Dossier d’œuvre architecture IA91001021 | Réalisé par
  • opération ponctuelle
Lotissement de la Nérac
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Chehab Ihssane

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton aire d'étude du département 91
  • Commune Boussy-Saint-Antoine
  • Adresse rue Nerac (de la)
  • Cadastre 2017 AE 187;197
  • Dénominations
    lotissement concerté

L'opération de la Nérac à Boussy-Saint-Antoine réalisée par Jacques Bardet est considérée comme un jalon de l'habitat intermédiaire en France. En effet, cette opération, labellisée Patrimoine du 20éme siècle en 2008 / Architecture contemporaine remarquable en 2017, s'inscrit dans un courant de pensée, initié par des architectes "humanistes" de seconde ligne qui ont remis en cause le logement social des années cinquante. En ce sens, ces architectes ont ouvert la voie au développement d'une nouvelle typologie d'habitat dit "intermédiaire" et innovant visant l'individualisation du collectif et l'industrialisation de l'habitat. L'objet de notre mémoire de recherche était de démontrer l'inscription de la Nérac dans ce courant de pensée ainsi que de la situer dans son contexte d'apparition qui est le lancement du projet de ladite "ville nouvelle" du Val d'yerres, qui n'a pas pu aboutir, par la société centrale immobilière de la caisse des dépôts et consignations ( SCIC).

Ce dossier est issu d'un d'un mémoire de TPE-R, rédigé dans le cadre du séminaire Histoire et critique du projet, Habitat intermédiaire et innovation ( à l'Ensa-Marseille ). Le récit de notre mémoire (consultable par le lien ci-dessous) commence par l'analyse du projet de la Nérac en révélant son originalité, son contexte d'apparition et son rôle dans le développement d'une nouvelle typologie d'habitat. Le deuxième chapitre situe la Nérac dans l'opération du Val d'Yerres en spécifiant ce projet, les opérations qui le composent ainsi que les concepts qui y sont développés. Nous pensons que c'est en partie grâce à mélange hétéroclite d'architectes français et étrangers que la SCIC réussira son pari en élaborant un projet urbain riche en expérimentation et en recherche et résultant d'un transfert des modèles. Ensuite, nous traitons de la réception critique de cette opération et son impact sur la production de la SCIC en analysant quelques opérations qui s'apparentent aux mêmes typologies d'habitat expérimentées au Val d'Yerres afin de confirmer ou infirmer l'hypothèse de la transposition des modèles.

L’origine de la Nérac remonte aux années 1960 quand un jeune architecte, Jacques Bardet, de retour en France, après avoir terminé ses études d’architecture à Genève dans l’atelier d’Eugène Beaudouin et choqué par le gigantisme des barres, se met aussitôt à réfléchir au problème du collectif, à la manière de l’individualiser et de le rendre plus appropriable par et pour ses habitants dans le cadre d’un urbanisme social. « La prochaine étape de la révolution se prépare sans doute dans les bureaux d’études, parmi les urbanistes sans lesquels on ne fera pas la nouvelle vie dont la société moderne a besoin 1». L’architecte, particulièrement réceptif à la sociologie de l’habitat s’intéresse à la dimension sociale et à la création d’un milieu urbain en tentant d’intégrer des facteurs sociaux et humains donnant lieu à de nouvelles formes d’occupation de l’espace. Jacques Bardet rejette ainsi les grands ensembles qui donnent un exemple exact de ce qu’est «l’urbanisme technocratique qui ne s’attache à solutionner que partiellement les éléments d’un tout, à ne prendre chacune des parties que pour elle-même, à les juxtaposer plutôt qu’à chercher à les faire vivre ensemble »2. Dans ces grands ensembles, certes : on dort, respire et circule mieux mais la société semble unanime et y vit moins bien « L’urbanisme analytique et classificateur, l’urbanisme de zonage semble ainsi avoir atteint ses limites et ne peut plus assurer la mutation actuelle à venir »3. Il n’aboutit, d’après lui, qu’à un urbanisme de compensation. « On se résigne aux casernes H.L.M, pourvu qu’on les compense par des espaces verts. On se résigne à la médiocrité de notre environnement quotidien pourvu qu’on fasse assez d’autoroutes pour s’en évader. Ce n’est pas en nous limitant à n’extrapoler que linéairement notre acquis que nous résoudrons l’immense question que pose l’accroissement de notre environnement, mais en réinventant des solutions entièrement nouvelles de création du milieu... Nous nous contentons encore aujourd’hui, de fabriquer en série ce que les anciens bâtissaient il y a deux mille ans pour leurs esclaves : à l’hygiène et aux voitures près, nos grands ensembles ne sont pas très différents des «insulae» romaines »4.

