Dossier d’œuvre architecture IA75000057 | Réalisé par
  • étude d'inventaire
résidence d'étudiants dite Maison du Maroc
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Région Ile-de-France - Inventaire général du patrimoine culturel

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Cité internationale universitaire de Paris (CIUP)
  • Commune Paris 14e arrondissement
  • Adresse 1 boulevard Jourdan
  • Dénominations
    cité universitaire
  • Précision dénomination
    résidence d'étudiants
  • Destinations
    architecture scolaire

Une double création

La Maison du Maroc est constituée de deux pavillons : le pavillon dit « de la Résidence » édifié par le Protectorat et le pavillon Zellidja, construit par un donateur privé, l’architecte Jean Walter. Il s’agit d’une des premières fondations créées après la seconde guerre mondiale, dans l’îlot Est viabilisé depuis peu. Cette création intervient, comme celle des Maisons de la Tunisie et de la France d'outre-mer, dans un contexte politique marqué par la montée des revendications indépendantistes. La défaite militaire, puis le débarquement anglo-américain en novembre 1942 à Casablanca et les encouragements du président Roosevelt au nationalisme marocain (conférence d’Anfa) ont porté un coup décisif au prestige de la France et favorisé la remise en cause des protectorats. L’accueil d’un grand nombre d’étudiants marocains – en 1931 ils ne sont que 12 à la Cité universitaire - a pour objectif de montrer que l’association avec la France ne doit pas être rompue. Les autorités coloniales y voient aussi un antidote au nationalisme, une réponse à la tendance à la ségrégation volontaire chez les jeunes Nord-africains qui poursuivent leurs études à Paris, en même temps qu'un moyen de mieux contrôler ces étudiants en métropole.

Dès 1946, la direction de la Cité indique à l’ambassadeur Eirik Labonne, Résident général, que la Tunisie va bientôt fonder une maison et que s’il était dans ses intentions d’en construire une pour le Maroc, les plans des deux bâtiments, éventuellement placés dans le prolongement l’un de l’autre, pourraient être dressés en même temps, après entente entre leurs architectes respectifs. Le projet s’engage réellement trois ans plus tard, en février 1949, lorsque le Maroc inscrit à son budget un premier crédit de 40 millions destiné à la construction d’une maison à la Cité universitaire, tout en prévoyant d’en ouvrir un autre en 1950. Au même moment, le Centre de formation internationale (CFI), patronné par Ludovic Tron, président de la Banque française pour le commerce et l’industrie et ancien directeur des finances du Protectorat, qui a entrepris, avec l’appui du roi et du Résident de France, et grâce à une souscription ouverte au Maroc, d’acheter un hôtel pour les étudiants marocains à Paris, prend l’engagement formel que cet immeuble sera revendu en temps utile et les fonds remis à la fondation marocaine de la Cité ; ou bien qu’il apportera le produit ou le reliquat de la souscription en cours. En mars, le terrain est choisi, à côté de l’emplacement déjà promis à l’ENA et au Cambodge, à la limite sud du parc.

Le 3 avril, le général Juin, nouveau Résident général, confirme au président de la Cité universitaire son intention de faire construire un pavillon destiné à recevoir les étudiants marocains inscrits dans les diverses universités ou établissements d’enseignement supérieur de Paris. « La 1ère tranche de construction comprendra 120 chambres », et 80 autres feront l’objet d’une 2e phase. L’architecte Albert Laprade - auteur du bâtiment de la Résidence à Rabat (1918) - est chargé d’ores et déjà d’étudier un avant-projet. Une somme de 5 millions de francs est mise à la disposition de la Cité, dont une partie, environ 2 millions, pour les travaux de fouilles et de consolidation du terrain. 60 millions seront inscrits à chacun des budgets de 1950 et de 1951 et 30 à celui de 1952. La vente du fonds de commerce en voie d’acquisition par le CFI au moment où le pavillon de la Cité ouvrira ses portes, pourra fournir les fonds de roulement nécessaires.

Le 9 juin, les architectes Vernon et Philippe, associés de Laprade, remettent au secrétaire général de la Cité un exemplaire des trois avant-projets déjà soumis à Roger Thabault, directeur de l’Instruction publique au Maroc. « La solution n° 3 [lui] semble être celle qui convient le mieux ». Les plans comprennent des installations (chauffage, distribution du courant) communes aux trois pavillons à édifier dans la même zone (un restaurant étant prévu dans celui de l’ENA). L’acte de donation est signé le 7 juillet 1949. Roger Thabault, agissant au nom de l’Etat chérifien, s’engage à remettre à l’Université de Paris un immeuble d’environ 200 chambres affecté au logement d’étudiants marocains ou originaires du Maroc, dont le coût est évalué à 150 millions de francs, ainsi qu’une somme de 5 millions destinée à servir de fond de réserve et de roulement. La maison sera administrée par la Fondation nationale de la Cité universitaire. Par décret du 14 avril 1950, le recteur est autorisé à accepter la donation, ce qu’il fait par acte du 13 février 1951.

