Dossier d’œuvre architecture IA95000573 | Réalisé par
Philippe Emmanuelle (Rédacteur)
Philippe Emmanuelle

Conservateur du patrimoine, Région Île-de-France, service Patrimoines et Inventaire.

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  • opération ponctuelle
L'Axe Majeur
Œuvre étudiée

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Ile-de-France
  • Commune Cergy
  • Adresse 5 rue de l'Esplanade de Paris
  • Dénominations
    promenade
  • Précision dénomination
    œuvre d'art dans l'espace public

Tout à la fois composition paysagère, parcours artistique et espace public, l'Axe Majeur de Cergy-Pontoise s'étend sur plus de 3 km, principalement sur la commune de Cergy mais également sur celle de Neuville-sur-Oise. La propriété de cette œuvre unique est partagée entre trois collectivités : la Communauté d'Agglomération de Cergy-Pontoise (neuf stations sur douze), la Région Île-de-France (pour la partie base de loisirs- "île astronomique") et le département du Val-d'Oise (le "carrefour de Han").

Elle est composée de douze stations, incluant une tour penchée, douze colonnes, un amphithéâtre, un bassin, une passerelle, une île astronomique ou encore une pyramide et un rayon laser survolant l'ensemble. L'ordre de ces stations correspond à leur position géographique, depuis la place Hubert Renaud située dans le quartier des Hauts de Saint-Christophe jusqu'au carrefour de Ham, qui marque l'entrée de Cergy-Pontoise depuis la Confluence Seine-Oise.

Cette commande hors norme, lancée en 1980 est le fruit de la rencontre entre un urbaniste (Michel Jaouën), un site (la colline de Saint-Christophe et un méandre de l'Oise), des volontés politiques convergentes et le travail d'un artiste israélien, le sculpteur Dani Karavan (1930-2021). Devenu l'image de la ville nouvelle de Cergy-Pontoise et l'un des symboles de l'art public en France et dans le monde, ce qui, dans les premières études d'aménagement, n'est encore désigné que sous le nom de "grande promenade", est une véritable séquence paysagère forgée par Karavan, conduisant le regard du promeneur jusqu'à La Défense, Paris et au-delà le Mont Valérien.

S'inscrivant dans la tradition des jardins à la française et des terrasses-belvédères d'Île-de-France (Saint-Cloud, Saint-Germain-en-Laye), cette œuvre d'art totale est à taille cosmique et à taille humaine.

A l'origine de cette aventure singulière réside la lettre que Michel Jaouën, l'un des urbanistes de la ville nouvelle de Cergy-Pontoise, écrit en 1980 à Dani Karavan, retranscrite ici : "L'Oise dans son passage par la ville nouvelle forme un méandre dont le dessin a déterminé le parti d'implantation des différents quartiers. Une symétrie naturelle du site se dessine. Nous souhaitons la marquer au travers de toute la partie centrale de la ville occupée par un parc et des étangs en cours de réalisation. L'intention première consiste à accentuer de point en point le rappel d'un axe artificiel. Depuis le Parc de Neuville, en perçant une grande allée semblable aux percées des forêts royales de l'Île-de-France, cet axe passe par les étangs de Neuville où, ici une île, là un promontoire ou un alignement, s'inscrivent dans cette direction pour terminer sur les coteaux de l'Oise aux franges du quartier de Puiseux où cette direction inscrite dans la végétation marque le fond de l'amphithéâtre formé par la rivière" [1].

[1] MOLLARD, Claude. La saga de l'Axe Majeur, Dani Karavan à Cergy-Pontoise, Paris, Beaux-Arts éditions, 2011, p. 13.

L’historique de l’Axe majeur

Un ancrage dans le grand paysage

« Le paysage est le résultat d’un très long, d’un très patient commerce entre les hommes et la nature. Au cours des siècles, par une succession ininterrompue de retouches légères, il s’est construit, paisiblement. À nous, hommes des villes, le paysage est devenu indispensable, comme une ressource de liberté et d’équilibre. Nous le savons fragile et nous y tenons comme à la prunelle de nos yeux, surtout lorsqu’il a résisté miraculeusement aux agressions des banlieues, comme c’est le cas de celui qui se déploie, superbe, depuis les hauteurs de Cergy-Pontoise. (…) » Georges Duby, historien, membre de l’Académie française

