Dossier d’œuvre architecture IA75000029 | Réalisé par
  • étude d'inventaire
résidence d'étudiants dite Maison des étudiants arméniens - Fondation Marie Nubar
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Région Ile-de-France - Inventaire général du patrimoine culturel

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Cité internationale universitaire de Paris (CIUP)
  • Commune Paris 14e arrondissement
  • Adresse 57 boulevard Jourdan
  • Dénominations
    cité universitaire
  • Précision dénomination
    résidence d'étudiants
  • Destinations
    architecture scolaire

La création, 1928-1930

La Maison des étudiants arméniens est l’œuvre d’un mécène d’origine arménienne, Boghos Nubar Pacha. Né à Constantinople le 2 août 1851, fils de Nubar Pacha, premier ministre d’Egypte à plusieurs reprises, et diplômé de l’Ecole centrale de Paris en 1873, il a longtemps dirigé les chemins de fer égyptiens et surtout entrepris de grands projets de développement agricoles et urbains. Ayant pour préoccupation majeure le sort du peuple arménien, il lance en 1915 une vaste souscription en faveur des victimes du génocide, après avoir fondé en 1906 l’Union générale arménienne de bienfaisance (UGAB) qu’il préside jusqu’à son décès le 25 juin 1930. De 1912 à 1920, il dirige, depuis Paris, la Délégation nationale arménienne qui travaille d’abord à obtenir des réformes dans les provinces arméniennes ottomanes puis à défendre les droits des Arméniens à la Conférence de la Paix de 1919-1920. A cette occasion il fait la connaissance d’André Honnorat, futur président de la Cité universitaire, qui témoigne d’une vive sympathie à la cause des Arméniens.

Par lettre du 24 février 1928, Boghos Nubar fait connaître à la Fondation nationale son intention de créer une œuvre en faveur de ses compatriotes étudiants à Paris, analogue à celle d’Emile Deutsch de la Meurthe, pour laquelle il éprouve la plus vive admiration. Dès 1923, il s’est enquis auprès du recteur Appell et de Lucien Bechmann, architecte-conseil de la Cité, des conditions nécessaires à la réalisation de ce projet, mais les ressources dont il disposait alors ne lui permirent pas d'y donner suite ; il souhaite aujourd’hui le reprendre avec des capitaux plus importants. Son grand âge – il aura bientôt atteint sa 77e année – et l’état de sa santé lui font « craindre de quitter ce monde sans être parvenu à conclure un accord » et à poser la première pierre d’« un petit foyer destiné aux étudiants d’une malheureuse nation martyre, amie de la France ». Le 27 février, Jean Branet, secrétaire général de la Cité universitaire, lui répond que deux possibilités peuvent être envisagées : ou verser les fonds à la Fondation nationale qui, dans un immeuble qu’elle envisage de construire, donnerait à un comité constitué à cet effet par le donateur, le droit de désigner les étudiants arméniens ; ou bien construire lui-même un pavillon d’environ 40 chambres (dont le comité prévu par l’acte de donation assurerait ultérieurement la gestion). Dans cette 2e hypothèse, vu le grand nombre de demandes de concessions faites à l’université de Paris, la maison serait attenante à un ou, de préférence, à deux autres pavillons de façon à constituer un îlot d’environ 100 à 120 chambres, dont les redevances pourraient couvrir l'exploitation.

Le 1er mars, Boghos Nubar Pacha se déclare prêt à consacrer un capital de 2 millions de francs à la construction du futur bâtiment, qui en mémoire de sa femme, porterait le nom de Fondation Marie Nubar. L’édifice, pour lequel son architecte, Léon Nafilyan, prépare un avant-projet, pourrait être contigu au pavillon projeté par la Fondation nationale. La sélection des étudiants arméniens serait attribuée à l’UGAB, mais 20% des chambres seraient réservées à des étudiants français, afin de témoigner de la reconnaissance du fondateur envers la France et établir des liens de camaraderie plus étroits entre les étudiants des deux nationalités. Le terrain proposé par Bechmann ayant une superficie de 1400 m2, dont la moitié environ serait utilisée par les deux bâtiments, il resterait une surface libre suffisante pour éviter que les fondations ne soient complètement accolées. Malgré l'implantation rapprochée des deux édifices, la Fondation nationale accepte que le pavillon de Boghos Nubar soit édifié en « style national arménien » conformément au vœu du donateur.