A la fin de l’année 1949, un autre projet vient interférer avec celui de la Résidence générale. Le 2 décembre, Jacques Ravail, directeur des Offices du Maroc en France, informe Raoul Dautry, président de la Cité universitaire, que Jean Walter, architecte et président de la Société des mines de Zellidja, vient de proposer au général Juin de prendre entièrement à sa charge la construction d’une maison de 40 chambres réservée à des étudiants français au Maroc et à des boursiers Zellidja. Ces bourses, attribuées à des jeunes gens de 17 à 19 ans qui ont élaboré un projet de voyage individuel sur un thème et dans un pays de leur choix, portent le nom de Zellidja en référence aux mines de plomb et de zinc exploitées depuis 1926 par Jean Walter dans le village de Zellidja Sidi Boubker au Maroc oriental. Dotée d’un capital de 200 millions de francs en actions de la société minière, cette fondation est complétée en 1951 par la Fondation nationale d’aide aux étudiants (FNAE). Le projet de Walter, qui est tout à fait distinct du pavillon officiel étudié par Laprade, est accueilli très favorablement par le Résident général, mais la Cité universitaire juge indispensable de l’associer à un autre de même importance, l’expérience ayant montré les difficultés à gérer une maison de moins de 100 chambres. Les Norvégiens désirant loger à la Cité 50 de leurs étudiants, une maison de 90 à 100 chambres pourrait être édifiée sous le double patronage de la Norvège et du Maroc. Ce projet de jumelage est toutefois vite abandonné, le général Juin ayant « verbalement demandé à Jean Walter de réunir son pavillon à ceux qui seront construits par le Protectorat, de manière à créer un ensemble marocain ».

Deux conventions prennent acte du concours apporté par Walter. Aux termes de la première, du 25 mai 1951, ce dernier, agissant au nom de la Fondation nationale des bourses Zellidja et de la FNAE, s’engage envers le Protectorat (et non envers l’université) à construire 92 chambres pour les étudiants de nationalité française originaires du Maroc dont 15 (pendant 50 ans) seront attribuées en priorité à des boursiers Zellidja. Une deuxième convention, passée le 22 octobre 1951 entre l’Etat chérifien et l’université de Paris, constitue un avenant à l’acte du 7 juillet 1949 et entérine le passage de 200 à 292 chambres. Selon son article 2, la Maison du Maroc recevra à concurrence des 2/3 de sa capacité totale, des étudiants originaires du Maroc, l’autre tiers étant occupé par des étudiants d’autre origine. Les autres étudiants marocains seront admis dans d’autres fondations de la Cité.

Le terrain

Dès janvier 1950, Laprade présente donc à Jean Walter des croquis d’ensemble englobant le pavillon offert par ce dernier, soit trois bâtiments de chambres, plus un de services généraux. Un nouvel emplacement est dès lors recherché, le terrain situé à la périphérie arrière de la Cité n’étant plus suffisant. Lucien Bechmann, architecte-conseil de la Cité, qui étudie alors le plan de lotissement de l’îlot Est, propose d’affecter au Maroc une parcelle trapézoïdale située en face du pavillon suisse, d’une contenance de 8 600 m2 permettant de trouver 300 lits. Mais Laprade et Walter demandant à occuper un terrain en bordure du boulevard Jourdan, le choix définitif se porte sur la parcelle voisine de 7 800 m2, à l’angle du boulevard et de l’avenue de la Porte de Gentilly – soit une réduction importante par rapport au plan d’implantation « tel que M. Laprade le prévoit », c’est-à-dire utilisant toute la partie nord de l’îlot sur 90 m de profondeur environ, soit une superficie de l’ordre de 12 150 m2 qui « représente plus de une fois et demi la surface que l’on alloue normalement ». L’aménagement dans ce secteur des voies entourant la Cité oblige d'autre part Albert Laprade à tenir compte des desiderata de la ville de Paris. Selon le plan dressé par les services d’architecture et d’urbanisme, l’alignement du domaine, à la jonction des deux voies, serait déterminé par une courbe de 48 m de rayon, afin de dégager largement la visibilité pour les automobilistes. Cette solution de raccord qui imposerait la rétrocession d’une parcelle d’environ 500 m2 aurait pour conséquence de gêner sérieusement l’architecte dans l’utilisation du terrain. Laprade parvient à faire admettre un pan coupé rectiligne de 25 m avec 5 m 50 de recul pour le pavillon, implantation qui permet d’économiser au maximum le terrain de la Cité universitaire.

La construction

Sur le plan architectural, une entente est réalisée entre les architectes pour harmoniser les plans des deux fondations, tout en laissant à chaque projet son caractère propre. Le 6 février 1950, Laprade transmet son étude au secrétaire général administratif de la Cité, et Walter, après s’être « mis entièrement d’accord avec Laprade sur les plans que celui-ci soumettra et qui comprendront, d’une part, le pavillon du Maroc, et d’autre part le pavillon » Zellidja, adresse son projet à Raoul Dautry le 20 février. Au vu de ce dernier, le président de la Cité se déclare « consterné de voir prendre aussi délibérément le contrepied de ce qui est la base même de l’œuvre. Ségrégation des étudiants marocains, construction d’une pure et simple caserne sans aucune possibilité d’échanges, même internes, et même de simples contacts, - Maroc porté à 300 chambres alors que nous savons ce que donnent les maisons de cette dimension ». Jean Walter n’a prévu en effet aucuns services généraux, et « on ne peut se défendre de l’impression qu’[il] ne sait pas ce que c’est que la Cité ». Une solution s’impose pour remédier au problème : assurer une liaison entre les deux constructions au moyen d’une galerie couverte, afin que les résidents de la fondation Walter puissent accéder aisément aux installations communes – salles de réunion, bibliothèque, cafétéria - aménagées par Laprade.

