Dossier d’œuvre architecture IA95000504 | Réalisé par
Sol Anne-Laure (Rédacteur)
Sol Anne-Laure

Conservateur du patrimoine, service Patrimoines et Inventaire, Région Ile-de-France.

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  • opération ponctuelle
Aincourt, sanatorium de la Bucaille
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Ile-de-France - Inventaire général du patrimoine culturel

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Commune Aincourt
  • Lieu-dit
  • Adresse 5 rue des Acacias ,
  • Cadastre 2019 OA 488, 491, 492
  • Précisions
  • Dénominations
    sanatorium
  • Destinations
    sanatorium

Entre 1850 et 1915, afin d'endiguer les ravages causés par la tuberculose, les bienfaits supposés de l'air, du soleil et de la lumière, à la base des traitements, furent au cœur de la définition de programmes architecturaux adaptés, qui prirent le nom de sanatorium. Toutefois, jusqu'à la Grande Guerre, on se contenta généralement de reconvertir d'anciens hôtels de villégiature en bâtiments destinés aux malades.

Grâce au soutien de la politique sociale de l'époque et de la communauté scientifique, des Congrès annuels sur la tuberculose furent organisés à partir de 1905 et la construction de sanatoriums s'intensifia dès la fin du XIXe siècle en Allemagne et en Suisse, en particulier sous forme de cures marines. Devant la recrudescence de la maladie après la Première Guerre mondiale, les pouvoirs publiques français entreprirent une importante campagne en faveur de son éradication. En 1916, un premier texte de loi, à l’initiative du groupe républicain, radical et socialiste, destiné plus particulièrement au dépistage de la tuberculose vit le jour. En 1919, fut votée la Loi dite Honnorat (du nom du député André Honnorat) qui s’appuie sur les conclusions de la mission américaine de préservation contre la tuberculose, envoyée en 1917 en plein conflit par la fondation Rockefeller. Cette loi impose la création d’un sanatorium dans chaque département dans un délai de 5 ans, délai-intenable- qui fut porté à 10 ans (en 1921). A partir du vote de cette loi, la France adopta donc ce principe d’équipement national et investit avec le concours de l’État et des départements plus de 100 millions de francs de 1912 à1923. Cet effort devait se poursuivre jusqu’en 1936, année où l’objectif des 40 000 lits annoncés en 1919 fut atteint.

Dans ce contexte, le sanatorium se déclina sous différentes formes : établissements publics (notamment les sanatoriums départementaux) gérés par des associations reconnues d’utilité publique, privées agrées, privées non agrées, et enfin, hors classification les hôpitaux sanatoriums réalisés plus tardivement et situés dans les grandes agglomérations urbaines, destinés aux malades les plus sévèrement atteints.

En dépit de quelques exceptions, l’essentiel des réalisations de l’Entre-deux-guerres relevaient d’édifices collectifs, isolés ou juxtaposés, issus tout d’abord du modèle germano-suisse de la fin du XIXe siècle et rationalisés en fonction des avancées thérapeutiques. Il fallut attendre la fin des années 1920 pour que des réalisations en Allemagne, aux Pays-Bas ou en Suisse abandonnent les modèles de référence et proposent de nouveaux concepts – plan éclaté ou système de gradins terrasses- adoptés en Europe grâce à une large diffusion dans la presse architecturale. Les réalisations se déclinèrent systématiquement selon deux typologies distinctes :

- un modèle pavillonnaire, disséminé, inspiré de la production nord-américaine et largement utilisé dans l'architecture hospitalière du XIXe siècle. Cette solution fut abandonnée dans les années 1930 pour des raisons de coût et parce qu'elle engendrait des difficultés de gestion et de contrôle des malades

- un modèle d'inspiration germano-suisse, unitaire et longiligne, dont la galerie de cure s'articulait avec deux ailes souvent obliques et une entité centrale rassemblant les services de soins, l'administration et les salles communes.

