Dès 1952, Pierrefitte, Villetaneuse, Saint-Denis et Saint-Ouen envisagent de créer un cimetière intercommunal. Le Syndicat intercommunal des Joncherolles est constitué en 1958 et regroupe les quatre communes. Elles seront rejointes par Epinay-sur-Seine en 1972. Le syndicat confie le dessin du cimetière à l’architecte Robert Auzelle (1913-1983), déjà bien connu pour ses recherches et ses réalisations de cimetières (celui de Clamart a ouvert l’année précédente). Auzelle s’associe sur ce dossier à l’architecte Raymond Gervaise. Le terrain choisi est situé à cheval sur les communes de Villetaneuse et de Pierrefitte, au lieu-dit Les Joncherolles. Il s’agit d’une surface d’environ 36 ha de plan sensiblement rectangulaire, dont les grands côtés sont orientés nord-sud. A l’est, le petit côté borde la N1 et les voies de chemin de fer Paris-Creil. A l’ouest, le terrain bénéficie d’un accès sur la départementale 24. Il est en partie constitué de zones argileuses peu absorbantes et donc peu propices à la réalisation d’un cimetière, sauf à réaliser d’importants travaux de drainage de surface et de remblais. Le syndicat souhaite un cimetière paysager, d’environ 30 000 places qui puisse être réalisé, selon un budget serré, en plusieurs phases. Auzelle formalise lui-même le cahier des charges, y inscrivant les éléments qu’il juge nécessaire à la composition d’un tel équipement, ossuaire nécrologe, aire de cérémonie, columbarium, crématorium, œuvre d’art monumentale, tombes en enfeus…
Le maitre d’œuvre rend un premier projet dès la fin 1958, légèrement modifié jusqu’en 1960. Une future voie rapide Nord-Sud doit diviser le terrain en deux. Auzelle dessine une composition géométrique, implantée de part et d’autre de cette voie et reliée par des circulations en sous-terrain. L’accès principal au cimetière se fait depuis le CD 24 donnant sur deux parkings pour 400 véhicules (1 et 2) implantés près de commerces funéraires (3). Un passage souterrain piéton (4) et un autre pour les véhicules (5) donnent accès au cimetière lui-même à l’est de la future voie. La nécropole se développe selon un axe ouest-est. Une grande esplanade gazonnée de 500 m x 130 m accueillant onze fosses d’ossuaires entourées chacune de dix petits édicules cruciforme servant de nécrologes (8 surfaces d’inscription pour les noms) aboutit à la zone des enfeus entourant un monument (13). De part et d’autre de cette esplanade, se répartissent une vingtaine de carrés d’inhumation séparés par des plantations et conçus comme autant de petits cimetières desservis autant que possible par des circulations à sens uniques (3 m de large) pour des raisons économiques. A l’ouest, on trouve les bâtiments de services (10), une aire de cérémonie (9), un parking secondaire (8) et le logement du conservateur (11) ; au sud un columbarium (15) et l’emplacement d’un futur crématorium (16) ; au nord, une entrée secondaire (14). L’ensemble du terrain est boisé sur son pourtour sur 40 m et entre chaque aire d’inhumation. L’aire de cérémonie est fermée sur trois côtés pour former un meilleur abri. Auzelle prévoit de la construire sur la base d’une structure bois d’une portée de 20 m couverte de toits d’ardoise à faible pente et de murs verticaux en partie couvert d’essentage d’ardoise. Ce projet ne reçoit aucun début d’exécution.