La construction commence par la partie « Maison du Maroc » du plan général. Dès le 19 janvier 1951, une somme de 94 millions a été virée par le gouvernement chérifien au nom de l’agent comptable de l’université de Paris. Le permis de construire, sollicité le 7 février, est délivré le 5 juin 1951. Il se rapporte alors à un bâtiment en U, à trois corps, un de 6 étages, un de 3 étages et le dernier à rez-de-chaussée. Bien que la convention du 7 juillet 1949 ait prévu une fondation de 200 chambres, dans le projet qu’il a soumis à la Cité - Laprade le rappelle dans une lettre du 6 juin 1951 - le nombre de chambres à la charge du Protectorat n’est que de 100, avec la formule d’un agrandissement ultérieur [ayant] « surtout pour but de faire réserver par la Cité universitaire un terrain sur lequel, dans un avenir plus ou moins long, le Maroc aurait édifié une extension nécessitée par la présence d’un plus grand nombre de ses étudiants ». L’architecte propose alors, si « l’université de Paris s’en tient à la lettre de la convention et demande au Protectorat, indépendamment du pavillon Walter, de réaliser 200 chambres à lui seul », d’édifier la construction par étapes : d’abord le gros œuvre des ailes A (corps le plus élevé, 40 chambres) et B (dans le prolongement de A, 100 chambres, au lieu de 60) ; puis l’aile C (en retour d’équerre) de 60 chambres ; les 200 chambres étant ainsi obtenues. Pour que l’aile B ne s’allonge pas outre mesure, elle comprendrait 4 étages au lieu des 3 prévus sur les plans.

Le 23 janvier 1952, le cabinet Laprade envoie au recteur les plans rectifiés et le programme définitif, calqué sur la proposition précédente : le bâtiment comportera, en une première étape, 140 chambres d’étudiants, les appartements de fonction (directeur, secrétaire et économe), les services généraux (administration, salles de travail, bibliothèque, groupes sanitaires) et une salle de réunion analogue à celle des autres fondations. Pour une 2e étape (qui ne sera pas exécutée) est réservée la possibilité d’ajouter 60 nouvelles chambres d’étudiants. Le centre de réunions et les services généraux seront en liaison avec la fondation Zellidja comportant également 100 chambres mais sans services annexes. La partie du bâtiment réservée aux chambres est orientée est-ouest pour leur procurer un ensoleillement optimal, « ce qui est particulièrement nécessaire pour des jeunes nord-africains ». Afin de tenir compte de la grande descente du boulevard Jourdan et de l’effet perspectif par rapport à l’avenue de la Porte de Gentilly, un pavillon dominant l’ensemble est prévu à l’angle des bâtiments.

La Fondation Jean Walter a donné lieu le 12 juin 1951 à une demande spéciale de permis de construire qui est accordé le 17 décembre. Le marché des substructions attribué à l’entreprise Sainrapt et Brice (Paris, 20e) pour le pavillon de la Résidence est étendu à celui de Walter, la convention passée avec la direction de l’Instruction publique au Maroc ayant prévu que les fondations de cet édifice seraient exécutés par les soins du gouvernement chérifien. La maçonnerie est attribuée à la firme Dumont et Besson et la date de départ des travaux fixée au 25 février puis au 25 mars 1952. Des deux solutions envisagées – façades en briques enduites ou pierre de taille -, la première est retenue en raison de l’économie importante qu’elle représente. L’enduit extérieur est en ciment pierre, type Weber et Broutin, y compris pour le pavillon Zellidja (Lucien Bechmann insiste pour que celui-ci « soit traité avec le même matériau et en harmonie avec le bâtiment principal », le résultat de l’enduit au plâtre étant désastreux, comme l’a prouvé à deux reprises le pavillon argentin, quelques années après la construction puis après 1945). Les couvertures sont en tuiles vertes, ce dont le prince Moulay Hassan, d’après Roger Thabault, se déclare ravi. La construction du pavillon Zellidja est achevée au cours de l'année 1952, avant celle du pavillon principal. Le coût total de la construction et de l’équipement (pour les deux pavillons) – est estimé à 387, 9 millions de francs en septembre 1953. La maison commence à fonctionner sans être tout à fait terminée et l’inauguration a lieu le 15 octobre 1953.

