Dossier d’œuvre architecture IA95000565 | Réalisé par
Philippe Emmanuelle (Rédacteur)
Philippe Emmanuelle

Conservateur du patrimoine, Région Île-de-France, service Patrimoines et Inventaire.

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Mercier Marianne (Rédacteur)
Mercier Marianne

Chargée du recensement et de la protection au titre des Monuments historiques

Correspondante du label "Architecture contemporaine remarquable"

Conservation régionale des monuments historiques, DRAC Ile-de-France

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  • enquête thématique régionale
Lycée Jules-Verne
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Stéphane Asseline, Région Ile-de-France

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Ile-de-France
  • Commune Cergy
  • Adresse 1 rue Michel Strogoff
  • Cadastre 2020 EL 171
  • Dénominations
    lycée
  • Parties constituantes non étudiées
    cour

Sur le tarmac : le lycée-aéroport de Cergy

HISTORIQUE ET PROGRAMME  

 Dans le cadre des lois de décentralisation de 1983, l'État transfère des compétences vers les collectivités. Une grande partie de la maîtrise d'ouvrage des équipements publics relève désormais de celles-ci. Les lycées échoient aux régions, échelon récent de l'histoire administrative française. La loi du 23 juillet 1983, modifiée par la loi du 25 janvier 1985, a transféré « la construction, la reconstruction, l'extension, les grosses réparations, l'équipement et le fonctionnement des lycées et autres établissements d'enseignement de niveau équivalent ». À compter du 1er janvier 1986, la Région d'Île-de-France accueille dans son patrimoine 471 établissements scolaires.

 Ce transfert de compétence a pour conséquence la réduction puis la suppression des services de constructions scolaires du ministère de l'Éducation nationale. L'organisation centralisée et verticale est abandonnée, ce qui bouleverse profondément les conditions de la commande. La politique des modèles n'a plus cours (plans-types, procédés industriels...), donc plus de consignes, de normes, d'agréments, de programmes venant d'une administration centrale. On observe donc moins d'uniformité sur le territoire national et, en même temps, une volonté politique affichée d'affirmer la capacité des régions à assurer la maîtrise d'ouvrage.

Ne disposant alors d'aucune structure technique ou administrative susceptible d'assurer directement des conduites d'opérations à l'échelle des rénovations à entreprendre, la Région fait le choix de recourir systématiquement à l'assistance à la maîtrise d'ouvrage et aux marchés d'entreprises de travaux publics et de « conception-réalisation-maintenance ». Ce type de marché se définit comme un contrat de longue durée ayant pour but de confier au cocontractant de l’administration, moyennant un prix, la conception et la réalisation d’un ouvrage public, ainsi que son entretien et son exploitation. Il permet d’associer très en amont l’entreprise et l’architecte. Le groupement constitué (entreprise + architecte + éventuellement bureau d’études) est choisi à l’issue d’un appel d’offres et d’un jury de concours.

 Issu d'un tel concours, le lycée Jules Verne est édifié à Cergy-le-Haut, dernier quartier de la ville nouvelle à s'urbaniser, en lien avec l'ouverture de la gare RER en 1994, après Cergy-Préfecture et Cergy-Saint-Christophe. Par souci de concertation avec les habitants, les élèves seront associés à la dénomination des rues. L'Établissement public d'aménagement de Cergy-Pontoise, mandataire du Conseil régional d'Ile-de-France, assure la maîtrise d'ouvrage. Le programme consiste en un lycée polyvalent, général et technique, à dominante industrielle (productique, électronique, métallerie), pour 1300 élèves, comprenant un réfectoire et des locaux de vie scolaire, des logements et des parkings.

Le jury se tient le 15 mai 1991 : y ont siégé, entre autres, la Région en tant que maître d'ouvrage et son mandataire, l'établissement public d'aménagement de la ville nouvelle, le Rectorat, le proviseur, un représentant de la municipalité et plusieurs membres de l'Ordre des architectes[1]. Parmi quatre équipes est retenue celle d'Architecture studio[2], dont le projet a répondu aux critères de sélection suivants :

- La fonctionnalité : ont été remarqués les communications et la vie scolaire favorisées, ainsi que le respect des surfaces et liaisons entre les fonctions d'accueil, d'enseignement, de logistique et de coordination.

- L'urbanisme : l'image de modernité affichée dans la ville a été appréciée.