Un méandre, une ville

« Le cas de Cergy-Pontoise est à bien des égards unique, ne serait-ce que par la beauté du site de la vallée de l’Oise dans lequel la ville a été implantée et par la force du travail de Dani Karavan, mais si la ville a pu s’édifier dans la durée au travers de l’accumulation de ses quartiers et de ses édifices publics, c’est aussi parce qu’elle a fait l’objet d’une stratégie déterminée de composition urbaine. Bertrand Warnier, Michel Jaouën et les équipes à l’oeuvre depuis le début des années 1970 n’ont pas suivi la démarche de beaucoup d’urbanistes modernes consistant à édifier la ville à partir d’un tracé monumental initial. » Jean Louis Cohen, historien, professeur au Collège de France

À l’origine le projet d’une ville, l’Oise, des étangs, un site de méandre. Le premier aménageur, celui du site, a été la rivière. Elle a légué au second aménageur, celui de la ville, le premier matériau du paysage : l’eau. Elle a également creusé pour lui un immense amphithéâtre boisé sur les derniers rangs duquel il a assis les franges de chacun de ses nouveaux quartiers. Ce choix d’implantation n’a pas été un hasard mais bien une prise en compte du « grand paysage », le paysage existant.

Le jeu des différences de niveaux et la préservation de la boucle de l’Oise font que chaque point du site est au contact visuel avec l’ensemble. Il est donc possible, tout en conservant l’unité de la ville, de séparer chacun des quartiers en prolongeant ou accentuant les tendances naturelles : ici le boisement d’un thalweg rejoint la forêt proche, là un promontoire est mis en évidence par la préservation d’un glacis. Des axes de vue et des situations de belvédère sont préservés. Des corridors écologiques sont maintenus au travers d’une trame végétale ou boisée, assurant des connexions entre les réservoirs de biodiversité aquatiques et terrestres aux portes du Vexin français. Cette trame est ponctuée de quelques points forts d’un aménagement plus sophistiqué : les parcs. Par leur présence, l’espace vert ne reste pas homogène, il prend là une allure moins naturelle. Ce ne sont pas les grands jardins classiques ou romantiques, mais une recherche de contrastes et d’effets visuels sensibles. Ils sont au contact des zones les plus habitées.

Au sommet du méandre que forme l’Oise avant de se rendre à la Seine, il y a là un lieu que la topographie distingue sur le site de Cergy-Pontoise, un lieu rare à mettre en valeur : il s’ouvre à la vue de Paris et d’une grande partie de la géographie de l’Île-de-France. Les urbanistes cherchent alors à faire entrer le paysage de la boucle de l’Oise dans le quartier en devenir (il s’appelait alors « Cergy-St-Christophe »), à faire de ce panorama vers Paris et l’Île-de-France un bien commun des habitants, à inscrire ce parc dans le réseau de continuités écologiques de proximité qui se déploie dans l’ensemble de l’agglomération, à relier le plateau en tête du méandre aux étangs du centre de la boucle de l’Oise par des cheminements piétons, à créer un lieu emblématique de la ville. Ce qui est encore nommé dans les études « la grande promenade » deviendra l’Axe majeur.

Un sculpteur du paysage pour l’Axe majeur

« Esplanade en terrasse, escaliers, bassin : par la séquence qu’il crée dans la géographie de l’Oise, Karavan retrouve les thèmes spatiaux chers à Le Nôtre qu’il comprend à l’épreuve du terrain et livre à l’expérience sensible du promeneur. » Georges Farhat, commissaire de l’exposition « André Le Nôtre en perspectives, 1613-2013», Associate Professor à l’université de Toronto.

Le temps de la réalisation arrive. Nous sommes maintenant en 1980. À quel paysagiste en confier la maîtrise d’œuvre ? Le temps des marchés publics n’est pas encore là. Le choix est ouvert, et sans consultation préalable obligatoire.

C’est alors que la rencontre du travail d’un artiste pour une exposition, deux ans plus tôt à Florence, fait apparaitre une évidence : c’est avec lui que le projet doit être mis en œuvre.

Dani Karavan est un artiste qui travaille in situ, qui installe son œuvre dans le paysage et l’ancre dans son histoire. Ses intentions sont sans démonstration ostensible. Son esthétique de la mesure et de l’épure sont assimilables par tous.

À Florence, il propose un regard sur un paysage urbain exceptionnel. À Cergy-Pontoise, il saura révéler le grand paysage de la boucle du l’Oise. Les urbanistes ont choisi de travailler avec un artiste, avec cet artiste. L’un et les autres devaient nécessairement entamer un dialogue. Il a été aisé et fructueux. Claude Mollard le définit comme la rencontre de deux imaginaires. La commande est simple : elle reprend les intentions que s’étaient donnés les urbanistes. Dani Karavan a la liberté artistique de les interpréter.