L'aménagement des chambres d'étudiants

L’aménagement des chambres a donné lieu à une consultation revêtant la forme d’un concours restreint sur invitations. Laprade et ses collaborateurs dressent le 26 février 1953 un cahier des charges donnant la nomenclature des articles par chambres : ensemble « divan », bibliothèque, table de travail, chaise, fauteuil de bridge, panneau « à punaiser », ainsi que leur description (nature des bois, épaisseurs minima admises, définition des assemblages, etc, correspondant à une série de dessins). Les chambres (112 à un lit, 24 à deux lits, soit les 160 places du grand pavillon) sont réparties en 5 types : types A (les 112 chambres individuelles), B, C, D et E (respectivement 10, 8, 5 et 1 chambres doubles). La commande pourra être confiée en totalité à un seul attributaire ou être scindée en différents lots, aucun n’étant toutefois inférieur à 10 unités-lits. Treize concurrents sont choisis : éditeurs (ateliers « Au Bûcheron », studio Pomone du Bon Marché, ateliers Jean Prouvé, établissements Lévitan), fabricants (Mousseaux et Régy), ébéniste (Geordy et Charléty) et décorateurs (Suzanne Guiguichon, Jeanne Laurent, Chaleyssin, Gascoin, Rabaiotti et Alain Richard), auxquels sont laissées plusieurs possibilités de réponse : proposer un ensemble strictement conforme aux descriptions de l'architecte, en interpréter tout ou partie pour présenter une proposition-variante, enfin étudier une solution libre entièrement de leur création - seule la position du lit dans la chambre demeurant impérative, tout comme la recherche de la sobriété et de la robustesse. L’appel donne onze réponses qui sont étudiées à partir du 2 avril 1953, date de l’ouverture des soumissions : les architectes sont chargés d’examiner le détail de chaque dossier, de prendre contact avec les concurrents dont les offres semblent à retenir et de provoquer de nouvelles propositions qui seront à nouveau examinées en commission.

Le 22 avril le recteur André Marchaud et le directeur de la maison du Maroc, Jean Arnaud, après avoir entendu Laprade dans son compte rendu de mission, décident l’attribution des lots suivants aux concurrents retenus : atelier « Au Bûcheron », 52 chambres à un lit du type A ; Suzanne Guiguichon, éditée par l’atelier Au Bûcheron, 10 chambres à 2 lits du type B ; Jeanne Laurent, 8 chambres à 2 lits du type C, 1 chambre à 1 lit du type E ; Alain Richard, 10 chambres à un lit du type A, 5 chambres à 2 lits du type D ; entreprise Geordy et Charléty, 30 chambres à 1 lit du type A ; établissements Lévitan, 20 chambres à 1 lit du type A. Les divans bas ou cosy-corners avec « meuble de tête », servant de casier à livres, ou table de chevet sont en chêne ciré méché ou contreplaqué (Au Bûcheron). Les tissus sont en reps à rayures « choisi par les architectes », mais uni rouille ou imprimé dans les chambres aménagées par le Bûcheron. Les chaises proposées par Alain Richard proviennent du catalogue Thonet (garnies pour le dossier et le siège de sangles en matière plastique), comme les fauteuils avec accotoirs. Des articles de presse vantent les « couleurs claires et douces, les mobiliers pratiques, solides et de bon goût » de chambres où « l’unité fonctionnelle est partout assurée dans la variété des styles et des couleurs ». Chacune est séparée en deux parties, la pièce meublée et une petite entrée avec un lavabo et une penderie, surmontée d’une galerie pour les valises.

L’ameublement du pavillon Zellidja est dû sans doute aux mêmes décorateurs, bien que l’étroitesse des crédits disponibles oblige à rechercher des solutions plus économiques. D’après le directeur de l’instruction publique au Maroc (1er décembre 1952), rien sur son budget n’a été prévu pour les chambres de ce pavillon, et la question devrait être réglée par Walter. Or celui-ci n’entend se préoccuper que des 15 chambres qui doivent être affectées aux boursiers Zellidja – un autre point étant d’ailleurs en litige entre lui et la direction marocaine, celui du chauffage et des installations d'arrivée d'eau et d'électricité jusqu’à l’entrée du bâtiment, dont il n’entend pas supporter les dépenses. Finalement (1er janvier 1953), la direction « n’exclut pas absolument de prendre [l’ameublement] à sa charge, moins toutefois les 15 chambres des boursiers ».

Une différence de confort et de qualité existe entre les deux pavillons : tandis que le bâtiment principal est équipé d’un lavabo dans chaque chambre – plus à chaque niveau d’une batterie de douches avec salle de bains –, dans le pavillon Zellidja, lavabos et douches sont groupés dans un bloc sanitaire d’étage. Les dimensions des chambres y sont également plus petites : 11,12 m2 pour les chambres simples au lieu de 12,80 m2, et 22 m2 pour les chambres doubles, au lieu de 32 m2. A la place d’une table mobile, une table fixe dans l’embrasure de la fenêtre, pas de bibliothèque et un sol en linoleum (et non en parquet comme dans le pavillon A).

Les décennies 1960-1970

La maison connaît très vite fun fonctionnement difficile, tout d'abord du fait de sa division en deux pavillons hétérogènes.

