Dossier d’œuvre architecture IA77001057 | Réalisé par
Philippe Emmanuelle (Rédacteur)
Philippe Emmanuelle

Conservateur du patrimoine, Région Île-de-France, service Patrimoines et Inventaire.

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Mercier Marianne (Rédacteur)
Mercier Marianne

Chargée du recensement et de la protection au titre des Monuments historiques

Correspondante du label "Architecture contemporaine remarquable"

Conservation régionale des monuments historiques, DRAC Ile-de-France

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  • enquête thématique régionale
Lycée René-Cassin
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Région Ile-de-France - Inventaire général du patrimoine culturel

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Ile-de-France
  • Commune Noisiel
  • Adresse 1 avenue Pierre Mendès France
  • Cadastre 2020 AH 70
  • Dénominations
    lycée
  • Parties constituantes non étudiées
    cour

Les prémices de la polyvalence : le lycée René-Cassin de Noisiel

HISTORIQUE ET PROGRAMME

 Prévue et conçue avant les lois de décentralisation de 1983, la construction du lycée d'enseignement industriel, professionnel et technologique du Luzard est confiée au syndicat communautaire d'aménagement de l'agglomération nouvelle de Marne-la-Vallée Val Maubuée (SCA). Ce transfert de la maîtrise d'ouvrage à un échelon local, possible grâce au cadre dérogatoire dont bénéficient les secteurs d'aménagement des villes nouvelles, associe l'État aux collectivités.  Les conditions de la commande en sont bouleversées et battent en brèche la politique des modèles imposée par le ministère de l'Éducation nationale (plans-types, procédés industriels...). Les normes et agréments sont considérablement allégés, entraînant une plus grande variété formelle.

 Dans le cadre de la programmation de l'année 1978 et par délibération du 15 février 1977[1], le SCA délègue à l'établissement public d'aménagement de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée (EPAMARNE) la maîtrise d'ouvrage de plusieurs équipements publics.         

 Le programme, issu d'une concertation entre l'EPAMARNE, le SCA, la mission d'éducation permanente, des proviseurs et enseignants, des parents d'élèves et élèves, prévoit la réalisation de la cité scolaire du Luzard, composée de groupes scolaires, de collèges d'enseignements secondaires, d'un lycée d'enseignement général et technologique tertiaire, d'un lycée industriel technique et professionnel. Tels deux unités administratives et pédagogiques, ces deux derniers, placés à proximité, partagent un réfectoire commun, également ouvert aux habitants du quartier. Ils sont reliés par une voie piétonne paysagée, qui conduit à la gare RER. Par ce programme associant deux types d'enseignement, cet établissement s'inscrit dans les effets de la réforme Berthoin (1969), qui intègre l'enseignement technique et professionnel au système général. Le lycée du Luzard marque donc un jalon important vers la polyvalence, trait programmatique qui émergera au cours de la période suivante, dans le cadre de la décentralisation définitive de la maîtrise d'ouvrage vers les régions. Il incarne le trait d'union entre des établissements dont les bâtiments séparent géographiquement les filières et, plus tard, des établissements dont l'architecture réunira spatialement les enseignements. Il convient de noter que les prémices de la polyvalence s'observent dans le contexte des villes nouvelles.

 Élaboré en 1978, le programme du lycée du Luzard repose sur un cycle court dédié à l'enseignement professionnel et un cycle long dévolu à l'enseignement technique industriel. Le premier doit comporter 216 places pour les sections de BEP électro-technique, froid et climatisation, micro-mécanique. Le second doit accueillir 324 places pour des sections de baccalauréat professionnel en construction mécanique, micro-mécanique et électro-mécanique, électrotechnique et micro-technique. L'établissement vise à répondre tant à la croissance démographique qu'à l'essor industriel de Marne-la-Vallée. La capacité prévue est donc de 540 élèves à l'origine, elle se monte à 750 aujourd'hui. Aujourd'hui, les enseignements dispensés sont peu ou prou identiques, mais ont été étendus au niveau BTS.