Une réalisation de longue durée

« Au titre des qualités, il convient de voir l’Axe majeur, enfin, comme une création ayant partie liée avec le temps. Projet ancré dans la longue durée, impossible à marier avec l’immédiateté, exigeant de la part de ses promoteurs engagement et détermination, cette réalisation hors norme n’est pas sans opposer sa matière encore en devenir au culte de la jouissance instantanée devenu notre ordinaire culturel. Cet aspect n’est pas le moins notoire de l’œuvre. » Paul Ardenne, auteur et critique d’art.

Les enjeux spatiaux sont donc déterminés, le cadre de l’intervention fixé. Les enjeux temporels le sont moins. La volonté de réaliser l’ensemble du projet en quelques années se heurte aux aléas économiques du développement urbain. Le projet devra s’y adapter. Ce qui a pu être une difficulté peut aussi aujourd’hui être perçu comme une qualité : la possibilité d’enrichir sa conception selon l’évolution de la ville et des pratiques de l’espace public.

Un autre enjeu, d’ordre relationnel, propre au contexte d’une ville en construction a dû être pris en compte : les projets de construction périphériques étaient parfois définis, d’autres fois encore à venir. Dani Karavan a dû progressivement les prendre en compte et adapter le projet à l’évolution de l’environnement urbain.

Trente-cinq ans sont passés depuis le début de l’intervention de l’artiste. Et l’œuvre n’est pas terminée. Certes son parcours – tour, jardins, esplanade, colonnes, terrasses, bassin, amphithéâtre, passerelle, le sont. Pour compléter l’Axe majeur la séquence aquatique, au cœur des étangs du centre la boucle de l’Oise et le promontoire de Ham qui permettra une inversion de la vue vers un panorama tout autant spectaculaire que celui qui est visible depuis l’esplanade de Paris, sont encore à venir. Il peut y avoir l’impatience d’aller vers la fin de la réalisation – et d’ailleurs a-t-elle une fin ? N’oublions pas que la Place du Capitole, avec son grand escalier descendant de l’une des sept collines de Rome, conçue par Michel-Ange au XVIe siècle n’a été terminée qu’au début du XXe siècle.

La réalisation de l’Axe majeur a bénéficié, depuis l’origine en 1980, des soutiens financiers du Ministère de la Culture, du Ministre de l’Équipement, de la Région Île de France, du Conseil départemental du Val d’Oise, de la Communauté d’Agglomération de Cergy-Pontoise, de l’EPA Cergy-Pontoise et de nombreux mécènes publics ou privés.

L’Axe majeur est à la fois une composition paysagère, un parcours artistique et un espace public. Il s’étend principalement sur la commune de Cergy. La station finale est située sur la commune de Neuville-sur-Oise.

Douze stations jalonnent ce parcours-paysage, naturel et humain :

1. La Tour Belvédère

2. La place Hubert Renaud et le rayon laser

3. Le verger des Impressionnistes - Camille Pissarro

4. L'esplanade de Paris

5. Les douze colonnes et la terrasse

6. Les jardins des Droits de l'Homme-Pierre Mendès France

7. L'amphithéâtre Gérard-Philipe

8. La scène et le bassin

9. La passerelle

10. L'île astronomique

11. La pyramide

12. Le carrefour de Ham

  • Statut de la propriété
    propriété publique, La propriété de l’œuvre est partagée entre trois collectivités, du nord au sud : la Communauté d’Agglomération de Cergy-Pontoise pour l’essentiel (neuf stations sur douze), la Région Ile de France (île astronomique, sur la base de loisirs régionale), le Département du Val d’Oise ("carrefour de Ham").
  • Précisions sur la protection

    L'Axe Majeur a été labellisé "patrimoine d'intérêt régional" par le Conseil régional d'Île-de-France lors de la Commission permanente du 1er juillet 2020.

    En 2022, cette réalisation a également reçu le label "Architecture contemporaine remarquable" (ACR) décerné par le ministère de la Culture.

Bibliographie

  • MOLLARD, Claude. La saga de l'Axe Majeur, Dani Karavan à Cergy-Pontoise, Paris, Beaux-Arts éditions, 2011, 240 p.

Date(s) d'enquête : 2021; Date(s) de rédaction : 2023
(c) Région Ile-de-France - Inventaire général du patrimoine culturel
Philippe Emmanuelle
Philippe Emmanuelle

Conservateur du patrimoine, Région Île-de-France, service Patrimoines et Inventaire.

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