En 1928, ce petit théâtre bonbonnière, édifié en 1898 par Édouard Niermans et emblématique du paysage culturel [1] de la capitale, fait peau neuve à la demande d’Armand Berthez (alors directeur du théâtre des Variétés) afin de doubler sa capacité d’accueil et se mettre au goût du jour. Le chantier est confié aux architectes Paul Farge et Georges-Henri Pingusson. Tous deux n’en sont pas à leur coup d’essai en matière d’architecture du spectacle. Le premier s’est déjà forgé une certaine renommée en réalisant l’Empire et les Folies-Wagram, music-halls réputés de la scène parisienne. Quant à Pingusson, il s’est illustré un an auparavant en érigeant, en collaboration avec Paul Furiet, le théâtre-cinéma Le Colisée à Nîmes.
La rénovation du théâtre des Capucines doit accroitre l’espace disponible pour procéder à l’aménagement d’un balcon et d’une ouverture de scène plus large. Ce défi est résolu par le percement du plafond qui permet de gagner de la hauteur [2], d’aménager une fosse d’orchestre et de compléter l’ensemble par un balcon à gradins [3]. La salle reçoit un équipement moderne et la scène une machinerie jusqu’alors inexistante. Pingusson est chargé des décors et de la mise en place de l’éclairage. Ses échanges avec les établissements Clémançon [4] constituent ici les seuls témoignages de sa contribution, nous renseignant sur certains détails. Le décor du plafond est constitué de « gravures faites en creux [éclairées] sur les trois faces du périmètre de la coupole, de rampes de projecteurs [qui offrent] une lumière suffisante et régulière ». Il est aussi mentionné l’installation de « cinq projecteurs » sous le fronton de scène, bien visibles aujourd’hui encore.
Quelques photographies anciennes conservées à la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine [5], confirment le maintien d’éléments du programme décoratif initial. Les incisions décoratives du plafond évoquent les motifs stylisés des bordures de la coupole actuelle. Le fronton de scène triangulaire, au masque de théâtre flanqué de capucines, subsiste. Il rappelle le mascaron du cadre de scène du théâtre du Colisée, de même que les frises de chevrons récurrentes dans l’œuvre de Pingusson. La salle forme un maillon intéressant de l’œuvre de l’architecte, où il met en scène une ambiance générale qualifiée en son temps de « Directoire [6] », qui tranche avec le théâtre des Menus Plaisirs, aujourd’hui Comédie de Paris, résolument moderne.
Le niveau de l’orchestre a disparu. Quant au balcon qui le surplombe, il a été fermé pour compléter les espaces d’exposition du parfumeur Fragonard qui, en 1993, a converti le « plus parisien de tous les petits théâtres [7] », tombé en désuétude, en musée permettant d’en conserver la mémoire.
[1] Voir « La journée du roi », Le Matin, 4 mai 1905 : l’établissement accueillit à cette date pas moins que deux rois. Cela explique l’exclamation de l’article du journal précédemment cité, repris de l’expression « Le roi est mort. Vive le roi ! »
[2] Anonyme, « Agrandissements », Aux écoutes. Paris, 11 février 1928, p. 22.
[3] Ébauche de ceux-ci tracés dans le permis de construire. Voir Paris. Direction chargée de la construction. Permis de construire : 39 boulevard des Capucines, 2e arrondissement. Paris, 1928, cote VO12 101.
[4] PINGUSSON, Georges-Henri, Théâtre des Capucines [lettre de l’auteur à Clémançon], s.l., 17 août 1928, in Bibliothèque nationale de France, département des Arts du Spectacle. Fonds Clémançon. Paris, s.d.
[5] BOVIS, Marcel, La salle. Paris, 1946, in Ministère de la Culture, Médiathèque de l’architecture et du patrimoine. « Fiche AP73L05646 », Base Mémoire (photographies). Paris, 25 juin 2007 (mise à jour 4 septembre 2019).
[6] LAZAREFF, Pierre, « Les nouveaux théâtres – « Les Capucines se sont épanouies », Paris-Midi, 6 août 1928 ; CARDINNE-PETIT, R., « Les Capucines rajeunies », L’Avenir. Paris, 9 août 1928.
[7] LAZAREFF, Pierre, op. cit.