C'est précisément à partir de ce second modèle que le sanatorium d'Aincourt fut construit entre 1930 et 1933 par les architectes Decaux et Crevel, selon un plan qui apparaît caractéristique de la période transitoire des années 1930-1935. Les architectes parvinrent en effet à se détacher des modèles programmatiques déjà connus, mais ceci au détriment du traitement rationnel des dessertes (couloirs pouvant atteindre 100 m de long). Le sanatorium d’Aincourt demeure en tous les cas une oeuvre-phare dans la production française, faisant recours à une écriture architecturale correspondant à ce que l’on dénommera plus tard le courant « moderne » et également observable dans les sanatoriums de Passy (1926), Clermont-Ferrand (1930), Saint-Raphaël (1931), et Hyères (1952).

En Ile-de-France, sous l’égide d’Henri Sellier et de l’Office public d’hygiène sociale du département de la Seine plusieurs réalisations virent le jour, dont 3 dans l'actuel Val d’Oise (retenu pour sa proximité avec Paris et des centres urbains en général, et du fait également de son climat favorable) : Franconville, Groslay et Taverny. Dans ce département, durant l’Entre-deux-guerres, le conseil général et le préfet M.Bonnefoy-Sibour (dont le nom sera donné à l’un des bâtiments d'Aincourt ) prennent des mesures d’action en créant le Comité départemental de lutte contre la tuberculose et d’assistance aux tuberculeux (qui sera remplacé à partir de 1931 par l’Office départemental d’hygiène sociale).

Le 2 juillet 1929, lors de la session extraordinaire du conseil général du Département se concrétise le projet de création d’un « hôpital-sanatorium » comprenant 3 établissements : un pour les hommes (200 lits), un pour les femmes (200 lits), un pour les enfants (100 lits). Le 25 novembre 1929, la Commission départementale choisit un domaine de presque 100 hectares pour installer l’établissement, le « Domaine de la Bucaille », situé sur la commune d’Aincourt. Le site est à 180m au dessus du niveau de la mer, à flanc de colline, dominant la vallée de la Seine.

Un concours est ouvert entre le 20 avril et le 30 juillet 1930, avec un cahier des charges précis. Plusieurs architectes, déjà relativement connus, se présentent, dont G-H Pingusson, H.Chopin, Jacques Droz, Joseph Buckiet, Pol Abraham, H-J Le Même, Gogois, Borromée et Chappey. La revue Architecture d’aujourd’hui consacre son numéro d’avril 1932 à la présentation du projet de G-H Pingusson. Ce projet privilégie le bâtiment unique tout en longueur, à plusieurs niveaux.

Le 1er aout 1930, Edouard Crevel et Paul-Jean Decaux sont déclarés lauréats. Leur projet tire parti du site en y répartissant les bâtiments selon leur fonction et selon le relief du terrain. Ainsi les pavillons des malades sont-ils situés en partie haute du domaine, tandis que les bâtiments du personnel et les bâtiments administratifs occupent le milieu du plateau. Les bâtiments de service (buanderie-lingerie et désinfection) sont situés en hauteur au bout du parc,quant à la station d’épuration, elle est reléguée au fond du parc à l’ouest dans la partie la plus basse du terrain (elle sera achevée après la Seconde Guerre mondiale).

Pour cette réalisation Crevel et Decaux se sont inspirés du projet de sanatorium réalisé par Charles Döcker à Waiblingen (Allemagne). Le sanatorium de Waiblingen réunit en effet deux innovations : utilisation de gradins (au sud) et encorbellement (au nord), permettant un ensoleillement maximum et la conception de chambres standardisées. Döcker publia ce modèle en 1932 dans son ouvrage "Terrassentyp".

Le projet de Crevel et Decaux répondait à la fois aux contraintes de mise en sécurité des malades et de leur surveillance (séparation des sexes, convergence des voies devant l'administration, clôture périphérique..) mais aussi aux critères d'hygiène requis pour ce type d'établissement (aération des salles, matériau d'entretien facile). La dimension esthétique du projet ne fut pas écartée, malgré un cahier des charges très strict.