Jacques Bardet mène donc des recherches depuis 1962 afin d’inventer des solutions inédites notamment en employant le potentiel technique de l’époque. En 1968, il affirme qu’en matière de construction, l’industrie ne semble pas avoir trouvé sa voie, son objectif se limitant à reproduire selon des procédés industriels des éléments existants. Selon lui, l’industrie n’a pas encore découvert les formes globalement inédites qu’elle implique en se limitant à n’apporter que des modalités technologiques à des formes connues d’occupation de l’espace, sans avoir jamais remis en cause ces formes même. La réponse de Jacques Bardet serait de dépasser ces modèles standardisés et de créer de nouveaux modes d’utilisation de l’industrie afin de mieux l’orienter. En consultant le Curriculum vitae de l’architecte5, retrouvé aux archives de l’Ifa, nous constatons l’investissement de l’architecte dans le domaine de la recherche et de l’enseignement ainsi que son engouement pour les questions d’urbanisme ce qui explique sa vision d’ensemble, présente dans la Nérac, avec le choix d’une architecture par combinatoire qui s’adapte à l’environnement et à la nature des besoins exprimés par les habitants, des principes nécessaires au bien êtres des habitants et au développement d’une vie urbaine/communautaire au sein de ses ensembles. Deux ans après avoir remporté le concours Villages urbains, Jacques Bardet relança les organisateurs6 du concours afin de désigner un maître d’ouvrage apte à réaliser le projet. Et c’est en 1963 que l’on confia le projet à la Scic qui avait déjà engagé au Val d’Yerres une importante opération urbaine.

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1 Jacques Bardet, Esprit, Juin-Juillet 1968.


2 L’ Architecture Française n°391, 1975, Habitat intermédiaire.

3 Technique et Architecture n°5, 1968,


4 Ibid,

5 Fond DAU, Archives de l’architecte Jacques Bardet, boite n°393, AF

6 MOLEY Christian, « Nérac » dans AMC, n°39, 1993, p41

La Nérac fait partie de l’ensemble du Val d’Yerres et est située dans la commune de Boussy saint Antoine à 24 minutes de la Gare de Lyon1. La Nérac est composée de 44 plots d’habitations et deux tours (à savoir 162 logements, un plot étant composé de 3 étages superposés en décroissance) disposés en rangées décalées. L’architecte a ainsi crée des petits ensembles de maisons individuelles, chaque ensemble étant composé de deux plots pyramidaux qui gravitent autour d’un escalier central partagé, commun à deux plots, qui dessert les habitations composant ces plots. Ces petits plots sont implantés dans un vaste parc ceint par des voies automobiles et des parkings en plein air. L’ensemble regroupe 3 studios, 47 logements de 2 pièces, 56 logements de 3 pièces, 47 logements de 4 pièces et 6 logements de 9 pièces. Contrairement aux articles publiés par l’architecte où il développe le principe des « collines artificielles » La Nérac est plutôt affliée à une architecture linéaire qui nous rappelle la démarche de l’ Atelier 5. Cependant, nous retrouvons dans cette opération le principe d’assemblage volumétrique développé dans le projet lauréat du concours « Villages urbains » de 1963. Par ailleurs, l’austérité des volumes est atténuée par le jeu de décrochement et de contraste entre le plein et le vide (les terrasses et les habitations).

