Dossier d’œuvre architecture IA93001074 | Réalisé par
Caroux Hélène (Rédacteur)
Caroux Hélène

Docteure en histoire de l'architecture de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne depuis 2004 et chercheuse au Bureau du Patrimoine contemporain du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis

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Philippe Emmanuelle (Rédacteur)
Philippe Emmanuelle

Conservateur du patrimoine, Région Île-de-France, service Patrimoines et Inventaire.

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  • enquête thématique régionale
Lycée Albert-Schweitzer
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Région Ile-de-France - Inventaire général du patrimoine culturel

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Ile-de-France
  • Commune Le Raincy
  • Adresse 11 allée Valère Lefèbvre
  • Cadastre 2020 AB 346
  • Dénominations
    lycée
  • Parties constituantes non étudiées
    cour, cantine, préau, gymnase

Le premier lycée construit en Seine-Saint-Denis

Historique et programme

Le lycée Albert-Schweitzer du Raincy est le premier lycée à avoir été construit dans le secteur Est-Nord-Est de la banlieue parisienne. Son cadre exceptionnel, la variété de ses volumes et la richesse de ses éléments décoratifs en font l’un des plus remarquables de l’après-guerre [1] .

 Un chantier sans fin

 En 1944, la Ville du Raincy sollicite le ministre de l’Éducation nationale afin d’obtenir la construction d’un lycée d’État de garçons. Elle propose comme site d’implantation une partie de l’ancien parc du château du Raincy et en 1945, décision est prise d’y créer une annexe du lycée Charlemagne. Le lycée Albert Schweitzer constitue donc le premier établissement secondaire de ce secteur du territoire francilien. S’en suivront d’autres, à Villemomble (annexe du lycée Buffon en 1946), ou encore Montreuil (annexe du lycée Voltaire, en 1956). Devenu autonome en 1956, il se voit à son tour associer une annexe, le lycée Eugène-Delacroix à Drancy (1957-1967) (voir notice correspondante IA93001060). L’établissement, mixte, expérimente des classes « nouvelles ».

Le besoin était tel que dès octobre 1945 les premiers élèves sont accueillis dans des pavillons existants. Le chantier - en trois tranches - débute en 1954, les élèves prennent possession des premières salles en 1956, et le lycée est inauguré en 1959. L’année 1963 marque l’achèvement des travaux et coïncide avec l’ouverture des premières classes préparatoires aux grandes écoles.

Le lycée prend le nom d'Albert Schweitzer en 1965. C'est M. Christmann, le premier directeur du lycée, Alsacien, qui choisit ce patronyme en hommage à un autre Alsacien : le célèbre médecin Albert Schweitzer, prix Nobel de la Paix en 1952, mort cette année-là.

Le seuil critique des 2300 élèves est atteint en 1991, nécessitant que des travaux d’extension et de réfection soient entrepris (1992-1994) : une grande partie du rez-de-chaussée du bâtiment d’enseignement est vitrée pour accueillir de nouvelles classes et le patio du restaurant est couvert par une verrière conique pour former une extension de la salle de repas. Cette verrière est remplacée par une autre, plate et zénithale, lors de la restructuration du lycée, dont Pierre-Louis Faloci est lauréat en 2008-2009. Le bâtiment d‘enseignement, victime de la dégradation des carreaux de céramique, de l’oxydation des aciers, du décollement des mosaïques ou encore de l’éclatement localisé du béton, est restauré.

