Dossier d’œuvre architecture IA93000632 | Réalisé par
Duhau Isabelle (Contributeur)
Duhau Isabelle

Conservatrice du patrimoine, Région Île-de-France, service Patrimoines et Inventaire.

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  • opération ponctuelle
Cimetière intercommunal des Joncherolles
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Région Ile-de-France - Inventaire général du patrimoine culturel

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Pierrefitte-sur-Seine
  • Commune Villetaneuse
  • Adresse 95 rue Marcel-Sembat

Dès 1952, Pierrefitte, Villetaneuse, Saint-Denis et Saint-Ouen envisagent de créer un cimetière intercommunal. Le Syndicat intercommunal des Joncherolles est constitué en 1958 et regroupe les quatre communes. Elles seront rejointes par Epinay-sur-Seine en 1972. Le syndicat confie le dessin du cimetière à l’architecte Robert Auzelle (1913-1983), déjà bien connu pour ses recherches et ses réalisations de cimetières (celui de Clamart a ouvert l’année précédente). Auzelle s’associe sur ce dossier à l’architecte Raymond Gervaise. Le terrain choisi est situé à cheval sur les communes de Villetaneuse et de Pierrefitte, au lieu-dit Les Joncherolles. Il s’agit d’une surface d’environ 36 ha de plan sensiblement rectangulaire, dont les grands côtés sont orientés nord-sud. A l’est, le petit côté borde la N1 et les voies de chemin de fer Paris-Creil. A l’ouest, le terrain bénéficie d’un accès sur la départementale 24. Il est en partie constitué de zones argileuses peu absorbantes et donc peu propices à la réalisation d’un cimetière, sauf à réaliser d’importants travaux de drainage de surface et de remblais. Le syndicat souhaite un cimetière paysager, d’environ 30 000 places qui puisse être réalisé, selon un budget serré, en plusieurs phases. Auzelle formalise lui-même le cahier des charges, y inscrivant les éléments qu’il juge nécessaire à la composition d’un tel équipement, ossuaire nécrologe, aire de cérémonie, columbarium, crématorium, œuvre d’art monumentale, tombes en enfeus…

Le maitre d’œuvre rend un premier projet dès la fin 1958, légèrement modifié jusqu’en 1960. Une future voie rapide Nord-Sud doit diviser le terrain en deux. Auzelle dessine une composition géométrique, implantée de part et d’autre de cette voie et reliée par des circulations en sous-terrain. L’accès principal au cimetière se fait depuis le CD 24 donnant sur deux parkings pour 400 véhicules (1 et 2) implantés près de commerces funéraires (3). Un passage souterrain piéton (4) et un autre pour les véhicules (5) donnent accès au cimetière lui-même à l’est de la future voie. La nécropole se développe selon un axe ouest-est. Une grande esplanade gazonnée de 500 m x 130 m accueillant onze fosses d’ossuaires entourées chacune de dix petits édicules cruciforme servant de nécrologes (8 surfaces d’inscription pour les noms) aboutit à la zone des enfeus entourant un monument (13). De part et d’autre de cette esplanade, se répartissent une vingtaine de carrés d’inhumation séparés par des plantations et conçus comme autant de petits cimetières desservis autant que possible par des circulations à sens uniques (3 m de large) pour des raisons économiques. A l’ouest, on trouve les bâtiments de services (10), une aire de cérémonie (9), un parking secondaire (8) et le logement du conservateur (11) ; au sud un columbarium (15) et l’emplacement d’un futur crématorium (16) ; au nord, une entrée secondaire (14). L’ensemble du terrain est boisé sur son pourtour sur 40 m et entre chaque aire d’inhumation. L’aire de cérémonie est fermée sur trois côtés pour former un meilleur abri. Auzelle prévoit de la construire sur la base d’une structure bois d’une portée de 20 m couverte de toits d’ardoise à faible pente et de murs verticaux en partie couvert d’essentage d’ardoise. Ce projet ne reçoit aucun début d’exécution.

