• enquête thématique régionale, Architectures du sport en Ile-de-France
Stade nautique Gabriel Menut
Œuvre étudiée

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Ile-de-France
  • Commune Corbeil-Essonnes
  • Adresse 46 Rue du Bas Coudray
  • Dénominations
    piscine
  • Genre
    communal
  • Appellations
    Gabriel Menut

A Corbeil, on se baigne dans la Seine depuis le XIXe siècle. L’engouement pour les loisirs aquatiques prenant de l’ampleur au début du XXe siècle, une baignade artificielle est aménagée sur la Seine dans les années 1930, gérée par le capitaine Gabriel Menut, qui obtient un franc succès jusque dans les années 1960. Néanmoins, en cette période d’expansion démographique exceptionnelle (la population de Corbeil est multipliée par trois entre 1946 et 1968), l’absence d’équipements sportifs d’ampleur dans la commune se fait cruellement sentir. A l’aune de ce constat et encouragée par les incitations de l’Etat en matière d’équipements sportifs, la municipalité communiste de Corbeil-Essonnes décide en 1963 la construction d’une piscine à proximité de la plage artificielle, sur les terrains de la « Digue à Radot ». Dans un premier temps, les ingénieurs de la ville sont mis à contribution et imaginent un vaste centre sportif comprenant des installations nautiques, voire un port, des terrains de sport, un gymnase, une piscine couverte, une autre en plein-air. Faute de financement, seules les piscines seront réalisées.

Afin de concevoir ce stade nautique, la municipalité fait appel en 1964 à Paul Chemetov et Jean Deroche, membres de l’AUA (Atelier d’urbanisme et d’architecture). L’atelier fondé en 1960 est alors particulièrement sollicité par les communes de la « banlieue rouge » pour son engagement dans l’architecture sociale. Chemetov et Deroche s’adjoignent l’expertise de Miroslav Kostanjévac, ingénieur collaborant régulièrement avec l’AUA. Les trois hommes mettent au point leur avant-projet entre 1964 et 1965, considérant cette piscine comme le prototype d’un équipement qui pourra ensuite être industrialisé et reproduit dans toute la France. Néanmoins, leur plan-type ne reçoit pas l’agrément tant espéré du Secrétariat d’Etat à la Jeunesse et aux Sports, étant considéré comme démesuré à l’heure où la demande massive d’équipements exige des modèles économiques et adaptables. Ainsi, faute de subventions de l’Etat, la commune poursuit le projet en supportant l’intégralité du financement. Les travaux commencent en 1966 pour une durée de 11 mois et le « plus grand stade nautique d’Ile-de-France » est ouvert le 14 juillet 1967 recevant alors plus de 5 000 baigneurs dans le week-end. Malgré l’absence d’agrément de l’Etat, plusieurs collectivités séduites par le stade nautique de Corbeil-Essonnes font appel à l’AUA pour la construction d’une piscine du même modèle : entre 1967 et 1972, quatre autres piscines sortent de terre à Argenteuil, Champigny-sur-Marne, Châtillon-Malakoff et Epinay-sur-Seine (détruite).

La particularité du stade nautique de Corbeil-Essonnes tient dans la multiplicité des bassins, s’adaptant à tous les âges de la vie et à chaque discipline sportive : une pataugeoire, un bassin d’initiation, un bassin sportif, un bassin olympique extérieur et une fosse à plonger dotée de trois plongeoirs en béton. Il s’agit ainsi du premier ensemble nautique à cinq bassins et du plus grand complexe aquatique de France lors de son inauguration. Édifiée sur une structure en béton armé laissé brut en façade (aujourd’hui peint), la piscine est dotée d’une remarquable charpente en bois lamellé-collé soutenant une toiture en ardoise dont les deux pans sont décalés afin de ménager un vaste lanterneau éclairant zénithalement les bassins. Une lumière tamisée et colorée provient du pignon occidental. Ce « mur-lumière » de François Chapuis, en résine de polyester translucide teintée dans la masse, évoquant l’art du vitrail, rappelle la volonté de synthèse des arts et l’audace dont font ici preuve les architectes. En effet, le stade nautique de Corbeil-Essonnes est un véritable terrain d’expérimentation architecturale pour Chemetov et Deroche qui mettent en œuvre des dispositifs techniques particulièrement novateurs : la charpente en bois lamellé-collé de 35 m de portée, les bassins en acier portés par des structures en béton armé inspirés de la construction navale ainsi que les parois en briques perforées et les pignons en polyester absorbant le son.

Particulièrement commenté par la presse architecturale lors de sa construction, le stade nautique de Corbeil-Essonnes constitue l’une des œuvres majeures de l’AUA, dont les qualités esthétiques et techniques sont unanimement saluées. En 2008, afin de s’adapter aux pratiques des nageurs, le bassin olympique extérieur est remplacé par un bassin en inox et couvert par un toit rétractable par Baptiste Rahard, englobant les gradins d’origine et s’insérant harmonieusement avec les volumes existants. Enfin, en 2023, le stade nautique reçoit le label « Architecture contemporaine remarquable », décerné par le ministère de la Culture.

  • Statut de la propriété
    propriété de la commune
  • Intérêt de l'œuvre
    à signaler

Bibliographie

  • Mandoul, Thierry, Sports, portrait d'une métropole, Paris, Editions du pavillon de l'Arsenal, 2014.

    p.41

Périodiques

  • "Stade nautique de Corbeil", dans Techniques et architecture, 1967, n°5, pp. 90-95.

    pp.90-95
Date(s) d'enquête : 2021; Date(s) de rédaction : 2022, 2024