Dossier d’œuvre architecture IA75001090 | Réalisé par
Philippe Emmanuelle (Rédacteur)
Philippe Emmanuelle

Conservateur du patrimoine, Région Île-de-France, service Patrimoines et Inventaire.

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Mercier Marianne (Rédacteur)
Mercier Marianne

Chargée du recensement et de la protection au titre des Monuments historiques

Correspondante du label "Architecture contemporaine remarquable"

Conservation régionale des monuments historiques, DRAC Ile-de-France

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  • enquête thématique régionale
Lycée Jules-Ferry
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Ile-de-France - Inventaire général du patrimoine culturel

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Ile-de-France
  • Commune Paris 9e arrondissement
  • Adresse 77 boulevard de Clichy , 62-66 rue de Douai
  • Cadastre 2020 AA 1
  • Dénominations
    lycée
  • Parties constituantes non étudiées
    cour, cantine, préau

Une synthèse architecturale moderne de haute volée : le lycée Jules-Ferry

HISTORIQUE ET PROGRAMME

Déjà avant-guerre, la situation de l’enseignement secondaire féminin à Paris est critique : les cinq lycées de jeunes filles, Fénelon (1883), Racine (1887), Molière (1888), Lamartine (1893), Victor-Hugo (1895) sont engorgés. La décision est prise en 1912 de construire deux nouveaux lycées de filles, Jules-Ferry pour le nord de Paris et Victor-Duruy pour le sud. On dénombre à la même époque 13 lycées de garçons parisiens.

Du couvent au lycée de filles

Le projet est confié à Pierre Paquet (1875-1959), formé à l’École des Arts décoratifs de Paris avant d’entrer à l’École des Beaux-Arts où il suit l’enseignement d’Émile Vaudremer. Architecte du gouvernement auprès du ministère de l'Instruction publique et des Beaux-arts, Pierre Paquet est fortement impliqué dans la réflexion sur l’architecture scolaire comme membre de la Commission des bâtiments des lycées et collèges depuis 1905. Il est aussi architecte en chef des monuments historiques et à ce titre dirigera en 1919 la reconstruction d’Arras.

Le terrain choisi est celui de l'ancien couvent des Dames Zélatrices de la Sainte-Eucharistie, congrégation féminine enseignante supprimée par la loi du 7 juillet 1904 dont les bâtiments sont conservés dans un premier temps, ce qui permet une mise en service rapide pour environ 300 élèves : la première pierre est posée le 17 mai 1912 et l’inauguration a lieu le 26 octobre 1913 en présence de Raymond Poincaré, président du Conseil, Louis Barthou, ministre de l'Instruction publique et des Beaux-arts, Camille Sée[1] et Madame Ferry.

A la rentrée 1914, le lycée compte 18 classes, 327 élèves et 21 personnels. En 1936, à la fin de la dernière phase de travaux, 48 classes, 1627 élèves et 110 personnels sont comptabilisés.

Le lycée vient s'insérer dans "un tissu imprégné de toute la modernité de la seconde moitié du XIXe siècle. A proximité des gares reliées par les grands boulevards se concentrent grands magasins, sièges des grandes banques et de la presse, ateliers d'artistes, lieux de divertissement, etc. L'installation de la ligne de métro (actuelle ligne 2) modifie également le paysage urbain et engendre l'aménagement des places de Clichy et Blanche"[2].

 Une forteresse pour l’instruction des jeunes filles « à huis-clos »

Aujourd’hui, l'édifice présente une composition parallélépipédique, en forme de losange, qui s'organise autour d'un axe symétrique central. Toute la vie scolaire s'orchestre autour de cette cour unique, close par de hautes façades. Ce vaste ensemble replié sur lui-même est le résultat de plusieurs campagnes d'agrandissements, au fur et à mesure de la croissance démographique de l’établissement. Toutes ont été menées par le même architecte de 1912 à 1935, produisant cette saisissante impression d'unité.

La première phase de construction voit s’élever un bâtiment le long du boulevard de Clichy, doté d’une courte aile en retour sur la rue de Douai, aussitôt suivie d’une indécelable extension, en 1914, qui vient parfaire la symétrie du lycée initial. Le bâtiment du couvent demeure à l’usage de l’établissement. Mais devant le besoin d’espace supplémentaire, Pierre Paquet prévoit aussitôt la démolition de l'ancien couvent.

Les travaux d'extension débutent en 1932 et s’achèvent en 1935. Reliées aux bâtiments précédents par des pavillons d’angle, deux hautes ailes s’imposent, jouant sur des effets d’étagement qui rompent la monotonie des façades rythmées par de larges ouvertures. À la jonction de ces deux nouvelles ailes est élevée une tour, principale circulation verticale. Celle-ci conduit au réfectoire, qui consiste en une vaste salle semi-enterrée, couverte d'un dôme en pavés de verre. Innovant par sa polyvalence, le programme combine les fonctions de réfectoire, salle des fêtes mais aussi salle de gymnastique. À ce nouvel équipement s’ajoute encore l’étonnant gymnase qui coiffe la terrasse de l’aile sud.

[1] Instigateur de la loi du 21 décembre 1880 relative à l'enseignement secondaire public féminin entérinant la sécularisation de l'éducation des filles par l'État.

[2] Extrait du dossier de protection au titre des Monuments historiques, Conservation régionale des Monuments historiques d'Île-de-France, 2015.