Le « mémoire explicatif et justificatif » des architectes insiste sur l’aménagement des routes empierrées qui doivent faciliter les travaux de la construction puis permettre par la suite une circulation aisée d’un bâtiment à l’autre. La virginité du terrain, occupé simplement au sud-est par une propriété plus ancienne que le projet, oblige à effectuer des travaux de voiries et de terrassement de grande ampleur. Le problème majeur –largement débattu dans la correspondance administrative- sera celui de l’approvisionnement en eau pour les travaux. Un premier forage est effectué, le plus loin possible dans la station d’épuration, au nord-est du terrain. Après des déboires techniques, un second forage sera entrepris quelques mètres en retrait du premier. Un puits artésien de 145 mètres est ainsi creusé, qui mis sous pression par un appel d’air, alimentera le château d’eau construit à proximité. Le second problème, qui tournera au scandale via la presse, sera l’embauche presque exclusive de main d’œuvre étrangère sur le chantier.

Les opérations d’adjudication pour le choix des entreprises débutent le 29 février 1931 et prennent fin le 9 mars 1931, date à laquelle M.Lauret est désigné comme adjudicataire pour l’ensemble des 8 lots. L’entreprise générale prend à sa charge les travaux de construction jusqu’aux égouts. Ces travaux débuteront à partir du mois d’avril 1931. A la fin de l’année 1931,le gros œuvre des 3 bâtiments est achevé. Les bâtiments annexes sont en cours de finition. Le puits est terminé et la station d’épuration des eaux usées est aménagée par le bureau technique d’hygiène des Établissements Hygéa-Simplex, société installée à Paris. La construction de la buanderie, de conception novatrice avec ses appareils perfectionnés, est prise en charge par la Société des Anciens Établissements Mezger.

Au cours des travaux d’aménagement des voies de circulation, il apparaît rapidement que le sol est de constitution variée et inégale selon les endroits du parc. Les architectes furent obligés de revoir la position des pavillons et d’entreprendre une adaptation au sol en déplaçant les bâtiments de quelques mètres de l’endroit initialement prévu. Ils s’en expliquent dans un second rapport,révélant les disparités entre le cahier des charges et ses vœux, et la disparité du terrain.

Un certain nombre de bâtiment figurant au marché ne seront finalement pas construits. L’idée de la ferme avec hangar est écartée par la commission le 25 mars 1931, qui décide de remployer le bâtiment existant à usage de garage (aujourd’hui détruit). Le projet d’usine ainsi que celui de réseau d’égouts reliant les bâtiments à la centrale sont annulés également. Le projet de chauffage initial alimentait les chambres par des bouches à air chaud situées à 2 mètres environ de hauteur. Dès le mois d’août 1931, un chauffage électrique est demandé. Sur les photographies anciennes, on distingue en effet de petits appareils électriques en partie basse des murs des chambres. Ce chauffage électrique s’avérera extrêmement couteux et fut remplacé dans les années 1950 par du chauffage au fuel.

Le sanatorium ouvre ses portes le 18 juillet 1933, son coût global s’élève à 31 millions de francs. De nombreuses malfaçons seront par la suite dénoncées sur l’ensemble des bâtiments et plus particulièrement sur les pavillons. Elles entraineront divers procès dans les années 1935-1938. Un engagement d’une instance administrative devant le conseil de préfecture est pris contre Decaux, Crevel et Lauret pour imperfections, défectuosités et malfaçon dans les travaux de construction. S’ajoutera à cela un nouveau scandale lié à de fausses factures et menaçant le sanatorium de fermeture dès1939….

En 1935, des salles de bains-douches sont aménagées pour que les personnes soient isolées au moment de leur toilette et non regroupées par dix comme prévu. En 1937, on demande à M.Puteaux, architecte départemental, de restaurer le bâtiment des médecins, inhabitable. Enfin un devis de travaux est effectué le 2 juin 1942 en vue de l’installation d’un camps de femme

Le site d’Aincourt a en effet une histoire chargée puisque ce fut un lieu d’internement pour les résistants à partir du 5 octobre 1940. L’autorité militaire avait réquisitionné le lieu en 1939, sous la dénomination de « centre de séjour surveillé ». Le camp compta jusqu’à 600 internés à la fin de 1940, venus de plusieurs départements. L’encadrement était assuré par des gendarmes français. Début 1942, le camp est progressivement vidé de ses internés. Le mois suivant, il est réservé aux femmes résistantes qui furent pour la majorité d’entre elles déportées au camp de Ravensbruck. En mars 1943, Bousquet installe à Aincourt une école de formation des Groupes Mobiles de Réserve (GMR) chargés, avec les milices, de traquer les résistants. Le camp fut officiellement dissous le 13 septembre 1943 et le site reprit sa fonction première de centre de cure à partir de 1946.

