Quoique le Jardin du roi eût été fondé en 1635 pour y cultiver des plantes et y enseigner la botanique, l’enseignement anatomo-chirurgical y fut adjoint fort tôt puisqu’il y aurait été institué en application de la déclaration de décembre 1671 muant une des quatre chaires primitives de botanique en chaire d’anatomie et de chirurgie, et il y est bien attesté à partir du début de l’année 1673. Cet enseignement commença dès lors à y être dispensé, comme il était alors d’usage, par un professeur, toujours titulaire d’un doctorat en médecine, chargé de faire le cours magistral sur l’anatomie de l’homme et par un chirurgien chargé de l’illustrer par la dissection d’un corps, généralement celui d’un condamné à mort, sous les yeux de l’assistance. Les éminentes qualités pédagogiques du chirurgien, Pierre Dionis, commentant lui-même les dissections qu’il exécutait par un discours savant, joint à la gratuité des leçons ainsi qu’à l’usage pionnier du français comme langue d’enseignement (dans les facultés de médecine les leçons étaient données en latin), ne tardèrent pas à promouvoir le Jardin du roi comme institution la plus fréquentée de la capitale pour l’apprentissage de l’anatomie. La nomination du médecin Joseph-Guichard Duverney à la place de Dionis en 1680 allait accroître encore son rayonnement au point de lui assurer très vite une place prééminente à l’échelle non seulement française, mais même européenne.
Dès que ce cours d’anatomie eut été institué, on entreprit d’approprier une salle pour y accueillir les auditeurs, salle située selon toute vraisemblance dans le « château », le grand corps de logis bâti en bordure de la rue du Jardin-du-Roi une trentaine d'années plus tôt par le premier intendant du Jardin du roi, Guy de La Brosse, afin d’y abriter l’administration et les collections d’histoire naturelle. De fait, le 30 mai 1672, le menuisier Guillaume Barbier reçut un paiement de mil sept cents livres en rapport avec des travaux d’aménagement dans la salle dite des écoles. Cette salle s’avéra presque immédiatement trop exiguë devant l’affluence considérable des auditeurs. Aussi, lorsque Guy-Cressent Fagon devint archiatre (premier médecin du souverain) et intendant du Jardin du roi en 1693, ne tarda-t-il pas à aménager un amphithéâtre, d’une contenance double de la salle précédente qui en tenait lieu, soit six cents places contre deux cents à deux cents cinquante précédemment. Cet amphithéâtre fut établi, à l’instar du précédent, à l’intérieur d’un bâtiment préexistant, en raison du fait que, contrairement à ce qui semble bien avoir été envisagé, le pouvoir royal renonça à octroyer les fonds nécessaires à la construction d’un amphithéâtre digne d’une institution de fondation monarchique. Le bâtiment choisi pour y installer l’amphithéâtre, probablement une des dépendances primitives du « château », s’élevait le long de la rue du Jardin-du-Roi, entre l’entrée principale de l’établissement et la terrasse de la grande butte, soit immédiatement à gauche de cette entrée. Quoique les archives soient muettes sur la date d’exécution des travaux d’appropriation, ceux-ci se situent certainement après 1706 et très vraisemblablement avant la mort du roi Louis XIV en 1715 (Guy-Cressent Fagon cessa alors d’occuper la fonction d’archiatre), et donc autour de 1710. Un laboratoire de chimie fut immédiatement annexé à l’amphithéâtre et bâti juste à côté, directement adossé à la terrasse de la grande butte. L’installation de ce laboratoire résultait de la fondation en 1695, au Jardin du roi, d’une nouvelle chaire, la cinquième, qui porterait sur la chimie. Cet amphithéâtre de caractère vraisemblablement provisoire, comme l’avait été le précédent, ainsi que le laboratoire de chimie, demeureraient en fait en fonction jusqu’à la veille de la Révolution en raison du désintérêt relatif de la monarchie pour les institutions publiques à vocation scientifique.
