Dossier d’œuvre architecture IA93000553 | Réalisé par
Pierrot Nicolas (Rédacteur)
Pierrot Nicolas

Conservateur en chef du patrimoine, en charge du patrimoine industriel, Région Île-de-France, service Patrimoines et Inventaire.

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  • patrimoine industriel
Usine de meubles (usine de literie) appelée Le Lit National
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Région Ile-de-France - Inventaire général du patrimoine culturel
  • (c) Département de la Seine-Saint-Denis

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Seine-Saint-Denis - Pantin
  • Commune Le Pré-Saint-Gervais
  • Adresse 7 rue Baudin
  • Cadastre 1996 C 95, 226, 227
  • Dénominations
    usine de meubles
  • Précision dénomination
    usine de literie
  • Appellations
    Le Lit National
  • Parties constituantes non étudiées
    atelier de fabrication, magasin industriel

Sur les 40 établissements industriels et artisanaux étudiés au Pré-Saint-Gervais en 2004, seul Le Lit National a pu faire l'objet d'une étude et d'une campagne photographique consacrées aux gestes du travail et aux manières de produire. La qualité des savoir-faire justifiait cette démarche, autorisée et facilitée par l'accueil des entrepreneurs Christine et Hervé Péjaudier, par la mise à disposition de leurs archives et par la bienveillance de leurs salariés. Depuis lors, en 2012, l'entreprise s'est vue décerner le label "Entreprises du Patrimoine vivant". La famille Beaufour-Lévy perpétue l'activité depuis 2016.

Nicolas Pierrot, 2020.

François Péjaudier (1885-1941), natif de l'Allier, gagne Paris en 1900, devient en 1909 salarié de l’entreprise de literie Pygmalion (rue de Rivoli), puis fonde en 1912, avec Armand Dupin, la société en nom collectif Dupin & Péjaudier qui possède en 1913 quatre adresses parisiennes [1]. Après la Grande Guerre, de retour du front, il imagine en 1920 "un modèle de lit en cuivre destiné à rééquiper les foyers dévastés par la guerre" qu'il désigne sous le nom de "Lit national". En 1921, l’association avec Dupin est dissoute et François Péjaudier fonde sa propre société dont la raison commerciale devient, en 1922, "Le Lit National - Usines nationales de literie". Le succès du produit exige de nouvelles capacités de production et de stockage. L’entreprise commence par louer les bâtiments du 33, Grande-Rue (actuelle rue André-Joineau) au Pré-Saint-Gervais. À cette adresse, l'annuaire du commerce Bottins ne mentionne pas d'activité depuis celle du bourrelier Boutard attestée en 1890 et 1895 [2]. On ignore par suite l'origine de la construction des deux halles à pans de bois visibles depuis la rue André-Joineau. Dans le même temps, l’entreprise acquiert la parcelle située dans le prolongement, au 7 rue Baudin [3]. On sait, grâce aux plans datés du 15 novembre 1922 accompagnant une demande de permis de construire, que François Péjaudier confie à l'architecte parisien Paul Roubille (8, rue André Del-Sarte dans le XXe arrondissement) la construction, sur cette parcelle de 517 m², d’un "bâtiment à usage de magasin" comportant également des ateliers aux étages [4]. Il est inauguré en 1924. Entre 1924 et 1932, l’entreprise acquiert quatre nouvelles boutiques à Paris. L’une d’entre elles, ouverte en 1928 au 2, place du Trocadéro et réservée à la production haut de gamme, demeure aujourd’hui dans le giron de l'entreprise.

Touchée par la crise des années 1930, l’entreprise est contrainte de réduire à trois le nombre de ses magasins. L’usine diversifie sa production vers les lits pour enfants et les sacs de couchage. Après le décès de François Péjaudier en décembre 1941, son fils Georges la rebaptise "Péjaudier & Cie" (1942) tout en conservant la marque "Les Usines nationales de literie". Cette société est dissoute le 1er décembre 1954 pour donner naissance à la société "Le Lit National F. Péjaudier". Georges Péjaudier (1919-2006) réoriente alors la production vers "la literie traditionnelle fabriquée à la main" et, fin 1957, innove en proposant le "Duo-rêve", porté par le slogan "Dormir ensemble, chacun dans son lit". Le succès du produit permet le doublement du capital social en 1961 [5].