Les principales dispositions de l'acte de donation

L’acte de donation, signé le 25 mai 1928, comporte les clauses suivantes : l’immeuble, d’une cinquantaine de chambres et évalué 2 millions de francs, prendra le nom de Maison des étudiants arméniens-Fondation Marie Nubar. Une somme de 3000 000 francs constituera un fonds de réserve destiné à assurer les grosses réparations du bâtiment ainsi que la participation proportionnelle de la fondation aux services d’intérêt commun de la Cité universitaire ; 100 000 autres francs seront affectés à un fonds de roulement. 10 des chambres seront réservées à des étudiants français désignés par la Fondation nationale, qui, lorsqu’elle aura fait construire des immeubles destinés à loger des étudiantes, mettra de son côté 10 chambres à la disposition de jeunes filles arméniennes ou d’origine arménienne. Dans le cas où les chambres destinées aux étudiants arméniens ne seraient pas occupées, la Fondation nationale aura le droit d’y loger des étudiants français. A la demande du donateur qui « étant un simple particulier et n’ayant pas un gouvernement derrière [lui], comme les autres fondations étrangères de la Cité, ne pourrait être rassuré sur l’avenir, si [son] pavillon devait être géré par un comité », la Fondation nationale accepte d’administrer la fondation afin de l’entourer de toutes garanties de pérennité et la gérer dans les conditions les plus économiques (article 5). En conséquence, l’édifice destiné aux étudiants arméniens sera contigu à un autre immeuble destiné à des étudiants français et construit par la Fondation nationale. Les deux immeubles seront desservis par un personnel commun et les dépenses de gestion réparties entre eux proportionnellement au nombre de leurs chambres. Les professeurs, médecins ou savants arméniens, venant d’Arménie pour faire des recherches ou des études complémentaires à Paris, pourront être reçus à la fondation, mais pour une durée d’un an maximum. Un comité d’admission de 3 membres, dont un représentant de la Fondation nationale, et les 2 autres, du donateur, désignés par celui-ci ou, à son défaut par l’UGAB, sera institué. Seront admis de droit les étudiants de l’Oeuvre des Boursiers arméniens (fondée par Boghos Nubar en 1924) siégeant à la Fondation universitaire de Belgique, 11 rue d’Egmont à Bruxelles. Ces boursiers paieront le même loyer que celui qui sera exigé des autres étudiants (article 10).

La construction

Dès le 15 juin 1928, les plans sont transmis pour approbation au recteur Sébastien Charléty. Le commanditaire a donné son accord aux modifications demandées par la Fondation nationale (transformation des deux ateliers en chambres d’étudiants (soit 4 de plus) ; dégagement en sous-sol de « toute la partie du plan où se trouve un terre-plein » et agrandissement des ouvertures de façon à créer un large sous-sol), tandis que l’architecte, se conformant aux observations de Bechmann en ce qui concerne l'implantation du bâtiment, recule son pavillon de 4 m vers la gauche, ce qui le met à 14 m de distance de la fondation japonaise.

Le 19 juillet, Boghos Nubar Pacha signe le contrat d’entreprise avec la maison Hory (30, rue de Vaugirard), mais le chantier à peine commencé est interrompu au début de septembre par des éboulements dans les carrières situées sous l'emplacement du futur pavillon. Les galeries doivent être déblayées avant toute consolidation à entreprendre par les ingénieurs de la Ville de Paris, et celle-ci se refuse à laisser l’architecte attaquer au-dessus les fondations de l'immeuble. Craignant que ces travaux de consolidation ne soient pas achevés rapidement, Boghos Nubar demande à échanger sa parcelle contre une autre - qui lui avait été déjà proposée -, à proximité du bâtiment de l’Indochine – bien que ce transfert entraîne pour lui la perte des 65 000 f versés à la Ville pour les travaux de renforcement du terrain abandonné.