Au début de l'année 1l956, Jean Walter, à la suite d’une visite des lieux, proteste contre la répartition des chambres de sa fondation : destinées à assurer l’hébergement des étudiants français du Maroc et des boursiers Zellidja, elles sont occupées par une majorité d’étudiants marocains qui, aux termes de la convention, auraient dû être exclusivement logés dans le pavillon du Maroc proprement dit. Selon le directeur, ce non-respect des obligations contractées par l’administration provient de la disparité de confort entre les deux bâtiments, pourtant sanctionnée par un prix différent : « l’expérience montre que la différence de prix n’est pas un élément suffisant pour rendre attirant le pavillon Walter aux yeux des étudiants : tous sont avides de résider dans le pavillon du Maroc pour y jouir d’un plus grand confort ». Le directeur précédent a donc réparti indistinctement les chambres entre les étudiants de toutes origines et la maison fonctionne depuis son ouverture sur les bases suivantes : les étudiants séjournent un an au pavillon Jean Walter puis passent les deux dernières années de leur séjour normal au pavillon du Maroc. Les mauvais payeurs ou ceux qui n’ont pas pleinement réussi à leurs examens sont rétrogradés du pavillon du Maroc au pavillon Zellidja. En effet, « appliquer à la lettre les termes de la donation reviendrait à brimer les Français du Maroc et à les diminuer dans l’esprit de leurs camarades, à susciter une violente agitation ; cela reviendrait aussi à séparer matériellement comme ils ne le sont que trop moralement les étudiants marocains des étudiants français du Maroc ». Des pourparlers aboutissent le 7 mai 1956 à l’accord suivant : 50 % des places du pavillon Jean Walter seront réservées à des étudiants français originaires du Maroc (la priorité des boursiers Zellidja étant portée de 15 à 20 chambres), et 50 % à des étudiants de nationalité marocaine.

Cependant, le problème ressurgit sous une autre forme en juin 1962 : les candidatures françaises du Maroc se raréfient et il est de plus en plus de difficile de remplir les places réservées à ces étudiants dans la fondation Walter. « Le moment arrive où, faute de candidatures régulièrement prévues, deux solutions sont possibles : faute d’étudiants français du Maroc, on peut réserver ces places à d’autres étudiants français ou dans un sens plus restrictif, à des étudiants français d’Afrique du Nord ; ou réserver ces places à des étudiants marocains ».

La contestation politique, à l’approche de mai 1968, ajoute une autre dimension aux difficultés rencontrées par la fondation. Celle-ci « ne cesse de se débattre dans une situation déplorable tant au point de vue moral que du point de vue matériel : les étudiants refusent catégoriquement de se conformer au règlement intérieur. Visites féminines et clandestinité ; larges libertés, incompatibles avec le bon fonctionnement d’une fondation » (11 mai 1966). Selon le règlement, toute propagande religieuse ou politique est interdite et l’affichage est soumis à l’autorisation préalable du directeur. Or « l’Union nationale des étudiants marocains en France qui compte beaucoup de partisans parmi les résidents de la Maison du Maroc considère celle-ci comme son fief : elle organise toutes ses réunions qui affichent un caractère politique à la salle des fêtes, malgré l’interdiction de l’administration ». En novembre 1968, à la suite d’une occupation de trois mois (mai-juillet) par les étudiants, la maison change de statut, à la demande du gouvernement du Maroc qui délègue la gestion et l’administration à la Fondation nationale. Ce changement de régime implique la suppression de l’avenant du 8 janvier 1964 qui avait lui-même mis fin au rattachement de la maison, qui avait été son statut primitif.

Le désordre – « la Maison du Maroc est une sorte d’asile qui échappe à tout contrôle » (juillet 1969) se combine avec un déficit qui ne peut être pris en charge qu’« en prenant sur les dépenses d’entretien déjà réduites au strict minimum ». Le brassage, conformément à l’esprit de la Cité, permettrait à la fondation de redevenir véritablement franco-marocaine, mais ce brassage avec d’autres étudiants est rendu difficile par la réputation de la maison, où règneraient « vols, trafic de drogues, détournement de mineurs, alcoolisme … ». Le 18 mars 1970, une décision de fermeture indéterminée est prise par la Fondation nationale, à la suite de laquelle le gouvernement marocain s’engage à éponger une partie de la dette ; la Fondation nationale cesse d’assumer la responsabilité de la maison et la gestion passe à une administration intérimaire (CA du 24 juin 1970). Ce régime provisoire prend fin le 1er novembre 1970, le statut défini par l’acte de donation étant à cette date remis en vigueur. Mais la maison continue à fonctionner dans des conditions catastrophiques qui « pèsent gravement sur l’ensemble de la Cité ». Elle s’est constituée en « foyer progressiste et anti-impérialiste à l’avant-garde des luttes dans la Cité », centralise l’aide et le soutien à la résistance palestinienne, et sert à l’UNEM, interdite au Maroc, de base d’attaques contre le gouvernement marocain. L’effectif des clandestins se chiffre entre 120 et 150 personnes, « sous-locataires qui paient fort cher la possibilité de dormir dans de mauvaises conditions. Dans le pavillon Walter, chaque chambre abrite jusqu’à 6 personnes simultanément ».

D’autres problèmes se posent, qui ont trait à l’état de ce dernier bâtiment, dégradé après 20 ans d’usage, en contraste avec l’aspect relativement bon du reste de la Maison. En 1973 une rénovation a lieu grâce aux crédits accordés par le ministère de l’Education nationale. Le gouvernement marocain, par le versement au cours de l’année suivante d’une subvention exceptionnelle de 250 000 francs, a totalement apuré les comptes à la date du 31 décembre 1973. Mais en 1976 la situation financière est à nouveau préoccupante, alors que les bâtiments ont besoin d’une remise en état complète. Au pavillon principal, les manifestations de dégradation s’additionnent, la galerie qui réunit les deux bâtiments attend sa fermeture, et les actes de vandalisme se multiplient. La dette grandit d’année en année du fait du gel de la subvention et du seuil critique atteint par le taux des redevances. En août 1980 un chèque de 650 000 F du Maroc met fin à l’arriéré sur subvention mais la dette s’élève à 905 000 F. Un architecte, M. Robert, est désigné par l’ambassade, mais ne reçoit aucune instruction pour la suite de sa mission.