L‘architecte réussit à créer un véritable paysage architectural en combinant les volumes bâtis , les éléments de second œuvre (pergolas et écrans de bois) et une végétation qui se développe autour des plots d’habitation. La structure prévue est industrialisée et l'ossature est en béton tandis que les terrasses sont traitées en enduit bâtard. Par ailleurs, la standardisation des éléments de construction est compensée par la variété des volumes, l’architecte propose un système d’assemblage volumétrique de modules qu’il vient ensuite juxtaposer linéairement en les décalant. En observant les plots d’habitation nous constatons que l’architecte traite la question de « l’intimité » ( au niveau des terrasses ) avec rigueur et attention particulière moyennant des hauteurs alternées, des écrans de bois, pergolas ou encore des petits murets en béton, situés au bord des terrasses attenantes au logement. (Notons que la condition de la réussite de ce genre d’opération est la préservation de cette intimité).

Dans ce projet, les logements sont accolés en rangées décalées de façon linéaire. Nous retrouvons dans cette opération de collectif individualisé une quête de densification mesurée qui combine linéarité, horizontalité et verticalité et qui est déployée sur une trame carrée. Au début celle ci faisait 6x6m puis elle fut fixée à 4,8x4,8m pour des contraintes techniques notamment des VRD que l’architecte n’avait pas intégré dans sa première proposition. L’accès à l’opération n’est pas possible par le Sud, depuis la voie principale. Cependant, l’accès est possible par le côté Est et Nord où la voie de desserte, en périphérie, est doublée afin d’accueillir des places de parkings. Ces derniers sont raccordés à l’opération par trois branchements qui débouchent sur trois parkings situés au cœur de l’opération ; le parking le plus grand est situé dans la partie centrale de celle-ci. Nous constatons ici un décalage entre le projet réalisé et la théorie de Jacques Bardet : lui qui favorisait dans ses études le piéton au détriment de l’automobile, octroie dans ce projet une place centrale à l’automobile. Nous Pensons que ce décalage est lié aux exigences de la maîtrise d’ouvrage2. Les plots d’habitation sont donc organisés autour de ces parkings en plein air qui sont soit attenants aux logements soit reliés à ces derniers par des cheminements piétons ou des venelles qui traversent les espaces verts collectifs (ces espaces partagés sont d’ailleurs très bien entretenus prouvant ainsi leur intérêt auprès des habitants ). L’ accès aux logements quant à lui se fait par des venelles et cheminements piétons bitumés qui conduisent à des escaliers semi-collectifs et ajourés, disposés à l’extérieur des immeubles d’habitations contrairement à la première proposition de J.Bardet où les escaliers étaient cloisonnés et intégrés dans le bâti. Les logements situés à l’étage sont donc accessibles par un escalier hélicoïdal sur pignon qui dessert deux plots d’habitations (en partant du milieu du plot). Les bâtiments sont ,quant à eux, raccordés par des coursives qui permettent de regagner les différentes habitations de part et d’autre de cet escalier central/partagé. D’autre part, les logements situés au rez de chaussée ont un accès indépendant depuis l’espace collectif autour duquel gravitent les plots d’habitations. Ces accès sont couverts et protégés par les coursives qui desservent les habitations situées aux étages supérieurs des plots.

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1 Commune accessible par la route N. 5 ( future F5) ou N. 19 avec la proximité de la gare de Boussy saint Antoine situé à 800 mètre. Cahiers de l’institut d’aménagement et d’urbanisme de la région parisienne volume 36.37, che 65 réalisée par l’IAURP

2 Nous questionnons ici la place réelle de l’architecte dans le processus de création ? que nous souhaitons développer ultérieurement dans le cadre d’une thèse de doctorat

  • Murs
    • béton enduit
  • Toits
    béton en couverture
  • Étages
    3 étages carrés
  • Couvertures
    • terrasse
  • Escaliers
    • escalier de distribution extérieur : escalier en vis sans jour en maçonnerie
  • Statut de la propriété
    propriété privée
  • Protections

Documents d'archives

  • IFA, Fonds DAU, Archives de l'architecte jacques Bardet, boite n°393

Bibliographie

  • Jacques Bardet, Esprit, Juin-Juillet 1968.

Périodiques

  • Techniques et Architecture

    n°5, 1968
  • L’Architecture française

    n°391, 1975
  • MOLEY Christian, « Nérac » dans AMC, n°39, 1993, p41

    n°39, 1993, p41
Date(s) d'enquête : 2017; Date(s) de rédaction : 2018
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