Le 24 novembre 1928, une convention annexe vient modifier celle du 25 mai. Elle précise que l’échange de terrain ayant entraîné une modification complète des plans, la Fondation nationale, à court de logements pour ses étudiants dont le nombre augmente sans cesse, a demandé au donateur d’ajouter à son pavillon (composé de 50 chambres), un étage supplémentaire de 15 chambres pour des étudiants français, et ce aux frais de la Cité universitaire. Nubar Pacha refuse cette offre, considérant que toute contribution étrangère enlèverait son caractère personnel à sa fondation. Une solution est trouvée : le donateur ajoutera à sa maison cet étage de plus, dont le coût est évalué à 350 000 fr environ ; 100 000 fr seront prélevés sur les 300 000 fr du fonds de réserve, pour les affecter à la construction de cet étage, le fondateur y ajoutant le complément nécessaire ; le nombre des chambres réservées à des étudiants français, qui était de 10 pour 50 chambres, sera porté à 14, afin de maintenir les mêmes proportions entre étudiants arméniens et français. Mais cette clause (article 2) est finalement modifiée, Boghos Nubar renonçant à recevoir de la Fondation nationale les 100 000 fr qu'elle est disposée à lui restituer : il préfère prendre entièrement à sa charge la construction des 15 chambres supplémentaires.

Auparavant, il a également consenti à une autre demande exprimée par la Fondation nationale : son pavillon ayant une façade sur le boulevard Jourdan, à l’angle d’une des entrées principales de la Cité, il accepte d’y réserver un logement de concierge (sous réserve toutefois qu’en cas de suppression ultérieure de l'entrée, les chambres de ce logement ne pourraient être affectées qu’à des étudiants arméniens). Le montant total de la donation (qui, en dehors des 400 000 fr des fonds de réserve et de roulement, avait été fixé dans l’acte du 25 mai 1928 à 2 000 000 fr) dépasse désormais les trois millions de francs.

Le décret approbatif de la donation est publié au Journal officiel du 22 mars 1929. Les travaux qui commencent rapidement atteignent au début de juillet le plancher du 3e étage. En août, l’avant-projet de la Fondation de Monaco ayant été communiqué à Bechmann, Léon Nafilyan est invité à se concerter avec ses collègues Médecin et Guéritte, tant au sujet des passages prévus entre les trois bâtiments de Monaco, de l’Arménie et des Provinces de France que pour l’aménagement des services communs. En sous-sol et à rez-de-chaussée une galerie couverte doit relier le bâtiment à la Maison des Provinces de France ; les deux fondations auront une série d’installations communes (chauffage, buanderie, petit déjeuner, etc), ce qui réduira les dépenses de la fondation arménienne.

Les plans sont modifiés à la fin de l’année pour tenir compte d'autres demandes de la Fondation nationale : en priorité, la création d’un logement de sous-directeur (subordonné au directeur principal résidant à la Maison des Provinces de France). Boghos Nubar Pacha refuse tout d'abord de sacrifier 4 nouvelles chambres d’étudiants et donc un revenu annuel de près de 10 000 fr, mais en février 1930 il se rend aux arguments de la Fondation nationale, pour laquelle il est impossible de « laisser un groupe d’étudiants aussi important […] sans autre surveillance que celle d’un concierge qui sera absorbé par la garde de l’immeuble et de la Cité ». Comme dans toutes les autres maisons, il faut « un agent responsable de l’ordre et de la tenue [de la fondation] logé à côté des étudiants » ; et aussi l'installation au sous-sol d'un réfectoire pour le personnel des trois bâtiments, tandis que les étudiants arméniens prendront leur petit déjeuner dans la salle à manger des Provinces de France, ce qui libèrera la salle de conférences (initialement affectée à cette fonction) pour en faire un salon de lecture-bibliothèque arménienne (alimentée notamment par des doubles de la bibliothèque de l’UGAB, envoyés par son conservateur G. Sinapian).