 - Un plan-masse qui sert le décloisonnement des enseignements, grâce un resserrement des unités autour d'une cour étroite.

- Un programme de maintenance bien intégré dès la conception, avec des coûts prévisionnels raisonnables par rapport aux autres propositions.

Les architectes

 Architecture studio est une agence créée en 1973 autour de Martin Robain, Jean-François Galmiche et Rodo Tisnado. Hérité du contexte de 1968, l'un de ses principes fondateurs repose sur une conception collective, ainsi qu'un croisement des connaissances et des idées. Jean-François Bonne rejoint l'équipe en 1979, suivi par Alain Bretagnolle et René-Henri Arnaud qui deviennent associés en 1989, ainsi que Laurent-Marc Fischer en 1993 et Marc Lehmann en 1998.

 Comptant plusieurs bureaux dans le monde, l'agence regroupe aujourd'hui près de 150 collaborateurs de nationalités différentes et de profils variés (architectes, urbanistes, designers). Outre l'ouverture internationale des équipes, Architecture studio s'appuie toujours sur une philosophie de la pluridisciplinarité et une approche militante du rôle de l'architecture. L'agence doit sa renommée internationale à une réalisation marquante, l'Institut du monde arabe (équerre d'argent en 1987). Plusieurs fois primée depuis, elle s'illustre par des projets retentissants mais aussi par des constructions plus discrètes, tant en matière de logements que d'équipements : par exemple, l'église Notre-Dame de l'Arche d'Alliance (1998) à Paris, le parlement européen de Strasbourg (1999), Les lycées de Poitiers (1987) et de Toulouse (1991).

 Aujourd'hui, le lycée peut accueillir 1350 élèves et associe un enseignement général et technologique à une filière technique. Les sections productique, électronique, métallerie offrent, entre autres, un brevet d'enseignement professionnel et un baccalauréat professionnel dédiés aux structures métalliques, à la conception et définition de produits industriels, aux systèmes automatisés.

 

[1]Archives régionales, 3 W 100

[2]Concurrents écartés : équipe d'Alain Sarfati – AREA, équipe Arval-Oth-Rabot Dutilleul, équipe Camus-Sandjian.

  • Période(s)
    • Principale : 4e quart 20e siècle , daté par source
  • Dates
    • 1991, daté par source
    • 1992, daté par source
  • Auteur(s)
    • Auteur :
      Architecture studio (1973 - )
      Architecture studio

      Architecture studio est une agence créée en 1973 autour de Martin Robain, Jean-François Galmiche et Rodo Tisnado. Hérité du contexte de 1968, l'un de ses principes fondateurs repose sur une conception collective, ainsi qu'un croisement des connaissances et des idées. Jean-François Bonne rejoint l'équipe en 1979, suivi par Alain Bretagnolle et René-Henri Arnaud qui deviennent associés en 1989, ainsi que Laurent-Marc Fischer en 1993 et Marc Lehmann en 1998.

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      agence d'architecture attribution par source

DESCRIPTION

Implantation dans le tissu urbain

 Le lycée Jules Verne est implanté en bordure du nouveau quartier de Cergy-le-Haut, à une trentaine de kilomètres au nord-ouest de Paris, dans un environnement à peine urbanisé, la ZAC Sainte-Apolline. Tel un imposant vaisseau au milieu des champs à l'époque de sa construction, le lycée fait partie de la seconde génération d'équipements scolaires construits dans les villes nouvelles. Il s'apparente à un ensemble important d'établissements de grande capacité (entre 1000 et 1600 élèves), bâtis en grande couronne dans les années 1990 pour absorber l'accroissement démographique de la région parisienne.

 Destiné à accueillir des élèves de villes et villages alentours, ce lycée est situé en zone péri-urbaine, sur un terrain assez vaste. Bordée par une voie rapide en légère courbe et une autre rectiligne, la parcelle triangulaire sur laquelle vient s'installer le lycée Jules Verne présente une superficie de 28 000 m2. Le parti général du bâtiment, introverti autour d'une cour centrale triangulaire, rompt toute liaison apparente avec l'environnement.