En 1964, il est relancé après que le périmètre du terrain ait été modifié : l’extrême ouest de la parcelle, au-delà de la future voie rapide est retiré. Une nouvelle voie longeant tout le sud du terrain est projetée pour desservir la future université de Villetaneuse (Paris XIII). La nouvelle limite à l’ouest est en outre grevée d’une servitude pour des pylônes d’un réseau électrique haute-tension. La surface globale est réduite à 29 ha. Auzelle remplace Gervaise qui souhaitait se retirer, monopolisé sur d’autres chantiers conjoints, par l’architecte Pierre Lery. Le nouveau projet, rendu en 1965, conserve les caractéristiques du précédent (périphérie entièrement plantée ; secteurs de sépultures orthogonaux séparés les uns des autres par des plantations denses ; tracé de la voirie réduit au minimum). La composition d’ensemble ne repose plus toutefois sur un axe monumental ouest-est. Les aires d’inhumation sont en outre resserrées, du fait de la réduction globale de la surface allouée. Des parcours en sous-bois bordés de sépultures réunissent quelques clairières ou sont disposés d’autres emplacements isolés. L’entrée est désormais située au sud-est, dans l’axe de la limite entre les deux communes. Les commerces funéraires sont implantés de part et d’autres de cet axe afin qu’ils profitent à part égale aux deux communes ; au-delà on trouve l’aire des cérémonies et sur la droite le bâtiment d’administration, des ateliers, des garages. A l’est, un immense carré accueille l’ossuaire en son centre, lui-même entouré d’enfeus dessinant en plan une croix ; le colombaire est implanté à l’ouest du terrain. Le chantier ne commence toujours pas.

En 1969, l’emprise du terrain est encore modifiée et restreinte à 25 ha. Elle est de nouveau réduite à l’ouest, mais légèrement agrandie au sud, puisque la voie des Facultés est abandonnée. Le programme, à la demande du service des pompes funèbres, comprend désormais un funérarium. Auzelle rend un nouvel avant-projet qu’il affine en 1970-71 dans lequel la composition générale est encore resserrée afin de répondre à la réduction du terrain. Son principe repose désormais sur une trame orthogonale générale de 7 x 7 m, mise au point la même année pour le cimetière de Valenton (mais dont toutes les possibilités d’inhumation ne seront pas déclinées ici du fait de l’adoption d’un système d’inhumation surélevé à 2m50). Le permis de construire pour la première tranche, aménagement de 16 ha (8 000 sépultures, 1 400 enfeus et 2 400 ossuaires individualisés) et construction de tous les bâtiments, est obtenu en 1972. Les travaux commencent dans la foulée et le cimetière est inauguré le 4 avril 1977. Auzelle avait dessiné des meubles spécifiques pour le bâtiment d’accueil, la salle omniculte et le crématorium, espérant le compléter « avec du mobilier de grande qualité de type « Knoll » ». Mais à la fin du chantier, face aux contraintes budgétaires, il se résolut à choisir du mobilier de collectivité plus ordinaire, fourni par la société parisienne IGAM (Installations Générales Ameublement Moderne).

Son crématorium est le second à être construit dans la région parisienne, après celui du Père-Lachaise, mis en service en 1889. En 1982-83, afin de faire face à l’augmentation des crémations, des modifications y sont entreprises : remplacement du premier four et installation d’un second pour lequels deux nouvelles cheminées sont construites. Par ailleurs, dès la fin du chantier, des fissures liées à des affaissements et des problèmes d’étanchéité des toitures apparaissent. Le syndicat intente une action en justice contre les architectes, et certaines des entreprises pour malfaçons. Le jugement rendu en 1985 condamne les ayants-droit de Robert Auzelle (mort en 1983) Pierre Lery ainsi que la société SOCOREN, chargée de l’étanchéité des coques de béton des couvertures.

La deuxième phase du projet n’est réalisée qu’à partir de 1995 qui ne reprend ni le dessin ni le principe de surélévation des aires d’inhumation d’Auzelle ; deux aires supplémentaires sont ajoutées à l’extrême ouest puis un carré musulman en 2001. Le jardin du souvenir, lieu de dispersion des cendres est réaménagé en 2015.