Le pavillon arménien est inauguré le 17 décembre 1930 – six mois après le décès de Boghos Nubar (25 juin 1930), qui « jusqu’à son dernier souffle s’est occupé de tous les détails de construction ». Il comprend alors 65 chambres, une petite salle de réunion et une bibliothèque. A défaut d’un jardin dont l’esthétique serait en accord avec le style architectural du bâtiment, les trottoirs, le long de la fondation, formés comme dans toute la Cité d'une partie sablée entre deux parties gazonnées, se pareront d’une touche « locale » : les essences des bouquets d’arbres plantés de place en place sur la bande de gazon la plus large, du côté de la voie, seront « choisies autant que possible, parmi celles des bords de la Méditerranée orientale ». Pour l’espace compris entre l’Arménie et les Provinces de France, la direction des Promenades de Paris propose début novembre 1932 un aménagement qui « s’harmonise avec l’ensemble des jardins de la Cité par les caractères suivants : allée latérale de 2 m de large ; banquette plantée de 4 m de large » avec boulingrin central. En juin 1934, un parterre à la française vient occuper la petite courette longeant le boulevard Jourdan entre les deux bâtiments. Les travaux comprennent aussi la modification du tracé de l’allée ouest de 2 m (portée à 2 m 30) et la plantation d’arbustes épineux, pour défendre au sud les angles des deux pelouses situées le long de la fondation.

Une maison liée à celle des Provinces de France et à la recherche d'"espaces communs", 1933-1960

La gestion de la Maison des étudiants arméniens fusionne avec celle de la Maison des Provinces de France à partir du 1er mai 1933. A cette date, l’effectif de la fondation comprend 20 Arméniens, 1 Bulgare et 41 Français. La même année, l’installation provisoire du Centre médical de la Cité dans les sous-sols du bâtiment - en attendant l’achèvement du pavillon médical construit par Bechmann – donne l’occasion d’entreprendre la mise en état de ce niveau, interrompue par la disparition de Boghos Nubar. "L’ancien sol de gravier fait place à un radier granité sur béton ». Suivant les indications du docteur Pellissier, Léon Nafilyan et l’entreprise Hory y aménagent une salle d’attente, une salle de consultations et une salle de radiologie équipée d’un appareil fourni par le Comité national de défense contre la tuberculose.

En 1938, le directeur de la fondation informe l’UGAB - qui en vertu d’une des clauses de la donation est appelée à apporter son concours à l’exécution des volontés du donateur - que « dans l’intérêt des recettes de loyers à venir », il envisage d’aménager « 5 chambres nouvelles dans les locaux inutilisés du 5e étage ». Il prévoit aussi des travaux dans le grand salon du rez-de-chaussée, de façon à fournir aux résidents un local de réunion analogue à celui qui existe dans toutes les autres fondations de la Cité. Faute de place, il n’existe dans le bâtiment ni billard ni ping-pong et les étudiants sont privés de la plupart des distractions qui sont à la disposition des autres étudiants.

D’autres travaux ont lieu au cours de la décennie 1950. En octobre 1953, Roland Bechmann, fils de l’architecte-conseil de la Cité, est chargé de transformer la loge et l’appartement du directeur. La disposition de ce dernier, morcelé et obligeant le directeur à « circuler constamment dans les locaux occupés par les étudiants pour se rendre chez lui d’une pièce à l’autre, pouvait donner aux résidents l’impression d’une surveillance constante et excessive ». Le projet, qui permet aussi de créer une chambre d’étudiant supplémentaire, est achevé entre décembre 1954 et février 1955 : l’appartement du directeur est installé à l'extrémité nord du bâtiment à l'emplacement occupé par le concierge en y ajoutant deux chambres prélevées sur les chambres des étudiants du premier étage. L'appartement du concierge est transféré dans les chambres de la façade ouest.

Au début de l’année 1956, un projet de transformation du sous-sol est présenté par le comité des étudiants : il consisterait, d’une part, à y regrouper la cafétéria et le bar, la TV et le jeu de ping-pong, et d’autre part, à transformer le sous-sol en dortoir pendant la période des vacances d’été (afin de procurer des recettes qui seraient affectées au gros entretien des installations de la maison). La cafétéria transportée au sous-sol pendant l’année scolaire, la salle du rez-de-chaussée redeviendrait enfin « un salon convenable », tandis que la petite pièce constituant la bibliothèque et la salle de travail, très utilisée par les occupants des chambres à deux lits qui se plaignent de leurs conditions de travail, serait libérée de la télévision qui « gêne parfois beaucoup ». Le directeur donne son accord au projet, mais celui-ci est refusé par le recteur et les représentants de l’UGAB, hostiles à l’utilisation du sous-sol en dortoir.