Un appel à candidatures a été lancée dans le Moniteur du 8 mai 1978 et a abouti à une consultation restreinte de huit équipes d'architectes concurrentes, présélectionnées lors d'une commission le 13 juillet 1978, parmi lesquelles celle de Pierre Riboulet. Le choix du jury, réuni le 11 octobre 1978 et composé du président du SCA, du directeur de l'EPAMARNE et des commissions d'urbanisme et d'enseignement du SCA, s'est porté sur le quatuor Högna Anspach-Sigurdardottir, André Crespel, Jean-Pierre Humbaire et Yves Poinsot [2]. Leur proposition est retenue pour la construction des trois bâtiments. Les raisons en sont principalement l'adéquation au programme pédagogique, la fiabilité de l'équipe et la cohérence entre le coût et la proposition. Plus avant, ont été remarqués l'apparence du bâtiment donnant une image positive de l'enseignement technique, le plan et la distribution favorisant la convergence entre pratiques pédagogiques et relations sociales[3].

L'avant-projet sommaire est fourni en août 1979. Les travaux commencent à la fin de l'année 1979 et s'achèvent en 1981, avec une rentrée scolaire dans les locaux en septembre 1981. Le lycée a été primé par le conseil général de Seine-et-Marne à son ouverture.

Les architectes

D'origine islandaise et diplômée de l'École des beaux-arts de Paris, Högna Anspach est reconnue en Islande comme la première femme architecte. Elle a collaboré en France avec plusieurs architectes, dont Adrien Fainsilber pour la ville universitaire de Villetaneuse-Montmagny et Deuil-la-Barre en 1967. Après sa séparation d'avec Fainsilber, elle s'associe à André Crespel et Jean-Pierre Humbaire. Bernard Ropa, architecte toujours en activité, les rejoint à la fin des années 1980.  Ils fondent l'agence ACHR. Attachés à la traduction de valeurs humanistes en architecture, ils valorisent largement la transparence et la lumière. L'agence s'est également spécialisée dans la prise en compte des questions écologiques et durables. Ils réalisent ensemble plusieurs groupes scolaires, ainsi que, plus récemment, le conservatoire de musique et de danse de Colombes (2005), le bâtiment des archives départementales du Bas-Rhin à Strasbourg (2013) et la bibliothèque universitaire de Paris 13-Villetaneuse (2018).

 

 

[1]Archives EPAMARNE, 54 W 117

[2]Archives EPAMARNE, 1452 W 3

[3]Archives EPAMARNE, 85 W 10

DESCRIPTION

Implantation dans le tissu urbain

 Situé dans la ville nouvelle de Marne-la-Vallée et sur le territoire communal de Noisiel, le terrain du lycée se trouve dans le secteur du Val Maubuée, qui s'équipe en même temps que s'urbanise le quartier, avec l'arrivée de la ligne RER et de l'autoroute A4. Il fait partie du progamme de la ZAC Champs-Noisiel-Torcy, dont l'organisation se fonde sur l'intégration des éléments naturels et historiques. La ZAC comprend, outre des opérations de logements, de nombreux équipements collectifs (centre administratif, centre commercial, centre sportif et culturel...). Implanté en lisière du bois des Granges, dont l'accès est marqué par deux grands châteaux d'eau qui représentent symboliquement une porte de ville[1], l'établissement joue un rôle structurant pour ce quartier du Luzard, qui a fait l'objet des premiers grands concours d'architecture de Marne-la-Vallée. La grande allée des Bois, ancienne voie cavalière devenue piétonne et cyclable, longue de 1800 mètres, arborée de quatre rangées de tilleuls, relie le bois à l'entrée du parc historique de Noisiel. Depuis le lycée, elle permet de rejoindre le cœur du centre du Luzard.

 Tournée vers la gare de RER, l'entrée du lycée forme une petite place d'angle, semi-circulaire avec le bâtiment qui lui fait face. Ce dernier est un bâtiment contemporain abritant des bureaux de la RATP, dont l'allure procède d'un jeu de miroir avec le lycée.