 Aux marches du château

 Le lieu choisi pour l’implantation du nouvel établissement est exceptionnel et il ne peut être question de le dénaturer. Il s’agit d’une portion du parc du château du Raincy détruit en 1819, d’une surface de quatre hectares. Le projet, conçu à partir de 1949, est dû à Raymond Petit, collaborateur de Paul Tournon chez qui il entre à 15 ans et reste jusqu’à la fin des années 1940. Encouragé en 1922 par son patron à suivre des études d’architecture, il se révèle être brillant et plusieurs fois récompensé (Prix Redon, Prix Rougevin et Prix Godeboeuf), et obtient son diplôme avec la mention très bien en 1935. En 1942, il est reçu 2e ex-æquo au prestigieux concours des Architectes des Bâtiments civils et des Palais Nationaux. Dès lors rattaché à différents ministères, il assure l’entretien des biens nationaux, et obtient de nombreuses commandes publiques - dont ce lycée qui demeure un précieux témoignage du talent de ce maître d’œuvre méconnu et, probablement, son projet le plus personnel.

 Raymond Petit réussit un véritable tour de force en tirant parti des différentes contraintes qui lui sont imposées. Il garde toujours à l’esprit les qualités du site. Un plan compact est donc privilégié : un édifice voué à l’enseignement long de plus de 200 mètres, complété par huit bâtiments (restaurant scolaire, gymnase, habitations du personnel…). Après avoir envisagé d’ériger le bâtiment d’enseignement au-dessus du lac, on décide, probablement pour des raisons de sécurité et de solidité, de l’établir sur la terre ferme. Le choix se porte alors le long du boulevard de l’Ouest car cette partie du site présente l’avantage d’être la moins boisée et permet aux classes une orientation est-sud-est, comme préconisée par les Instructions du 28 janvier 1949. Enfin, R. Petit résout la délicate question de la permanence du fonctionnement des cours grâce à un projet fractionnable en plusieurs tranches et en faisant édifier le bâtiment d’enseignement par ses deux extrémités. L’ensemble des bâtiments (à l’exception du gymnase) est conçu sur pilotis, et des circulations couvertes sont aménagées pour les relier.

[1] Ce texte reprend les grandes lignes de CAROUX, Hélène, Lycée Albert Schweitzer, Le Raincy : Le premier lycée construit en Seine-Saint-Denis publié en 2011 dans la Collection Patrimoine en Seine-Saint-Denis, n°40, par le Conseil général de la Seine-Saint-Denis.

Se reporter également à la notice d'inventaire de l'Atlas de l'Architecture et du Patrimoine du Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis : Lycée Albert-Schweitzer - Patrimoine - Atlas de l'architecture et du patrimoine (seinesaintdenis.fr)

Description

Une polychromie joyeuse ouverte sur le parc

Programmé juste après-guerre, ce lycée aux lignes originales est loin de l’austérité du paysage scolaire des Trente Glorieuses. S’inspirant des modèles de la période précédente, il annonce les évolutions futures. Le bâtiment d’enseignement est en effet une barre de 220 m composée sur une trame régulière de 6,25 m. Pour réaliser un bâtiment galbé susceptible de s’appuyer sur le terre-plein résultant d’un aménagement paysagé réalisé à la fin du XVIIIe siècle, l’architecte a recours à une succession de tracés polygonaux. Il s’ingénie à diversifier les volumes et matériaux, mettant en valeur la spécificité des fonctions. Pour le bâtiment d‘enseignement, l’ossature est laissée brute de décoffrage, la toiture réalisée en cuivre sur tasseaux de bois, tandis que le mur pignon sur rue est orné de briques vernissées et les bureaux de l’administration disposés en saillie. Un souci du détail et une recherche permanente d’harmonie architecturale semblent avoir guidé l’architecte : dôme en pavés de verre couvrant initialement la piscine, pilotis en béton légèrement effilés ou encore toiture carénée pour abriter les salles de dessin.

