Dossier d’œuvre architecture IA93001063 | Réalisé par
Caroux Hélène (Rédacteur)
Caroux Hélène

Docteure en histoire de l'architecture de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne depuis 2004 et chercheuse au Bureau du Patrimoine contemporain du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis

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Philippe Emmanuelle (Contributeur)
Philippe Emmanuelle

Conservateur du patrimoine, Région Île-de-France, service Patrimoines et Inventaire.

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  • enquête thématique régionale, Architectures du sport en Ile-de-France
Ancienne piscine municipale de Saint-Denis
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Augustin Dupuid, Région Île-de-France

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton aire d'étude de la région Ile-de-France
  • Commune Saint-Denis
  • Adresse 3 boulevard Félix Faure
  • Cadastre 2020 OV 0053
  • Dénominations
    piscine
  • Parties constituantes non étudiées
    bains douches

Edifiée dans les années 1930 sur les plans de l’architecte Gaston Dollat, la piscine municipale de Saint-Denis s’inscrit dans la lignée de la piscine de la Butte-aux-Cailles (Paris, 13ème) de Louis Bonnier, devenue l’édifice de référence dès sa construction en 1921. Elle en reprend les principales caractéristiques : cuve de béton armé sur piles pour le bassin (dissociation structurelle), revêtement céramique pour parachever l’étanchéité (selon une inspiration hygiéniste), arcs-doubleaux de la charpente en béton armé, éclairage et ventilation par les haut-jours (hygiène et qualités spatiales). Le plan de circulation est conçu selon des considérations programmatiques et sanitaires : le circuit du public jusqu’au bassin, notamment, est dissocié de celui de la tribune.

La piscine municipale de Saint-Denis témoigne d’une politique publique socio-hygiéniste volontariste qui s’est appuyée dans les années 1930 sur le courant Art Déco. L’ouvrage possède une dimension iconique : jusque dans les années 1990, ce bâtiment fut le repère pour toute une population, un lieu vivant et accessible qui a marqué l’imaginaire collectif tout en participant à la cohésion sociale du territoire. L’espace intérieur de cette ancienne piscine municipale s’impose par la majesté de son volume et son potentiel de réutilisation.

Désaffectée depuis 1988 et remplacée par un centre nautique plus moderne (la Baleine), l'ancienne piscine municipale de Saint-Denis a fermé ses portes en 1996.

En octobre 2016, elle a été désignée par la Métropole du Grand Paris comme l'un des 61 sites franciliens de l'appel à projets d'aménagement "Inventons la Métropole du Grand Paris". La ville souhaitait en faire un espace "dédié aux échanges et à la création artistique et culturelle".

Tout en conservant le bassin et la façade extérieure réhabilités, le projet lauréat, baptisé "Grand Bassin" (Jung architectures, Encore Heureux architecte, sous la maîtrise d'ouvrage de Vinci Immo et Cultplace), transforme le bâtiment existant en un lieu culturel de 2500 m2 et le surmonte d’un nouveau volume en bois destiné à des logements.

Ainsi que l'explique Antoine Le Bas, "l'invention de la piscine comme espace sportif relève moins d'une tardive redécouverte de la civilisation antique que d'une lente évolution de pratiques urbaines dont la conjonction aboutira à notre conception moderne du sport" [1]. Avant que la natation ne soit érigée au rang de "sport", sa pratique n'est que rarement liée à l'apprentissage d'une technique pour se prémunir de la noyade ; c'est une activité dont la motivation est d'abord hygiénique, parfois ludique, voire les deux. A Paris, cette hygiène passe par les bains pris dans la Seine, qui, tout au long du XVIIIe siècle, s'organisent progressivement pour donner naissance à des lieux dédiés, fermés, notamment pour séparer les sexes et limiter les effets du courant. L'interdiction en 1783 (ordonnance de police du 3 juin) de la baignade en eau libre dans la capitale intra-muros accélère cette transition vers des constructions en "dur". Sous l'effet d'une ségrégation sociale croissante et avec le progrès de sentiments tels que la pudeur, on distingue à Paris, à la fin de l'Ancien Régime, des bains populaires et collectifs et de l'autre, des bains individuels réservés à une clientèle aisée. "La première moitié du XIXe siècle voit se multiplier des bains collectifs et des écoles de natation constituées de plusieurs nefs" [2]. Ce sont alors des bassins rectangulaires, délimités par des palissades les protégeant des regards, ceints d'une galerie intérieure portée par de fines colonnes de bois, entourés de cabines et dotés de baignoires. Ils sont portés par des embarcations assemblées et amarrées aux quais - comme les célèbres "bains Deligny" (qui coulèrent en 1993). Dès 1860, ils sont concurrencés par des installations de bains chauds, hors rivière, dont l'apparition est liée à l'extension du réseau d'alimentation en eau perfectionné par l'ingénieur Belgrand. D'initiative privée, ces établissements (aux appellations multiples : bains turcs, bains russes, bains Tivoli, etc. [3]) proposent des bains divers (de siège, complet, étuves, saunas...), des services médicinaux (hydrothérapie, inhalations, fumigations) et parfois un bassin de natation, couvert donc utilisable toute l'année. A mesure que se propage dans la société les préoccupations hygiénistes (lutter contre la propagation des épidémies et prévenir les maladies) voit enfin le jour une dernière catégorie, celle des bains-douches, selon la technique d'ablution mise au point à la prison de Rouen par le docteur François Merry Delabost en 1872 [4]. En 1879, la natation est déclarée obligatoire dans les écoles et les armées car elle est désormais perçue comme un exercice musculaire bénéfique pour la santé. Pour permettre une utilisation en toute saison, avec une couverture et une eau chauffée, des piscines voient donc le jour dès la fin du XIXe siècle. La première, alimentée par l’eau de condensation des machines élévatoires de la Villette, est inaugurée en 1884 par l’entrepreneur Paul Christmann rue du Château-Landon, dans le 10e arrondissement. En suivront dès lors beaucoup d’autres, notamment dans la proche banlieue.