D’une façon générale, les projets d’amélioration sont entravés par le caractère particulier du pavillon arménien qui, à la différence des autres fondations liées aux Etats ou aux organismes qui les ont fondées et les soutiennent financièrement, ne dépend matériellement que de l’université de Paris. « La Fondation nationale a beau prendre à sa charge les gros travaux de réfection, le déficit annuel dépasse actuellement 2 millions de francs. Et pourtant sur bien des points, l’état matériel de la Maison est précaire. Depuis plusieurs années, on nous signale de graves insuffisances [….] » (27 mai 1960). Renouvellement partiel du mobilier, réfection des douches, aménagement de l’escalier et du couloir qui conduisent à la salle de récréation et à la cafétéria, telles sont les dépenses les plus urgentes à prévoir.

D'autres projets de réaménagement des locaux sont envisagés ou menés à bien au début des années 1960 et 1970. En 1963, la direction souhaite utiliser en salle d’études le niveau supérieur de la galerie de liaison avec la Maison des Provinces de France ; faute d'obtenir l'accord de la fondation nationale, elle étudie une solution intérieure au problème : le rétablissement du rez-de-chaussée dans son rôle d’étage destiné aux services communs, par la suppression des chambres d’étudiants qui s’y trouvent. Ainsi pourraient être créées la « salle commune » et la « grande salle de conférences » prévues dans l’acte de donation et dont l’absence se fait cruellement sentir. La même année, avec l'appui du directeur et du comité des étudiants, le président du comité central pour l’Europe de l’UGAB demande à la Fondation nationale " la restauration du pavillon arménien dans son état architectural extérieur d’origine", c'est-à-dire la suppression de la galerie de jonction qui lui "cause un préjudice esthétique considérable" : ce « disgracieux appendice », destiné à l’origine à faciliter une gestion commune avec les Provinces de France, a perdu toute raison d’être avec le changement de statut de la fondation, dotée désormais d’un directeur indépendant. Le délégué général motive ainsi son refus : supprimer la galerie côté Arménie obligerait à faire de même du côté Monaco ; ce serait par la même occasion faire disparaître les salles d’études aménagées dans l'étage supérieur de ces deux galeries pour les résidents de la Maison des Provinces de France.

En 1971, la création d’une section de jeunes filles entraîne un remaniement partiel des locaux du premier étage. Selon l’acte de donation (article 4), les 14 chambres mises à la disposition d’étudiants français par Boghos Nubar devaient être compensées par autant de chambres réservées aux étudiantes arméniennes dans le bâtiment féminin projeté – mais jamais réalisé – par la Fondation nationale. Dès 1963, à la demande du comité central pour l’Europe de l’UGAB, l’ingénieur du service technique de la Cité avait étudié la possibilité de convertir le 1er étage en logements de jeunes filles, avec création d’un escalier particulier, mais la Fondation nationale, à qui aurait incombé la dépense, avait refusé le projet. Depuis cette date, le nombre des étudiantes a considérablement augmenté et les mœurs évolué, si bien qu'« il n’apparait plus indispensable qu’un escalier particulier desserve l’étage des jeunes filles. Une double porte en chêne massif dont les résidentes auraient seules la clef, à l’entrée du couloir de l’étage féminin, paraît être une garantie suffisante ». L’UGAB proposant de prendre les travaux à sa charge, le CA de la Fondation nationale, dans sa séance du 2 juin 1971, approuve le projet à l’unanimité. Les travaux sont réalisés pendant les vacances d’été 1971.