Parmi les pavillons, seul celui des hommes (Tamaris) avait servi de camps. Le pavillon des enfants (Cèdres) était réservé aux gendarmes tandis que celui des femmes (Peupliers) ne fut jamais utilisé. Les pavillons étaient entrain mauvais état après la guerre, mais la recrudescence de la tuberculose poussa à la réutilisation du lieu comme sanatorium.

Un bloc opératoire très moderne, le bloc Pierre Le Foyer du nom de son inventeur, fut créé en 1955. On aménagea également une piscine de soins dans le pavillon des enfants, désormais baptisé les Cèdres.

Dans les années 1970, le directeur et médecin du centre fit aménager un jardin japonais dans un but thérapeutique. Encore entretenu, il a été remarqué dans le cadre de l’inventaire des parcs et jardins du Val d’Oise.

Les nouveaux noms des pavillons correspondent réellement à des plantations de peupliers, cèdres et rhododendrons autour des pavillons respectifs. Aujourd’hui l’ancien sanatorium dépend du Centre hospitalier du Vexin, établissement public départemental, auquel est rattaché l’hôpital de Magny-en-Vexin depuis le 16 juin 1988. Cet établissement (400 salariés en tout) est géré par un conseil d’administration présidé par le maire de Magny-en-Vexin. Un directeur a en charge les deux établissements. Aincourt est un centre de moyen et long séjour (rééducation, nutrition-diététique, pneumologie)

Un pavillon seulement est en fonctionnement, celui des enfants (le pavillon des Cèdres). Le pavillon des Femmes (Peupliers) et celui des hommes (Tamaris) sont désaffectés depuis une vingtaine d’années. Les pavillons destinés à l’origine aux logements des médecins et salariés ainsi que l’ancien château sont aujourd’hui des propriétés privées, tandis que le pavillon des femmes (Peupliers) et les bâtiments de la buanderie et de la désinfection ont été vendus.

Le 1er février 1999 (arrêté 99-147) sont inscrits sur l'Inventaire supplémentaire des Monuments historiques le pavillon des Tamaris, le pavillon des Peupliers et la station d'épuration [notons qu'à l'échelle nationale, seulement 3 sanatoriums sont inscrits sur l'ISMH : sanatoriums d'Arès, de Clermont-Ferrand et de Saint-Raphaël].

Le site sur lequel se trouve le sanatorium fait partie du Parc Naturel régional du Vexin (créé en 1995), et fait actuellement l'objet d'un projet de réhabilitation en logements (pour les deux pavillons désaffectés) porté par le groupe immobilier François Ier.

  • Période(s)
    • Principale : 2e quart 20e siècle , daté par travaux historiques
  • Dates
    • 1933, daté par travaux historiques
  • Auteur(s)
    • Auteur :
      Crevel Edouard
      Crevel Edouard

      Élève de Paulin à l’École des beaux-arts, il fonde avec Paul Decaux une agence en 1921 (fin de leur collaboration en 1938). E.Crevel est attaché aux travaux de la gare du P.L.M. [en 1906] en tant qu'architecte de la S.N.C.F., puis chargé du secteur de la Région parisienne pour l'édification de groupes d'habitations. En 1910, il devient architecte en chef de la Ville de Paris et du département de la Seine. En 1937, il est directeur adjoint de l'architecture, des parcs et jardins à l'Exposition internationale à Paris. Après la Seconde Guerre mondiale, il est nommé architecte en chef de la Reconstruction et réalise des sanatoriums, prParis. Après la Seconde Guerre mondiale, il est nommé architecte en chef de la Reconstruction et réalise des sanatoriums, préventoriums, hôpitaux. Il membre de la S.A.D.G. le 20 septembre 1910, figure encore dans l'annuaire 1962; inscrit à l'Ordre des architectes en 1943; mort à Paris 16è le 2 juin 1969;