La piscine municipale de Saint-Denis est ainsi inaugurée en 1933.

[1] LE BAS, Antoine, "Des piscines et des villes : genèse et développement d'un équipement de loisir", Histoire urbaine, n° 1, juin 2000, p. 146 (en ligne).

[2] Idem.

[3] Idem., p. 147.

[4] PHILIPPE, Emmanuelle, "Les bains-douches municipaux de la ville de Paris", dossier d'inventaire thématique IA75000310, 2017, en ligne.

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[L'historique qui suit est extrait de la notice de l'Atlas de l'Architecture et du Patrimoine de la Seine-Saint-Denis, rédigée par Hélène Caroux, entre 2013 et 2018]

Inaugurée le 1er octobre 1933 devant près de 30 000 travailleurs, la piscine du boulevard Félix-Faure, est le premier équipement de ce type construit dans la banlieue du nord-est de Paris. Inspirée de la piscine de la Butte-aux-Cailles, équipement innovant édifié à Paris en 1924, elle illustre les nouvelles préoccupations hygiénistes dans ce domaine et contribue à l’époque à faire de Saint-Denis l’une des villes les mieux dotées en équipements.

HYGIÈNE ET LOISIRS, UNE PRÉOCCUPATION DÉJÀ ANCIENNE

La détermination de la Ville de Saint-Denis à se doter d’un tel équipement remonte à la fin du XIXe siècle. Dès 1896, à la suite de la décision prise en séance du 20 octobre d’installer une piscine municipale comme il en existe à Paris (Château-Landon 1884, boulevard de la Gare 1895...), une commission présidée par l’architecte Ed. Blanchard, également adjoint au maire, est en charge d’étudier ce projet. Pour les conseillers municipaux, l’établissement d’une telle piscine « où les bains [sont] gratuits [permettrait] de rendre de grands services à la population ouvrière en lui permettant de se donner les soins hygiéniques qui deviennent un véritable délassement pour l’ouvrier enfermé toute la semaine et aussi pour les enfants de nos écoles » (AMSD 1D1045, CR du 20 octobre 1896, pp.116-117). Le site pressenti pour l’établissement de ces bains populaires et d‘une école de natation à eau chaude d’hiver et d’été se trouve près de la Porte de Paris à proximité du canal dont l’eau devait alimenter le bassin. Confié à l’ingénieur Edmond Philippe, auteur notamment de plusieurs bains-douches populaires à Lille, Armentières, Douai ou encore Roubaix, ce projet reste cependant sans suite jusqu’en 1914.

LES ALÉAS DU PROJET DE PISCINE

Dans les années 1910, la Ville invite tous les architectes de Saint-Denis à concourir pour la construction d’une nouvelle piscine. « Mais au mépris des engagements pris, une faveur avait été accordé à l’un d’entre eux et avait été chargé de poursuivre l’étude seul » [lettre de H. Demougeot, 5 mai 1928, AMSD 6M6]. Celle-ci avait en effet été confiée à Paul Moulin, architecte qui venait de terminer la Poste rue de la République. Cependant, la guerre puis son décès prématuré en 1927 ajourne une nouvelle fois la construction. Le maire décide alors de remettre en compétition le projet. Trois architectes dionysiens sont sollicités : Henri Grosmèche, architecte gérant du cabinet de feu Paul Moulin, Henri Demougeot et Gaston Dollat.

Réuni le 11 juillet 1928, le jury est composé de Roger-Henri Expert, professeur à l’École nationale des Beaux-Arts, M. Payret-Dortail, Architecte en chef de l’office HBM du département de la Seine, M. Gautier de la Guilde des Techniciens-conseils et de Louis Bonnier, Inspecteur général honoraire des services techniques d’Architecture et d’esthétique et de l’extension de Paris mais surtout architecte de la nouvelle piscine de la Butte-aux-Cailles à Paris (Paris, 13e). Leur choix se porte sur le projet de Gaston Dollat qui en de nombreux points s’inspire de la piscine construite quatre ans plus tôt par L. Bonnier.