Le cimetière se compose d’une succession d’aires d’inhumation de plan carré ou rectangulaire agencées selon une trame très resserrée, afin de maintenir un nombre important de places malgré la réduction du terrain alloué. Le pourtour de la nécropole reste largement boisé et accueille les tombes paysagères. Pour des raisons d’économie, Auzelle propose de simplifier le drainage du terrain et conçoit des espaces d’inhumation surélevés de 2,50 m dans lequel il réintroduit le principe qu’il apprécie peu des caveaux (des éléments en béton préfabriqués par la société Weser et empilés sont installés à titre expérimental dans un des carrés d’inhumation). Ces aires d’inhumation, entourées de végétation, sont contenues par des murs de soutènement constitués de modules verticaux de béton moulé, assemblés pour former des parois et des rampes d’accès. Comme à son habitude, par souci de rationalité, Auzelle hiérarchise les voies de circulation : primaire, à double sens au niveau du sol ; secondaire, plus étroite pour atteindre les aires d’inhumation ; tertiaire pour les allées piétonnes entre les tombes. Certains secteurs du cimetière sont plantés de peupliers d’Italie et de peupliers robusta, afin de contribuer à l’asséchement du terrain. Leur verticalité contraste avec l’horizontalité des bâtiments et des carrés d’inhumation. A l’est, une zone importante est réservée à l’ossuaire entouré d’alignements d’enfeus. L’esplanade précédant l’entrée principale et les parkings sont placés au sud-est (Auzelle prévoit des entrées secondaires au Nord et à l’ouest), tout comme l’ensemble des bâtiments précédé par le monument, sculpture des Trois Parques, œuvre commandée à Maurice Calka. Les commerces funéraires demeurent répartis de part et d’autre de la limite communale. Le funérarium, le dépositoire, le crématorium surmonté de l’aire de cérémonie et les bureaux sont désaxés sur la gauche, les bâtiments de services et des logements sur la droite. Toutes ces fonctions sont installées dans des volumes bâtis successifs séparés par des patios et reliés par des galeries. Toujours dans un objectif d’économie, mais également dans un souci de monumentalité, l’architecte propose de couvrir ces bâtiments de coques en béton préfabriquées d’une portée de 27 m (faisant l’objet d’un brevet et déjà utilisées pour couvrir des surfaces d’entrepôts, de magasins ou d’ateliers). L’effet monumental est souligné par l’horizontalité créée par les portiques reliant les bâtiments et formant en même temps les chéneaux recueillant les eaux de pluie des coques et contribuant à l’étaiement des murs porteurs (éléments préfabriqués en béton et en brique).

Resté discret durant la longue phase de gestation du projet, Auzelle aborde dans ses écrits rétrospectifs les inconvénients que présente le site retenu, tant pour la nature du terrain que pour l’environnement. La « vulgarité objective » de l’environnement du cimetière (gare de triage, usines, grand ensemble constitué de barres et tours construit au nord durant les années 1960) l’incite à concevoir un équipement qui « affirme sa volonté d’exister », qui donne « un sentiment de puissance et de majesté ». La qualité de sa composition architecturale repose, outre l’effet sculptural des coques de la couverture et le classicisme de ses portiques, également dans la mise en œuvre de chéneaux et de gargouilles monumentaux qui mettent « en exergue le cheminement de l’eau sur les bâtiments » et symbolisent « l’écoulement du temps et le côté inexorable de la mort mais accusent par opposition la vigueur et la vitalité de l’architecture ».

Ce thème des coques en béton et des gargouilles monumentales est repris dans la composition de l’ossuaire. Sur une plateforme surélevée se déploient les rangées d’ossuaires individuels, aujourd’hui columbariums, formant en plan une grecque. Sur chacun des quatre côtés de la plate-forme, au niveau du sol naturel, quatre rangées d’enfeus (superposition sur deux rangs d’alvéoles hexagonales préfabriquées en béton recouverte de végétation dissimulant les cheminées d’aération) forment une croix grecque. Au centre de la plateforme, est ménagé un patio en contrebas,placé lui aussi au niveau du sol naturel, et entouré sur ses quatre côtés de murs dissimulant les ossuaires collectifs. Au centre de ce patio difficilement accessible, on y accède par d'étroits escaliers depuis la plateforme, Auzelle place un monument en forme de dodécaèdre, qu'il conçoit comme un précieux refuge de méditation individuelle.

