En 1926, Jacques-Émile Ruhlmann est choisi sur concours pour aménager les deux nouvelles ailes de l’hôtel Potocki, alors nouvelle chambre de commerce et d’industrie de Paris. Fort de son succès l’année précédente à l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels, il déploie dans la salle des fêtes le même vocabulaire architectural et décoratif que pour l’Hôtel du Collectionneur, son pavillon unanimement salué.
Ruhlmann se trouve confronté à un espace dont les dimensions posent problème. Mal proportionné[1], il donne une impression d’écrasement qui contrevient à l’atmosphère désirée pour une salle d’apparat. L’architecte-décorateur y pallie en tirant parti de l’alignement des baies ouvrant sur le jardin. Grand admirateur du château de Versailles dont il connaît bien les aménagements, il décide de s’inspirer de la galerie des Glaces pour donner de la profondeur à l’espace[2]. Des colonnes cannelées surmontées d’une corniche permettent de cacher un éclairage indirect entre les fenêtres. En vis-à-vis de celles-ci, une série de miroirs accentue la luminosité et renforce l’effet des deux rangées de six lustres qui viennent se refléter à l’infini dans la mise en abyme ainsi créée. Des appliques assorties aux lustres complètent l’éclairage.
Pour le reste de la salle, Ruhlmann choisit des tonalités chaudes et gaies. Les lambris, à l’origine d’un ton vert-doré, offrent un contraste doux avec le plafond fortement grené de couleur rose. Cet élément à la fois technique et décoratif, pensé en concertation avec Gustave Lyon, concepteur de la salle Pleyel, garantit une bonne acoustique[3] lors des concerts et récitals. Des trophées, couleur ocre à rehauts dorés, habillent les dessus-de-porte et alternent avec des médaillons du sculpteur Charles Hairon. Musique, danse ou théâtre, ces motifs allégoriques en staff, déjà présents à l’Hôtel du Collectionneur, constituent une série que Ruhlmann aura reprise pour d’autres projets. Une petite scène aménagée avec l’aide de Louis Jouvet prend place au fond de la salle, tandis que La Danse, bas-relief de Joseph Bernard, surmonte la porte d’entrée principale à l’opposé. Ruhlmann sollicite ainsi les artistes avec lesquels il a déjà collaboré avec succès en 1925 pour concevoir, là encore, un ensemble où rien n’est laissé au hasard : « On ne sait pas s’il éprouve plus de plaisir à concevoir un porte-manteau, une attache, une griffe, un support, tout seul avec lui-même, face à son temps, ou à résoudre le problème contradictoire d’aménager une salle des fêtes moderne dans une architecture qui devait vaguement combiner du Louis XIV et du Second Empire[4] ». Tout comme Charles Hairon, Joseph Bernard s’est illustré comme sculpteur de premier plan lors de cette Exposition majeure où émerge ce nouveau style dit Art déco dont Ruhlmann se révélera être l’un des ambassadeurs les plus illustres. La chambre de commerce de Paris peut ainsi s’enorgueillir de conserver un ensemble remarquable de l’œuvre de Ruhlmann dont la plupart des éléments sont toujours en place aujourd’hui.
[1] « Il est curieux de noter, en effet, que les proportions de la Galerie des glaces de Versailles sont exactement inverses [par rapport à la salle des fêtes à concevoir] : 11 mètres de hauteur pour 8 mètres de largeur ». Citation in VARENNE, Gaston, « Un ensemble de Ruhlmann à la Chambre de commerce de Paris », Art et Décoration, 1928, p. 110-111.
[2] Un avant-projet de la salle présentait une référence encore plus directe : un plafond peint représentant des espaces compartimentés faisant allusion à celui de la célèbre galerie. Voir VARENNE, Gaston, op. cit., p. 111 ou encore VARENNE, Gaston, « Le mouvement des Arts appliqués », L’Amour de l’Art, avril 1928, p. 159.
[3] VARENNE, Gaston, op. cit., p. 111 : « L’acoustique en a été minutieusement réglée par M. [Gustave] Lyon ».
[4] WERTH, Léon, op. cit., p. 274.
Photographe, Région Île-de-France, service Patrimoines et Inventaire.