Dossier d’œuvre architecture IA75000351 | Réalisé par
Duhau Isabelle (Rédacteur)
Duhau Isabelle

Conservatrice du patrimoine, Région Île-de-France, service Patrimoines et Inventaire.

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  • opération d'urgence
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Appartement de la collectionneuse Roxane Debuisson
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Région Ile-de-France - Inventaire général du patrimoine culturel

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Paris
  • Commune Paris 4e arrondissement
  • Adresse 19 boulevard Henri IV
  • Cadastre 000 AQ 01 59

Roxane Debuisson avait réuni dans son appartement parisien une collection unique d’enseignes de boutiques parisiennes, ainsi qu’un fonds (annuaires, factures de commerce, cartes postales, photos, ouvrages, journaux, plans, estampes…) exceptionnel sur Paris.

Née Da Passano, Roxane Debuisson voit le jour à Paris le 6 juin 1927. Orpheline de père, elle est élevée par sa mère et son beau-père (qui meurt en 1942), marchands de fruits et légumes rue Clerc dans le 7e arrondissement. Mariée en 1947 à Richard Pelton Prideaux, Américain, elle vit quatre ans aux États-Unis, avant de revenir en France en 1951 avec son fils, Richard Charles, né en 1947. Elle se remarie avec Jacques Albert Debuisson, ingénieur polytechnicien ; le couple a deux filles, France, née en 1953 et Florence, en 1954.

A l’entrée de sa dernière fille à l’école, en 1957, elle suit des cours sur l’histoire de Paris et achète son premier livre, « Le Paris d’Hoffbauer » (Hoffbauer, M.-F., Paris à travers les âges. Aspects successifs des monuments et quartiers historiques de Paris depuis le XIIIe siècle jusqu'à nos jours..., Paris : Firmin-Didot, 1875-1882). Elle commence ainsi à se passionner pour le Paris en voie de disparition, transformé par les grands projets urbains des Trente Glorieuses et par la soif de modernité et de renouvellement qui s’empare de tous. Elle achète en 1962 sa première enseigne, une boule de coiffeur. Des dizaines d’autres objets suivront : des enseignes illustrant les commerces qu’elles signalent, botte pour un bottier, clés pour un serrurier, escargots, chapeaux, gants, carottes de marchands de tabac… mais également des fixés sous verre, décors de boulangeries, diverses plaques émaillées, des éléments de mobilier urbain ou de la RATP, sauvés de la destruction lors de travaux de rénovation. Il s’agit essentiellement d’éléments du XIXe ou du début du XXe siècle, ornant les devantures des commerces avant l’apparition puis la généralisation des enseignes lumineuses. Elle stocke l’ensemble dans sa cave du 121 rue de Turenne avant que la famille ne s’installe dans le vaste appartement du boulevard Henri IV et que les objets occupent, au fil des années toutes les pièces.

Grâce au succès professionnel de son mari (il est l’un des fondateurs de la société CGI Informatique, entrée en bourse en 1986 puis revendue à IBM), elle peut assouvir sa passion. Parallèlement aux objets achetés grâce à ses nombreux repérages dans Paris dont elle devient, en l’arpentant, une remarquable connaisseuse, elle réunit une très importante bibliothèque et achète tableaux, dessins, gravures, plans, photographies anciennes, cartes postales, factures de commerce, journaux illustrés sur le Paris du XIXe siècle. Amenée à consulter régulièrement les fonds de la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris pour ses recherches, Roxane Debuisson entame une collaboration avec les institutions patrimoniales qui commencent à s’intéresser à sa collection et sollicite son expertise. Pour la BHVP, elle contribue à identifier le fonds très riche de photographies anciennes, et particulièrement le fonds Charles Marville. A partir des années 1970, elle prête des documents aux plus grands musées et bibliothèques français (AN, musée des Arts décoratifs, musée des Arts et Traditions populaires, BHVP, BnF, musée Carnavalet, centre Georges-Pompidou, musée Cernuschi, musée de la Légion d’Honneur, musée d’Orsay, musée de La Poste, musée Rodin…) et étrangers (Allemagne, Canada, Italie, Japon, Suisse) et collabore souvent au commissariat de leurs expositions. Elle ouvre gratuitement sa collection aux chercheurs et aux étudiants, facilitant ainsi la réalisation de travaux universitaires. Sa collection est également une ressource incontournable pour les éditeurs d’ouvrages sur Paris.

Roxane Debuisson a transmis son goût de la collection à sa fille ainée, France Debuisson, qui a réuni plus de 25 000 cartes postales anciennes sur la sculpture publique française. Ce fonds a ainsi permis, en collaboration avec le musée d’Orsay, de mettre en ligne un portail documentaire intitulé A nos grands hommes (https://anosgrandshommes.musee-orsay.fr/).