      Archives nationales de France, AJ/52/403, dossier d'élève; Archives nationales de France, dossier Légion d'honneur, 19800035/989/14532;

      A Paris, il réalise l'Institut d'Hygiène dentaire, rue Georges Eastman, dans le 13e arrondissement [1937] et le groupe scolaire situé 53 avenue de la Porte d'Ivry [1933-1937)

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      architecte, architecte communal attribution par travaux historiques
    • Auteur :
      Decaux Paul
      Decaux Paul

      Élève de Paulin à l’École des beaux-arts, Paul Decaux fut architecte des Monuments historiques du Pas-de-Calais de 1909 à 1950. A ce titre, il est l’un des principaux maîtres d’œuvre de la reconstruction à partir de 1919, notamment à Arras. Son fonds d'archives (conservé aux Archives du Pas-de-Calais) comprend un remarquable ensemble de plaques photographiques, montrant les chantiers qu'il a dirigés.

      Archives nationales de France, AJ/52/419, dossier d’élève; fonds aux Archives départementales du Pas-de-Calais,

      cote 45 J; Archives nationales de France, dossier Légion d'honneur, 19800035/935/8903

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      architecte départemental attribution par travaux historiques

Situé dans un parc de 90 hectares, le site se divise en 4 zones : les pavillons des malades, les bâtiments de services, les logements du personnel et les locaux administratifs.

Les pavillons des malades :

Pavillon des Hommes, ainsi nommés sur les plans, situé le

plus au sud de l’entrée, baptisé Bonnefoy-Sibour au moment de la construction, s’appelle aujourd’hui les Tamaris.

Pavillon des Enfants, baptisé du nom du président de la commission départementale de l’époque, Louis Amiard, porte le nom Les Cèdres. Situé au milieu du parc, entre les deux autres pavillons, il fonctionne aujourd’hui à 100% et a fait l’objet de réaménagements conséquents.

Pavillon des Femmes, situé le plus au nord au fond du parc, fut baptisé Pavillon Edmond Vian à sa construction, du nom du médecin à l’origine du projet, il s’appelle depuis Les Peupliers et est désaffecté.

Disposé dans un parc constitué de chênes, hêtres, et bouleaux, les pavillons des malades furent construits avec une distance de 400 à 500 mètres entre eux. Le pavillon des Hommes est séparé des autres pavillons par les logements des médecins, ce qui semble être un choix délibéré dès le départ. Long de 215m pour les Pavillons des Hommes et des Femmes, de 235m pour celui des enfants, ces bâtiments sont orientés au sud-est avec une vue très large sur le parc.

Ils sont tous 3 dessinés selon le même modèle, les légères différences de plan ou d’élévation s’expliquant soit par la fonction du bâtiment (des dortoirs, et des services médicaux supplémentaires ont été installés dans le pavillon des Enfants), soit par la déclivité du terrain (un cinquième niveau a pu être aménagé au Pavillon des Hommes). Ils constituaient chacun une entité indépendante avec services médicaux, cuisine et salle de loisir, etc… Le site entier était quasi autonome, sauf en matière d’alimentation électrique (de nombreux transformateurs existent encore).

Le plan d’un pavillon présente un corps central rectiligne, long et peu large (12m environ), flanqué à chaque extrémité d’un bâtiment légèrement incliné vers l’intérieur destiné à l’est aux cuisines, réfectoire et salle de loisir, à l’ouest au service médicaux.

Chacun des bâtiments est relié à la partie centrale par une galerie courbe. Deux escaliers principaux desservent les lieux. Ils sont situés à chaque extrémités du corps central en hors œuvre et doublé d’un ascenseur. Deux petits escaliers secondaires desservent plus discrètement les ailes des services. L’un d’entre eux est situé à l’extrémité du bâtiment est, l’autre se trouve au commencement du bâtiment ouest.

Le corps central se compose d’une enfilade de chambres donnant sur une galerie de cure, ou solarium, orientée au sud-est. Le but recherché était de favoriser l’entrée de la lumière et de l’air dans la chambre, tout en protégeant la galerie de cure des rayons directs du soleil. C’est ainsi que les galeries furent bordées d’un auvent au-dessus duquel ont été aménagées des ouvertures rectangulaires permettant une aération et un ensoleillement de la chambre supplémentaire.