 Plan

 Le parti architectural traduit une interprétation originale du programme : compact et cohérent, le plan regroupe les locaux autour de deux galeries couvertes qui se croisent perpendiculairement et sur deux niveaux. Il organise l'établissement en quatre pôles, répartis de part et d'autre de cette croix qui délimite des quartiers. Ces quatre pôles correspondent chacun à une unité pédagogique, dominée par un enseignement de spécialité et composée comme un sous-ensemble autonome. Ce zonage renouvelle les traditionnelles organisations fonctionnelle (administration, salles de classes, ateliers, réfectoire, centre de documentation) ou hiérarchique (par niveau de diplôme). Les espaces sont donc traités sur un pied d'égalité, favorisant les échanges entre les différentes spécialités, qu'il s'agisse du cycle long ou du cycle court.

 L'imbrication recherchée entre les différents espaces qui se développent selon un principe en nappe, la fusion entre architecture et pédagogie, la convergence entre pratiques d'enseignement et relations sociales témoignent ici des acquis des années 1970, découlant de la remise en cause de la politique des modèles.

 Répartition des espaces

 Les quatre pôles sont distribués par la galerie principale, couverte d'une verrière, qui traverse le lycée de part en part depuis l'entrée, selon le principe d'une grande rue intérieure, et par une circulation secondaire (le bras perpendiculaire de la croix) qui relie les accès aux cours extérieures. Au croisement de deux galeries, s'ouvre un patio central étroit, couvert d'un dôme transparent. Conçu comme un lieu de rencontre, il abrite la cafétéria et le foyer des élèves au rez-de-chaussée, le centre de documentation vitré (donnant sur le carrefour) et des salles de réunions au premier niveau.

 Lieux de rencontres, les circulations font l'objet d'une attention particulière, tant par la qualité de leur éclairement que par la recherche de transparence. Les patios, inclus au cœur de chaque unité, permettent des perspectives visuelles grâce à des liaisons vitrées qui favorisent le lien entre intérieurs et extérieurs, entre les différentes circulations et espaces de détente. Les luminaires et les bancs intérieurs parachèvent le travail de conception de l'équipe d'architectes, particulièrement soigné dans ces espaces de communs. Habituellement rapidement traversés, ils sont traités ici comme des lieux de vie collective. Du mobilier en béton, dessiné et intégré à l'architecture, individualise chaque pôle.

 Chaque unité autonome articule les enseignements théoriques et pratiques. Sur un niveau unique à rez-de-chaussée, elles se développent autour d'un élément dominant, l'atelier. De superficie importante[2], les ateliers présentent des qualités de volumétrie et d'éclairement, ainsi qu'une souplesse d'usage appréciées. Fonctionnels, ils disposent d'un accès extérieur pour les livraisons de matériel encombrant. Ils bénéficient de lumière zénithale, grâce à des verrières dont la forme rappelle lointainement des sheds industriels et des ouvrants verticaux filant sur la hauteur des façades. Toutefois, il convient de modérer la référence au monde du travail, «l'atmosphère des locaux doit s'apparenter davantage à des laboratoires qu'à une usine»[3]. Une salle de cours, une salle de dessin industriel, une salle de technologie, des vestiaires composaient à l'origine chacun des pôles. Les espaces communs répartis autour des patios achevaient la configuration initiale, quelque peu modifiée par l'évolution des usages (cf infra). Cette distribution traduit globalement la recherche d'adaptation à l'enseignement technique comme fil conducteur.

Autour de la croisée centrale, prennent place les locaux de vie scolaire au rez-de-chaussée, les salles de classe dédiées aux sciences, langues et enseignement général, ainsi que les salles de réunions, au premier étage. À l'autre extrémité de la galerie principale, en symétrie par rapport aux locaux d'accueil et d'administration, se trouve la salle polyvalente, prolongée en extérieur par un amphithéâtre de plein-air.

 Les logements de fonction, organisés en bande au sud du terrain, sont situés en lisière du bois.

