Dossier d’œuvre architecture IA91001082 | Réalisé par
Philippe Emmanuelle (Contributeur)
Philippe Emmanuelle

Conservateur du patrimoine, Région Île-de-France, service Patrimoines et Inventaire.

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  • enquête thématique régionale, Architectures du sport en Ile-de-France
Hippodrome d'Evry
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Ile-de-France - Inventaire général du patrimoine culturel

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Ile-de-France
  • Commune Ris-Orangis
  • Lieu-dit
  • Adresse Avenue Irène et Frédéric Joliot-Curie
  • Cadastre 2020 AP 39
  • Dénominations
    hippodrome
  • Parties constituantes non étudiées
    restaurant, tribune du public, écurie, logement, manège

A la fin des années 1950, la situation de la région parisienne est préoccupante. Une croissance démographique accélérée la dote de 150 000 habitants supplémentaires chaque année. Son parc de logements est vétuste, inadapté et surpeuplé. Paris concentre l'essentiel de la vie économique et notamment les emplois de bureaux et la totalité des grands services et équipements de niveau régional. La banlieue, qui compte 5, 7 millions d'habitants, est sous-équipée et dépendante de la capitale. Le réseau des transports n'a pas suivi la multiplication des déplacements quotidiens, le métro s'arrêt aux portes de Paris et il n'existe que 29 km de voies rapides (autoroutes du Sud et de l'Ouest). La structure administrative s'avère enfin désuète puisque deux départements (la Seine et la Seine-et-Oise) rassemblent les 9/10e de la population francilienne. La création du District de la région de Paris (1961), structure de coordination et d'aménagement, la nomination à sa tête de Paul Delouvrier comme délégué régional et l'élaboration par l'IAURP (Institut d'Aménagement et d'Urbanisme de la Région Parisienne) d'un schéma directeur (1965) sont les points de départ d'une ambitieuse politique d'aménagement. L'une des réponses apportées à cette croissance inéluctable de la région parisienne par ce schéma directeur est le projet de création de villes nouvelles, qui doivent constituer de vrais centres urbains et pôles d'activités, en réaction aux grands ensembles des années 1950, dans lesquels seule la fonction résidentielle avait été prise en compte [1].

L'une des cinq villes nouvelles destinées à naître autour de Paris doit s'implanter sur le territoire d'Evry et des trois communes voisines de Bondoufle, Lisses et Courcouronnes. Le 1er janvier 1968, la Seine-et-Oise disparaît officiellement au profit de trois nouveaux départements, dont l'Essonne. Alors que le choix de Corbeil-Essonnes comme ville-préfecture aurait pu sembler logique, c'est finalement Evry-Petit Bourg (6000 habitants) qui est choisie comme chef-lieu du département. La construction du premier bâtiment de la ville nouvelle, la préfecture, est confiée à l'architecte Guy Lagneau [2]. inaugurée en 1971, elle s'élève au milieu des champs de betteraves, en même temps que sort de terre le premier quartier d'habitation du Parc aux Lièvres. En avril 1969 est instauré l'EPEVRY (Etablissement Public d'Aménagement de la ville d'Evry), chargé d'acquérir des terrains, de les viabiliser, de les revendre avec droit de construire à des promoteurs ou des industriels, ou à l'inverse de constituer des réserves foncières.

La création de la ville nouvelle d'Evry suppose de la doter d'équipements sportifs de grande capacité ; les premiers sont intégrés à l'Agora, le centre conçu sous l'égide de l'architecte Jean Le Couteur, inauguré en 1975, qui comprend une patinoire (voir le dossier IA 91001089) et une piscine.

Comme l'a montré Sophie Cueille [3], en Île-de-France, les premiers hippodromes destinés essentiellement aux courses de chevaux voient le jour dans le pourtour immédiat de la capitale, durant la seconde moitié du XIXe siècle. Dotés de bâtiments pérennes (tribunes, pavillons divers, écuries, manège, etc.), ils s'implantent à Longchamp (1857), Vincennes (1863), Auteuil (1873) et Saint-Cloud (1898-1902). En petite et grande couronnes, ils trouvent une terre d'élection dans les stations de villégiature, comme Maisons-Laffitte, Le Vésinet ou Enghien-les-Bains.