APRÈS GUERRE, DE LA MUNICIPALISATION À LA FERMETURE

Gérée par un concessionnaire privé jusqu’en 1946, date à laquelle la Ville en assure la gestion directe, la piscine fait l’objet de nombreux travaux (changement des châssis métalliques, changement de système de chauffage, ajout d’un corps de bâtiment en façade pour abriter un escalier, modification des ouvertures…) jusqu’à son abandon en 1988, en raison des nouvelles normes sanitaires. La Ville privilégia alors la construction d’un bâtiment neuf, le centre nautique « La Baleine » édifié non loin du boulevard Félix-Faure, rue Jean-Moulin.

PRÉSERVATION ET RECONVERSION

Bien que sans affectation depuis plus de vingt ans, cette piscine est protégée au titre du Plan Local d’Urbanisme (PLU) par la Ville de Saint-Denis en 2015, puis proposée dans le cadre de l’appel à projets "Inventons la métropole du Grand Paris" en 2016. Tout en conservant le grand bassin et la façade extérieure réhabilités, le projet lauréat (Jung architectures, Encore Heureux architecte) transforme le bâtiment existant en un lieu culturel et le surmonte d’un nouveau volume en bois destiné à des logements.

[La description qui suit est extraite de la notice de l'Atlas de l'Architecture et du Patrimoine de la Seine-Saint-Denis, rédigée par Hélène Caroux, entre 2013 et 2018]

Le terrain retenu pour la construction de la piscine de Saint-Denis se situe sur le boulevard Félix-Faure en plein centre de l’agglomération, à côté du groupe scolaire éponyme et à l’emplacement d’une machine élévatoire des eaux désaffectée depuis le début des années 1920.

Le parti adopté, nettement dissymétrique, propose deux corps de bâtiments contigus.

Le premier, sur rue, rectangulaire et réparti sur 6 niveaux (3 sous-sol, R + 2), accueillait les salles de déshabillage, soit 146 cabines sur 3 niveaux, ainsi que les douches.

Le second, surmonté d’une voûte, est réservé au bassin d’une dimension de 33 x 11, 50 m. (celle de la Butte-aux-Cailles mesure 33 x 13 m.) afin de permettre les entraînements sportifs. Ce dispositif innovant et hygiénique avait été inauguré à la Butte-aux-Cailles quelques années auparavant. Il avait pour avantage de proposer un circuit imposé aux baigneurs limitant ainsi la surveillance et de donner au bassin un maximum de surface. Autre analogie avec la piscine construite à Paris, l’usage d’arcs doubleaux qui soutiennent la voûte. Construite en béton armé avec remplissage en brique et soubassement en meulière, la façade fut ensuite enduite en ciment pierre et une inscription en mosaïque fut apposée sur la façade au dessus de la porte d’entrée. Les fondations se composent d’une « série de 52 pieux explosés en béton armé, système « Francki » (L’Emancipation, 30 septembre 1933, p.2).

Sur le mur du fond de la piscine se trouve une fresque abstraite en mosaïque réalisée en 1980 par l'artiste Francesca.

  • Toits
    béton en couverture
  • Plans
    plan rectangulaire régulier
  • Élévations extérieures
    élévation ordonnancée sans travées
  • Statut de la propriété
    propriété de la commune
  • Intérêt de l'œuvre
    à signaler
  • Protections

  • Précisions sur la protection

    Cette piscine a été labellisée "patrimoine d'Intérêt régional" par le Conseil régional d'Île-de-France en commission permanente du 21 novembre 2018.

Bibliographie

  • CAROUX, Hélène (et alii), Sport et architecture en Seine-Saint-Denis. Les équipements sportifs de la banlieue du Nord-Est parisien (XIXe – XXe siècle), Collection Dominique Carré Paris, La Découverte, 2017.

  • CAROUX, Hélène & JUNGERS, Solange, Piscines en Seine-Saint-Denis 1933-1997, des bords de Marne aux centres nautiques, Patrimoine en Seine-Saint-Denis n°8, Départements de la Seine-Saint-Denis, Direction de la culture, de la jeunesse et du sport, bureau du patrimoine, 2005.

    p. 3
Date(s) d'enquête : 2021; Date(s) de rédaction : 2022, 2024
(c) Région Ile-de-France - Inventaire général du patrimoine culturel
Caroux Hélène
Caroux Hélène

Docteure en histoire de l'architecture de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne depuis 2004 et chercheuse au Bureau du Patrimoine contemporain du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis

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Philippe Emmanuelle
Philippe Emmanuelle

Conservateur du patrimoine, Région Île-de-France, service Patrimoines et Inventaire.

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