Dossier d’œuvre architecture IA75001066 | Réalisé par
Philippe Emmanuelle (Rédacteur)
Philippe Emmanuelle

Conservateur du patrimoine, Région Île-de-France, service Patrimoines et Inventaire.

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Mercier Marianne (Rédacteur)
Mercier Marianne

Chargée du recensement et de la protection au titre des Monuments historiques

Correspondante du label "Architecture contemporaine remarquable"

Conservation régionale des monuments historiques, DRAC Ile-de-France

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  • enquête thématique régionale
Lycée Raspail
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Ile-de-France - Inventaire général du patrimoine culturel

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Ile-de-France
  • Commune Paris 14e arrondissement
  • Adresse 5 avenue Maurice d'Ocagne
  • Cadastre 2020 DF 9
  • Dénominations
    lycée
  • Parties constituantes non étudiées
    cour, cantine

Le "trimaran blanc" : le lycée Raspail

HISTORIQUE ET PROGRAMME

Le lycée tient sa dénomination de son ancien emplacement, au 233 boulevard Raspail dans le 14ème arrondissement. Ce dernier était la reconstruction d’une ancienne école nationale professionnelle située à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), édifiée dans les années 1930 et détruite en 1944 par les bombardements. Transformé en 1960 en lycée technique d’État, l’établissement est désaffecté en 1990 en raison de problèmes structurels et de son inadaptation aux enseignements dispensés.

 Le lycée Raspail est donc reconstruit à son emplacement actuel, avenue Maurice d’Ocagne, au sein de la « ceinture verte » de Paris. Ce nouveau site consiste en un groupe de parcelles appartenant à la ville de Paris, occupées par un ancien collège d’enseignement technique désaffecté depuis 1990. Par délibération du 22 mai 1995, la ville de Paris, favorable à l’implantation d’une formation professionnelle et technique de qualité, autorise la cession des terrains à la région d’Île-de-France, à titre gratuit[1]. Effective seulement le 30 juin 1997, la cession est soumise à une clause d’affectation perpétuelle de la propriété à usage scolaire, universitaire ou de formation[2].

Une consultation est lancée dès 1988, six équipes d’architectes y répondent. Un jury de désignation des lauréats pour l’attribution du marché de maîtrise d’œuvre est constitué en 1989[3] . Il comprend, entre autres, des conseillers régionaux, un représentant du maire de Paris, le recteur de l’Académie de Paris et cinq architectes. Il a pour mission d’approuver le cahier des charges, d’arrêter la liste des candidats admis à concourir, de fixer le montant des indemnités des candidats non retenus et doit soumettre ses conclusions quant au choix du maître d’œuvre.

 Le programme impose une capacité d’un peu plus de 1000 élèves, dix logements de fonction, des parkings et un réfectoire de 260 places. Il prévoit un second cycle long (seconde à terminale), quatre brevets de technicien supérieur (BTS), un brevet d’enseignement professionnel (BEP) et huit classes préparatoires aux grandes écoles d’ingénieurs. Si la polyvalence des enseignements dispensés est prévue, la filière scientifique et technique domine le programme pédagogique de l’établissement. Celui-ci exige que les différentes sections, enseignement général et enseignement pratique, ne soient pas physiquement séparées.

 Les critères retenus pour guider l’analyse des propositions reçues sont les suivants[4] :

- L’insertion urbaine, la prise en compte des caractéristiques du site et de son environnement, ainsi que des données réglementaires d’urbanisme.

- Les principes fonctionnels, le respect des contraintes du programme, notamment celles liées aux surfaces.

- L’approche des coûts.

 La sélection définitive a lieu lors de la réunion du 20 décembre 1989, au cours de laquelle Roger Taillibert est retenu, parmi les deux autres équipes concurrentes présélectionnées : celle de René Gaillard, celle de Serge Pautard et André Rivière. Roger Taillibert est reçu avec trois propositions volumétriques différentes[5], assez similaires dans leur approche. Le permis de construire est délivré le 20 novembre 1992[6].