Un couloir de circulation garni de placards (car ceux-ci sont interdits dans les chambres) longe et dessert les pièces. De l’autre côté du couloir, au nord-ouest et uniquement au rez-de-chaussée, quelques salles furent aménagées en galerie de cure d’été ou en salles de douche.

Cette disposition ne pouvait pas se retrouver aux niveaux supérieurs, constitués simplement de l’enfilade de chambres et du couloir. En effet, en élévation, chaque pavillon comprend 3 niveaux de chambres disposés en gradins. Grâce à l’utilisation du béton armé, il fut possible de développer une disposition élaborée du poteau porteur permettant de décaler chaque étage de chambre et de galerie tout en récupérant le déséquilibre des charges à l’arrière. Le décrochement observé sur la façade postérieure au niveau du 3e étage correspond justement au retrait de la galerie. Un éclairage maximum y était assuré.

Les galeries de cure sont ponctuées de coupe-vent en verre dépoli, sur châssis de béton armé, individualisant le solarium par chambre. Une balustrade court le long des terrasses offrant un très beau dessin des lignes, y compris dans le traitement de l’angle. Les barreaux de la balustrade ont été fixés par souci d’esthétisme sous la dalle de la terrasse. Les barreaux situés aux angles des galeries viennent épouser la partie supérieure du poteau d’angle, le tout formant un chapiteau stylisé.

Les sols des pièces, des couloirs et des vestibules sont en granito de marbres, ainsi que certaines parties de murs dans les toilettes. Aucun lieu ne présente de décor particulier. Le dessin des moulures et des serrures se fit en fonction des normes d’hygiène ainsi qu’à l’économie. Les menuiseries, en chêne à l’extérieur, en pin de l’Orégon à l’intérieur, ont été directement fixées sur le béton, scellées au mortier de ciment. La vitrerie est ordinaire, sauf chez les enfants, où elle est armée par du grillage noyé dans la masse.

Les escaliers offrent tous un dessin identique, escalier tournant à noyau ovale pour les principaux et carrés pour celui situé dans le bâtiment est. Les cages d’escalier diffèrent légèrement. La cage de l’escalier situé à l’extrémité ouest de la partie centrale est à pans coupés percés de baies rectangulaires comprenant des meneaux de béton. La cage d’escalier opposée ne présente pas de meneaux, les baies rectangulaires sont simplement fermées par de larges carreaux, enchâssés dans des menuiseries épaisses formant des sortes de claustra. Chaque baie peut s’ouvrir à l’aide d’un système de targette.

Le pavillon des Hommes (Tamaris) est le bâtiment le plus authentique même si il est aujourd'hui considérablement ruiné. Tout est resté en l’état, y compris les balcons et leur balustrade qui viennent « animer » l’austère façade du nord-ouest. Sur la façade sud, le pavillon des hommes offre la particularité d’avoir 5 niveaux en partie ouest. En effet, la forte déclivité du terrain permit de créer un soubassement sous la première galerie, aménagée en salles de cours et en locaux techniques. Cette dénivellation se lit également au niveau de l’aile coure qui possède deux petits escaliers extérieurs à plusieurs marches contrairement aux autres bâtiments. La différence de niveaux s’estompe progressivement lorsqu’on se dirige vers l’est.

Le pavillon des Cèdres (Enfants) est le plus transformé, il fut rhabillé de carreaux de céramique il y a une dizaine d’années (et on a réalisé une piscine). La façade sud est également très transformée, les ouvertures entre l’auvent et la dalle ont été supprimées, ainsi que les coupes vents, les menuiseries refaites en PVC, les balustrades repeintes. Le décrochement des niveaux en gradin est désormais illisible.

Le pavillon des femmes est désaffecté depuis plus de 10 ans, seules la structure et les escaliers sont indemnes.

Les plans des pavillons, conservés aux Archives Départementales du Val d'Oise, diffèrent peu du plan qu’on peut observer in situ. Des particularités comme le niveau supplémentaire du pavillon des Hommes ne sont pas indiqués. A l’inverse des escaliers ou des baies dessinées en façade sud des pavillons ne furent jamais réalisés. Les architectes semblent s’être beaucoup investis dans le dessin des bâtiments de service et de logements alors que, in fine, plusieurs d’entre eux ne virent jamais le jour.