Rénovation et "marocanisation"

La rénovation générale intervient en 1982, sur décision du roi du Maroc, qui désigne le maître d’œuvre. Décorateur attitré d’Hassan II, André Paccard, assisté de Michel Serot, dresse en mai le programme des travaux, qui doivent être exécutés du 1er juillet au 30 septembre : au rez-de-chaussée, « une partie à construire » entre la salle des fêtes et le pavillon Walter ; au dernier étage de la "tour", une bibliothèque, avec modification des façades ; l’aménagement de l’entrée sur le boulevard Jourdan et le changement du tracé de la route côté parc ; la fermeture de la galerie de liaison ; le ravalement de tout le bâtiment, la pose de fenêtres à double vitrage, et dans les chambres, l’installation d’une douche individuelle et d’un réchaud électrique. L’aménagement d’une salle de prières, également prévu, ne paraît pas, aux yeux du directeur du service technique de la Cité, compatible avec « la philosophie que celle-ci doit observer vis-à-vis des religions », le risque étant de « créer un précédent ». Conformément aux directives du roi Hassan II tendant à façonner une représentation officielle de son pays par un retour à la « marocanité » (discours des 19 décembre 1979 et 14 janvier 1986), l’architecture volontairement neutre d’Albert Laprade reçoit alors un décor emprunté aux arts traditionnels marocains : un patio « andalou », un salon marocain, un hammam et une salle de prières sont intégrés aux espaces communs et déploient tout un répertoire ornemental de zelliges, plâtre ciselé, bois sculpté et peint ; réalisé par une quarantaine d'artisans venus spécialement de Fès, ce décor s’affiche dès le seuil de la fondation, sur la porte d’apparat entièrement reprise en style marocain foisonnant. L'équipement de chaque chambre comprend douche, toilettes, réfrigérateur, plaque chauffante et téléphone. A chaque étage sont aménagés une salle de bains et un groupe sanitaire, une salle de télévision et une salle de repos. Au rez-de-chaussée, le grand salon est doté d'équipements pour conférences (avec 300 sièges) et théâtre. La « nouvelle » maison est inaugurée le 7 octobre 1982 par le prince héritier Sidi Mohamed. Selon un rapport du directeur, « le succès populaire fut immédiat : des touristes de toutes nationalités visitent journellement la maison. Des élèves de plusieurs écoles de Paris sont venus la visiter avec commentaire sur l’art arabo-islamique et sur l’artisanat marocain. Certaine maisons de couture l’ont même prise pour cadre pour présenter leurs collections ». La maison a été dotée également d’un restaurant-cafétéria pour 70 personnes, autonome sur le plan financier et gérée par un intendant, avec 6 cuisiniers et cuisinières spécialistes de la cuisine marocaine venant du Maroc. Mais au bout de 4 années l’expérience s’avère franchement négative : au déficit chronique s’ajoute l’indiscipline des clients, la disparition du matériel et la présence de trop nombreux non résidents, difficultés qui entraînent la suppression du restaurant. La capacité d’accueil est alors de 207 chambres et de 239 lits. Le brassage reste insuffisant : la plupart des résidents sont marocains - une vingtaine à peine de résidents étrangers représentent 10 nationalités et un peu moins de 10 % de l’ensemble.

Les années 2000

Une nouvelle réhabilitation s’achève en juillet 2008, après une longue période de fermeture (à partir de septembre 2001), imposée par l’état de dégradation du bâtiment. Contrairement à la rénovation de 1982, pilotée directement par Rabat, celle-ci fait l'objet en avril 2006 d'une convention tripartite entre la Fondation nationale, l'Etat marocain et l'université de Paris. Conduite par l’architecte Mohammed Fikri Benabdallah avec l'aide d'un bureau d'études français, et financée par le royaume du Maroc, elle se déroule en deux phases. La première est consacrée au gros œuvre : travaux de désamiantage et de déshabillage (démolition des cloisons, des portes, etc). La deuxième concerne les travaux d’aménagement et d’agencement. Le processus de marocanisation, initié en 1982, est étendu à d’autres lieux, certains créés grâce à une redistribution des espaces, tels que la réception du pavillon principal et son salon d’attente ou le grand hall transformé en salle d’exposition, avec l'ambition de créer un pôle de rayonnement culturel ouvert au public, ou à l’entrée du pavillon Zellidja, le salon des chercheurs. Une nouvelle bibliothèque (spécialisée sur le Maroc) est installée dans l’ancienne cafétéria, dans le prolongement de la salle de réunions. Au sous-sol, une cafétéria remplace les salles de sport et de télévision et au hammam succèdent une laverie et une salle d'informatique. Les étudiants sont désormais regroupés dans le bâtiment principal, qui comprend 161 chambres réaménagées. Le second bâtiment est dédié aux chercheurs et professeurs, ce qui a conduit à augmenter la taille des chambres transformées en 51 studios dotés d'un équipement spécifique (salle de bains, kitchenette).

