La création
La Maison du Portugal est née d'une initiative de la Fondation Calouste Gulbenkian. En 1960, son président s'engage en effet à financer la construction d'une résidence à la Cité universitaire de Paris. Il souhaite offrir aux étudiants et chercheurs portugais de bonnes conditions d'accueil et renforcer l'action menée par la Fondation à travers sa politique de bourses d'étude. Conçue par l’architecte José Sommer-Ribeiro, la Maison des étudiants portugais voit le jour en 1967. En 1972, elle est rebaptisée Résidence André de Gouveia, du nom d’un humaniste portugais du XVIe siècle qui fut principal du Collège Sainte-Barbe et recteur de la Sorbonne.
L'acte de donation à l'université de Paris est signé le 6 octobre 1960. Aux termes de cet acte, la Fondation Gulbenkian s’engage à construire une maison de 100 chambres environ, évaluée à 3,5 millions de francs. Après acceptation des plans par la Cité universitaire, les travaux seront entrepris à la diligence des donateurs dès la délivrance du permis de construire, dans un délai de 2 ans. Entre 20 et 30% des étudiants portugais seront répartis dans d'autres maisons et les places vacantes attribuées à des étudiants français ou d'autres nationalités choisis par la Fondation nationale, organe directeur de la Cité. La maison prendra le nom de « Université de Paris - Maison du Portugal – Fondation C. Gulbenkian » et sera administrée par un conseil d'administration de 10 membres : l’ambassadeur du Portugal, la Fondation C. Gulbenkian, le recteur de l'académie de Paris, le président et le délégué général de la Cité universitaire, trois personnalités portugaises proposées par la Fondation Gulbenkian et deux françaises par le CA. Le directeur sera nommé, sur proposition du conseil, par le recteur de l'académie. Ce dernier est autorisé par décret du 30 mars 1961 à accepter la donation.
La Fondation Gulbenkian confie la réalisation du projet à José da França Ribeiro, architecte qui, dès 1956, fait partie de l’équipe chargée de la construction de son siège à Lisbonne. Comme pour tout pavillon étranger construit à la Cité universitaire, le maître d'oeuvre portugais est assisté d’un architecte français, Henri Crépet, qui suit le projet d’exécution.
Selon la notice explicative établie par les architectes en février 1962, la construction est prévue sur un terrain de 2700 m2 – dont 1398 pour le bâtiment proprement dit - situé en bordure de l'avenue de la Porte de Gentilly. La maison doit assurer le logement de « 100 universitaires : 21 jeunes filles, 63 jeunes gens et 16 universitaires mariés ou post-gradués ». Elle comportera : au sous-sol, tous les services liés au fonctionnement de la maison : buanderie, lingerie, vestiaires, garde-meubles, cuisine du personnel, salle de ping-pong, salle des petits déjeuners, garages de voitures et scooters, etc. ; au rez-de-chaussée, les espaces de la vie collective : bibliothèque, salle des fêtes, cafétéria, salle de TSF et de télévision, salle de jeux, ainsi que les bureaux de l'administration et les logements du concierge, de l'économe et du directeur ; au 1er étage, réservé aux jeunes filles, avec « un accès indépendant pour isolement par rapport aux autres étages : 21 chambres avec sanitaires communs, 4 chambres pour post-gradués avec douches privées, réfectoire, office et salon ; aux 2e, 3e et 4e étages, affectés aux jeunes gens, une composition identique à celle du 1er ; au 5e étage partiel : 5 ateliers, et le reste en terrasse libre.