En 1964, il est relancé après que le périmètre du terrain ait été modifié : l’extrême ouest de la parcelle, au-delà de la future voie rapide est retiré. Une nouvelle voie longeant tout le sud du terrain est projetée pour desservir la future université de Villetaneuse (Paris XIII). La nouvelle limite à l’ouest est en outre grevée d’une servitude pour des pylônes d’un réseau électrique haute-tension. La surface globale est réduite à 29 ha. Auzelle remplace Gervaise qui souhaitait se retirer, monopolisé sur d’autres chantiers conjoints, par l’architecte Pierre Lery. Le nouveau projet, rendu en 1965, conserve les caractéristiques du précédent (périphérie entièrement plantée ; secteurs de sépultures orthogonaux séparés les uns des autres par des plantations denses ; tracé de la voirie réduit au minimum). La composition d’ensemble ne repose plus toutefois sur un axe monumental ouest-est. Les aires d’inhumation sont en outre resserrées, du fait de la réduction globale de la surface allouée. Des parcours en sous-bois bordés de sépultures réunissent quelques clairières ou sont disposés d’autres emplacements isolés. L’entrée est désormais située au sud-est, dans l’axe de la limite entre les deux communes. Les commerces funéraires sont implantés de part et d’autres de cet axe afin qu’ils profitent à part égale aux deux communes ; au-delà on trouve l’aire des cérémonies et sur la droite le bâtiment d’administration, des ateliers, des garages. A l’est, un immense carré accueille l’ossuaire en son centre, lui-même entouré d’enfeus dessinant en plan une croix ; le colombaire est implanté à l’ouest du terrain. Le chantier ne commence toujours pas.
En 1969, l’emprise du terrain est encore modifiée et restreinte à 25 ha. Elle est de nouveau réduite à l’ouest, mais légèrement agrandie au sud, puisque la voie des Facultés est abandonnée. Le programme, à la demande du service des pompes funèbres, comprend désormais un funérarium. Auzelle rend un nouvel avant-projet qu’il affine en 1970-71 dans lequel la composition générale est encore resserrée afin de répondre à la réduction du terrain. Son principe repose désormais sur une trame orthogonale générale de 7 x 7 m, mise au point la même année pour le cimetière de Valenton (mais dont toutes les possibilités d’inhumation ne seront pas déclinées ici du fait de l’adoption d’un système d’inhumation surélevé à 2m50). Le permis de construire pour la première tranche, aménagement de 16 ha (8 000 sépultures, 1 400 enfeus et 2 400 ossuaires individualisés) et construction de tous les bâtiments, est obtenu en 1972. Les travaux commencent dans la foulée et le cimetière est inauguré le 4 avril 1977. Auzelle avait dessiné des meubles spécifiques pour le bâtiment d’accueil, la salle omniculte et le crématorium, espérant le compléter « avec du mobilier de grande qualité de type « Knoll » ». Mais à la fin du chantier, face aux contraintes budgétaires, il se résolut à choisir du mobilier de collectivité plus ordinaire, fourni par la société parisienne IGAM (Installations Générales Ameublement Moderne).
Son crématorium est le second à être construit dans la région parisienne, après celui du Père-Lachaise, mis en service en 1889. En 1982-83, afin de faire face à l’augmentation des crémations, des modifications y sont entreprises : remplacement du premier four et installation d’un second pour lequels deux nouvelles cheminées sont construites. Par ailleurs, dès la fin du chantier, des fissures liées à des affaissements et des problèmes d’étanchéité des toitures apparaissent. Le syndicat intente une action en justice contre les architectes, et certaines des entreprises pour malfaçons. Le jugement rendu en 1985 condamne les ayants-droit de Robert Auzelle (mort en 1983) Pierre Lery ainsi que la société SOCOREN, chargée de l’étanchéité des coques de béton des couvertures.
La deuxième phase du projet n’est réalisée qu’à partir de 1995 qui ne reprend ni le dessin ni le principe de surélévation des aires d’inhumation d’Auzelle ; deux aires supplémentaires sont ajoutées à l’extrême ouest puis un carré musulman en 2001. Le jardin du souvenir, lieu de dispersion des cendres est réaménagé en 2015.
Conservatrice du patrimoine, Région Île-de-France, service Patrimoines et Inventaire.