Dossier d’œuvre architecture IA95000570 | Réalisé par
Philippe Emmanuelle (Rédacteur)
Philippe Emmanuelle

Conservateur du patrimoine, Région Île-de-France, service Patrimoines et Inventaire.

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  • enquête thématique régionale, Architectures du sport en Ile-de-France
Plage fluviale de L'Isle-Adam
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Ile-de-France - Inventaire général du patrimoine culturel

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Ile-de-France
  • Commune L'Isle-Adam
  • Adresse 1 avenue du Général de Gaulle
  • Cadastre 2020 AR 2
  • Dénominations
    plage artificielle, complexe sportif
  • Précision dénomination
    plage fluviale

Ensemble balnéaire réalisé en plusieurs étapes durant la première moitié du XXe siècle, la plage fluviale de L’Isle-Adam est l’un des rares témoignages de ces architectures de loisir caractéristiques du développement des pratiques sportives avant la Première Guerre mondiale. Edifiée dans un style anglo-normand alors prisé pour la construction des maisons de villégiature, elle constitue le seul ensemble de ce type qui soit parvenu jusqu’à nous. En effet, plusieurs autres plages fluviales existaient le long des berges de l’Oise, de la Marne ou encore de la Seine mais elles ont quasiment toutes disparu, à l'exception de la plage de Villennes, ouverte en 1935 (inscrite au titre des Monuments historiques en 2009), mais aujourd'hui désaffectée, de la plage d'Elisabethville, dont les derniers aménagements ont été détruits et de certaines baignades, plus modestes, comme celle de Ris-Orangis, dont il ne subsiste plus que quelques cabines.

Comme le retrace Isabelle Duhau, à partir de la fin du XIXe siècle, les rivages des alentours de la capitale voient se développer une nouvelle typologie de baignades que celles jusqu'alors connues, qui s'apparentent le plus fréquemment à des bateaux-pontons (comme à Paris, les célèbres bains Deligny, reconstruits en 1840) : le bassin, traversé par le courant de la rivière, y reste délimité par des pontons flottants mais est complété par des aménagements annexes installés directement sur la berge [1]. La polyvalence des activités proposées est gage de succès : restaurant, guinguette, bar, kiosque à musique, etc. La plage fluviale de L'Isle-Adam en est l'illustration.

Située entre l'Oise et la forêt, aux portes du Vexin, L'Isle-Adam est le lieu de villégiature des plus grandes familles de la noblesse française, avant de devenir, avec la mise en service, en 1846, par la Compagnie des Chemins de fer du Nord, de la gare de Parmain, une ville attirant les artistes autant que les Parisiens en quête de vie au grand air et de loisirs.

La tradition des bains dans l'Oise est ancienne à l'Isle-Adam [2] ; un écrit datant de 1822 atteste que les adamois se baignent dans le bras de l'Oise dit du "Cabouillet". La première mention d'un équipement date de 1850 et concerne l'installation par Alfred Ducamp, propriétaire du château situé sur l'île du Prieuré (le château Conti), de deux cabines et d'un ponton. Des cours de natation sont organisés et placés sous la surveillance d'un maître-nageur, membre de la Société de Sauvetage et de Natation" fondée en 1894 par Monsieur Edmond Juste Desfossés, journaliste et maire de la commune (1896-1898). Dans les dernières années du XIXe siècle, une série de cabines en bois est construite sur le terrain qui domine le chemin de halage, sur la rive gauche de l'Oise.

En 1903, pour faire face aux besoins de la batellerie [3], un nouveau barrage et une nouvelle écluse sont construits en amont des îles. Le bras du Cabouillet est en revanche retiré à la navigation et des passerelles sont édifiées pour relier l'île de la Cohue à la rive gauche de l'Oise. En 1906, une description de la baignade de L'Isle-Adam précise qu'elle "peut être considérée comme une véritable petite plage balnéaire d'eau douce ; elle est située dans un bras de rivière interdit à la navigation où on n'est jamais gêné par la circulation de la batellerie. Le fond de la rivière est composé de sable fin, très doux aux pieds..." [4].