Le dernier site francilien où est construit un hippodrome est Evry : érigé à l'initiative de la Société de Sport de France pour remplacer celui du Tremblay (fermé en 1967 et situé sur le territoire de la commune de Champigny-sur-Marne - 94), il est inauguré en 1973. Par sa modernité, il devient vite l'un des bâtiments identitaires de la jeune Essonne et de la ville nouvelle.

Le terrain, d’une superficie de 96 hectares, est acheté à la commune de Ris-Orangis pour 3,7 millions de francs le 7 février 1969. Une parcelle attenante de 5,7 hectares, destinée spécifiquement à la construction des tribunes, est acquise dans la foulée auprès du ministère de l’Agriculture

Au cours du premier trimestre 1969, la Société Sport de France (qui fusionne en 1997 avec France Galop) ouvre un concours pour la construction d'un hippodrome près de la ville nouvelle d'Evry, sur un terrain plat en lisière de la forêt. Il doit pouvoir accueillir 10 000 personnes et 1450 voitures répartis dans six parkings.

Les éléments du programme sont très précis. L'équipement doit comprendre :

- une tribune de 3000 places assises, 500 places réservées et un restaurant panoramique de 150 couverts ;

- un paddock (lieu où les chevaux sont présentés aux parieurs par leurs jockeys avant les courses) dont le développement minimum est fixé à 170 m;

- une enceinte des balances comportant l'enclosure des cinq chevaux classés premiers, la salle de pesage des jockeys visible facilement du public, les locaux réservés aux commissaires, comités, juges etc. travaillant sur le site et au contrôle filmé des compétitions, un vestiaire pour 80 jockeys et une sellerie ;

- les écuries, avec 80 boxes, 40 stalles et trois ronds de promenades ;

- les guichets de pari mutuel (une centaine) ;

- les dépendances : une cafétéria de 300 m2, un restaurant pour le personnel, six logements de fonction et enfin, des hangars, ateliers, serres, etc.

Les candidats doivent tenir compte au maximum des plantations présentes sur le site et assurer une interpénétration de la végétation et des parties construites, ménager des points de vues agréables, dévoiler des perspectives grâce à un jeu de terrasses, attirer le public tout en le protégeant des intempéries. Ils doivent également rechercher l'emploi de techniques assurant une grande légèreté aux édifices, souligner l'horizontalité des tribunes et faire du grand auvent-porte-à-faux de la tribune un geste architectural.

A l'issue de la consultation, 52 projets sont remis mais seuls 5 sont examinés plus attentivement par le jury. C'est celui de l'architecte Jacques Regnault, s'apparentant, selon les commentaires de l'époque, à un aérogare, qui est finalement retenu à une forte majorité.

Né à Chantilly (Oise) en 1911, Regnault se forme à l'Ecole des Beaux-Arts dans l'atelier d'Alphonse Defrasse, Louis Aublet et André Hilt et est diplômé en 1941. L'hippodrome d'Evry constitue son projet le mieux connu.

Le chantier est titanesque : les 23 hectares de pistes, occupés par des bois, des terrains agricoles et des luzernes, doivent être entièrement défrichés [4]. Puis les sols, peu perméables, sont réaménagés par la pose d’une impressionnante couche de 55 km de drains. 50 000 mètres cube de gravas et 60 000 mètres cube de terre végétale amendée par apport de sable sont apportés. Un réseau d’arrosage perfectionné ainsi qu’un forage couvrant les besoins en eau permettent d’obtenir un terrain répondant aux dernières normes en vigueur.

L'hippodrome est officiellement inauguré le 5 avril 1973 ; il est parfois qualifié d'hippodrome "des Arcades".

En 1996, France Galop prend néanmoins la décision de le fermer, l'équipement ne semblant jamais avoir réellement rencontré et fidélisé son public. En 2013 naît le projet d'y bâtir le grand stade de la Fédération Française de rugby mais il est abandonné.