Dans la nuit du 10 octobre 1962, un incendie frappe l'atelier-magasin du 7, rue Baudin (les halles à pans de bois de la rue André-Joineau ne sont plus alors attestées comme propriétés de l'entreprise). Très rapidement, un nouveau bâtiment fonctionnaliste est construit de 1962 à 1964 sur les plans de l'architecte parisien Marcel Froux [6]. La presse locale en propose une description sommaire (voir ci-dessous dans la rubrique « Description »). Depuis lors, l’architecture du bâtiment n’a pas été modifiée.

Les trois décennies suivantes sont marquées par le recours efficace à la publicité et à la stratégie du "coup" médiatique – "lit rond" en 1965, "lit-cœur" en 1983 à l’occasion de l’anniversaire du "Duo-rêve" [7]. À partir des années 1970, l’entreprise privilégie le haut de gamme en valorisant notamment les matériaux naturels tels que la laine, tout en se diversifiant dans la décoration de la chambre à coucher. Au cours des années 1970 et 1980, l'usine employait entre 40 et 50 ouvriers : 10 femmes à la coupe, 12 à 13 hommes aux sommiers, 8 personnes aux matelas, des emballeurs, et 8 livreurs [8]. En 1993, Hervé Péjaudier prend la succession de son père, sa sœur Christine lui succède en 1998. Lors de l'enquête d'Inventaire conduite en 2004, les ateliers comptaient une quinzaine d'ouvriers. Le Lit National obtient le label "Entreprise du Patrimoine Vivant" en 2012. En 2016, Le Lit National devient la propriété de la famille Beaufour-Lévy qui poursuit les activités de fabrication sur le site historique du Pré-Saint-Gervais ainsi qu'à Aubervilliers.

[1] Hervé Péjaudier, « Le Lit National », 1993, dactyl., p. 1-4 (archives Péjaudier). Les quatre adresses sont les suivantes : 29 rue Bouisson et 29 boulevard de la Villette dans le Xe arrondissement, 74 rue de la Roquette dans le XIe, et 125 rue Lecourbe dans le XVe.

[2] DIDOT (édit.), Annuaires du commerce « Bottins », 1890-1970.

[3] Hervé Péjaudier, op. cit., p. 6.

[4] Paul Roubille, "Monsieur Péjaudier, propriétaire rue Baudin. Construction d'un Magasin", coupe et façade, 15 nov. 1922. (Ville du Pré-Saint-Gervais, PC 1922-1925). Voir l’illustration n° 1.

[5] Hervé Péjaudier, op. cit., p. 6-18.

[6] Voir les plans de Marcel Froux, reproduits ci-dessous : "Etat avant sinistre des ateliers", 8 décembre 1962 et "Ateliers de fabrication, reconstruction après sinistre [coupes]", 6 décembre 1962 (archives Péjaudier) ; et "Le Lit National, reconstruction après sinistre", 6 décembre 1962 (Ville du Pré-Saint-Gervais, PC 1962-1). Voir ci-dessous les illustrations n° 12 à 15.

[7] Hervé Péjaudier, op. cit., p. 23-30.

[8] Témoignage de Christine et Hervé Péjaudier, 18 avril 2005.

Depuis la rue André-Joineau, on distingue une première halle de plan rectangulaire allongé couvrant les trois-quarts de la parcelle puis, à l’arrière, une seconde, disposée perpendiculairement. Elles sont à pan de bois hourdés de brique et enduites, couvertes de charpentes en bois et de toits à longs pans surmontés de lanterneaux. La date de leur construction demeure inconnue. Elles ont été converties par François Péjaudier, en 1922, en atelier ou entrepôt de literie, puis cédées avant 1962. Aujourd’hui transformées en logements, elles présentent trois étages carrés.

Sur la rue Baudin, aucun vestige ne subsiste de l’atelier-magasin construit sur les plans de l’architecte Paul Roubille en 1922-1924 et détruit par l’incendie du 10 octobre 1962. La nouvelle usine, élevée de 1962 à 1964 (pour une valeur de 400.000 nouveaux francs) sur les plans de l’architecte Marcel Froux, est construite légèrement en retrait de la rue, occupant ainsi 499 m² sur les 517 m² disponibles. Comprenant trois étages carrés, sa surface de plancher s’élève à 1.467 m². Un journal local décrit succinctement l’usine à sa livraison, avec l’emphase ordinaire propre à l’industrialisme des "Trente Glorieuses" : "Bâtie sur l’emplacement exact de l’ancienne [usine], elle en reprend, en les modernisant, les principaux traits. Au rez-de-chaussée, immense entrepôt permettant le déchargement et le chargement des camions. Un énorme monte-charge nous conduit dans les étages où sont rationnellement répartis tous les postes de fabrication des châssis, sommiers, matelas. L’habillage des créations du "Lit National" est aussi effectué sur place. Cette disposition fonctionnelle des lieux et l’outillage moderne employé (cadence ne provoquant plus de poussière, menuiserie parfaitement installée) font que le travail effectué rue Baudin, reste un ouvrage d’une extrême qualité. Pour s’en convaincre, il suffit de constater combien les amis "professionnels" de M. Péjaudier, président directeur général du Lit National, sont nombreux" [1].