Sollicité l6 février 1962, le permis de construire est refusé le 5 septembre suivant par la préfecture de la Seine. L’emplacement choisi est en effet situé dans la marge d’isolement et de verdure non aedificandi prévue au droit du boulevard périphérique et sur une des parcelles zonières faisant l’objet d’un projet d’échanges de terrain entre la ville de Paris et l’Etat. D’autre part, l’engagement pris par la Fondation nationale, l’année précédente, à l’occasion de la mise au point des études sur le pavillon du Liban, n’a pas été respecté : cette construction devait être la dernière de celles qui pourraient être autorisées à proximité de la voie rapide. Cependant, compte tenu des répercussions diplomatiques d’un refus, le préfet accepte que le problème soit à nouveau considéré, « sous réserve que le bâtiment soit irrévocablement le dernier de la série des pavillons construits dans cette zone ». Ce nouvel examen est de plus subordonné à une refonte notable du projet : le bâtiment devra être d’un volume beaucoup moins élevé de façon à pouvoir être dissimulé au maximum dans la verdure, et son implantation ne sera pas à moins de 35 mètres de la limite nord du boulevard.
Un nouveau dispositif du plan masse est mis au point, suivant ces directives, au cours d’une conférence réunissant les architectes et la direction de l’urbanisme, le 25 janvier 1963, à la Cité universitaire. Le nouvel avant-projet, daté du 28 février 1963, conduit à la création de deux bâtiments limités à 4 étages respectant une marge d’isolement de 35 m en bordure du boulevard périphérique. Les deux volumes – le corps principal et celui des étudiants - sont posés sur un socle commun avec communication interne au moyen d’un escalier. Les difficultés étant désormais aplanies, le permis de construire est accordé par arrêté du 1er octobre 1964.
96 résidents sont prévus (21 jeunes filles, 60 jeunes gens et 15 universitaires mariés ou post-gradués). Dans le corps principal, le rez-de-chaussée comprend un vestibule qui permet un accès facile aux « living-rooms » des étudiants, à la direction et au secrétariat ainsi qu’à la cafétéria. La conciergerie prend place dans ce vestibule ainsi que le départ de l’escalier qui dessert les logements des jeunes gens, et l’escalier menant seulement aux logements des jeunes filles et des universitaires mariés. A ce niveau, se trouvent aussi, outre un grand salon de fêtes et de réunions, trois salles (bibliothèque, salles de jeux et de télévision) qui ouvrent sur une terrasse et communiquent les unes avec les autres, « afin de pouvoir servir dans des conditions spéciales ». Le sous-sol, qui profite de l’inclinaison du terrain, est divisé en deux zones séparées : les garages (bicyclettes et voitures) et les installations d’utilisation commune pour les étudiants : salle des petits déjeuners, salle des jeux bruyants et atelier. Chaque étage 1, 2 et 3 doit loger 7 jeunes filles et 5 post-gradués ; les chambres des étudiantes sont desservies par un bloc commun de 3 installations sanitaires, 4 lavabos, 2 douches et une salle de bains, celles des post-gradués ont des installations privées. Un office avec petit réfectoire ainsi qu’une petite pièce de réunions ou travail sont également prévus. Dans les combles, 10 ateliers sont réservés à 5 étudiants des beaux-arts et 5 musiciens.
Dans le bâtiment des étudiants, le rez-de-chaussée contient, du côté sud, les trois logements destinés au directeur, à l’économe et au concierge. Au sous-sol se trouvent les installations techniques et de chauffage, la buanderie, la cuisine et la salle à manger du personnel, les dépôts de meubles, etc. Les étages 1, 2, 3 et 4 logent chacun 15 jeunes gens et disposent d’un office avec réfectoire.
Quant au système constructif, « le point de départ sera une structure en béton armé... Le finissage et toute la construction seront fonctionnels et économiques, de façon à assurer les meilleures conditions de maintien et d'exploitation du bâtiment... Les matériaux de construction pour le finissage de la maison du Portugal seront importés du Portugal... Cet avantage permettra la construction d'un bâtiment typique dans sa composition architectonique. Pour cette raison on prévoit aussi l'importation de matériaux de décoration et d'ameublement ».