Autonomie, répercussion des évènements internationaux et déficit

Les années 1970 sont marquées également par un changement de statut de la fondation. A l’origine administrée par la Fondation nationale, par l’intermédiaire du directeur de la Maison des Provinces de France, elle est, tout en restant « maison rattachée », dotée à partir de décembre 1962 d’un directeur particulier - nommé par le recteur, de préférence parmi les universitaires français d’origine arménienne - puis, le 8 janvier 1964, d’un conseil intérieur. Dès l’origine, son déficit chronique est assumé par la Fondation nationale, mais, à partir du 1er janvier 1976, la relève est prise par l’UGAB (qui doit notamment faire face aux difficultés croissantes de l’accueil des jeunes Arméniens réfugiés). En conséquence, l’acte initial est modifié le 8 décembre 1976 pour donner à la fondation le statut de maison dite « non rattachée » administrée par un conseil d’administration (de 8 membres). « L’UGAB devra faire face aux charges du budget ordinaire comme aux frais d’entretien courant du bâtiment et du mobilier. Au cas où le compte de gestion se révèlerait déficitaire, l’UGAB en assurera l’équilibre ; l’entretien du gros œuvre est à la charge de la Fondation nationale ».

Pour aider financièrement la maison, une association est créée en 1974, « les Amis de la Fondation Marie Nubar », dont le but est de payer les redevances de 15 étudiants environ. Cette association, ainsi que d’autres organismes philanthropiques arméniens, jouent un grand rôle lors de la guerre civile au Liban et de l’afflux de réfugiés arméniens dans les années 1976-1978 : les relations traditionnellement amicales entre la France et le Liban sont à l’origine, durant cette période, de l’accueil en France de dizaines de milliers de Libanais, parmi lesquels près de 2 000 Arméniens. « La Fondation Marie Nubar a largement ouvert ses portes en accueillant nos compatriotes par centaines. Débordant le cadre de sa vocation première, elle a été un véritable foyer d’accueil et d’orientation » (article du quotidien « Haratch », 31 novembre 1976). Elle est ensuite confrontée au problème de l’accueil des étudiants arméniens en provenance d’Iran et de Turquie. En mars 1979, « le nombre de cas sociaux traités constitue plus de 40 % de l’effectif total ». Après une période d’accalmie, le phénomène « réfugiés » réapparaît en 1988-1989 : « Libanais, Iraniens et Syriens d’origine arménienne ont débarqué et se sont installés sur le perron avec bagages, femme et quelquefois enfants ».

En juin 1981, la maison abrite 85 étudiants dont 65 Arméniens. A partir du mois de mars de la même année, elle fait l’objet d’actes d’hostilités et d’attentats terroristes. Un attentat à la bombe le 23 juin 1984 provoque de très nombreux dégâts.

Outre 72 chambres d’étudiants (66 simples, 6 doubles) réparties sur six niveaux, la maison comporte alors, au sous-sol : en plus des locaux de service, une grande salle, autrefois cafétéria, qui sert maintenant de salle de réunion pour les étudiants, et une salle de tv ; au rez-de-chaussée : un salon, une bibliothèque, l’appartement du directeur, son bureau ainsi que la conciergerie et le logement du concierge. En ce qui concerne les installations et aménagements intérieurs, elle « souffre d’un énorme retard d’entretien qui ne peut valablement être rattrapé que par une réhabilitation générale du bâtiment ».

En juillet 1984, grâce aux fonds débloqués par l’UGAB, d’importants travaux sont entrepris (renouvellement de l’installation téléphonique détruite par l’attentat ; rénovation des sanitaires collectifs et de tous les lavabos ; serrurerie, électricité, vitrerie, menuiserie). Mais bien d’autres travaux restent à envisager, notamment la réfection de la toiture et du chauffage central (la fondation a été « individualisée », c’est-à-dire séparée de la Maison des Provinces de France en 1983, avant celle de Monaco en 1984). L’ensemble excède le cadre des dépenses locatives et des frais d’entretien que l’UGAB a accepté de prendre en charge en vertu de la convention du 8 décembre 1976, et incombe juridiquement à la Fondation nationale, propriétaire de l’immeuble, qui ne dispose d’aucun crédit pour rénover la maison. En décembre 1986, celle-ci se trouve dans une situation très grave. Sa dette à l’égard de la Fondation nationale dépasse la somme d’un million de francs, et elle court le risque d’être fermée par défaut de travaux urgents.