A la fin des années 1980, Roxane Debuisson se découvre une nouvelle passion. Fatiguée par son rôle de maitresse de maison et de mère de famille qu’elle a assumé durant des décennies, elle choisit de déjeuner quotidiennement au restaurant et de fréquenter les tables des grands chefs. Elle ne se contente pas de déguster leurs mets et demande à rencontrer les brigades pour les féliciter. Elle s’aperçoit rapidement qu’ils se fréquentent peu entre eux, que les échanges et les rencontres sont rares, notamment chez les jeunes, manquant de moyens. Elle commence alors à inviter les cuisiniers les uns chez les autres afin de leur faire découvrir de nouveaux univers. Elle organise des rencontres sous forme de petits déjeuners de chefs qui réunissent parfois jusqu’à soixante participants. Ces agapes se déroulent chaque mois à 8h du matin chez l’un d’eux qui accueille ses confrères et leur fait découvrir l’étendue de son talent. Au début des années 1990, elle initie sur le même modèle, les goûters des chefs pâtissiers, qui ont lieu à chaque changement de saison dans les restaurants des hôtels Crillon, Meurice, Plaza, Bristol, George V, Ritz… Très bonne cliente, attentionnée et généreuse avec tous les personnels, elle devient bientôt une marraine pour la gastronomie française et ses jeunes chefs (dont beaucoup ont assisté, vêtus de leur veste blanche, à ses obsèques).

Roxane Debuisson ne cherchait pas l’œuvre exceptionnelle, hors de prix, et préférait l’accumulation d’une documentation monumentale qui lui permit de devenir une experte du Paris d’autrefois et notamment de ses arrondissements centraux. Femme de caractère à la riche personnalité, assumant de ne pas avoir fait d’études classiques (elle se présentait comme simple abonnée au gaz !), elle prit peu à peu quelques distances avec les institutions patrimoniales. Décorée de la Grande médaille de Vermeil de la Ville de Paris en 1989, elle a été faite chevalier des Arts et Lettres ainsi que de l’ordre du Mérite, en 2007, comme chroniqueuse gastronomique. Paradoxalement, si les médias généralistes se sont intéressés à sa collection et ont publié ou diffusé, notamment dans les années 1980, plusieurs reportages, aucune recherche universitaire n’a été conduite, ni sur la collectionneuse, ni sur sa collection. Après avoir envisagé dans les années 1970 de la donner au musée Carnavalet, elle prit finalement des dispositions, avant son décès, pour que sa collection soit vendue, vœu que ses enfants ont respecté et mis en œuvre.

  • Période(s)
    • Principale : 3e quart 20e siècle , daté par source

Les enfants de Roxane Debuisson ont conservé quelques souvenirs, mais l’essentiel de la collection d’enseignes, plaques, mobiliers, tableaux a été dispersé en vente publique le 18 mars 2019, tandis que la bibliothèque et la collection de documents imprimés et iconographiques ont été acquis par l’université de Stanford en Californie. Le catalogue de la vente, réalisé avec l’aide de Florence Quignard-Debuisson, qui travailla à partir de 1995 à la collection aux côtés de sa mère, donne la meilleure description des objets pris un par un, représentant 189 numéros dans le catalogue de vente.

La collection était installée dans toutes les pièces de l’appartement, à l’exception de la cuisine : les plus belles enseignes et le mobilier volumineux dans la galerie ; quelques autres, les tableaux et les dessins dans le salon ; d’autres encore ainsi que les fixés sous verre dans la salle à manger ; les plaques émaillées de rue ou de signalétique, dans tous les couloirs et les pièces de service de l’appartement ; enfin la collection d’imprimés et de factures dans les chambres le bureau et des armoires rayonnages aménagées dans certaines circulations. Roxane Debuisson supervisait l’installation de chaque enseigne, travaillant avec un serrurier qui réalisait des structures appropriées pour re-suspendre les pièces (ces supports lui coutaient parfois plus cher que l’enseigne elle-même !). Elle tenait à jour un classeur documentant chacune de ses acquisitions.

Roxane Debuisson était une amie de Robert Doisneau. Le photographe en a réalisé plusieurs portraits, lors de déambulations parisiennes ou chez elle, au milieu de sa collection. Ces images sont reproduites dans le catalogue de vente.

  • État de conservation
    détruit après inventaire
  • Statut de la propriété
    propriété d'une personne privée

Périodiques

  • COHEN, Évelyne, VERLAINE, Julie, « Paris documenté. Parcours dans la collection Debuisson », Sociétés & Représentations, 2012/1 (n° 33), p. 183-196. DOI : 10.3917/sr.033.0183. URL : https://www.cairn.info/revue-societes-et-representations-2012-1-page-183.htm

Documents figurés

  • LUCIEN, Paris, Collection Roxane Debuisson, vente aux enchères publiques, Drouot, lundi 18 mars 2019, Lucien – Paris SARL, Huit heures vingt Communication, 240 p. http://catalogue.drouot.com/uploads/322/uploads/File/CP2-Lucien-Parismonamour-18-19mars2019.pdf http://huitheuresvingt.com/wp-content/uploads/2019/02/Roxane-PMA-8.pdf

Documents audio

  • entretien avec Florence Quignard-Debuisson, déc 2018.

Documents multimédia

  • LAGNEAU, Barthélémy, Vidéo réalisée pour le colloque « Des objets, des images pour voir la ville. Itinéraires à partir des collections de Roxane Debuisson », 16 juin 2016, école nationale supérieure d’architecture Paris-Val de Seine. (N.B. Barthélémy Lagneau est le petit-fils de Roxane Debuisson). https://vimeo.com/308043836

Annexes

  • Extrait de l’article de Libération de Pierre Carrey, du 22 février 2019, « Guy Savoy, son « auberge » de jeunesse »
  • Annexe n°2
Date(s) d'enquête : 2019; Date(s) de rédaction : 2019
(c) Région Ile-de-France - Inventaire général du patrimoine culturel
Duhau Isabelle
Duhau Isabelle

Conservatrice du patrimoine, Région Île-de-France, service Patrimoines et Inventaire.

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