Lorsque Georges-Louis-Marie Leclerc, futur comte de Buffon, fut nommé intendant en 1739 en remplacement de Charles-François de Cisternay Dufay, ancien officier et chimiste, par ailleurs premier intendant à ne pas occuper par ailleurs le poste d’archiatre, il ambitionna d’accroître l’étendue du Jardin et d’en reconstruire les bâtiments avec plus de magnificence. L’architecte en charge du Jardin des plantes, Doussin, élabora en 1747 un avant-projet prévoyant l’édification de nouvelles galeries pour abriter les collections, de serres et d’un amphithéâtre. Cet avant-projet reçut l’aval du contrôleur général des Finances, Jean-Baptiste de Machault d’Arnouville, mais fut jugé passablement étriqué eu égard aux espaces devenus nécessaires pour présenter des collections en rapide accroissement. L’architecte dressa en conséquence un second projet où les bâtiments s’ordonnaient autour d’une cour d’honneur carrée, de 65 toises de côté, ceinte d’un péristyle avec, dans l’axe de la composition, un imposant amphithéâtre d’anatomie comparée. Étaient répartis, sur le flanc droit de la cour, la nouvelle galerie destinée à loger le cabinet d’histoire naturelle, sur le flanc gauche, les deux bâtiments abritant respectivement laboratoire de chimie et école d’anatomie, ainsi que deux serres. Ce second projet reçut l’agrément du gouvernement qui accorda une allocation de quatre-vingt mille livres par an jusqu’à sa parfaite exécution. Pendant deux années consécutives, on travailla à une grande serre chaude avant que le versement de l’allocation accordée n’eût été définitivement suspendu, du fait des dépenses engendrées par le financement des opérations militaires liées à la guerre de Succession d’Autriche.
Privé de subsides, l’intendant se trouva contraint de renoncer à tout projet de caractère immobilier, et ce pour fort longtemps. Aussi, décida-t-il de privilégier désormais une politique d’achat et d’échange de propriétés dans l’intention d’étendre autant que possible le Jardin du roi dont les limites étaient demeurées inchangées depuis sa fondation en 1635. Cette politique d’extension, entamée en 1771 et menée très activement jusqu’en 1787, conduirait à faire passer la superficie du Jardin du roi de vingt et un à cinquante arpents (sept à dix-sept hectares). Ce fut sur une de ces propriétés qui comprenait une belle demeure dite hôtel de Magny et le jardin qui en dépendait, acquise le 18 juin 1787, la toute dernière des acquisitions, que l’intendant projeta l’édification d’un pavillon devant abriter l’amphithéâtre. Ce local serait conçu sur un plan plus vaste que l’ancien qui était devenu trop exigu pour contenir une assistance dont l’effectif se montait désormais à huit ou neuf cents auditeurs, dont une forte proportion d’étrangers, et qui, au surplus, tombait de vétusté. Une reconstruction sur l’emplacement de l’ancien amphithéâtre était résolument écartée en raison des nuisances sonores résultant de sa situation en bordure d’une rue très passante et donc bruyante. En sus, le terrain sur lequel s’élevait hôtel de Magny présentait pour Buffon l’avantage fort appréciable de donner sur la rue de Seine-Saint-Victor, actuellement rue Cuvier, ce qui permettait de disposer d’une liaison directe avec le quartier de l’Université, vivier des personnes studieuses susceptibles de fréquenter les leçons dispensées au Jardin du roi.
Compte tenu que Buffon déployait toujours la plus grande énergie en toutes ses entreprises, les plans de l’amphithéâtre durent être promptement établis par Edme Verniquet, le nouvel architecte du jardin du roi, sitôt conclu l’achat de l’hôtel de Magny, puis immédiatement approuvés par l’intendant. Le maître maçon, le sieur Lucas, et ses ouvriers purent ainsi se mettre à l’ouvrage dès le 15 juillet 1787, soit quatre semaines après l’achat de l’hôtel, en commençant par creuser les tranchées de fondation. Pour accélérer le déroulement des travaux, Buffon alla jusqu’à accroître le nombre des ouvriers actifs sur le chantier. En outre, il n’hésita point, selon ses habitudes, à défrayer les entrepreneurs sur sa cassette personnelle, en attendant d’être remboursé de ses avances par le Trésor royal. Ainsi, le 5 décembre 1787, il sollicita le remboursement d’une somme de 95 683 livres qu’il avait payée de ses propres deniers au maître maçon Lucas. Compte tenu de la médiocrité du sol, l’établissement des fondations prit cependant plus de temps que prévu : aussi la construction du gros œuvre fut-elle seulement achevée dans le courant du printemps 1788, et les finitions au début de l’été suivant où un entrepreneur, Nicolas Gayot, reçut, le 16 août 1788, un paiement de 165 919 livres, puis le 7 août, celui de 32 898 livres. Le bâtiment fut en état de recevoir le public dès le mois d’août 1788 et les cours de botanique et de chimie commencèrent aussitôt de s’y tenir. Toutefois, manquaient encore la lanterne vitrée conique devant coiffer l’ouverture zénithale pratiquée dans la calotte couvrant la salle en amphithéâtre ainsi que le piétement de la table tournante de dissection en marbre placée à l’aplomb de cette ouverture. Le serrurier Claude-Vincent Mille livra, le 17 février 1789, le piétement de cette table tournante puis, le 24 mars 1789, il installa l’armature métallique de la lanterne sur laquelle le vitrier Jérôme l’aîné fixa ensuite les plaques de verre devant en assurer clôture et étanchéité.