 

DESCRIPTION

L’innovation constructive au service de l’hygiène

Si dans son ordonnancement, son principe de symétrie, la présence de pavillons d’angle, l’édifice reste de composition classique, il est novateur dans sa structure. En effet, il est construit selon le "système Cottancin", mis à l’honneur par Anatole de Baudot au lycée Victor Hugo (Paris 3e, 1895) et à l'église Saint-Jean-de-Montmartre (Paris 18e, 1894-1904), premiers édifices public et religieux construits avec la solution de l'ingénieur Paul Cottancin, brevetée en 1889. Économique, ce parti allie planchers de grande portée en ciment armé et briques enfilées sur tiges métalliques en structure pour les élévations. Ce procédé autorise aussi la couverture de l’établissement par un ingénieux toit-terrasse, accessible aux élèves comme promenoir pendant la récréation. Largement commentée, saluée par Anatole de Baudot en 1916[1], la modernité de cette disposition fait immédiatement la notoriété du lycée. Favorisant l’exposition prophylactique des élèves à l’air et au soleil, les terrasses remplacent astucieusement les combles tout en dessinant dans le paysage une nouvelle silhouette.

Un rare décor enfantin

Derrière ses monumentales façades dont la sobriété convient aux établissements pour jeunes filles, le lycée Jules Ferry dévoile un parti décoratif original : salles de classe, couloirs, escaliers, bureaux se parent de couleurs claires et motifs joyeux. Annoncé par les mosaïques à fond d’or de la corniche sur rue et des sous-faces de balcons, le décor consiste d’abord en une délicate harmonie de ferronneries, dont la main d’Émile Robert a orné la porte d’entrée, les garde-corps et portillons de couloirs. C’est ensuite l’entreprise Borderel et Robert, dirigée par Raymond Subes après la disparition d’Émile Robert, qui a poursuivi le chantier de second œuvre lors des travaux de la décennie 1930.

Pénétrant dans le vestibule, un ensemble de motifs au pochoir explicite la mission d'éducation morale du lycée par des cartouches évoquant le programme éducatif de 1912 : lettres, sciences, histoire, géographie, morale, arts domestiques, langues vivantes, beaux-arts. Dans la filiation avec l’Art nouveau, la technique du pochoir répond à la fois à une exigence d'économie et de facilité de mise en œuvre. D’après les archives du lycée, elle sera réemployée lors des travaux des années 1930 par Camille Boignard [2]. Des frises régnantes parcourent les murs des couloirs, des paliers, des salles de classe, des salles des professeurs, etc. Les motifs sont soit figuratifs, soit abstraits, en général géométriques. Inattendu dans un lycée, le registre choisi surprend, curieusement naïf et sans didactisme, rappelant plutôt les décors d’écoles primaires, comme les pochoirs de l’école de la rue Rouelle, construite par Louis Bonnier en 1912 (Paris 15e)[3].

 Un lycée du 19e et du 20e siècle : l’héritage de la réforme Jules Ferry et la contribution à la modernité

Par son histoire, le lycée Jules Ferry est un symbole marquant de l’évolution de l’enseignement féminin et de l’enracinement de la République dans la ville. Par son architecture, il atteste non seulement l'essor des constructions scolaires qui suit la grande réforme de l'enseignement entre 1880 et 1914 et dont il est le dernier spécimen à Paris, mais aussi le mouvement audacieux des lycées des années 1930 et dont il est un des premiers exemples parisiens, juste après le lycée Camille-Sée. Aussi le lycée Jules-Ferry incarne-t-il le trait d'union entre deux périodes et deux conceptions de la construction scolaire, tout en manifestant une grande cohérence de programme. Innovant à bien des égards, il annonce également l'adaptation des partis architecturaux aux évolutions pédagogiques, préoccupation majeure de l’entre-deux-guerres. Malgré l'ajout d'une surélévation mineure en 1996 au-dessus de l'un des pavillons et quelques modifications intérieures, l'ensemble présente un état de conservation exceptionnel, justifiant ainsi sa protection au titre des monuments historiques.

[1] Anatole de Baudot, L'Architecture. Le passé. Le présent., éditions Henri Laurens, Paris, 1916.

[2] Mosaïste et peintre-décorateur (1875-1941), il est élève de Jean-Paul Laurens et Benjamin Constant à l'École des beaux-arts de Paris. Professeur d'architecture puis de composition décorative à l'École nationale supérieure des arts décoratifs, il enseigne entre 1921 et 1941. Il collabore avec Pierre Paquet pour l'achèvement des fresques de la cathédrale orthodoxe grecque de Paris, commencées par Charles Lameire.

[3] Il ne subsiste de ces frises au pochoir qu’un témoignage aujourd’hui vestigial.

  • Murs
    • béton béton armé
    • brique
  • Toits
    béton en couverture
  • Étages
    5 étages carrés
  • Couvrements
  • Élévations extérieures
    élévation à travées
  • Couvertures
    • terrasse
  • Escaliers
    • escalier dans-oeuvre : escalier tournant à retours avec jour en maçonnerie
  • Énergies
  • Typologies
    ;
  • Techniques
    • mosaïque
    • ferronnerie
    • peinture
  • Représentations
  • Statut de la propriété
    propriété de l'Etat
  • Protections
    inscrit MH, 2016/01/13
  • Précisions sur la protection

    Le lycée en totalité, y compris le sol de la parcelle et à l'exception de la surélévation contemporaine du pavillon donnant sur le 62 de la rue de Douai (cad. AA 1) : inscription par arrêté du 13 janvier 2016.

Annexes

  • SOURCES
Date(s) d'enquête : 2020; Date(s) de rédaction : 2022
(c) Région Ile-de-France - Inventaire général du patrimoine culturel
Philippe Emmanuelle
Philippe Emmanuelle

Conservateur du patrimoine, Région Île-de-France, service Patrimoines et Inventaire.

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Mercier Marianne
Mercier Marianne

Chargée du recensement et de la protection au titre des Monuments historiques

Correspondante du label "Architecture contemporaine remarquable"

Conservation régionale des monuments historiques, DRAC Ile-de-France

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