Les logements des ouvriers, des infirmières et la salle des fêtes les accompagnant ne virent jamais le jour.

Les bâtiments de service :

Une buanderie-lingerie ainsi qu’un pavillon de désinfection furent aménagés au nord-est du parc, non loin du pavillon des Femmes. Aujourd’hui désaffectés, ils étaient disposés en équerre. Édifiée sur un seul niveau, la buanderie se composait de 3 salles, tri-lavage-pliage, très perfectionnés pour l’époque. Tout le matériel a disparu. Les plans des archives ne correspondent pas tout à fait à l’existant qui comprend moins de baies en façade postérieure que sur l’élévation d’origine. Le pavillon de désinfection est aussi sur un seul niveau. Des crachoirs en faïence distribués aux malades y étaient nettoyés.

Le château d’eau, abandonné, trône encore au delà des bâtiments précités. Une zone d’incinération dont la cheminée est encore en place avait été aménagée entre le puits et la buanderie.

La station d’épuration située à l’ouest, est une des dernières fonctionnant par gravité, toutes les parties ont été conservées. Les bacs en béton remplis de blocs de lave et de charbon dans lesquels l’eau se nettoie et s’égoutte sont dégradés. Les fosses de décantation sont situées en contrebas.

Il existait également une morgue : petit édifice situé en bordure de la route à l’entrée du parc, qui n'a pas été dénaturé et servait encore en 1998 de chambre mortuaire.

Les logements du personnel :

Les logements du personnels étaient rassemblés dans un immeuble situé le long de la voie d'accès aux pavillons des malades. D'abord conçu selon un plan en U, on lui aouta une barre perpendiculaire au sud tout en supprimant une barre du U, ce qui donne aujourd'hui un bâtiment en forme de deux équerres inversées.

La maison des infirmières : elles logeaient soit sur place dans le pavillon des enfants, soit dans une maison indépendante. Le pavillon destiné à les loger (prévu) n'a jamais été construit.

Les maisons des médecins : Accessibles par une route partant du carrefour de la Direction, elles étaient au nombre de 5, mais le nombre est passé à 8 dans les années 1960. les pavillons d'origine destinés aux médecins mariés et célibataires offrent chacun un plan et une élévation différente quoique dans un style semblable propre aux années 1930 : toit-terrasse (aujourd'hui remplacé par un toit à double pente), ouvertures rectangulaires, cages d'escalier à pans coupés animé de claustra, balcon en béton, fenêtre d'angle....

Les bâtiments administratifs :

Placé dans l'axe de la voie de circulation principale du site, le bâtiment de la direction (dit Pavillon de l'administration et de l'économat) possède un plan irrégulier présentant à l'origine une façade flanquée de deux ailes de longueur inégale, disposées en oblique vers l'arrière de l'édifice. Le bâtiment possède une cage d'escalier zn hors-œuvre à pans coupés avec "claustra". Il était obligatoire de passer devant ce bâtiment pour se rendre à quelque endroit du site. La partie centrale est toujours en activité, des bureaux se trouvent au rez-de-chaussée.

L"école" est un bâtiment construit sur un seul niveau, qui comprend une salle rectangulaire et une salle en forme de rotonde. l'ensemble est percée de nombreuses baies, une cour se déploie à l'avant du bâtiment.

A l'arrière de la direction fut construit un bâtiment à usage technique, disposant de garages au rez-de-chaussée, et de logements au premier niveau. De part et d'autre de ce bâtiment furent rajoutés des locaux techniques, formant une cour.

Dans les années 1970, à l'initiative du Docteur Amon, fut créé un jardin japonais. On y remarque encore la présence d'un Tori (portique traditionnel). Ce jardin s'inscrit dans un objectif thérapeutique à destination des patients.