La salle omniculte et le crématorium constituent l’élément clé de la composition bâtie. Comme à Valenton, conçu à la même époque, Auzelle dessine un bâtiment de plan rectangulaire, le seul, à deux niveaux. Côté entrée du cimetière, une rampe monumentale en fer à cheval conduit les convois à la salle omniculte, à l’étage. A l’autre extrémité de la salle, côté cimetière, une seconde rampe permet au cortège de gagner le lieu d’inhumation après la cérémonie. Les matériaux de construction de la salle, béton des coques de la couverture et brique des parements, lui confèrent monumentalité et sobriété. Elle bénéficie d’amples éclairages latéraux complétés par un éclairage zénithal coloré jaune, rouge, bleu et vert. Deux panneaux de mosaïque dus au peintre Atila Biro ornent le dessus des portes monumentales recouvertes de plaques de lave émaillée dues au sculpteur Pierre Sabatier (qui travaille aussi à Valenton). Le crématorium est placé au rez-de-chaussée. Celui-ci comprend une salle de cérémonie, dotée de jardins d’hiver et de bassins latéraux, garnis de plantes tropicales et aquatiques. L’architecte a cherché avec ce dispositif à se rapprocher des crématoriums du nord de l’Europe, implantés dans des espaces paysagers ou boisés afin de se démarquer des quelques équipements français existants, dont l’architecture austère « ne favorise pas la propagation de l’idée crématiste ». Le four est placé au fond dans une pièce annexe en forme d’abside, derrière les Portes de l’Au-delà (également de Sabatier), qui s’ouvrent pour laisser pénétrer le cercueil. De part et d’autre, un escalier de communication et un ascenseur permettent auparavant à ce cercueil et à la famille de descendre de la salle omniculte. A l’extérieur, entre les deux rampes de descente vers le cimetière, un triangle gazonné est destiné à la dispersion des cendres. Deux cheminées sont venues compléter la première lors de l’installation d’un second four crématoire en 1983.

Auzelle ne cherche pas à Villetaneuse à créer un cimetière paysager, les aires d'inhumation étant trop denses. Il lui préfère un système de plantations dessinant un jardin structuré, s'appuyant sur une sélection restreinte d'essences, plantées en alignements rectilignes : hauts peupliers dans certaines zones localisées et conifères (des thuyas) pour séparer les espaces d'inhumation tandis que d'autres zones sont engazonnées.

Enfin, comme dans ses autres projets, l'architecte porte une attention particulière aux circulations, les hiérarchisant entre voies à double sens et voies plus étroites à sens unique pour véhicules motorisés et chemins piétons. Afin que le portage à bras des cercueils n’excède pas 35 à 40 m, de grandes rampes permettent aux véhicules d'atteindre les aires d’inhumations surélevées.

  • Murs
    • béton
    • brique
    • cuivre
  • Toits
    béton en couverture
  • Élévations extérieures
    élévation à travées
  • État de conservation
    bon état
  • Statut de la propriété
    propriété publique
  • Intérêt de l'œuvre
    à signaler

Documents d'archives

  • SIAF/CAPA. Fonds Robert Auzelle 242 IFA, Carton 51, affaire RA 17 ; Carton 52, Affaire RA 17 ; Carton 53, affaire RA 17 ; Carton 77, affaire 142 ; Carton 78, affaire 153.

  • Centre Pompidou, bibliothèque Kandinsky. Fonds Vera Cardot et Pierre Joly. Reportage photographique du cimetière des Joncherolles, 171 vues, 1972-1976. 3505 AUZE d.

Bibliographie

  • BERTRAND, Frédéric, L’architecture et l’urbanisme funéraires parisiens à l’ère des métropoles. Regard sur l’œuvre et la pensée de Robert Auzelle (1913-1983). Thèse d’architecture, Paris VIII, 2003.

    p. 449-454

Périodiques

  • « Aménagement du cimetière intercommunal des Joncherolles », Expomat –Actualités, déc. 1974, n°48, p. 75-84.

Date d'enquête 2016 ; Date(s) de rédaction 2017
(c) Région Ile-de-France - Inventaire général du patrimoine culturel
Duhau Isabelle
Duhau Isabelle

Conservatrice du patrimoine, Région Île-de-France, service Patrimoines et Inventaire.

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