 L'architecte

 Roger Taillibert (1926-2019) est un architecte célèbre pour sa quête de la performance constructive, entraînant des recherches techniques pointues qui s’illustrent dans ses multiples constructions dédiées au sport. Selon lui, « Construire ne consiste pas à diffuser la mode ou à prôner la légèreté d‘une matière sans performance. »[7]. Connu pour les voûtes de béton surbaissées de la piscine de Deauville, mais aussi pour les 1200 voussoirs du parc des Princes, il a également réalisé le complexe olympique de Montréal dont la structure haubanée signale la prouesse technique. Répondant à d’innombrables commandes et se confrontant à de multiples programmes architecturaux, l’agence de Roger Taillibert acquiert une renommée internationale.

Après les laboratoires Thomson au sein du parc industriel d‘Élancourt (1995), alors qu‘il achève le lycée Raspail à Paris en 1996, il entreprend un gigantesque centre international de conférences à Abou Dhabi.

Unique lycée construit à Paris dans la décennie 1990 avec le lycée technique Diderot (19e arr.), l’établissement dispense aujourd’hui des formations techniques et professionnelles de la seconde à la licence, spécialisées dans les métiers de l’énergie : installation et maintenance des fluides et systèmes énergétiques, conditionnement d’air et électrotechnique. Il prépare également au baccalauréat intitulé « sciences et technologies de l’industrie et du développement durable ».

[1] Archives régionales, 3 W 36

[2] Archives régionales, 903 W 934

[3] Archives régionales, 3 W 36, délibération du conseil régional d’Ile-de-France du 10 janvier 1989

[4] Archives régionales, 903 W 923

[5] Archives régionales, 903 W 923

[6] Archives régionales, 903 W 934

[7] « Profil technique », L'Empreinte, n°33, juin 1996

DESCRIPTION

Implantation dans le tissu urbain

Le cahier des charges souligne le caractère sensible du site, donnée clé de la réussite du projet de construction : la « ceinture verte » de Paris dicte « une qualité de conception (…) de l’équipement, qui doit d’autre part affirmer son identité »[1]. Parmi les contraintes imposées, un important espace vert doit être conservé à l’intérieur de l’îlot, avec maintien des spécimens arborés existants, autant que faire se peut. Cette zone de périphérie urbaine engendre en effet des dispositions particulières pour répondre au défi de l’insertion du lycée dans un contexte hétérogène.

 Les recherches de Taillibert sur son implantation révèlent une analyse fine des opportunités offertes par l’environnement, malgré sa densité. Entre le périphérique et le boulevard des Maréchaux planté d’arbres, le lycée s'insère au cœur de la ceinture, bordé d’une part par le ruban des HBM et d’autre part, par les terrains de sport, bien visibles sur les photographies aériennes. Trois corps de bâtiments parallèles, perpendiculaires aux voies de circulation, reliés par un système de liaisons vitrées et de terrasses ouvertes offrent un front bâti discontinu, qui ménage une transparence et des vues traversantes de part et d’autre du lycée (nord-sud, depuis et vers la voie publique). Cette composition souligne le jeu de complémentarité entre le vert des arbres et des pelouses alentours, l’orangé des briques des HBM et le blanc immaculé du lycée : « entre ceinture verte et ceinture rouge, le lycée Raspail installe ses redents blancs aux franges de la capitale »[2].

Toute la subtilité du bâtiment tient au positionnement des trois corps, en quinconce par rapport aux HBM, les vides des uns coïncidant avec les pleins de l'autre. Les passerelles vitrées, qui servent de circulations transversales, préservent la vue sur les espaces verts aux habitants des HBM et permettent des échappées visuelles aux usagers du lycée. Pour l’architecte, les perspectives ainsi  ouvertes favorisent la transition vers la périphérie. Cherchant à respecter l’équilibre propre à la ceinture parisienne, il a en outre choisi des gabarits de hauteur inférieure à la réglementation de la ville et une découpe des volumes en rapport avec les proportions des blocs d’HBM.