Une réhabilitation complète est entreprise 10 ans plus tard, grâce à des subventions publiques auxquelles s'ajoutent une subvention de l'UGAB (600 000 francs). D'abord programmés pour répondre à des impératifs de sécurité (électricité, plomberie, etc), ces travaux comprennent aussi une remise à neuf des chambres, depuis les revêtements jusqu'au remplacement des fenêtres et à l'aménagement de quelques sanitaires privés. Des cuisinettes d'étage sont également installées. Cette rénovation de la maison s'accompagne d'une sérieuse mise à plat de sa gestion. Des mesures de restructuration (ajustement des redevances, mise en commun de l'effectif salarié et de certains services avec la Maison des Provinces de France) permettent de dégager une part d'autofinancement conséquente pour ces travaux et ceux qui suivront. La maison rénovée accueille de nouveau les résidents en février 1997.

  • Période(s)
    • Principale : 2e quart 20e siècle , daté par source
  • Dates
    • 1930, daté par source
  • Auteur(s)
    • Auteur :
      Nafilyan Léon
      Nafilyan Léon

      Né à Constantinople en 1877, Léon Nafilyan fait ses études secondaires à Paris, où il est pensionnaire au collège Sainte-Barbe, puis entre à l'École nationale supérieure des beaux-arts en 1900, en qualité d'élève étranger, dans l'atelier d'Edmond Paulin. Après une installation dans la capitale ottomane et un long voyage en Asie mineure, en Arménie et en Syrie, il s'établit définitivement à Paris en 1917. il est l'auteur de nombreuses églises pour les communautés arméniennes de France, d'Égypte et d'Éthiopie mais ce sont les commandes parisiennes, ou de la proche banlieue, qui accaparent ensuite principalement son activité (il construit par exemple les immeubles du 9-11 square Alboni et du 21-25 rue Raynouard, à Paris 16e). Pour Boghos Nubar Pacha, il édifie en 1924 l'église arménienne du Caire, Saint-Grégoire-l'Illuminateur, et en même temps que le pavillon de la Cité universitaire, une clinique ophtalmologique à Erevan.

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      architecte attribution par source
    • Auteur :
      Chichmanian Raphaël
      Chichmanian Raphaël

      Après avoir terminé ses études secondaires à Constantinople, Raphaël Chichmanian se rend à Paris en 1908, grâce à une bourse de voyage octroyée par le Patriarcat arménien, et étudie la peinture à l'Académie Julian, à l'Ecole nationale des beaux-arts et à l'Ecole nationale des arts décoratifs. Portraitiste et paysagiste, il se spécialise aussi dans l'art décoratif, ayant à coeur de faire revivre la tradition arménienne, celle de la calligraphie et des enluminures médiévales. Il fait partie du groupe ANI, association des peintres arméniens de la diaspora créée à Paris en 1926.

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      peintre attribution par travaux historiques

Le bâtiment a la forme d’un parallélépipède de proportions modestes, dont la superficie n’atteint pas 700 m2. Suivant le programme du donateur, inspiré par la Fondation nationale, les locaux destinés à la vie communautaire ont été en effet réduits au minimum : inclus dans un projet d’ensemble prévoyant le partage de services et d'espaces communs (chaufferie, buanderie, salle des petits déjeuners..) aménagés dans la Maison des Provinces de France, le pavillon arménien est conçu, à l’origine, comme l’"annexe" ouest de ce vaste immeuble auquel il est relié par une galerie couverte, la Maison de Monaco constituant l'annexe est. Il comprend 70 chambres sur cinq niveaux, au-dessus d’un soubassement dévolu aux services, qui occupent aussi une partie du rez-de-chaussée.

Le sous-sol étant constitué par une ancienne carrière consolidée, les fondations ont été effectuées sur des longrines de soutien au-dessus de cette carrière. Les façades sont autoporteuses.