 Mode constructif

 Sur le plan constructif, comme pour de nombreux édifices de villes nouvelles, on observe la préférence au recours à un procédé semi-industriel, afin d'écarter un mode de préfabrication qui n'aurait pas permis la maîtrise plastique et technologique. La structure est en béton armé, ainsi que les éléments de modénature, apparents. Tous les éléments de béton sont dessinés, de l'ossature au mobilier. Une partie des éléments sont coulés et montés sur place, d'autres assemblés en usine. L'appareillage en brique de Vaugirard des murs de remplissage est mis en valeur par un calepinage soigné, au niveau des contours des ouvertures notamment.

 Traitement des façades

 De faible hauteur pour respecter le gabarit des opérations de logements voisines, les façades cherchent à assurer une transition avec l'environnement[4] : le jeu de variations des teintes de la brique, les liaisons visuelles permises par les ouvertures sur les abords immédiats, le traitement sans monumentalité de l'entrée s'inscrivent dans la composition urbaine, à l'échelle du quartier. Sans hiérarchie entre elles, toutes les façades sont traitées simplement et également.

 Les huisseries, en aluminium anodisé noir pour l'extérieur et en bois verni pour l'intérieur, contrastent avec les parements de brique. Les lignes horizontales, soulignées par les lits de brique, sont rompues par les ouvrants verticaux qui éclairent les ateliers.

 Décors au titre du 1% artistique

Une sculpture en acier inoxydable, composée de deux cônes indépendants, marque la placette d'accès au lycée. Surmontés chacun d’une sphère animée d’une rotation sur son axe, ces cônes évoquent lointainement une accolade entre deux personnages, symbolisant ainsi l'union entre les deux types d'enseignement. Cette œuvre a été exécutée par l'artiste Pol Bury en 1981.

 Modifications

En prévision de l'augmentation de la population du secteur concomitante à la croissance de la ville nouvelle, une extension est envisagée dès 1987. Unique lycée technique industriel de Marne-la-Vallée, l'établissement recrute ses élèves auprès d'une vingtaine de communes au moins. Une section de BTS froid et climatisation a été créée mais de nouvelles classes et sections doivent être ouvertes afin de répondre à la forte demande, notamment concernant la formation des techniciens supérieurs en techniques et systèmes automatisés, technique-énergie.

En 1990, la région d'Ile-de-France délègue la maîtrise d’ouvrage à l'EPAMARNE afin de faire réaliser le projet d'extension, confié à la même équipe que précédemment. Par la même occasion, des travaux d'intérieurs sont menés dans le premier bâtiment : décloisonnement et restructuration des ateliers notamment[5], et ce afin de faire évoluer les espaces dans l'esprit du projet initial, qui cherche l'intégration des formations BEP, bac professionnels et BTS au sein des mêmes locaux.

[1]concours EPAMARNE 1972 remporté par Maurice Garnier

[2]3000m2 sont en tout dévolus aux ateliers.

[3]Archives EPAMARNE, 226 W 6

[4]Archives EPAMARNE, 226 W 6

[5]Archives EPAMARNE, 1452 W 3

  • Murs
    • béton béton armé
    • brique
  • Toits
    béton en couverture, verre en couverture
  • Étages
    1 étage carré
  • Couvrements
    • dalle de béton
  • Couvertures
    • terrasse dôme
  • Énergies
  • Jardins
    clairière ornementale, pelouse
  • Typologies
    ;
  • Statut de la propriété
    propriété de la région, Propriété du Conseil régional d'Île-de-France.
  • Intérêt de l'œuvre
    à signaler
  • Protections

  • Précisions sur la protection

    Label Architecture contemporaine remarquable (ACR) décerné en 2020.

Annexes

  • SOURCES
Date(s) d'enquête : 2020; Date(s) de rédaction : 2021
(c) Région Ile-de-France - Inventaire général du patrimoine culturel
Philippe Emmanuelle
Philippe Emmanuelle

Conservateur du patrimoine, Région Île-de-France, service Patrimoines et Inventaire.

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Mercier Marianne
Mercier Marianne

Chargée du recensement et de la protection au titre des Monuments historiques

Correspondante du label "Architecture contemporaine remarquable"

Conservation régionale des monuments historiques, DRAC Ile-de-France

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