A partir de 2018, l'agglomération de Grand Paris Sud ambitionne, en vue des JO 2024, d'y installer un "cluster Grand Paris sport" comprenant une unité de recherche sur la performance sportive, la santé et le bien-être, un site d'accueil et d'accompagnement pour les start-up du sport, une plate-forme d'expérimentation pour tester de nouveaux produits, un pôle de formation dédié aux métiers du sport, une « cité des sports » qui regrouperait les projets des fédérations et enfin un pôle pour développer la thématique du sport et du handicap.

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[1] "Villes nouvelles : de l'inéluctable au volontarisme bien tempéré, éléments d'un bilan", Cahiers de l'Institut d'Aménagement et d'urbanisme (IAU) de la Région Île-de-France, 1989, n° 87-88, p. 14-22.

[2] JACOB, Delphine. "Pierre Guariche, architecte d'intérieur : la préfecture de l'Essonne ou la modernisation d'une institution de la Ve République", In Situ (en ligne), 34, 2018.

[3] CUEILLE, Sophie, "Le cheval de course en Île-de-France, une présence architecturale et paysagère", In Situ [en ligne], 18 / 2012.

[4] Informations extraites du site internet du Groupe rissois d'histoire locale : http://www.grhl.fr/2019/08/l-hippodrome-de-ris-orangis-evry.html

La tribune est le morceau de bravoure de l'hippodrome : de forme parabolique, surmontée d'un porte-à-faux en béton armé dont l'inclinaison évoque la toiture d'une pagode, elle est conçue pour favoriser la communion du public durant les courses. Depuis les gradins bas jusqu'aux étages supérieurs, son plan concave permet, comme l'explique l'article paru dans la revue L'Architecture d'Aujourd'hui en 1970, aux spectateurs de voir les courses et de se voir entre eux. L'architecte s'est attaché à ne pas la diviser pour ne pas compartimenter la foule.

L'hippodrome est également pensé pour offrir un spectacle permanent aux visiteurs en dehors des courses. Autour de la tribune se déploie ainsi tout un système de terrasses, de balcons et de patios en gradins d'où le public peut admirer, derrière l'édifice, le rond de présentation des chevaux, les écuries et les stalles qui sont disposées en étoile, selon un dessin concentrique, autour de ce manège. Le restaurant est orienté vers ces installations.

La distribution des différents locaux de l'hippodrome permet de raccourcir les parcours des commissaires et des juges. Les circulations verticales entre les loges et les salons sont assurées par des ascenseurs et des escaliers roulants.

Des galeries couvertes permettent de profiter du spectacle par tous les temps. A tous les étages, les parois vitrées offrent des vues lointaines jusqu'à l'entrée de l'hippodrome et aux parkings.

Les placages en acajou, le travail raffiné des rampes d'escalier en acier chromé, les dallages en marbre, les moquettes aux dessins géométriques, le mobilier et les luminaires profilés conservés sur le site montrent que l'hippodrome avait été conçu comme un véritable ensemble au design dernier cri.

Les écuries et stalles, en béton revêtu de placage en bois à l'effet rustique, couverts en terrasse et avec du shingle, forment des volumes bas, en rez-de-chaussée, qui se fondent dans l'environnement paysager, comme le réclamait le cahier des charges du concours.

Le site est aujourd'hui désaffecté.

  • Murs
    • béton béton armé
    • bois
    • verre
  • Toits
    acier en couverture, matériau synthétique en couverture
  • Statut de la propriété
    propriété publique
  • Intérêt de l'œuvre
    à signaler
  • Éléments remarquables
    tribune du public

Périodiques

  • "Hippodrome d'Evry", Architecture d'Aujourd'hui, 1970, n°150, p.27.

  • CUEILLE, Sophie, « Le cheval de course en Île-de-France, une présence architecturale et paysagère », dans In Situ, Le cheval et ses patrimoines (partie 1), n°18, 2012.

Date(s) d'enquête : 2022; Date(s) de rédaction : 2022
(c) Région Ile-de-France - Inventaire général du patrimoine culturel
Philippe Emmanuelle
Philippe Emmanuelle

Conservateur du patrimoine, Région Île-de-France, service Patrimoines et Inventaire.

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