Les 70 salles de classes (53 d'enseignement général et 17 spécialisées) se répartissent sur trois étages couronnés par un étage partiel réservé aux deux salles de dessin. Elles sont isolées de l’extérieur par un large couloir. Leur surface varie de 56 m² (enseignement général) à 70 m² (spécialisées), soit une capacité maximum de 35 élèves. Tables et estrades sont orientées vers le sud-ouest afin que les élèves reçoivent la lumière directe, au moins du côté gauche pour éviter les ombres portées en écrivant. L’espace abrité au rez-de-chaussée du bâtiment d’enseignement joue le rôle de préau, tout en permettant aux passants de jouir de la vue sur le parc. Depuis leurs classes disposées côté jardin — rejetant les escaliers hors œuvre sur la rue — les élèves profitent eux aussi de ce belvédère sur le parc, accentué par des baies largement vitrées. Avec leurs menuiseries métalliques à châssis coulissants, elles autorisent une ouverture maximum procurant une impression de plein air.

Au-delà du programme imposé, l’architecte propose des aménagements adaptés au cadre comme l’amphithéâtre de verdure et crée des perspectives vers le parc et l’étang, notamment depuis le réfectoire ou l’entrée principale.

 Artistes en devenir : le décor réalisé au titre du 1% artistique

 D’une grande diversité, les œuvres réalisées dans le cadre du 1% artistique témoignent de la richesse créative de cette période mais aussi du choix original de l’architecte.

Approuvé en 1957, l’ensemble du programme décoratif est en effet confié par Raymond Petit à neuf jeunes artistes recommandés par le directeur de l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts, Nicolas Untersteller.

Sept œuvres sont commandées : quatre pour le bâtiment d’enseignement et trois pour les bâtiments annexes. L’iconographie se réfère à la nature, aux saisons et aux éléments (verres de couleur dans les escaliers ; sculpture en béton sur le mur extérieur des escaliers, Jacques Coquillay), à la Jeunesse (sculpture en ciment noir coulé, aujourd’hui disparue, Philippe Thill), aux Arts, Sciences et Lettres (fresque au-dessus de l’escalier majeur, Henri Van Moé), à l’ancien et au nouveau monde (gymnase, Esther Gorbato), ou encore à « l’esprit animant la matière » (salle de gymnastique, Henri Thomas). Soucieux « d’égayer l’entrée et la sortie des élèves », R. Petit souhaite que la décoration la plus caractéristique soit placée dans les claustras des verrières d’escaliers du bâtiment d’enseignement (Defaux et Bruneaux, artistes peintres) tandis que des panneaux de mosaïque en pâte de verre prennent place sur la longue façade côté jardin, évoquant la faune et la flore (Jocelyne Antoine et Marie-Thérèse Dufresne).

 

  • Murs
    • béton béton armé
  • Toits
    béton en couverture
  • Plans
    plan rectangulaire régulier
  • Étages
    3 étages carrés
  • Couvrements
  • Élévations extérieures
    élévation à travées
  • Couvertures
    • terrasse
  • Énergies
  • Typologies
    ;
  • Techniques
    • céramique
  • Statut de la propriété
    propriété de l'Etat, Propriété du ministère de l'Education nationale
  • Protections
    inscrit MH partiellement, 2002/07/16
  • Précisions sur la protection

    L’audace du parti architectural, la recherche constante de préservation du site et de confort des élèves font de cet édifice un bâtiment exceptionnel. A ces différents titres, l’emprise au sol du parc du lycée, le bâtiment principal d’enseignement en totalité, le petit gymnase et son amphithéâtre de plein air en totalité, les façades et toiture du bâtiment du restaurant et ses extensions, les façades et toitures de l’orangerie ainsi que les portiques de liaison des bâtiments précités ont été inscrits à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques par arrêté du 16 juillet 2002.

Annexes

  • SOURCES
Date(s) d'enquête : 2020; Date(s) de rédaction : 2022
(c) Région Ile-de-France - Inventaire général du patrimoine culturel
Caroux Hélène
Caroux Hélène

Docteure en histoire de l'architecture de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne depuis 2004 et chercheuse au Bureau du Patrimoine contemporain du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis

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Philippe Emmanuelle
Philippe Emmanuelle

Conservateur du patrimoine, Région Île-de-France, service Patrimoines et Inventaire.

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