Le volume simple et massif du bâtiment est rompu par la saillie de travées coiffées de pignons triangulaires et par le volume de deux absides basses (abritant au nord un logement, au sud un salon). Les façades principales sont rythmées de travées doubles séparées par des niches, sauf sous les pignons percés de triplets ; toutes les baies sont soulignées par deux colonnettes engagées filant sur trois étages. Selon le vœu de Boghos Nubar, Léon Nafilyan a conçu un édifice rappelant « le style national arménien ». Les églises et couvents de l’Arménie médiévale ont fourni à l'architecte des modèles pour traiter le décor parant les murs extérieurs. Le soin apporté à l’appareil des façades, réalisées en pierre de taille de diverses tonalités sur une ossature en béton armé, est caractéristique des monuments arméniens, tout comme les arcatures en plein cintre du troisième étage et les longues rainures en forme de niches dièdres séparant les baies jumelles. Les éléments décoratifs constituent autant de réminiscences – presque de citations – du répertoire médiéval des églises d’Aghtamar ou de Saint-Thadée Vank : corniche, frises continues et macarons dessinent des motifs géométriques (vannerie, entrelacs) ou puisés dans la faune et la flore, finement sculptés par le statuaire François Mourgues. Sur le tympan surmontant le porche, l’inscription « Maison arménienne » emprunte aux manuscrits enluminés sa calligraphie en forme d’oiseaux. Le décor extérieur se prolonge dans le hall d’entrée où figure un buste en bronze du donateur. La cage d’escalier est ornée de grandes verrières à bordures traditionnelles de rinceaux et d’oiseaux et à dessins géométriques, issues des ateliers Gaudin. Dans la bibliothèque, les tables canoniques des manuscrits médiévaux ont servi de modèle aux dessus-de-porte exécutés par Raphaël Chichmanian, paysagiste et portraitiste, également spécialisé dans la peinture décorative.

La dimension des chambres est de 3m 70 sur 4, soit 14 m 80. Au 5e étage figurent 5 chambres plus petites, dotées d'un lavabo, sans cabinet de toilette. Toutes les autres ont un petit cabinet de toilette et une penderie.

  • Murs
    • pierre béton armé
  • Toits
    tuile plate
  • Étages
    étage de soubassement, rez-de-chaussée surélevé, 4 étages carrés, étage de comble
  • Couvertures
    • toit à longs pans
  • Techniques
    • sculpture
  • Représentations
    • ornement animal, ornement géométrique, ornement végétal

Documents d'archives

  • 193 IFA, fonds Léon Nafilyan : plans, dessins sur calque, correspondance, 1929-1934.

    Institut français d'architecture, Paris
  • AJ16/7037 : origines, plans, gestion, 1928-1946.

    Archives nationales, Pierrefitte-sur-Seine
  • 20090013/320 : construction, mémoires des travaux, 1954-1956.

    Archives nationales, Pierrefitte-sur-Seine
  • 20090013/1038 : création, 1928–1974.

    Archives nationales, Pierrefitte-sur-Seine
  • 20090013/1039-1040 : fonctionnement, 1928-1965, 1981-2000.

    Archives nationales, Pierrefitte-sur-Seine
  • 20090013/1041 : gestion financière, 1985-1998.

    Archives nationales, Pierrefitte-sur-Seine
  • 20090014/11-13 : administration générale, fonctionnement, gestion, 1956-1987.

    Archives nationales, Pierrefitte-sur-Seine
  • VM90 403 : jardin de la fondation, 1932.

    Archives de Paris

Bibliographie

  • Blanc, Brigitte, Sukiasyan, Philippe," Maison des étudiants arméniens (Fondation Marie Nubar), Léon Nafilyan, architecte". Collection Architectures de la Cité internationale universitaire de Paris, 2010.

  • Blanc, Brigitte, La Cité internationale universitaire de Paris, de la cité-jardin à la cité-monde, Lieux Dits, 2017, 390 p.

    p.147-151.
  • Lemoine, Bertrand, La Cité internationale universitaire de Paris, Hervas,1990, 120 p.

    p.56-57.
  • Tarsot-Gillery, Sylviane, (dir) et alii, La Cité internationale universitaire de Paris. Architectures paysagées, L'Oeil d'or, 2010, 63 p.

    p.17.
  • Vazieux, Sabine, "Léon Nafilyan, architecte, 1877-1937". Mémoire de maîtrise d'histoire de l'art, sous la direction de F. Hamon et de B. Foucart, université Paris IV, 1995.

Périodiques

  • Henry, Frédéric, "La Maison des étudiants arméniens", L'Architecture, 47e année, 1934, p.100-104.

  • Margerand, Jean-Louis, "Maison des étudiants arméniens à la Cité universitaire de Paris", La Construction moderne, 21 mai 1933, p. 510-514.

Date(s) d'enquête : 2012; Date(s) de rédaction : 2017
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