9-19

    Bibliothèque nationale de France, Paris
  • ASTRUC, Marcel, « Le théâtre Daunou », Feuillets d’Art. Paris, 1922, n° 5, p. 235-238

    Bibliothèque des arts décoratifs, Paris
  • « Propos de théâtre - Le théâtre Daunou », L'Avenir. Paris, 27 décembre 1921

    Bibliothèque nationale de France, Paris
  • « Théâtre Daunou », Le Gaulois. Paris, 27 décembre 1921

    Bibliothèque nationale de France, Paris
  • « Ici on joue », La Liberté. Paris, 19 mai 1921

    Bibliothèque nationale de France, Paris
  • DELINI, Jules, « Les travaux du nouveau théâtre de la rue Daunou », Comoedia. Paris, 10 décembre 1919

    Bibliothèque nationale de France, Paris
  • DELINI, Jules, « Au théâtre Daunou - Mlle. Jane Renouardt sera directrice », Comoedia. Paris, 4 janvier 1920

    Bibliothèque nationale de France, Paris
Date(s) d'enquête : 2017; Date(s) de rédaction : 2021
(c) Région Ile-de-France - Inventaire général du patrimoine culturel