En 1910, Henri Supplice, natif de l'Isle-Adam, comprend les avantages de ce site : un cadre remarquable à proximité de la gare de Parmain-L 'Isle-Adam. Il acquiert et transforme la baignade primitive en plage aménagée. Avec l'aide d'Eugène du Pinet, qui vient d'être nommé architecte de la ville, il entreprend les premiers travaux : une douzaine de cabines sortent de terre, ainsi que de petits bâtiments techniques et le terrain est agrémenté de parterres fleuris. La Première Guerre mondiale freine le développement de cette initiative, mais dès 1920, Henri Supplice confie à Eugène du Pinet l'aménagement d'un véritable complexe balnéaire s'étendant sur 3,5 hectares, dont un de sable fin, avec une cinquantaine de cabines, un grand pavillon central, un toboggan débouchant dans la rivière, des plongeoirs, un bar-terrasse "le Normandy"...et un kiosque à musique.

Durant l'entre-deux-guerres, la plage de L'Isle Adam, à portée de train et vantée par des publicités, devient un lieu réputé. Pour mieux la faire connaître, Henri Supplice fonde en 1919 le Syndicat d'Initiative de la région de L'Isle-Adam. Le succès est tel que la commune devient Station touristique le 23 août 1921. Des trains spéciaux dits « La Plage » partent chaque week-end de la gare du Nord en direction de L'Isle-Adam. Le trajet est effectué dans un temps record de 37 minutes. En 1930, on rencontre à la plage des personnalités célèbres comme le peintre Vlaminck, la chanteuse Mistinguett, l'actrice Mary Marquet ; toutes les étoiles de la scène et de l’écran viennent s’y faire admirer.

Après la Seconde Guerre mondiale, à la suite de l’interdiction de se baigner dans l’Oise, de notables améliorations sont apportées. En 1947, M. Muller, grand fourreur parisien fortuné, devient propriétaire de la plage, tout en étant aussi Président du Syndicat d'Initiative. En 1948-1949, il la rénove de fond en comble. L’eau est traitée - les bassins de filtration par le sable, à ciel ouvert, étant dissimulés par les bâtiments de cabines ; le petit bassin est cimenté ; le grand bassin, auparavant directement dans la rivière, est remplacé par une structure en résine, encastrée au milieu de la plage et longeant seulement la berge (un pédiluve la ceinture qui évite qu’elle ne soit souillée pas le sable). Une pataugeoire pour les petits, un jardin d'enfants, un sauna ou encore un parcours de minigolf voient le jour.

Enfin, Johnny Weissmuller, l’ancien champion de natation, alias Tarzan, inaugure le « bassin-record » le 27 août 1949. Long de 25m, minimum réglementaire à l'époque pour recevoir des compétitions nationales et internationales, il n’est pas enterré, mais construit hors-sol en béton. Des tribunes entourent la cuve, à l’exception d’un des deux petits côtés où est placé le plongeoir. Les élévations extérieures sont ornées de faux colombage, eux aussi en béton, qui rappellent l’architecture des cabines de la Belle-Epoque. Elles sont percées de six hublots permettant de voir évoluer les nageurs et les plongeurs.

En 1952, la plage de L'Isle-Adam organise les Pré-Olympiades des futurs Jeux olympiques d'Helsinki. Tous les nageurs de premier plan, au niveau mondial, viennent s'affronter à L'Isle-Adam : Mady Moreau, championne de plongeon, sociétaire du « Club de la plage de L'Isle-Adam », créé la surprise aux jeux Olympiques d'Helsinki en remportant la médaille d'argent de plongeon. 