 Plan

 Sur cette parcelle d‘un hectare, le plan en peigne, simple et très lisible, permet une distribution fonctionnelle, par unités pédagogiques, avec des circulations claires. L’organisation générale retient trois groupes homogènes de locaux destinés à l‘enseignement scientifique, technique et professionnel, dont la compacité entraîne un schéma de répartition vertical. Le parallélépipède central est dévolu à l’enseignement général, les deux parallélépipèdes latéraux à l’enseignement scientifique et technique. Les liaisons horizontales sont assurées par les passerelles vitrées. À ce plan dominé par l’orthogonalité répondent plusieurs courbes, qui adoucissent la géométrie de l’ensemble : certains angles et arêtes sont arrondis, l’escalier principal hors-œuvre s’inscrit dans une tour de section circulaire, la façade postérieure dessine au sol une longue ondulation, les ouvertures sont marquées par une grande ligne courbe, etc.

 Répartition des espaces

 Un vaste hall dessert les allées des trois corps de bâtiment où se situent les salles de cours, disposées de part et d‘autre d’un couloir central. L’administration occupe le rez-de-chaussée, dans les deux blocs latéraux. Un auditorium de 200 places, les cuisines et le réfectoire logent dans le bloc central côté jardin. On trouve également quelques salles de travaux pratiques et d’informatique pour l’énergétique à l’est et la productique à l’ouest.

Au rez-de-jardin se déploient les vastes plateaux techniques, ateliers et laboratoires dédiés à la thermique et à l’énergétique à l’est, au froid et à la climatisation au centre et à l’ouest. Des réserves et chambres froides prennent place sous les cuisines. C’est à ce niveau que se trouvent les patios plantés, ainsi qu’une « voie pompiers », réservée aux véhicules et qui traverse les bâtiments d’ouest en est.

 Au premier niveau sont installés les locaux de vie scolaire pour les élèves, quelques salles pour l’enseignement général au centre, les laboratoires et ateliers de l’électrotechnique à l’est, ceux dédiés à la productique et à la section scientifique à l’ouest.

Le deuxième niveau accueille les ateliers et laboratoires de physique à l’est, les salles d’enseignement général et salles des professeurs au centre, les ateliers et laboratoires de construction et techniques des systèmes automatisés à l’ouest.

 Des salles de travaux pratiques pour la physique-chimie à l’est, et des salles de dessin  consacrées à la productique pour les classes préparatoires à l’ouest, occupent le troisième niveau. Le bâtiment central, surélevé, comporte un unique quatrième niveau qui abrite des salles pour l’enseignement général.

À l‘est de la parcelle se trouve un bâtiment annexe, abritant les logements de fonction. Le parking est aménagé en sous-sol.

Conformément aux attentes de cette période, une place et une qualité particulières sont consacrées aux espaces de convivialité pour les élèves, ainsi qu’aux équipements socio-culturels. L’auditorium, intégré au programme du lycée et prévu à l’origine pour accueillir des manifestations extérieures, peut être agrandi latéralement grâce à d’ingénieux panneaux coulissants dévoilant de part et d‘autre un promenoir vitré. Au-dessus de l‘auditorium, on trouve un vaste espace libre occupé par le centre de documentation et d’information (CDI), agrémenté lui aussi de cloisons mobiles afin d‘isoler les élèves installés sur les postes de travail individuel. Dans le rapport d’analyse des offres, le jury note que « l’ensemble vie (locaux de vie scolaire ainsi que ceux destinés aux professeurs et élèves, CDI) constitue un lien entre les ensembles pédagogiques et présente deux orientations, l’une tournée vers l’intérieur (cœur de l’établissement), l’autre vers l’extérieur (situation sur des trajets communs élèves/professeurs, réception des visiteurs, rôle de vecteur d’image) »[3].

L’attention portée à la qualité de l’éclairage intérieur est également notable, dans les espaces d’enseignement mais aussi par un système de lumière indirecte dans les circulations. Rampes d’escaliers, bancs intérieurs et portes ont été réalisés en bois verni, rompant l’uniformité des circulations par une touche chaleureuse.

 Enfin, en raison de l‘étroitesse de la parcelle, les espaces verts dédiés à la détente sont restreints et placés à l’arrière des bâtiments. Afin de compenser ce défaut, Roger Taillibert a choisi de végétaliser chaque interstice. Au premier niveau, des terrasses dallées et plantées, suspendues entre les trois corps de bâtiment, surplombent de petits jardins semi-clos. Des jardinières-bancs constituent le mobilier intégré des terrasses et de la cour principale.