  • Période(s)
    • Principale : milieu 20e siècle , daté par source
  • Auteur(s)
    • Auteur : architecte attribution par source
    • Auteur :
      Vernon Jean
      Vernon Jean

      Né à Châteauroux, élève de Roger Henri Expert, Eugène Beaudouin et Raymond Gravereaux à l'Ecole des Beaux-arts de Paris entre 1935 et 1942 ; associé à Albert Laprade et Bruno Philippe à partir de 1949, avec lesquels il construit également, en 1951, la Maison de la France d'outre-mer, et avec le seul Philippe, la Maison du Liban en 1965 ; il est d'autre part responsable des travaux d'entretien et de réparation des différentes fondations à la fin des années 1950, après le départ de Lucien Bechmann, architecte-conseil de la Cité de 1923 à 1953. Décède accidentellement en montagne.

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      architecte attribution par source
    • Auteur :
      Philippe Bruno
      Philippe Bruno

      Né à Nantes, élève de Roger Henri Expert à l'Ecole des Beaux-Arts de Paris entre 1936 et 1944 ; associé à Albert Laprade et Jean Vernon à partir de 1949, il construit également avec eux la Maison de la France d'outre-mer, en 1951, et avec le seul Jean Venon, la Maison du Liban en 1965.

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      Paccard André
      Paccard André

      Architecte à Annecy, mécène et homme d’affaires, André Paccard est mis en relation avec Hassan II par l’architecte Albert Planque. Pendant une quinzaine d’années, jusqu’au milieu des années 80, il est le décorateur attitré du roi du Maroc, travaillant sur de nombreux palais à travers le pays. Cette activité lui permit de développer une agence, l’Atelier 74 qui employait plus de 400 salariés permanents et faisait vivre de nombreuses entreprises de la région annécienne.

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      Serot Michel
      Serot Michel

      Comme André Paccard, Michel Serot est architecte à Annecy, 10, quai de la Tournette.

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Situé à l’extrémité est de la cité, à l’angle du boulevard Jourdan et de l’avenue de la porte de Gentilly, le terrain occupe l’emplacement d’anciennes carrières exploitées à ciel ouvert puis remblayées. Les bâtiments sont fondés sur des puits circulaires répartis sous les points d’appui et descendus jusqu’au bon sol (à environ 15 m).

Sur une ossature en béton armé, les murs du pavillon principal sont en briques pleines revêtues d’un enduit en ciment-pierre grésé, et enduit mignonettes dans la hauteur du soubassement. Les corniches, linteaux, appuis de baies, et encadrements de fenêtres et de portes sont en éléments préfabriqués de béton moulé, et les claustra en béton du type « Sabla ». Les murs extérieurs du deuxième pavillon sont également en maçonnerie et enduits ciment-pierre, les encadrements de baies y compris les appuis en béton-pierre préfabriqué, ainsi que les claustra avec dalles « Nevada ». Toutes les couvertures sont en tuiles mécaniques « Monopole » vernissées vertes à triple emboitement, fournies par « les Tuileries du Nord » et le « Comptoir tuilier du Nord ».

Le pavillon principal se compose d’un corps de 6 étages, le 6e consistant en une salle vitrée entourée d’une loggia (fermée en 1982), et d’une aile de 4 étages en bordure de l’avenue. Le pavillon Walter est un parallélépipède de 40 m sur 11 m 50 et 3 étages. Entre les deux bâtiments, une galerie d’un seul niveau borde la salle de réunions ; cette galerie, à l’origine plus courte et ouverte, a été en 1982 clôturée et prolongée jusqu’au bâtiment Walter par l’adjonction d’un petit corps de bâtiment abritant une cafétéria (transformée ensuite en bibliothèque).

Les façades développent leurs rangées de fenêtres avec comme seules ruptures de lignes, sur l’aile du pavillon principal, des balcons initialement peints en jaune. Sur le boulevard Jourdan, une porte monumentale en zelliges de couleur verte à laquelle on accède par des marches en granit rose donne une note de couleur locale. Cette entrée d’honneur (rhabillée en 1982) est réservée aux visites et réceptions officielles, tandis que pour des raisons de surveillance imposées par le règlement de la Cité, l’accès des étudiants se fait côté parc par une porte située à l’angle de la « tour » et de l’aile des chambres. Une nouvelle entrée abritée par un porche a été créée en 1982.

Dans le sous-sol du pavillon principal, se trouvent la chaufferie (qui dessert les pavillons voisins), un vaste garage à bicyclettes, une lingerie, un atelier et une grande cuisine avec placards individuels à la disposition des étudiants. Le rez-de-chaussée (aile des chambres) abrite les services généraux : bureaux de la direction et de l’administration, appartement du directeur, cafétéria, salon de musique et salle de travail – mais plusieurs pièces, dont les deux dernières, n’ont pas, selon le directeur, reçu l’affectation prévue : « il y a discordance pour plus de la moitié de ces pièces entre le plan et la réalité » (18 février 1957) : quatre d’entre elles, utilisées comme logements du secrétaire-adjoint et du bibliothécaire, servent ensuite à loger des personnalités recommandées par l’ambassade du Maroc et des passagers de catégorie exceptionnelle, tandis que les dépendances de la cafétéria (où 100 étudiants à la fois peuvent prendre leur petit déjeuner) ne correspondent pas davantage au projet architectural.