 Plan

Reposant sur la volonté de la maîtrise d'ouvrage régionale de construire des équipements polyvalents, sans hiérarchie entre les enseignements généraux et technologiques, la compacité du projet traduit ce trait fondateur du programme pédagogique. Les concepteurs ont créé deux unités reliées, chacune dédiée à un type d'enseignement. Il s'agit de deux ailes réunies en pointe, qui s'articulent autour d'un axe de composition central. Ce dernier correspond à la bissectrice du terrain et est souligné par l'implantation des espaces communs. L'ensemble témoigne d'une composition très maîtrisée, centrée sur les espaces de vie collective, préservés de l'extérieur par les façades. Ce parti pris est une illustration de l'abandon des plans éclatés en petites unités indépendantes, qui prévalaient dans les deux décennies précédentes.

 Répartition des espaces

 L'accès au bâtiment se fait par la base du triangle. L'aile qui épouse la courbe de la voie rapide abrite l'enseignement professionnel et technique, l'autre, rectiligne, l'enseignement général et technologique. Les deux ailes communiquent, en leur centre, par une passerelle. Depuis l'entrée, sont desservis le long de l'axe central des bâtiments de moindre envergure, mais traités avec une volumétrie franche et soulignée par des couleurs vives : loge d'accueil avec l'infirmerie, administration et vie scolaire dans un bâtiment cylindrique, salle polyvalente, foyer et centre de documentation et d'information (CDI), cuisines et réfectoire enfin sous la forme d'un bloc monolithique. Implantés au cœur de l'établissement, ils ponctuent la cour triangulaire traitée à l'image d'un tarmac d'aéroport et sont reliés par une métaphore de la piste d'atterrissage (marquage et éclairage au sol...). Reporté à l'extérieur du triangle, un espace paysager (un petit verger) a été aménagé pour les élèves afin de compenser l'absence de végétation. Les logements de fonction, en bande, sont situés derrière la pointe.

 La singularité de l'établissement tient aux dimensions monumentales et à la position en avant de parcelle des ateliers dédiés à l'enseignement pratique : 800 m2 sont dévolus à la productique, à la métallerie et au montage-maintenance au rez-de-chaussée, aux laboratoires d'électrotechnique au premier niveau, aux salles de conception-dessin au second niveau. Plus ordinaires, les espaces consacrés à l'enseignement général disposent cependant de circulations généreuses, où sont ménagées quelques perspectives colorées surprenantes. Enfin, une attention particulière est portée à l'éclairage, combinant sources latérales et zénithales (par sheds ou puits de lumière).

 Mode constructif

 À la structure de poteaux métalliques remplis de béton sont associés des voiles de béton pour les pignons et tympans, des poutres et planchers en dalle pleine de béton armé, ainsi que des charpentes en acier. Les deux façades principales tournées vers l'intérieur sont des murs-rideaux à parement de verre sur ossature de tubes d'acier galvanisé. La grande façade courbe orientée au nord-est est revêtue d'un bardage de tôle nervurée. La façade opposée, orientée sud-est sur la voie rectiligne, consiste en un parement de panneaux de béton lasuré (bleu métal), dont les menuiseries sont en aluminium.

L'emploi de matériaux hautement technologiques s'inscrit dans la recherche de performance caractéristique du courant high-tech de l'architecture post-moderne. Les qualités techniques de l'acier et de l'aluminium, les récentes évolutions des propriétés du verre sont ici convoquées : légèreté, transparence, solidité, résistance au feu[1].

 Traitement des façades

Un traitement différencié distingue l'aile d'enseignement général de l'unité dédiée à l'enseignement technique et professionnel. Toutes deux se répondent, entièrement vitrées vers l'intérieur du triangle. Particulièrement haute, la seconde offre cependant une volumétrie singulière, générée par des courbes tendues et une coupe transversale profilée. Légèrement inclinée, brisant ainsi la verticalité de la paroi vitrée, la façade est pourvue d'un brise-soleil spectaculaire à panneaux amovibles, qui s'élance en porte-à-faux dans le ciel. Avec sa volumétrie orthogonale, l’unité d’enseignement général, le long de la voie rectiligne, présente un traitement plus ordinaire.

 Quantité de détails font apparaître des similitudes avec le monde aéroportuaire, comme un pied-de-nez à la métaphore du bateau, la plus fréquemment employée pour les grands établissements scolaires des années 1990. La photographie aérienne du lycée est significative de ce point de vue, mais également les effets de mise en scène et de surprise ménagés au cours de la déambulation dans l'établissement : escaliers traités comme des escalators, passerelles métalliques suspendues, traitement du sol, façade nord-est imitant un fuselage d'avion, tour de contrôle en surplomb des ateliers etc.