Les turbulences révolutionnaires affectèrent peu le Jardin du roi que l’on se borna, en un premier temps, à rebaptiser « Jardin national des plantes ». Par la suite, en dépit de la radicalisation politique qui allait conduire à la suppression de presque toutes les sociétés et académies scientifiques, littéraires et artistiques fondées sous l’Ancien Régime, le Jardin des plantes fut sauvé grâce à l’initiative de Joseph Lakanal, député à la Convention nationale, qui, craignant pour l’avenir de l’institution, présenta un projet de décret, adopté le 10 juin 1793, qui sanctionnait son existence en la renommant Muséum d’histoire naturelle. Bien que presque tous les membres du personnel eussent été maintenus en fonction sur les postes occupés précédemment, Edme Verniquet dut céder sa place à son confrère Jacques Molinos comme architecte de l’institution. Par la suite, le Muséum d’histoire naturelle bénéficia de nouveaux accroissements par rattachement de propriétés appartenant à des institutions circonvoisines supprimées. En outre, le Comité de Salut public lui manifesta sa bienveillance en rendant, le 8 ventôse an II (27 février 1794), un arrêté qui assignait un fonds de 40 000 livres pour la fourniture au Muséum d’histoire naturelle de machines, d’ustensiles et de matériaux destinés à parfaire l’installation d’un laboratoire pour la fabrication de poudre et de salpêtre. L’administration du Muséum décida pourtant d’employer les 40 000 livres qui lui étaient allouées à toute autre fin que celle de l’amélioration de la fabrication de poudre à canon. Aussi fit-elle dresser par Jacques Molinos un devis des ouvrages à exécuter au Muséum et dont l’essentiel porterait sur l’amphithéâtre.
L’architecte Molinos signa devis et marché de charpenterie le 9 germinal an II (29 mars 1794) avec le charpentier Guillaume pour un montant de 4 539 livres ; il signa pareillement le 19 germinal (8 avril 1794), ceux de maçonnerie avec Villain, entrepreneur de maçonnerie, pour un montant de 8 163 livres, puis les 24 thermidor (11 août 1794) et 27 fructidor (13 septembre 1794), deux marchés de menuiserie avec Marchand, menuisier, s’élevant respectivement à 4 489 livres et à 1 475 livres. Le même charpentier, Guillaume, réalisa en outre d’autres ouvrages de charpenterie pour un montant de 10 633 livres. Intervinrent en outre sur ce chantier : Mille, serrurier, pour 7 026 livres, Connétable, carreleur, pour 1 181 livres, Gaudelet, couvreur, pour 1 944 livres, Fortin, sculpteur, pour 600 livres, enfin Farcy, plombier, pour 475 livres. L’intervention de Molinos consista à abattre le mur de séparation entre salle de cours en hémicycle et laboratoire de chimie, ainsi qu’à supprimer les deux appartements qui s'étendaient au-dessus de ce laboratoire de manière à créer un espace intérieur unitaire. Il fit ensuite prolonger en ligne droite les gradins en hémicycle de la salle de cours conservée, ce qui leur conféra le tracé en U actuel. Contre la paroi faisant face à cet hémicycle distendu, il fit aménager un fourneau pour les expériences de chimie qu’il surmonta d’une hotte monumentale. Il fit exécuter, comme encadrement de cette hotte, un décor représentant le profil d’une pyramide à degrés au faîte de laquelle trônait une figure sculptée en faible relief, représentant la Nature personnifiée par la déesse égyptienne Isis assise sur un trône flanqué de deux animaux, mais ici figurée en fait sous les traits de la déesse grecque Artémis d’Éphèse polymastos, dite encore en latin multimammia en raison de sa poitrine constellée de seins. Ce fut pour l’exécution de ce décor figuré que l’on fit appel au sculpteur Augustin-Félix Fortin. Pour compenser la suppression du laboratoire, sacrifié à l’extension de la salle de cours, Molinos ajouta trois cabinets hors œuvre de plan en hémicycle, sur trois des quatre faces du pavillon, lesquels cabinets abritaient respectivement, le dépôt de la chimie (au revers du mur gouttereau mitoyen avec le fourneau), la salle de botanique et la salle de démonstration anatomique (reconnaissable à la présence d’une table de dissection).