Sa structure poteaux-poutres en béton armé est hourdée de briques creuses et coiffée de toits-terrasses, dans le respect des fondamentaux modernistes. Le rez-de-chaussée occupe l’ensemble de la surface : ouvert d’une large porte côté rue, il est « destiné aux évolutions des camions et des stockages » [2]. Le premier étage couvre également l’intégralité de la surface : affecté aux vestiaires côté rue puis aux ateliers et aux magasins à mesure que l’on progresse vers le fond de la parcelle, son éclairage sommital et sa ventilation sont assurés par skydoms ouvrants et voltapex. Le deuxième étage, qui ne couvre que 214 m² côté rue, est occupé par des ateliers. Les façades des premier et deuxième étages sont éclairés de baies verticales accolées, avec ouvrants basculants et allèges en petit carreaux de verre émaillé (Emalit) de couleur bleue. Enfin, le troisième étage, installé en retrait et occupant 180 m², était initialement « destiné à un local dit d’exposition et à deux bureaux » [3]. Les étages sont distribués par deux escaliers et un monte-charge. La chaufferie est installée en sous-sol. (Voir ci-dessous les illustrations montrant les opérations conduites dans les ateliers lors de l’enquête de 2004).

[1] "Un an après le terrible incendie qui a détruit l’usine de la rue Baudin, le Lit National rouvre ses portes", article parue dans la presse locale, s.l.n.d. (archives Péjaudier).

[2] Ville du Pré-Saint-Gervais, Permis de construire, dossier « PC 1962 (1) », chemise « Le Lit National, 7 rue Baudin », demande de permis de construire du 29 décembre 1962 ; avis favorable accordé le 2 janvier 1963 : « Notice descriptive et estimation ».

[3] Ibid.

  • Murs
    • bois pan de bois
    • fer pan de fer
    • béton béton armé
    • brique
  • Toits
    tuile mécanique, béton en couverture
  • Étages
    sous-sol, 3 étages carrés
  • Couvrements
    • charpente en bois apparente
    • béton en couvrement
  • Couvertures
    • terrasse
    • toit à longs pans
    • lanterneau
  • Escaliers
    • escalier intérieur
  • Autres organes de circulation
    monte-charge
  • Statut de la propriété
    propriété privée

Documents d'archives

  • Permis de construire, dossiers classés par ordre chronologique, 1891-1968.

    Ville du Pré-Saint-Gervais, archives des permis de construire : voir dépouillements en annexe.
  • Recueils factices de photographies, publicités, documentation sur l'entreprise Le Lit National, années 1920 à 2004 (date de l'enquête).

    Collection Péjaudier
  • Archives de l'entreprise Le Lit national, 2 plans de la reconstruction après sinistre, 1962.

    Collection Péjaudier
  • Hervé Péjaudier, « Le Lit National », 1993, 30 p. dactyl. (historique de l’entreprise).

    Collection Péjaudier
  • Description des procédés de fabrication et des gestes du travail par M. Hervé Péjaudier (président et directeur de l’entreprise avec sa sœur Christine Péjaudier) et les salariés du Lit National, les 18 et 24 juin 2004.

    Région Ile-de-France, Service Patrimoines et inventaire, Saint-Ouen-sur-Seine

Bibliographie

  • DIDOT (édit.), Annuaires du commerce « Bottins », 1890-1970 (enquête Patrimoine industriel du Pré-Saint-Gervais)

Annexes

  • Dépouillement d'archives : dossier IA93000553
Date(s) d'enquête : 2004; Date(s) de rédaction : 2005, 2020
(c) Région Ile-de-France - Inventaire général du patrimoine culturel
(c) Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis
Pierrot Nicolas
Pierrot Nicolas

Conservateur en chef du patrimoine, en charge du patrimoine industriel, Région Île-de-France, service Patrimoines et Inventaire.

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