 Par l'usage combiné de l'acier, de l'aluminium et du verre, par l'affirmation de grands volumes et de lignes dynamiques, par la non-dissimulation des réseaux de fluides, la technologie est mise en avant avec emphase, comme le ferait un siège d'entreprise de technologie de pointe. Architecture studio qualifie justement cette réalisation de «produit technologique»[2]. Malgré son coût (le plus cher en investissement), le projet est retenu pour l'image valorisante et de modernité qu'il donne de l'enseignement technique. C'est la représentation du progrès high-tech qui est ici véhiculée, au cœur d'un quartier nouveau, l'architecture reflétant une partie des contenus enseignés (structures métalliques et conception de produits industriels).

 En dépoussiérant ainsi l'image d'un enseignement qui peut offrir des débouchés nombreux dans des domaines de pointe, la Région veut construire un écrin architectural qui porte une image d'avenir. En choisissant des projets aux formes dynamiques, à la volumétrie géométrique expressive, aux matériaux et couleurs hyper contemporains, la Région lance un message à la jeunesse. Ainsi, par des programmes de lycées polyvalents rappelant des images d'architecture tertiaire, la Région veut estomper la ségrégation envers l'enseignement technique et professionnel.

 À titre de comparaison, Architecture studio a réalisé un autre établissement de conception similaire, le lycée pilote innovant international de Poitiers, baptisé aussi lycée du Futuroscope. Construit en zone péri-urbaine, il se présente comme un objet architectural spectaculaire et technologique où est mis en œuvre un programme pédagogique spécialisé sur le numérique.

 Décor au titre du 1% artistique

 Une sculpture interactive a été installée dans la cour, composée d'un portique métallique contenant un verre traité holographiquement. Ce dernier décompose la lumière blanche dans une série de couleurs, dont les variations optiques se dévoilent au spectateur à la manière d'un arc-en-ciel, en fonction de sa position. Par la technologie, cette œuvre cherche à exprimer symboliquement l'arbre de l'ancienne cour d'école.

 L'auteur, Piotr Kowalski (1927-2004), est un artiste polonais, également mathématicien et architecte de formation. Après quelques années passées aux États-Unis de 1952 à 1957, il s'installe en France. Explorant les liens entre art, science et architecture, il rejoint les préoccupations de l'art dit «cinétique». Il collabore à l'éclairage intérieur et extérieur des réalisations de l'Atelier de Montrouge, à Torcy notamment, et contribue aux installations d'art public en villes nouvelles (l'Axe de la Terre à Marne-la-Vallée en 1992 et la Porte céleste à Saint-Quentin-en-Yvelines en 1991). Il a également construit la place des Degrés sur la dalle de la Défense, achevée en 1989. Inspiré par les recherches scientifiques appliquées à la lumière et à l'énergie magnétique, son œuvre se manifeste par des sculptures-architectures animées par des hologrammes et des expérimentations numériques, particulièrement à la  fin de sa carrière.

  

[1]Vitrage Saint-Gobain Contraflam, résistant au feu pour la façade des grands ateliers.

[2]«Trames et balises, lycée Jules Verne, Cergy-le-Haut», in Techniques et architecture, n° 416, novembre 1994

  • Murs
    • béton béton armé
    • acier
    • verre
  • Toits
    acier en couverture, béton en couverture
  • Couvrements
  • Couvertures
    • terrasse
  • Énergies
  • Typologies
    ;
  • Statut de la propriété
    propriété de la région, Propriété du Conseil régional d'Île-de-France.
  • Intérêt de l'œuvre
    à signaler
  • Protections

  • Précisions sur la protection

    Label Architecture contemporaine remarquable (ACR) décerné en 2020.

Annexes

  • SOURCES
Date(s) d'enquête : 2020; Date(s) de rédaction : 2022
(c) Région Ile-de-France - Inventaire général du patrimoine culturel
Philippe Emmanuelle
Philippe Emmanuelle

Conservateur du patrimoine, Région Île-de-France, service Patrimoines et Inventaire.

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Mercier Marianne
Mercier Marianne

Chargée du recensement et de la protection au titre des Monuments historiques

Correspondante du label "Architecture contemporaine remarquable"

Conservation régionale des monuments historiques, DRAC Ile-de-France

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