Les travaux d’appropriation s’étalèrent entre la fin du mois de germinal an II (avril 1794) et celle du mois de fructidor an III (septembre 1795). Toutefois, les aménagements minimaux requis pour permettre à nouveau l’utilisation de l’amphithéâtre devaient être achevés à la fin du mois de nivôse an III (janvier 1795). Il s’agissait en effet de pouvoir disposer de la salle à l’occasion de l’ouverture des cours de l’École normale dont la fondation avait été prescrite par le décret de la Convention nationale du 9 brumaire an III (30 octobre 1794). Cette école, destinée à former des instituteurs pour l’ensemble des départements, se trouvait en effet en quête d’un local suffisamment spacieux pour pouvoir y asseoir la multitude de ses élèves, au nombre de mille quatre cents. Or les travaux d’aménagement de Molinos venaient de faire de l’amphithéâtre du Muséum la plus vaste salle de cours disponible dans la capitale. Aussi, un arrêté du Comité d’instruction publique du 28 frimaire an III (18 décembre 1794) décida-t-il de l’affectation de la salle aux leçons de l’École normale à titre provisoire. Des finitions de caractère indispensable restaient toutefois encore en suspens, aussi l’architecte Molinos fut-il tenu d’en hâter l’exécution : il venait déjà de procéder à la réception du décor sculpté de la hotte du fourneau le 5 frimaire an III (25 novembre 1794), puis à celle de la menuiserie des gradins le 17 frimaire an III (7 décembre 1794) ; il put enfin procéder à la réception des huisseries garnissant portes et croisées des trois cabinets de plan en hémicycle le 25 nivôse an III (14 janvier 1795). La séance inaugurale de l’École normale se tint le 1er pluviôse an III (20 janvier 1795) et la dernière leçon du cycle d’étude le 26 floréal an III (15 mai 1795). Durant ces douze semaines, les leçons furent réparties en soixante et une séances, à raison donc de cinq par semaine. Contrairement aux autres écoles supérieures fondées par la Convention nationale, celle-ci eut une durée de vie extrêmement brève puisque, après moins de quatre mois d’existence, elle cessa toute activité.
Après le départ des élèves de l’École normale, Molinos remit promptement ses ouvriers à l’ouvrage car la réalisation de certains aménagements, considérés comme moins urgents dans la perspective de l’affectation provisoire de l’amphithéâtre à des cours magistraux, avaient été différée : ainsi le rapport de l’architecte sur les carrelages fournis et posés au Jardin national des plantes est daté du 12 fructidor an III (29 août 1795) et celui sur les travaux de plomberie, du 29 fructidor an III (15 septembre 1795). L’intervention d’un plombier est vraisemblablement à mettre en relation avec l’installation d’une adduction d’eau, indispensable non seulement au fonctionnement des leçons de chimie, mais encore et surtout au maintien de la propreté et de bonnes conditions d’hygiène lors des cours d'anatomie comportant des dissections de cadavres. Quant à la pose de carrelage, elle concernait vraisemblablement le sol des trois cabinets qui venaient d’être ajoutés comme annexes de la grande salle de cours.
Le pavillon de l’amphithéâtre n’a guère subi d’intervention notable sur ses élévations extérieures depuis les transformations de Molinos en 1794. L’intérieur demeura pratiquement inchangé jusque dans la période de l’entre-deux-guerres où l’on reconstruisit en béton armé la structure porteuse de la cavea qui était probablement, à l’origine, en charpente. Au tournant des XXe et XXe siècles, on entreprit une importante rénovation intérieure afin de doter l’amphithéâtre des équipements techniques jugés indispensable à une salle de conférence moderne. A cette occasion, l’ouverture zénithale de l’amphithéâtre fut obturée, même si la lanterne sommitale sus-jacente était conservée, et, pour assurer désormais un bon éclairage, on installa une couronne de lampes suspendue au beau milieu du plafond de la salle.
Chercheur dans le Service du patrimoine culturel de la Région Hauts-de-France (Nord-Pas-de-Calais-Picardie)