  • Murs
    • béton béton armé crépi
    • faïence
  • Toits
    béton en couverture
  • Couvrements
    • dalle de béton
  • Couvertures
    • terrasse
  • Escaliers
    • escalier hors-oeuvre : escalier tournant cage ouverte
  • État de conservation
    inégal suivant les parties, mauvais état

Documents d'archives

  • Acquisition du domaine; adjudication des travaux, 1930-1931

    Archives départementales du Val d'Oise, Cergy-Pontoise : 4N360
  • Devis et plans 1930-1932

    Archives départementales du Val d'Oise, Cergy-Pontoise : 4N361
  • Travaux adduction d'eau et évacuation buanderie, 1931-1932

    Archives départementales du Val d'Oise, Cergy-Pontoise : 4N362
  • Devis estimatifs, plans 1930-1932

    Archives départementales du Val d'Oise, Cergy-Pontoise : 4N363
  • Devis, rapport sur les malfaçons, 1935-1936

    Archives départementales du Val d'Oise, Cergy-Pontoise : 4N364
  • Malfaçons, mémoire et procès, 1935-1936

    Archives départementales du Val d'Oise, Cergy-Pontoise : 4N365
  • Travaux divers, instance, procès, rapport à la commission, 1935-1940

    Archives départementales du Val d'Oise, Cergy-Pontoise : 4N366
  • Malfaçons, 1937

    Archives départementales du Val d'Oise, Cergy-Pontoise : 4N367
  • Travaux, plans, photos, correspondance, rapports, 1930-1941

    Archives départementales du Val d'Oise, Cergy-Pontoise : 4N374
  • Travaux, installations électriques, forage des puits, plans, 1931-1934

    Archives départementales du Val d'Oise, Cergy-Pontoise : 4N375
  • Dossier de pré-inventaire du Val d'Oise, 1986

    Archives départementales du Val d'Oise, Cergy-Pontoise
  • Isabelle Loutrel, 95/Aincourt Sanatorium, dossier préalable à la protection, 1998

    Direction régionale des affaires culturelles d'Ile-de-France, conservation régionale des monuments historiques, Paris
  • Pierre-André Lablaude, Sanatorium d'Aincourt, étude préalable de diagnostic d'état et de programmation, 2009

    Direction régionale des affaires culturelles d'Ile-de-France, conservation régionale des monuments historiques, Paris
  • Philippe Grandvoinnet, Histoire des sanatoriums en France, 1915-1945 : une architecture en quête de rendement thérapeutique, Thèse de Doctorat. Histoire culturelle et sociale de l'architecture et des formes urbaines. Versailles-St Quentin en Yvelines, 2010. sous la direction de Anne-Marie Châtelet et Bruno Reichlin

Bibliographie

  • Paul Chemetov, Marie-Jeanne Dumont, Bernard Marrey, Paris-Banlieue 1919-1939, Paris, 1990

    p.128
  • Isabelle Duhau, Pierre-Louis Laget, Claude Laroche, L'hôpital en France. Histoire et architecture. Lyon, éditions Lieux-Dits, 2012

  • Pierre-Louis Laget, « L’invention du système des immeubles à gradins. Sa genèse à visée sanitaire avant sa diffusion mondiale dans la villégiature de montagne et de bord de mer », In Situ [En ligne],24 | 2014, mis en ligne le 18 juillet 2014, consulté le 12 octobre 2018. URL : http://journals.openedition.org/insitu/11102 ; DOI : 10.4000/insitu.11102

Périodiques

  • Le Bâtiment illustré, "Le sanatorium de la Bucaille à Aincourt", octobre 1933

  • L'Illustration," Un sanatorium départemental-modèle", 2 septembre 1933, pp.24-25

    pp.24-25
  • Architecture d'aujourd'hui, "Projet de Sanatorium pour Aincourt par G-H Pingusson", avril 1932

    pp.25-28
  • La Vie saine, supplément : La Seine-et-Oise et la santé publique, "La lutte contre la tuberculose en Seine-et-Oise", octobre 1925

Annexes

  • Annexe n°1
Date(s) d'enquête : 2019; Date(s) de rédaction : 2019
(c) Région Ile-de-France - Inventaire général du patrimoine culturel
Sol Anne-Laure
Sol Anne-Laure

Conservateur du patrimoine, service Patrimoines et Inventaire, Région Ile-de-France.

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