Le hall, dont le sol en mosaïque rappelle un tapis marocain, commande l’accès à toutes les parties de l’édifice. A l’arrière de la galerie de liaison, la salle des fêtes de 200 m2 avec une scène ou plutôt un podium peut contenir 400 places ; elle est à l’origine éclairée de vastes portes-fenêtres sur trois de ses côtés. Son plafond, ayant la forme d’une carène renversée, est décoré de 40 motifs en forme d’étoile, chacun ayant une ampoule en son centre, qui évoquent le style marocain.

Dans le hall, s’ouvre à gauche en entrant l’escalier menant aux étages. Les 4 étages sont du même type : un petit hall où s’ouvrent directement un certain nombre de chambres et un long couloir desservant toutes les chambres de l’aile (à l’origine 112 chambres à un lit, 24 à deux lits).

Après la rénovation de 1982, le pavillon Walter se compose d’un sous-sol (garage et salle de dépôt), d’un rez-de-chaussée (logement de l’intendant et 6 chambres d’étudiants) et de 3 étages (21 chambres chacun, salles de bains, laverie, salle de travail).

Une esthétique dépouillée, d’une modernité tempérée

Les architectes de la Maison du Maroc ont conçu un bâtiment aux lignes simples, auquel seule la toiture de tuiles vertes apportent une touche d’exotisme, ainsi que certains détails décoratifs : zelliges de la porte d’entrée, dallage en mosaïque du hall, plafond de la salle des fêtes. Cet écho anecdotique aux arts traditionnels cohabite avec des références empruntées au Maroc moderne : le motif de la loggia scandée de piliers, au dernier étage du bâtiment d’angle, renvoie au couronnement, à usage de salon d’été, de nombreux immeubles casablancais construits à partir des années des années 1920. La façade Ouest appelle la comparaison avec l’agence du Crédit du Maroc, édifiée en 1947 par Edmond Brion dans la capitale économique du Protectorat. « D’une exécution conforme aux canons d’une architecture moderne», le bâtiment rompt avec le style néo-marocain utilisé jusqu’à la fin des années 1930 par l’architecte officiel de la Banque d’Etat du Maroc, par ailleurs associé d’Auguste Cadet, membre de l’équipe Prost et successeur de Laprade sur le chantier des Habous, en 1917. Il témoigne, comme la Maison du Maroc, de l’évolution stylistique propre à la génération d’architectes sollicités par les politiques d’équipement définies par Lyautey : cette évolution les conduit de l’esthétique « mauresque » mise au point sur les directives du Résident général, et mâtinée d’Art déco à partir de 1925, à un modernisme prudent qui caractérise leurs réalisations d’après-guerre.

« On aurait pu souhaiter », commente L’Architecture d’Aujourd’hui dans son numéro d’avril 1954, « pour voir représenté [le Maroc] au sein de la Cité universitaire de Paris, une réalisation d’un esprit moins traditionnaliste ». Car « on sait », poursuit-elle, « que l’architecture [du Protectorat] fait généralement preuve d’un excellent esprit moderne ». Diverses réalisations témoignent en effet de la capacité du Maroc à accueillir après 1945 « des démarches plus avancées que celles menées en France » à la même époque : ainsi les villas au langage californien de Jean-François Zévaco et de Wolfgang Ewreth à Casablanca ; les opérations expérimentales réalisées aux Carrières centrales par l’équipe de l’ATBAT-Afrique (immeubles Nid d’abeille et Sémiramis, de Georges Candilis et Shadrach Woods) ; ou les constructions du GAMMA (groupe d’architectes modernes marocains), branche à part entière des CIAM. Loin de ces directions avant-gardistes prises par l’architecture marocaine, la Maison du Maroc utilise un moderne aux accents académiques, rehaussé de quelques signes manifestant un ancrage local.

  • Toits
    tuile

Documents d'archives

  • 20090013/392-393 : construction, fonctionnement, plans,1950-1996.

    Archives nationales, Pierrefitte-sur-Seine
  • 20090013/1173 : création,1949-1957.

    Archives nationales, Pierrefitte-sur-Seine
  • 20090013/1174 : rénovation,1976-1986.

    Archives nationales, Pierrefitte-sur-Seine
  • 20090013/1175-1176 : création, fonctionnement,1946-1998.

    Archives nationales, Pierrefitte-sur-Seine

Bibliographie

  • Lemoine, Bertrand, La Cité internationale universitaire de Paris, Hervas,1990, 120 p.

  • Tarsot-Gillery, Sylviane, (dir) et alii, La Cité internationale universitaire de Paris. Architectures paysagées, L'Oeil d'or, 2010, 63 p.

  • Blanc, Brigitte, La Cité internationale universitaire de Paris, de la cité-jardin à la cité-monde, Lieux Dits, 2017, 390 p.

  • Labourdette, Régis, Kouam, Mohamed, "Fondation Maison du Maroc", Architectures de la Cité internationale universitaire de Paris, s. d.

Périodiques

  • "Maison du Maroc, A. Laprade, J. Vernon, B. Philippe, architectes", L'Architecture d'Aujourd'hui, avril 1954, p. 96-97.

  • "La réhabilitation de la Maison du Maroc", Citéculture, Cité internationale universitaire de Paris, 1er semestre 2008, n° 19, p. 5.

Date(s) d'enquête : 2012; Date(s) de rédaction : 2017
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