Le 3 juillet 1981, après de nombreuses années de négociation, la ville de L'Isle-Adam devient propriétaire des installations de la plage et après une mise en conformité, la plage est inaugurée le dimanche 2 août 1981 par Michel Poniatowski, maire de L'Isle-Adam.

[1] DUHAU, Isabelle, “Les baignades en rivière d’Île-de-France, des premiers aménagements à la piscine parisienne Joséphine-Baker”, Livraisons de l'histoire de l'architecture, 14 | 2007, 9-38.

[2] Dossier de candidature au label patrimoine d'intérêt régional de la plage fluviale de L'Isle-Adam, 2018.

[3] "La plage fluviale (début du XXe siècle)", site internet de l'Association Les Amis de L'Isle-Adam, disponible en ligne : https://amisdelisleadam.org/plage.php

[4] "Histoire de la Plage", site internet de la Ville de L'Isle-Adam : Histoire de La Plage | L'Isle-Adam (ville-isle-adam.fr)

La plage fluviale de L'Isle-Adam s'étend sur une surface de 3,5 hectares. A l'entrée du site, sur l'avenue du Général de Gaulle, se trouvent les deux pavillons d'accueil. Le grand bassin qui jouxte l'Oise (40 m de long) est bordé d'une plage de sable qui dessine un arc de cercle, à la manière d'un amphithéâtre à ciel ouvert permettant de contempler la rivière et les îles. Les cabines de plage (44 individuelles et 2 collectives) forment deux ailes basses, disposées sur le pourtour de l'arc de cercle ; datées des années 1920, elles sont en bois et coiffées de toits à longs pans recouverts de tuiles plates. Elles sont équipées d'oculi orthogonaux en verre de couleur. Elles masquent les bâtiments des installations techniques et l'infirmerie-poste de sauvetage, de même facture. La perspective constituée par l'alignement de ces cabines débouche sur le restaurant de la Plage et sa terrasse, devancés par un kiosque à musique. Tous ces édifices, peints d'un blanc immaculé, évoquent à la fois le style paquebot en vogue durant l'entre-deux-guerres (hublots, volumes géométriques) et l'architecture néo-normande (hautes toitures étagées, toits débordants, aisseliers aux formes travaillées, fenêtres à petits bois et faux colombages). Cette touche néo-régionaliste se retrouve dans la conception du bassin-record, long de 25 m, inauguré en 1949. Construit hors-sol, en béton, il est de plan rectangulaire régulier. Sa cuve, en superstructure, est entourée, sur les deux longs côtés, d'imposantes tribunes, dont les élévations extérieures sont ornées de faux pans de bois en béton, toujours dans les tons verts et blancs. Cette piscine se distingue par son portique d'entrée surmonté de l'arc allongé formé par les deux escaliers conduisant au plongeoir double, à 3 et à 5m. A l'arrière de ce grand bassin se situent le parcours de minigolf et la maison du gardien de la plage.

  • Murs
    • béton
    • bois
  • Toits
    tuile
  • Plans
    plan rectangulaire régulier
  • Couvrements
  • Couvertures
    • toit à longs pans
  • Statut de la propriété
    propriété de la commune
  • Intérêt de l'œuvre
    à signaler
  • Précisions sur la protection

    La plage fluviale de L'Isle-Adam a été labellisée "patrimoine d'intérêt régional" par le Conseil régional d'Île-de-France lors de la commission permanente du 4 juillet 2018.

Périodiques

  • DUHAU, Isabelle, « Les baignades en rivière d’Ille-de-France : des premiers aménagements à la piscine parisienne Joséphine Baker », dans Livraisons d’histoire de l’architecture, n°14, 2e semestre 2007, piscines, pp.9-38.

Date(s) d'enquête : 2022; Date(s) de rédaction : 2023
(c) Région Ile-de-France - Inventaire général du patrimoine culturel
Philippe Emmanuelle
Philippe Emmanuelle

Conservateur du patrimoine, Région Île-de-France, service Patrimoines et Inventaire.

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