Un jardin, aux tracés très simples, est prévu sur le terrain qui entoure le bâtiment. « Les arbres seront groupés de façon à encadrer le bâtiment et à l'intégrer dans l'ensemble des volumes existants et dans le paysage... ». Autour de l’immeuble, dans la zone réservée au passage des piétons, le terrain sera revêtu d’une mosaïque portugaise et de pavés de basalte, pavement encerclé à l’extérieur par un petit mur de pierre, recouvert de verdure et limitant les groupes plantés et les pelouses. La liaison extérieure des deux corps de bâtiment est faite au moyen d’un bassin comportant des plantes, qui « donnera une plus grande aménité au local ». Les arbres et buissons seront « choisis parmi les espèces caractéristiques de la région de Paris, sans recherche de quelque exotisme contraire à l’écologie du lieu. Ce sera seulement là où la protection du bâtiment et de la végétation le permettent qu’on a prévu l’ornementation avec des plantes caractéristiquement portugaises ». Les plantations comprennent 8 arbres à haute tige (1 platanus acerifolia, 3 quercus robur, 1 tilia platyphyllos, 1 betula alba, 1 prunus serrulata et 1 fagus sylvatica) et 60 arbustes. L’exotisme sera obtenu surtout par « les plantes aquatiques et marginales du bassin », et « la note de couleur sera fournie par les herbacées vivaces qui encerclent les pelouses ». L'étude a bénéficié de la collaboration de l'architecte paysagiste Gonçalo Ribeiro Telles, auteur des jardins de la Fondation Gulbenkian à Lisbonne.
Selon une autre notice explicative datée décembre 1963, le nombre des étudiants passe à 70 (au lieu de 60) et le 4e étage, outre 15 chambres de jeunes gens, contient désormais les ateliers de peinture (au nombre de 5) et de musique (4).
La première pierre est posée dès le 6 octobre 1963 par le président de la Fondation Calouste Gulbenkian, José de Azedero Perdigao, en présence de Louis Joxe, ministre de l'Education nationale, à l'occasion d'une visite en France du ministre portugais des Affaires étrangères, Marcello Mathias. Le marché de construction est attribué le 27 août 1965 aux établissements Sainrapt et Brice. Le chantier est exécuté sous la direction du service de projets et travaux de la Fondation, avec l’assistance d’Henri Crépet, par des ouvriers et techniciens français. Le procès-verbal de réception provisoire est établi le 16 novembre 1967, après une visite générale de l'architecte Crépet. La maison est inaugurée le 20 novembre 1967. Elle compte finalement 110 chambres dont 15 réservées à des résidents mariés.
La rénovation du bâtiment en 2003
En accord avec la Fondation Gulbenkian, et à l'issue d'une consultation d'architectes, la CIUP confie en 2003 la réhabilitation générale du bâtiment à Vincent Parreira et Antonio Virga. La Résidence, qui rouvre ses portes en 2007, propose désormais 169 logements étudiants, dont 150 chambres simples et 19 chambres doubles, agrandies par l'annexion du bloc d’entrée et dotées d’une salle de bains individuelle. Cinq grandes cuisines et quatre petites (une grande cuisine au rez-de-chaussée, une petite et une grande par étage) sont créées (à l’origine chaque niveau n'en possédait qu’une). Tout en améliorant le confort intérieur, les architectes revisitent les façades par l’application d’une peinture gris foncé, le prolongement du hall d'entrée par une grande verrière et l'installation d'une enveloppe de tôle perforée en partie basse. En 2015-2016, le théâtre est rénové par l’architecte Da Ponte grâce à un mécénat luso-français (il porte désormais le nom de salle Pessoa) et une nouvelle bibliothèque de 200 m2 (bibliothèque Vieira da Silva) est créée (en remplacement de l'ancienne salle de lecture intégrée à l'appartement du directeur). Ces travaux viennent achever la rénovation complète de la maison.
Conservateur du patrimoine, Région Île-de-France, service Patrimoines et Inventaire.