  Mode constructif et traitement des façades

 La structure en béton armé permet de libérer l’espace en plan et d’adapter les locaux aux installations techniques liées à la nature de l’enseignement.

 Les façades des trois blocs identiques, dont l’un est surélevé au centre, se distinguent par leur revêtement blanc et lisse en alucobond, qui contraste avec le socle en marbre noir poli du Mozambique. L’alucobond est un matériau léger et innovant, il s’agit de panneaux composites constitués de deux tôles de parement en aluminium et un noyau en plastique. L’alucobond est apprécié pour sa planéité, sa stabilité et son aptitude au façonnage. Tel une seconde peau immaculée, appliquée à des volumes compacts, il masque entièrement la structure. Seul volume en saillie qui vient rompre la planéité de l’ensemble, l‘axe vertical de la spirale de l‘escalier anime la façade postérieure. Doit-on voir ici une convergence entre architecture et savoir-faire enseigné ? Ou plutôt un clin d’œil, la blancheur des façades évoquant, dans l’imaginaire collectif, le froid dont les systèmes sont étudiés dans cet établissement ?

 Avec leurs bandeaux continus de baies vitrées, les façades livrent une référence à l’architecture tertiaire contemporaine plus qu'à l'architecture industrielle et ses poncifs, longtemps admise comme modèle pour les lieux de formation technique. Les liaisons par les passerelles vitrées, à structure métallique et entièrement transparentes[4], participent à l'image de modernité qui marque la génération des lycées polyvalents des années 1990. Par comparaison, Roger Taillibert signe au même moment le centre de recherche Thomson (aujourd'hui EADS) à Élancourt, vaste ensemble de bureaux et laboratoires disposés en peigne, qui présente beaucoup de similitudes avec le lycée, tant par son plan que par l'emploi de matériaux nouveaux. Ces deux réalisations aux lignes pures s’inspirent également de certains modèles de campus américains, où est valorisée la double fonction d’enseignement et de recherche. Le résultat traduit, par l’architecture, la volonté de montrer ces filières d’enseignement technique comme une vitrine des formations franciliennes et de leurs débouchés professionnels.

 Seule entorse à la sobriété des volumes, les ouvertures en forme d’aile d’oiseau ou voiles de bateaux rappellent les effets formels du parc des Princes ou des autres réalisations de Taillibert dans le domaine sportif. Sans rechercher l’exubérance ni exploiter les poncifs du paquebot, cette signature renvoie à la métaphore des lycées-vaisseaux, que l'on observe fréquemment pour les lycées polyvalents des années 1990. La réception de l’équipement par la presse spécialisée contribuera à renforcer cette image nautique : « le trimaran blanc du lycée Raspail arrimé au front des HBM de la ceinture rose de Paris. » [5]

Modifications

Une petite cafétéria a été ajoutée dans le hall.

[1]  Archives régionales, 903 W 923, rapport d’analyse des offres

[2]  "Profil technique", L'Empreinte, n°33, juin 1996

[3] Archives régionales, 903 W 923, rapport d’analyse des offres

[4] Réalisation de l’entreprise Cabrol Frères

[5] "Profil technique", L'Empreinte, n°33, juin 1996

  • Murs
    • béton béton armé
  • Toits
    béton en couverture
  • Étages
    4 étages carrés
  • Couvrements
  • Couvertures
    • terrasse
  • Escaliers
  • Énergies
  • Typologies
    ;
  • Techniques
  • Statut de la propriété
    propriété de la région, Propriété du Conseil régional d'Île-de-France.
  • Intérêt de l'œuvre
    à signaler
  • Protections

  • Précisions sur la protection

    Label Architecture contemporaine remarquable (ACR) décerné en 2020.

Annexes

  • SOURCES
Date(s) d'enquête : 2020; Date(s) de rédaction : 2022
(c) Région Ile-de-France - Inventaire général du patrimoine culturel
Philippe Emmanuelle
Philippe Emmanuelle

Conservateur du patrimoine, Région Île-de-France, service Patrimoines et Inventaire.

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Mercier Marianne
Mercier Marianne

Chargée du recensement et de la protection au titre des Monuments historiques

Correspondante du label "Architecture contemporaine remarquable"

Conservation régionale des monuments historiques, DRAC Ile-de-France

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